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CHICAGO BLUES FESTIVAL 2010 (4/4) pdf print E-mail
Ecrit par Jocelyn Richez  
samedi, 31 juillet 2010
 

CHICAGO BLUES FESTIVAL
CHICAGO - (ILLINOIS)
Du 11 au 13 juin 2010

http://www.chicagobluesfestival.org
http://www.route-du-blues.net

Retour vers le précédent épisode

Le dimanche matin est généralement réservé au Delmark Brunch qui a lieu chaque année au Jazz Record Mart. Dès mon entrée dans le célèbre magasin de disque, je suis tombé sur Bob Koester, le boss du label Delmark et du magasin qui m'a tendu un micro pour me présenter. Il m'avait déjà fait le coup il y a quelques années … Ce Delmark Brunch est un moment privilégié où on peut déguster un excellent petit déjeuner offert, tout en explorant les fabuleux rayons du magasin et en écoutant quelques artistes du label présents pour un show case.

En l'occurrence, les artistes présents pour cette édition 2010 étaient Mississippi Heat (John Primer, Pierre Lacoque, Inetta Visor, Kenny Smith, Rockin' Johnny), Tail Dragger, Willie Buck, Dave Weld sans compter ceux qui étaient là en simples spectateurs comme Little Al Thomas (celui là, je l'apprécie beaucoup), Eddie C Campbell (et ses filles), Bob Corritore, Felix Reyes et Bill "Howlin' Mad" Perry. J'en oublie peut être… Bref, inutile de le préciser, la musique proposée était superbe. Et puis, il y avait dans ce magasin une importante concentration d'amis comme André Hobus et sa femme, Philippe Pretet, Robert Sacré, Erik Diard et ses amis de Blues & Co, Peggy Brown (que j'avais rencontrée en 2008 à Jackson Mississippi, et qui s'occupe d'artistes locaux comme l'excellentissime King Edwards) …


Sur le chemin qui mène du Jazz Record Mart à Grand Park où se déroule le festival, j'ai retrouvé Little Scottie qui comme les années précédentes avait installé au croisement de Monroe et de Michigan un petit stand où il vendait des badges en l'honneur d'Obama et de diverses causes qui lui tiennent à cœur. Si on le lui demande, il peut même vous vendre ses CD autoproduits et faits à la maison en l'échange de dix dollars. Il avait l'air content de me voir moi et mes amis. Je précise que Little Scottie (de son vrai nom Clarence Scott) fut un remarquable chanteur, un showman hors pair, un personnage haut en couleur qui aimait les tenues excentriques, voyantes et colorées, les grosses bagues et d'une manière générale tout ce qui brille. Il reste une des personnalités marquantes du South Side, sa vie est un véritable roman, il a grandi en Caroline du Sud dans une famille de ramasseurs de coton, il fut défiguré par un incendie alors qu'il était gamin, il fut tour à tour prédicateur, évangéliste, chanteur mais aussi proxénète, activiste, défenseur de Maxwell Street dont il fut une figure majeure, militant pour les droits civiques à la fois pacifiste, anti racisme, anti drogues et anti peine de mort ; engagé politiquement, il a activement travaillé pour les campagnes électorales de Jessie Jackson et Harold Washington, je vous conseille d'ailleurs de lire le formidable livre "Chicago blues – portraits and stories" de David Whiteis dont le quatorzième chapitre lui est entièrement consacré. Il a chanté aussi bien des gospels comme "Jesus Is Allright With Me" ou "Voting For Jesus" que des blues salaces comme "Hot Dog" ou "I Want To Play With Your Percolator". Je l'ai connu au début des années 2000, à une époque où il était encore un performeur flamboyant. Depuis quelques années déjà, il ne peut plus ni chanter ni parler, mais à l'aide d'un petit tuyau qu'il entre dans la gorge via un trou qu'il a au milieu du cou, il arrive à se faire comprendre.


