Accueil du portail Zicazic.com


Zicazic on Twitter. Zicazic on Facebook.

Flux RSS ZICAZINE

Qu'est-ce que c'est ?




Accueil

> MENU
 Accueil
 ----------------
 Chroniques CD's
 Concerts
 Interviews
 Dossiers
 ----------------

LIO pdf print E-mail
Ecrit par Pierre Derensy  
samedi, 31 décembre 2005
 

Je me suis souvent battu pour Lio. Enclenchant quelques bagarres car des malotrus sans culture  la réduisaient à  son ‘Banana Split’ pendant que je discourais de Wanda et ses sirènes. Le coup de poing était donc facile car pour moi, on ne mégotte pas avec les étoiles. Mais au final, après l’avoir rencontré, il n’est pas nécessaire de la réhabiliter. Lio n’est pas un immeuble. C’est un palace. Quand au bout de quelques questions le « vous » académique se fait remplacer par le « tu » sympathique on sait déjà qu’elle vous offre le plus beau des cadeaux : sa confiance… à tel point qu’on se demande bien pourquoi de ses 6 enfants il n’y en ait pas un de vous. Vivement le 03 janvier date de sortie de l’album. 

Etes vous une énième victime du syndrome de Cendrillon ?

Lio : «C’est plutôt le syndrome de Walt-Disney qui est un criminel contre l’humanité. Ce disque fait la part du rêve et de l’illusion. Les illusions ne servent à rien. Il est préférable de rêver. De penser ses rêves et de les réaliser.

C’est le fait de sortir votre autobiographie qui vous a fait chanter « Vieil Ami» ?

Lio : «Pas du tout. C’est un sentiment que l’on a souvent quand on se voit dans des histoires d’amour qui ne vous conviennent pas.» 

Aviez vous besoin de vous retourner sur votre passé pour enfin faire un disque qui vous correspondait vraiment ?

Lio : «Non. Le seul moment qui m’intéresse c’est le présent. Le présent c’est le plus beau cadeau de la vie et c’est le même mot… je ne perds pas beaucoup le temps avec le reste, de toute façon c’est une illusion le temps. Aujourd’hui avec la physique quantique on le sait très bien !»

Holà vous allez m’emmener vers des sujets que je ne maîtrise pas…on va revenir à votre album, est ce le vrai album de Lio mise à nue ?

Lio : « Non car lorsque l’on interprète nous n’avons pas besoin de ça. Si je devais me mettre à nue je m’exprimerais,or je suis une interprète qui ne s’exprime pas mais qui exprime quelque chose. Dans un témoignage vous pouvez formuler les idées d’une citoyenne car là vous êtes vous même en tant que femme ou homme. L’artiste n’a rien à faire là dedans. Elle doit juste être le signe de quelque chose. Dans cet album il y a simplement un bagage, une envie de « dire »  qui dépasse de très loin la personne qui s’appelle Wanda de Vasconcelos. Une réflexion sur la vie, sur l’amour,  sur une femme de 43 ans et sur le désir de savoir ce que l’on va léguer à nos filles.»

C’est donc ça être interprète ?

Lio : «C’est porter de l’ombre vers l’ombre. Ceux qui écrivent sont dans l’ombre et ceux pour  qui vous chantez le sont aussi. L’interprète est au milieu dans un faisceau de lumière qui va de l’un vers l’autre. Vous n’êtes pas là pour votre ego ou pour cabotiner. Ce passage dans mon métier est ce qui m’intéresse le plus. Je vais donc partout là où je peux l’exercer : que ce soit dans le théâtre, le cinéma ou la chanson. Si je savais peindre ou sculpter je le ferais aussi !»  

Une sorte de véhicule du beau ?

Lio : «Dans le bloc de granit ou dans le bloc de marbre informe d’où va surgir la Pieta, elle s’y trouve déjà. C’est le vecteur Michel-Ange qui va la faire surgir. Il est l’interprète de ce bloc de marbre.»

Les gens qui interprètent l’image de  Lio ne le font ils pas d’une manière réductrice ?

Lio : «Certainement. Ce sont les tralala de la vie humaine. Ses fantaisies, ses petites choses qui n’ont pas beaucoup d’importance. Vous savez un article dans un journal passe très vite (sourire). C’est toujours dur de lire des choses violentes contre vous. J’ai une manière de me protéger, un principe salvateur : je ne lis les articles que 3 mois après. Je m’en prends plein la tête mais finalement avec le recul je me rends compte que rien n’a changé : je suis toujours la même. J’ai continué à vivre normalement. Tout ça n’est pas si grave que ça.»

