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TIKEN JAH FAKOLY pdf print E-mail
Ecrit par Stephane Burgatt  
vendredi, 14 novembre 2008
 

 

Avec Alpha Blondy, Tiken Jah Fakoly est la grosse pointure du reggae ivoirien. La comparaison s’arrêtant là tant les hommes divergent dans leurs positions et se détestent. En pleine tournée marathon, une interview était le minimum que nous puissions offrir à cet homme qui a tant de choses à dire.


Quelle est la vie pour un artiste en Afrique ? On a quelques exemples fameux comme Alpha Blondy mais qu’en est-il pour les autres ?

Beaucoup d’artistes en Afrique galèrent. Si un jour il y en a un qui te dit qu’il vit de son art sur le continent africain, il ne te dit pas la vérité. Car tous ceux qui vivent décemment de leur musique sont ceux qui font des tournées sur le plan international.

Tu utilises ta musique comme un vecteur d’éveil de consciences.

Effectivement, c’est ce que j’ai fait mais je ne suis pas le premier pour autant. Dans toutes les sociétés, depuis la nuit des temps, des artistes se sont servis de leur art pour prendre position. Et nous faisons aujourd’hui partie de la relève de ceux-là. Je prends l’exemple de Bob Marley qui a fait de cette musique quelque chose de noble. Il avait choisi de prendre position pour les «sans voix». J’essaie de suivre le chemin de Bob Marley. Lui qui avait joué ce rôle de rassembleur.

Tu as vraiment l’air attaché à cette notion d’intégrité de l’artiste !

Quand on voit la tournure du monde, je pense que c’est effectivement presque une obligation pour un artiste d’être intègre, engagé et de prendre position pour ceux qui ne peuvent pas s’exprimer. Car tu vois aux États-Unis, en France comme en Côte d’Ivoire, les politiques mènent le peuple en bateau vers des destinations inconnues.

En Afrique, un artiste peut-il afficher publiquement son soutien politique pour tel ou tel personnage ?

En Amérique, il y a un niveau de démocratie que nous atteindrons peut-être dans cinquante ou cent ans (ndlr : en Côte d’Ivoire). En Afrique, il peut être dangereux, sinon préjudiciable, d’avoir ce genre d’attitude.
Mais pour eux, puisque c’est l’exemple incontournable en ce moment, ils sont à un niveau tel que ce n’est plus un problème. Chez nous, l’artiste doit rester impartial.

Mais pour ce qui est de ton opinion, je crois comprendre que tu es contre le fait de tisser des couronnes de laurier à des personnes dont tu ne sais pas ce qu’elles vont faire une fois arrivées au pouvoir.

Exactement. C’est un manque de confiance, pas une peur, due au fait d’avoir vu tant de gens se succéder au pouvoir, sans la moindre amélioration pour le peuple. En Côte d’Ivoire, avant de prendre la tête de l’état, Laurent Gbagbo a été le seul opposant au pouvoir pendant des années ! Et pourtant, il y a eu autant sinon plus de détournements de fonds et de gâchis sous sa présidence… Ils se défendent en disant qu’il y a eu la guerre. Mais à la base, si ces personnes avaient eu un discours rassembleur qui puisse amener les Ivoiriens à réfléchir autrement, nous ne serions jamais passés par toutes ces choses-là !

Mais à un certain moment, tu n’as justement pas été impartial, ce qui t’as valu quelques ennuis…

J’ai pris position car il y a eu une guerre de justice contre l’injustice. Je n’avais pas pris position pour la rébellion ; j’ai dit que je ne les soutenais pas mais que je les comprenais. Nous étions alors dans une phase où les gens se disaient : «Quand tu n’es pas avec moi, tu es contre moi». J’ai dû ainsi quitter mon pays en 2002 pour des raisons de sécurité. Malheureusement, un ami à moi, comédien, a choisi de rester et il a été retrouvé assassiné en 2003. Moi, je suis rentré en Côte d’Ivoire en décembre 2007 et j’ai donné deux concerts : l’un à Abidjan, l’autre à Bouaké, respectivement capitales de l’état et de l’ex-rébellion. Car quand on veut rentrer dans l’histoire, il faut faire attention à la manière dont celle-ci sera écrite.

Stéphane Burgatt, le 13/11/2008

Photos © Mitko Gheorghiev