Le premier concert du jour sur le site du festival est celui de Quintus Mac Cormick, un chanteur / guitariste que j'avais découvert il y a quelques années dans le South Side au Artis's et qui a récemment sorti un CD sur le label Delmark. C'est un bon guitariste au jeu fluide et énergique.

Dans un style diamétralement opposé, je suis ensuite allé voir deux personnalités majeures du blues contemporain du Mississippi, le discret Jimmy "Duck" Holmes et l'extraverti Terry "Harmonica" Bean pour un set de delta blues acoustique lancinant et hypnotique.

Retour à un blues électrique et dynamique avec les Cash Box Kings emmenés par leur leader le chanteur / harmoniciste Jo Nosek, avec notamment Billy Flynn à la guitare et Kenny Smith à la batterie mais aussi des invités de marque comme Jimmy Sutton (des Four Charms) et Oscar Wilson pour un excellent concert très animé.

Le concert du vétéran de Maxwell Street Dancin' Perkins fut lui très décevant, rien à voir avec ceux formidables des années précédentes où il était accompagné de "Iceman" Robinson and Smilin' Bobby aux guitares, Frank "Little Sonny" Scott aux percussions, et de son fils Chris à la batterie. Cette fois, il était accompagné par les Checkmates qui ne lui ont pas permis de s'exprimer, il s'est retrouvé plus ou moins figurant de son propre concert et n'a que très peu dansé, quel énorme gâchis ! Pendant ce concert, j'ai retrouvé dans le public un autre bassiste, mon ami Frank Bandy, lui aussi un peu dépité. J'ai aussi trouvé un Smilin' Bobby attentif qui m'a annoncé qu'il jouerait ce soir au Keynote Lounge sur la 63ème Rue. Excellente occasion de voir jouer Smilin' Bobby tout en découvrant ce club auquel le dernier numéro d'ABS consacre pas moins de six pages. En me baladant dans les allées du festival, j'ai croisé Barry Dollins, le programmateur du festival, en pleine discussion avec Guitar Shorty, le célèbre photographe Jeff Dunas, l'incontournable David Whiteis et beaucoup de musiciens dont Bobby Rush en personne. C'est justement Bobby Rush que je suis ensuite allé voir. Un Bobby Rush en formation très réduite (chant / guitare / harmonica) simplement accompagné de Dexter Allen, un jeune guitariste très prometteur venu du Mississippi. Je ne vous surprendrai pas en vous annonçant que Bobby Rush a remporté un grand succès auprès du public, un public mixte où blancs et noirs se mélangeaient, riant beaucoup aux blagues d'un Bobby Rush toujours très expressif et appréciant cette musique délicieusement dépouillée.

Le concert suivant proposait l'association de deux colosses de la guitare Carl Weathersby et Larry Mac Cray. Les deux s'entendent parfaitement bien et cela a donné lieu à quelques joutes guitaristiques des plus spectaculaires. Evidemment, il faut aimer la guitare … Carl Weathersby avait un pied dans le plâtre mais ça ne l'a visiblement pas beaucoup gêné. A voir son large sourire durant tout ce concert, je peux affirmer qu'il s'est bien amusé, je me permets même de dire qu'il a pris son pied !

Pour le concert suivant, retour à l'acoustique avec un duo local programmé récemment au Spring Blues Festival à Ecaussinnes (Belgique), Eric Noden (guitare / chant / kazoo) et le virtuose de l'harmonica Joe Filisko pour un set de country blues.

Homemade Jamz Blues Band est un trio composé de jeunes frères et sœurs venus de Tupelo, Mississippi. Je les avais découverts sur cette même scène Juke Joint il y a deux ou trois ans. L'ainé Ryan Perry (guitare solo et chant) a maintenant 18 ans, Kyle Perry (basse) en a 16 et Taya Perry (batterie) 11 soit une moyenne d’âge de 15 ans. Il n'y a pas que des vétérans à Chicago ! Ils maîtrisent parfaitement leurs instruments et la batteuse Taya qui a bien grandi est particulièrement impressionnante, ils font le show, la guitare et la basse ont un look particulièrement spectaculaire mais la voix m'est apparue en retrait, pas encore complètement mure. Peut être un problème de balance car en CD, la voix est très honnête.

