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NUITS BOTANIQUE pdf print E-mail
Ecrit par EL Renardinho  
mardi, 09 mai 2006
 

NUITS BOTANIQUE
DU VENDREDI 28 AVRIL AU DIMANCHE 7 MAI 2005
BRUXELLES (BELGIQUE)
 


Pour sa douzième édition, les organisateurs du festival des « Nuits Botanique » nous avaient concocté un programme riche et varié : des Américains de Calexico aux Français des Têtes Raides, en passant par les Belges de Venus, tout était rassemblé pour faire de ces dix jours un rendez-vous musical incontournable. Morceaux choisis.

Samedi 29 avril, Cirque Royal : Tout est Joli/All is Pretty (Bel) – Les Cow-Boys Fringants (Qué) – Champion (Qué)
http://www.cowboysfringants.com/
http://www.bonsound.com/

La soirée débuta avec la prestation du groupe belge  Tout est Joli, dont le dernier album s’intitule « Ritournelles ». Emmené par Thierry Devillers (clavier, chant) et Michel Debrulle (batterie), le groupe commença son set par une introduction aux résonances africaines : une introduction tout en rythme, portée par la voix grave de Thierry Devillers. S’ensuivit une chanson excellente, très « rock-crooner », à la croisée des chemins entre Tom Waits et Joe Cocker. Le groupe alternait chansons en anglais et en français (« La chanson du Musard », « Action Girl ») dans une sorte de déconstruction progressive de la musique et de mélange des genres, parfois ambitieux et surprenant, parfois ennuyeux et incompréhensible. Le saxophone s’énervait, flirtait avec les aigus, le chanteur faisait jouer sa voix sur des tonalités diamétralement opposées tandis que la chanteuse peinait à se faire entendre dans cet univers dadaïste, rempli de véritables cadavres exquis musicaux, aux textes nourris de philosophie et de poésie. Le groupe quittait la scène et laissait place aux très attendus Cow-Boys Fringants.

Oyé, oyé ! Amis des sonorités linguistiques québécoises et partisans d’un Québec libre et ouvert, je vous enjoints à découvrir les Cows-Boys Fringants, si ce n’est déjà fait. On aime la façon dont le groupe entraîne son public dès la première chanson (« Ti-cul »), le fait bouger, danser ; on adore cet accent si charmant qu’arbore fièrement Karl François Tremblay (dit « le gros ») et les frasques d’un batteur complètement déjanté (Joseph Dominique Jacques Lebeau, dit « domlebo »). On affectionne le charisme discret de la violoniste/accordéoniste Marie-Annick Lépine, impeccable tout au long de la soirée. Enfin, on aime tout simplement parce que le groupe est magique, avec sa musique fraîche, sans colorant ni conservateur, teintée d’altermondialisme et de patriotisme sans pour autant tomber dans le carcan des donneurs de leçon, comme la chanson « Lettre à Lévesque » le montre si bien. Le public aime, des slams se mettent en route. Seule petite fausse note : un départ en fanfare qu’a eu un peu de mal à suivre le chanteur. Cependant, le rappel enthousiaste prouvera que le public ne lui en a pas tenu rigueur. Une dernière chanson, magnifique - « Les Etoiles Filantes » -, et tout redevient calme dans la salle après le départ des chouchous de la soirée : Les Cow-Boys Fringants, et leur album : « La Grand-Messe ».

Passer après les Cow-Boys était la tâche difficile qui était réservée au DJ Champion ; et, on peut le dire, le bougre s’en est vraiment bien sorti. Accompagné d’une basse et de quatre guitares électriques, Champion va nous introduire progressivement dans son monde électronique aux sonorités rock juxtaposées. Champion, de son vrai nom Maxime Morin, devient le chef d’orchestre des « G-Strings », le stratège d’un  combat musical de tous les instants. Tel un artiste peintre, il ajoute par petites touches des couleurs musicales rayonnantes qui donnent un paysage éclatant et mystérieux, plein de beauté. La chanteuse nous ravit de sa voix grave, qui nous fait frissonner à chaque fois qu’elle est poussée un peu plus haut. Omniprésent, véritable toile de fond d’une nature morte bien vivante, Champion impose son style et son charisme. Sans hésiter, on peut recommander son dernier album « Chill’em all », qui sera prochainement distribué en France.