Pour en revenir à l’album, et vous allez sûrement me dire ‘non’ encore une fois, mais je le trouve très épuré ?

Lio : «C’est tout à fait juste ! (rire)» 

Votre manière de chanter également ?

Lio : «Tout à fait ! elle est vraiment dans la plus grande des simplicités, des intimités. L’esprit que je voulais imprégner au disque c’est une confidence. J’avais envie de mettre les gens dans une réceptivité de quelque chose qui ne se hurle pas. Je trouve que c’était bien cette manière de procéder. En ce moment il y a beaucoup de choses tonitruantes, très rentre dedans qui ne sont pas plus radicales que ce que je fais dans ce disque. Que cette radicalité soit amenée avec douceur et tendresse offre une très grande force au disque.»

Pouvoir enfin dire des choses profondes ?

Lio : «Etre désillusionnée sans que cela soit triste. Avec sérénité. Car finalement je ne suis pas perdue, je suis juste heureuse d’être libérée des carcans. Aller enfin dynamiquement vers un rêve. L’idée de tordre le cou au prince charmant mais pas à l’amour(rire). Les hommes sont beaucoup plus intéressants à aimer que les princes charmants, et les femmes vraies sont beaucoup plus intéressantes à aimer que la belle au bois dormant qui dort pendant 100 ans et qui nous emmerde (rire).»  

Si vous deviez résumer votre album vous diriez quoi ?

Lio : « Ce disque n’est pas un constat, il y a peut être du chagrin par moment qui est là en sous-tension.»

Comment avez vous fait le choix des chansons ?

Lio : «D’une façon très naturelle car je pense profondément qu’elles me ressemblent. Je suis quelqu’un qui a cet appétit de vivre qui vient de l’enfance, je serais la première à aller me faire recouvrir de sable sur la plage. Si tu veux avec le «Banana Split» ou «Les Brunes» qui ont été des titres phares je pense que les gens n’ont vu que ça en moi alors qu’il y a un spleen chez Lio. Il y en a toujours eu. 7 chansons sur 10 pratiquement sur tous les albums sont des chansons de mélancolie, de remise en question et de solitude. J’ai toujours fait cohabiter ces 2 personnalités. Les tubes étant tellement monstrueusement énormes quand ils me sont tombés dessus qu’ils ont marqué fortement. Il y avait une telle joie quand je les ai offerts que je me disais qu’il fallait y aller franchement dans l’instant présent. C’est à dire que jamais je ne me suis dis quand un tube marchait qu’il fallait que je joue une fille sérieuse derrière pour que les gens comprennent que je n’étais pas que ça ! J’allais à fond sur le truc acidulé et coloré. J’ai fait ce métier avec beaucoup de naïveté. Je n’ai pas pris de cours dans des business-school…

Ce sont les gens qui travaillent dans les  maisons de disques qui sont comme ça ?

Lio : (Complice) «Oui mais chut ! (rire) Mais ils s’emmerdent car finalement ils sont sur des sièges éjectables. Ils n’ont plus le temps d’avoir de la passion pour un artiste. Je pense que nous faisons un métier super gai et qu’on le rend de moins en moins joyeux. Avant tu avais des fous furieux. Tu avais des Barclay, des Canetti qui pourtant a été un escroc terrible. Mais qui étaient des putains de passionnés. Ils ne pensaient pas à la logique commerciale. Se disaient que les mecs qu’ils signaient aller marcher un jour et que même si cela allait se faire dans 10 ans pendant ce temps de vaches maigres ils étaient là. Ils ont peut être pas gagné autant d’argent mais se sont sûrement amusé plus que ceux qui sont dans les maisons de disques aujourd’hui !»

Justement, quand on refuse à Lio de sortir son album et vu ton caractère, cela doit encore plus te motiver à y arriver ?

Lio : «Tu sais jamais je n’abandonne.  Je suis tenace. On m’a jeté avec le «Wandatta», il était fini en 1992 et je l’ai sorti en 1996. Je l’ai tenu à bout de bras pour le faire entendre. L’album que j’ai fait à Cuba il est toujours dans mes tiroirs mais en sous-main j’ai réussi à le récupérer et il va sortir. J’aurais mis 9 ans mais je te promets qu’il sortira à Noël prochain. J’ai pas l’air comme ça…»

Si ! si ! et pourquoi après ‘Wandatta’ ne pas être devenue pour toujours  «Wonder-Wanda»  et que tu sois revenue au nom de  Lio ?