Malheureusement, le concert suivant, celui de Roy Roberts et Barbara Carr fut très perturbé par la pluie battante qui s'est abattue sur Chicago. La scène étant couverte, le concert s'est donc déroulé normalement mais pour le public, c'était une autre histoire ! J'ai donc suivi de loin ce concert avec mon poncho et à l'abri de grands arbres. C'est dommage car c'était la première fois que j'avais l'occasion de voir ces deux artistes soul blues.

Heureusement, la pluie a cessé pour le concert de Guitar Shorty. Le Texan a un son de guitare qui se rapproche de celui de Larry Mac Cray vu plus tôt dans l'après midi. Il propose un répertoire original et une attaque plutôt virile et musclée, un feeling blues mais une énergie rock ! Je suis ensuite allé voir le duo Lil' Ed et Mike Garrett en version acoustique. C'est assez rare de voir Lil' Ed dans une formule acoustique, mais personnellement, je le préfère dans la formule électrique habituelle où il bouge beaucoup, fait des bonds, et "slide" comme un fou alors que là, c'était plus calme et statique, Lil' Ed étant assis sur une chaise.

Je me suis ensuite dirigé vers la scène Juke Joint en espérant voir la jam mais le programme avait pris du retard à cause de la pluie. J'ai assisté au concert de Jarekus Singleton et Keeshea Pratt déjà vus la veille. Comme la veille, j'ai retrouvé Tommy Mac Cracken qui attendait pour participer à la jam. En prévision de la soirée en club, j'ai malheureusement dû quitter le site du festival avant qu'il ne monte sur scène si bien que je n'ai pas eu l'occasion de l'écouter lors de ce voyage.

Enfin, ce séjour à Chicago s'est terminé en beauté avec une nouvelle super soirée en club au Keynote Lounge, toujours dans le South Side. Y était programmé un concert d'Elmore James Jr avec dans le groupe de base Jake Dawson (l'ex guitariste de Willie Kent) et plein d'invités comme Smilin' Bobby, Jerry Jones, Sexy Jaimie, plein de locaux inconnus mais excellents et au final Scott Dirks et Cadillac Zack. Super ambiance exactement comme indiqué dans le dernier numéro d'ABS, ce qui contraste avec la rudesse du quartier au cœur du ghetto. Cette fois, c'est mon ami Felix Ybarra qui m'a rejoint, ayant trouvé un taxi kamikaze (pour reprendre l'expression de Jean Luc Vabres dans ABS) pour l'y emmener. Il n'a sans doute pas regretté le déplacement tellement la musique était bonne, pleine d'enthousiasme et de profondeur, tellement l'accueil était amical et chaleureux. Le décor était typique, très chargé, plein de guirlandes, de ballons de baudruche, plein d'objets brillants et colorés façon arbre de noël comme toujours dans le ghetto. Marcel Benedit, Jean Luc Vabres et Jean Pierre Urbain ont amenés quelques numéros d'ABS qui ont circulés avec beaucoup d'intérêt dans ce public d'habitués qui ne connaissait sans doute pas le moindre mot de Français mais reconnaissait toujours ici ou là un ami sur l'une des photos illustrant l'article.

A la lecture de ce compte rendu, vous vous êtes sans aucun doute rendu compte de la densité de la programmation du Chicago blues festival, même réduit à trois jours, d'autant que cette année, il a bénéficié d'une cinquième scène (18 groupes supplémentaires) à l'initiative de la Windy City Blues Society. Evidemment, je n'ai pas encore le don d'ubiquité et je n'ai pas pu tout voir, en particulier j'ai fait l'impasse sur la scène principale (la Petrillo) les samedi et dimanche soir. Mais cela permet de consacrer pleinement ses soirées aux clubs de la ville qui sont nombreux et méritent vraiment le déplacement. C'est parfois difficile de décrire ce qu'il s'y passe, il faut vraiment y être et le vivre…
 
Jocelyn Richez – juillet 2010