Jeudi 4 Mai, Botanique, Chapiteau : Debout sur le Zinc (Fr) – Saule (Bel) – Les Têtes Raides (Fr)
http://www.dslz.org/
http://www.sauleetlespleureurs.be/
http://www.tetes-raides.tm.fr/

C’est parti pour 50 minutes de set avec le groupe Français Debout sur le Zinc : une musique festive, une présence scénique forte et un mélange de rock-folk et de musette, voilà  les ingrédients qui font de ce groupe une réussite. Le chanteur / trompettiste / violoniste (Simon) occupe l’espace et pratique un jeu scénique séduisant et plein d’entrain, poussé par un guitariste/ chanteur charismatique (Christophe). Le groupe enchaîne les titres de son dernier album – « Les Promesses » -, comme les très bons « Des larmes sur ma manche » ou « Rester Debout » et accroche le public avec ses textes à l’humour malicieux et décalé. Le groupe alterne le très bon avec « l’un peu moins bon » mais toujours avec une envie et une sincérité dans l’interprétation qui n’appartiennent qu’à lui. Le public, nombreux, est cependant entièrement acquis à sa cause et c’est dans l’euphorie générale que Debout sur le Zinc quitte la scène.

Chanteur à texte Belge, Saule fait alors son apparition. Son album, « Vous êtes ici » est un vrai régal de chansons grinçantes, comme « Madame pipi » ou « Le Bal des Timides». On aperçoit, au fil des chansons, des réminiscences de Brassens, portées par la guitare sèche du chanteur et la contrebasse, en arrière plan. Les chansons de Saule brossent des portraits, s’inspirent de la vie quotidienne, des tracas de l’amour avec cette « madame qui n’est pas très compréhensible ». On aime cette peinture du timide au bal, qui se sert de l’alcool « comme lubrifiant social ». On se laisse porter par la rêverie du distrait, dans « Tête ailleurs ». Les chansons, entraînantes,  ravissent le public. « Minimum » s’impose résolument comme la chanson la plus décalée, mêlant incursions jazzies, changements de rythmes et beat box vocale. Tout est à découvrir, chez ce jeune artiste Bruxellois au talent indéniable et à la présence scénique indubitable. Sa prestation se termine en mini triomphe. La salle est chaude, prête à accueillir les Têtes Raides.

Je voudrais pas crever avant d’avoir connu un concert des Têtes Raides : telle était la maxime qui me trottait dans la tête depuis l’écoute de leur excellent dernier album : « Fragile », aux sonorités punk affirmées. Il est 22H30 lorsqu’un départ canon à la batterie retentit, pour la première chanson du set : « Fragile ». La salle est en délire lorsque apparaît Christian Olivier, guitariste / chanteur / accordéoniste du groupe. On est de suite pris par l’ambiance très punk du concert, par ces mélanges de musique et de cirque ; car les Têtes Raides c’est un peu toutes les couleurs qui se mettent à danser en même temps dans une valse endiablée. Le groupe enchaîne les titres de son dernier album, dont l’excellent « Je voudrais pas crever », sur des paroles de Boris Vian, ou encore le parfait « Constipé ». La musique et les paroles s’accordent, symbiotiques. Musique et paroles sont des images au profit d’un tout porté par un collectif ahurissant et des cuivres étourdissant. Calme après (et aussi avant) la tempête, « Ginette » impose par sa profondeur et l’interprétation de Christian Olivier, toujours remarquable. Il se dégage une impression de mal-être, de révolte face à la misère et les inégalités, face à l’absurdité de la vie et son extrême fragilité (« C’est fragile »). Il y a du Jacques Brel dans ce corps si mince et décharné qui exhale tant de puissance mais aussi de doutes. Tout cela n’aurait pas tant d’importance si, derrière les Têtes Raides, il n’y avait « avis de ko social », la lutte contre la misère et les inégalités dans un combat de tous les instants. Et après tout ça, « ça vous étonne / Qu’on soit si monotone » ? Fort heureusement, la monotonie n’était pas de mise ce soir-là et l’on peut dire que l’on ne s’est vraiment pas « fait chier ». Le concert terminé, on repassait inlassablement les images dans nos têtes en se disant que finalement, on avait de la chance et que, derrière la soupe que nous imposent parfois télévision et radio, elle chante encore la France ; et pas que des conneries, en plus…