Lio : «J’ai trouvé ça compliqué. Je voulais en faire une proposition artistique plutôt que de lui donner une racine dans quelque chose de personnel. Tout d’un coup évincer Lio et ne garder que Wanda je trouvais que c’était lourd. Mon nom j’aurais du le prendre depuis le début. A cette époque là, tous les prénoms en «A» sonnaient faux ; du style Sheila. Je voulais me démarquer de ça. A 14 ans j’adorais l’androgynité du «O» final de Lio. L’histoire de ce nom c’est extraordinaire. Quand j’ai demandé à Jean-Claude Forest l’autorisation de prendre le patronyme de l’un de ses personnages il m’a répondu que je n’avais pas besoin de lui demander puisque Lio est le nom d’une vraie étoile découverte en 1969 (année érotique) par un français. C’est pour ça que lorsque les gens me disent que je ne suis pas une star je leur répond toujours qu’effectivement je n’en suis pas une mais par contre je suis une étoile. (rire)»

Pour en revenir à l’album il a été enregistré d’une façon très roots ?

Lio : «Si tu savais à quel point mon vieux ! On avait exactement 30 000 euros en poche, cet argent  qui est le cadeau de mon fiancé, le papa de Diégo, pour faire l’album dans son entièreté : payer tout le monde, pochette, tout compris. C’est pour ça que nous sommes partis en Suède. Je voulais absolument une console analogique et la seule qu’on avait trouvé tout près c’était Londres et le studio «Abbay Road» qui coûtait la peau du cul ! Donc oublies ! on est donc parti en Suède pour avoir ce son là, ce côté intimiste, ce souffle de confidence. D’ailleurs ce n’est pas une erreur s’il est comme ça ce disque parce que nous l’avons voulu comme ça. Beaucoup de personnes me disent que si j’avais eu de l’argent je l’aurais fait avec un autre son mais non ! je l’aurais peut être peaufiné dans les arrangements, je n’aurais peut être pas fait la version de la chanson de Marie Darieussecq de manière troubadour. Comme ce titre est arrivé dans les derniers instants de studio nous n’avions plus la base rythmique et surtout plus l’argent pour la faire revenir. (rire) Le système D c’est super car la vie répond aux questions que tu lui pose quand tu es dans la dynamique et le désir.»

Donc Lio se retrouve dans la neige ?

Lio : «A Malmö. Au milieu d’une forêt dans une cabane. Je n’y croyais pas. Nous étions tous dans une maison, je faisais la bouffe pour tout le monde. On avait 5 jours pour faire toutes les rythmiques, toutes les guitares et tous les claviers. On avait 14 titres à enregistrer en 5 jours : donc 3 par jour ! Après nous sommes partis faire les voix à Berlin dans la chambre de Peter Van Poehl avec le matelas attaché au mur pour l’acoustique. Il fut donc enregistré roots mais ce disque est dans la tendresse et l’âpreté.»

Bizarrement tu as  beaucoup tourné avec des réalisateurs femmes et travaillé avec des compositeurs, paroliers hommes ?

Lio : «C’est vrai. Je pense que c’est le reflet d’un monde qui est encore tenu par les hommes. Dans le cinéma il y a eu une brèche qui a fait que le peu de femmes qui tournaient cherchaient des égéries, des actrices pas forcement installées car celles reconnues avaient trop la pétoche de travailler  avec des réalisateurs inconnus. Je te jure qu’il fallait oser y aller avec Catherine Breillat par exemple. Avoir une putain d’envie. Je voulais du cinéma d’auteur. Comme j’ai été accaparée par la variété alors que je venais du rock, il y a eu cet énorme malentendu qu’il fallait que je change. Tu sais que lorsque je suis arrivé j’ai été produit par Tellex qui est aujourd’hui producteur de Dépêche Mode et de Placebo. Reconnu comme un pionnier de la très grande scène éléctro-pop…»

Excusez du peu !

Lio : «Tout le monde a le sentiment que je n’ai rien fait mais j’ai quand même travaillé avec les Sparks bien avant les Rita-Mitsouko mais on n’en n’a pas parlé. Ainsi de suite…»

Ne serais tu pas toujours en avance sur la mode ?

Lio : «En tout cas je n’en tire pas les marrons du feux ! Je n’ai pas envie d’aller vendre mercantilement mes amours.»