Vendredi 5 mai, Cirque Royal : Final Fantasy & String4T (Can) – An Pierlé & White Velvet (Can) & Mons Orchestra Quintette (Bel)
http://www.anpierle.net/

Un violon, une batterie. Une voix suave, celle de Owen Pallett, violoniste chanteur qui déploie une palette de sons superposés qui ajoute au fur et à mesure densité et profondeur aux morceaux. Des mélodies enchanteresses, dessinées progressivement au violon, portées par une voix douce, caressante, qui nous fait nous abandonner au mirage musical ainsi créé. Car rien ne dure, tout n’est qu’ombre, comme nous le laisse penser la projection d’images en toile de fond, à la limite des ombres chinoises.
Le violon et la batterie, tour à tour s’accordent, se chahutent, se séparent et se retrouvent : et dans ce subtil jeu où tout est affaire de nuances et de mélodie, la musique de Pallett nous recouvre et se retire, laissant une écume de sensations s’évanouissant dans une marque évanescente. Un moment de pur bonheur, de simplicité touchante, tout simplement.

An Pierlé & White Velvet font leur apparition, accompagnés par le Mons Orchestra Quintette. An Pierlé, au piano et à la voix, avec son guitariste et producteur Koen Gisen, pour une musique faite à la fois de douceur mélodieuse et pop, et de brutalité punk, renforcée par l’omniprésence du quintette de l’orchestre de Mons. La voix de Pierlé est profonde, parfois sauvage et insaisissable. La batterie est continuellement en toile de fond, lourde, pénétrante, d’une importance cruciale dans des morceaux qui regorgent de force brute. Et lorsque le groupe débute une mélodie douce et sensible, tout redevient beauté, calme et volupté : portée par un duo au chant, exceptionnel de limpidité et d’harmonie entre les voix féminine et masculine. An Pierlé s’adresse au public, adopte des postures déjantées et grimace plus qu’elle ne parle : un jeu de scène décalé, à mi chemin entre la poupée potiche Marylin Monroe et la femme fatale PJ Harvey, qui séduit. Mais c’est surtout dans l’interprétation de sa musique qu’il faut voir ce dilemme : un savant jeu entre le chasseur et le chassé, les moments intenses et les moments de calme et de doutes, de reprises et d’arrêts. An Pierlé s’impose résolument dans ce double jeu marqué par l’alternance, entre des chansons telle « Tenderness » et « Cold Winter ». On aime ce mélange de contradictions, ces oxymores musicales qui prennent tout leur sens dans ce set magnifiquement conduit et impeccable de bout en bout.

Vendredi 5 mai, Botanique, Rotonde : Teitur (Dan), Great Lake Swimmers (Can), The Sunday Drivers (Esp)
http://www.teiturmusic.com/
http://www.greatlakeswimmers.com/
http://www.thesundaydrivers.net/sundaydrivers/sites/fo/index_fr.html

Dans le cadre du programme « Un-pop classik », Teitur et The Sunday Drivers se produisaient avec un orchestre classique (celui de Mons en l’occurrence). « Un-pop classik », c’est, comme vous l’aurez sûrement compris, le pari de mélanger la musique pop à la musique classique. Cependant, l’initiative représente un peu plus que cela… Cette idée est surtout « le moyen de promouvoir la création et la créativité des artistes et musiciens en dépassant les barrières habituelles entre les différents styles musicaux et en stimulant de nouveaux moyens d’expression musicale » (dossier de presse). « Un-pop Classik », c’est enfin une initiative lancée par quatre festivals européens d’envergure : le Festival International de Benicassim en Espagne, les Nuits Botanique en Belgique, SPOT12 au Danemark et les Eurockéennes de Belfort en France. Chacun de ces festivals a choisi un groupe national : The Sunday Drivers pour le FIB, Venus pour Les Nuits Botanique, Teitur pour SPOT12 et Dionysos pour les Eurockéennes. Ces quatre groupes se produiront dans les quatre festivals précédemment cités, toujours accompagnés d’un orchestre classique. Notons que le programme « Un-pop Classik » a été notamment rendu possible par l’aide de la Commission Européenne, dans le cadre de Cultura 2000.

Ayant deux concerts à couvrir ce soir-là, dans deux endroits différents, je n’ai pu assister à tous les concerts (n’ayant pas encore le don d’ubiquité). Je m’excuse donc de ne pouvoir donner mon avis sur Teitur et The Sunday Drivers et sur l’initiative « Un-pop Classik » en elle-même. Je vous invite à découvrir – ou redécouvrir- les groupes précédemment cités, qui valent vraiment le détour : Teitur, Venus, The Sunday Drivers et Dionysos.
Je vous invite également à admirer la petite perle que j’ai trouvé ce soir-là : le groupe s’appelle Great Lake Swimmers et j’ai tout simplement adoré. Dans une ambiance intimiste, Tony Dekker, Erik Arnesen et Colin Huebert, ont enchanté le public. Musique douce, chuchotée : on y retrouve le Neil Young des débuts et le Beck de « Sea Change » dans une ambiance boisée de folk rock traditionnel. Leur dernier album, « Bodies and Minds » est un bijou du genre. Et lorsque Tony Dekker entonne, de sa voix claire et douce, le refrain de « I saw you in the wild », on se surprend à la chantonner avec lui. Dekker n’a pas choisi la musique, « c’est elle qui m’a choisi », me confie-t-il, à la fin du spectacle. Pourquoi ce nom de Great Lake Swimmers ?
- « Parce que nous habitons dans une région de lacs magnifiques et immenses. C’est aussi un message d’espoir car tu peux toujours traverser un lac et rejoindre l’autre rive. Derrière ce lac, il a quelque chose de neuf, d’inexploré ».
Au travers de ses chansons aux textes éblouissants, Great Lake Swimmers nous plonge dans ces grands lacs limpides, où se reflète parfois le visage cristallin d’une sirène. On aime cette limpidité harmonique, ce grattement des cordes, ces choses à peine dites qu’elles sont déjà assimilées, gravées dans notre être. Personnalité à la sensibilité à fleur de peau, Dekker nourrit ses compositions « d’influence Folk et Country et de philosophie ». Une philosophie touchante, réaliste sans être froide, et toujours pleine d’espoir. A écouter, sans plus attendre.

Dimanche 7 mai, Cirque Royal : Nervous Cabaret (USA) – Motorpsycho (Nor)
http://www.nervouscabaret.com/
http://www.motorpsycho.fix.no/

Nervous Cabaret, c’est une voix rocailleuse, deux batteurs et un son électrique énervé. Il y a un peu de jazz, de musique tzigane et de metal, tout ceci se fondant dans une montée amplifiée par les cuivres et par une saturation augmentant au fil du concert. Une musique anarchique, qui s’évertue à briser ce qu’elle a créé, dans un mouvement continu de (re)création permanente. On sent chez Nervous Cabaret a volonté de déconstruire pour reconstruire, de démontrer que rien n’est réellement acquis ; du moins jamais pour de bon. Une musique à l’image de l’existence : instable, enragée, soumise aux aléas de la fortune, mais que chacun peut prendre en main pour la modeler et en faire son œuvre. Nervous Cabaret semble exister par ce jeu, par cette instabilité chronique qui nous met un peu mal à l’aise. Anarchique mais jamais chaotique, Nervous Cabaret réussit plutôt bien que mal le pari de sa musique : et ce n’est déjà pas si mal, pour cette « Ecstatic Music for savage soul » (du nom de l’abum).

Le public attendait Motorpsycho avec impatience : sa musique psychédélique, ses départs parfois « Pink Floydiens » et ses longues interludes instrumentaux. Le groupe aime les accélérations très progressives et les montées de sons, entrecoupées de rares passages chantés. Une musique tripée, très « acide » mais jamais corrosive : elle n’attaque pas, elle effleure, et dans ce cas-là, ce serait plutôt un point faible. Car je l’avoue, la fatigue peut-être aidant, j’ai du lutter contre l’envie de m’assoupir, tellement rien ne se produisait à l’écoute de cette musique. Là où les Pink Floyd arrivent à mettre un coup d’accélérateur, à réveiller les envies, Motorpsycho s’enfonce dans un concept continu d’instrumentalisation de sa musique, sans se préoccuper réellement de son public. Au final, rien ne se produisit : pas de magie soudaine qui me fît dire que je m’étais fourvoyé dans mon jugement, pas de sursaut génial qui me réveillât de cette torpeur dans laquelle Motorpsycho m’avait entraîné.

Textes & Photos par Jean-Raphaël Loire - "El Renardinho" - mai 2006