Ton «Wandatta» est sorti bien avant les albums de femmes de la nouvelle chanson française, ta comédie musicale est arrivée avant les singeries de Plamondon, c’est bien aussi finalement d’être précurseur ?

Lio : «Oui ! mais si un jour on s’en rend compte ! (rire) Du temps de «Wandatta» j’avais quand même Dimitri Tikovoï. Qui est une vraie pointure inconnue à l’époque. Je crois au désir. Aux rencontres.  Je sens les gens, j’aime la musique mais simplement c’était tellement facile de cataloguer une petite nénétte de 16 ans. Ce qui est important aussi c’est de dire que le «Banana Split» c’est un mélange de Little Eva, de Blondie et de Kraftwerck. C’était comment faire de l’éléctro pop fun !»

Dorian est l’homme « phare » sur ton nouvel album?

Lio : «Dorian je l’ai rencontré par hasard. En fait, il avait trouvé dans un guide  que la pittoresque Lio habitait dans le pittoresque village de Vitrac Saint Vincent. Comme apparemment il m’adorait il est venu de Bordeaux avec sa copine pour me trouver et me parler. Je l’ai donc reçu et lui ai donné l’adresse de ma sœur car il souhaitait vivre à Paris, j’ai toujours suivi ensuite ce qu’il faisait. Je trouve que c’est un mec qui a un énorme talent. Il fait de la pop très intègre. Sans prendre l’alibi ‘culturel’. On ne reconnaît pas son travail à sa juste valeur.» 

Mais nous savons très bien tous les deux qu’il y a les cartés et les non-cartés dans ce métier !

Lio : « On connaît les chapelles ! Je n’ai jamais voulu prier pour l’une ou l’autre. Tous les ayatollahs sont à bannir. Mais il faut être radical dans ses engagements. Mais pas donneur de leçons et décréter des conneries dans le genre de certains critiques rock pour qui si on ne chante pas en anglais c’est pas du rock.»

Comment t’est arrivé  ce projet d’animer « Tout Pour la Muzik » sur France 3 Nord Pas-de-Calais?

Lio : «J’étais super heureuse car j’aime bien la télévision mais pas comme elle est faite actuellement. Je pensais qu’elle pouvait être une porte sur le monde alors qu’elle n’est qu’un outil de propagande et d’audimat. On m’a souvent proposé d’animer des émissions très nulles et j’ai toujours refusé. Là tout d’un coup on m’a proposé de faire découvrir, d’offrir une chance à une région de faire découvrir sa musique. Le Nord bizarrement n’a pas su faire décoller sa scène. Je suis ravie de faire ça. C’était une vraie chance en tant que chanteuse d’avoir ce point de ralliement avec une nouvelle génération. Quand j’ai vu Gomm je me suis retrouvée à mes 14 ans devant The Jam. Je les ai adoré, c’est le top. Je dis d’ailleurs aux gens de venir voir cette émission qui se passe à la Condition Publique en allant s’inscrire sur France3.fr.» 

Tu participes aussi au nouveau spectacle d’Hollyday on Ice ?

Lio : «Pour moi c’est un rêve d’enfance d’être une meneuse de revue. Pendant 6 mois je vais pouvoir être habillée en diva avec des décors grandioses derrière. Jamais plus personne ne va m’offrir ça. J’ai 43 ans, ça avance vite, je n’ai pas d’argent de côté car tu penses bien que je n’ai que des dettes donc ce n’est pas moi qui vais pouvoir financer une revue au jour d’aujourd’hui sur mon simple vouloir. C’est une escapade. Je ne boude aucun plaisir. Ca fait partie de l’artisanat de mon métier. C’est le moment parfait après je ne sais pas si j’en aurais encore envie avec l’âge venant. »

Mais les jolies femmes n’ont pas d’âge !

Lio : «C’est peut être vrai mais il y a une mécanique quand même ! (rire)»

Pour conclure je voudrais savoir s’il est préférable pour Lio de vivre seule ou de vivre mal accompagnée ?

Lio : « (Catégorique) Vivre seule ! La chanson écrite par ma sœur «Hall de Gare» que j’interprète est justement axée sur cette solitude à deux. Cocteau a beaucoup parlé de ça. C’est une pièce de théâtre que je voudrais faire : « La voix humaine » et « La Dame de Monte-Carlo ». J’ai aussi envie de reprendre Vian comme je l’ai fait de Prévert.»

Pierre DERENSY