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BLUES SUR SEINE 2005 - 7ème EDITION pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
mercredi, 09 novembre 2005
 

BLUES SUR SEINE - 7ème EDITION
DU 10 AU 27 NOVEMBRE 2005
MANTES EN YVELINES ET SA REGION (78)

 

Soirée de Lancement - Auditorium des Technodes - Guerville - 9 novembre

C'est sur une soirée un peu surprenante que Blues-sur-Seine ouvre sa septième édition, une soirée offerte à un public VIP dans le magnifique auditorium des Technodes, propriété des Ciments Calcia, avec sur scène un groupe atypique qui nous est particulièrement cher puisque c'est le gagnant électro-acoustique de l'édition 2004 du Tremplin qui vient jouer le rôle du vilain petit canard dans une salle qui pourrait sembler un peu guindée au premier abord mais sur laquelle la folie communicative de Mike Green et de Bulldog Gravy ne tardera pas à faire effet … Avant de partir pour un mois sur une tournée qui les conduira au Club Drouot, à la dernière Nuit du Blues de Chaumont mais aussi en Pologne et aux Pays Bas, des retrouvailles entre le groupe du Sud-Est et Blues sur Seine s'imposaient !

Friand de challenges, l'Américain aux pieds nus va ce soir user d'un charme qui lui est naturel pour glisser le public au creux de sa main et le conduire là où il a envie, c'est à dire aux sources d'un blues qui lui est cher et pour lequel il montre des aptitudes toutes particulières. Après un début des plus traditionnels, Bulldog Gravy prend les choses en main sur le ton de la plaisanterie et nous gratifie d'un set dont le son ne pêche que par l'absence toute relative d'une contrebasse récalcitrante à toute forme de soundcheck mais qui nous régale par des morceaux originaux tels que " 21 Out " et " Big Bad Blues " mais aussi par des reprises comme " Little Red Rooster ", " Baby Please Don't Go " ou encore " I Put A Spell On You " servie dans une version pesante à souhait. Se prêtant au jeu, la salle découvre ébahie les percussions du ferrailleur Jean-Louis Brazzi ou la batterie du brocanteur Jérôme Lavail et s'amuse de voir Philippe Sangara se lancer dans un solo de guitare avec une visseuse en guise de médiator … S'offrant même un rappel sur le " Back Door Man " de Willie Dixon, Bulldog Gravy remporte la partie en faisant accepter sa manière pas franchement très propre sur elle de jouer du blues et offre un exutoire à un public qui s'empresse d'aller faire l'acquisition de son album, ressentant parfois un petit arrière goût de fruit défendu.

Avant d'aller rejoindre le hall où Mystery va nous gratifier d'un set explosif, il faut en passer par les diverses allocutions qui nous réserveront quand même une surprise de taille puisque Barbara Hendricks, la marraine de cette septième édition, nous fait l'honneur de s'adresser à la salle dans un Français parfait et nous rappelle son engagement pour la paix et la liberté en nous affirmant, évoquant les troubles actuels, que même si la France brûlait elle serait parmi nous … Sans doute la plus belle phrase du jour !

Arrivé dans le théâtre des agapes, il ne nous reste plus qu'à contempler l'exposition de vieux vinyles proposée par Philippe Renault et les magnifiques photos de notre ami François Berton et à profiter du cocktail de soul, de funk et de rhythm'n'blues proposé par Mystery, formation régionale au talent incontesté qui affiche une section de cuivres bien en place et un trio vocal du plus bel effet, le tout avec beaucoup d'énergie et de savoir-faire. A grand renfort de standards, les Parisiens se chargeront d'inviter les convives à dépenser les quelques calories prises sur le buffet en se livrant à quelques gesticulations déclenchées par une musique dont la chaleur communicative est la bienvenue puisque les premiers frimas se font sentir sur le Mantois …     

Barbara Hendricks & Magnus Lindgren Quartet – La Collégiale – Mantes la Jolie – 10 novembre

La soirée qui marque officiellement le début du festival pour le public se place sous les meilleurs auspices puisque le lieu féerique qu’est la Collégiale de Mantes la Jolie affiche complet depuis un bon moment et que plus d’une heure avant le début du spectacle, le public se masse devant les portes de l’édifice dans l’espoir d’obtenir les meilleures places. Président comblé par une telle affiche, Jean-Marie Alexandre met ses talents d’orateur au service de la soirée et nous présente non seulement la manifestation dans le détail mais aussi la grande dame qu’est Barbara Hendricks avant que Magnus Lindgren ne libère les premières notes du concert en égrenant son saxophone.

Placé sous le signe du jazz et du lyrisme, le concert de ce soir sera partagé entre les standards de Georges Gershwin, de Cole Porter ou de Duke Ellington et laissera au quartet Suédois tout le loisir de nous démontrer tout son talent en accompagnement mais aussi en tant que leader. Changeant régulièrement d’instrument pour passer du saxophone à la clarinette, à la flûte traversière ou encore au triangle, Magnus Lindgren est la pierre angulaire d’un édifice qui prend toute sa dimension grâce à lui et qui met admirablement en valeur tout le charisme et le talent d’une Barbara Hendricks très sobre qui nous apparaît en robe longue avec juste ce qu’il faut de strass et de paillettes pour prendre la lumière, couvrant ses épaules d’un long châle noir et faisant juste ressortir un fin bracelet de perles et une chevalière au bout d’une main droite frigorifiée qui tient le micro. Séduite par le tableau et par les charmes d’une musique parfaitement interprétée, la foule retient son souffle pendant mais aussi entre les morceaux et acclame chacune des interventions parlées de la diva autant que ses démonstrations de lyrisme. Ayant fait le tour de la question en 90 minutes avec notamment un dernier acte consacré à « Porgy And Bess », Barbara Hendricks termine sa prestation en dédiant un « Amazing Grace » particulièrement émouvant et ponctué de discrets soli individuels de Jonas Holgersson (batterie), Frederik Johnsson (contrebasse) et Mathias Algotsson (piano) aux victimes du cyclone Katrina et nous fait l’immense honneur de nous offrir non pas un mais bel et bien deux rappels avec pour commencer l’indispensable « Summertime » et enfin une adaptation volcanique des « Feuilles mortes » qui finira de mettre en apesanteur une assistance qui n’en attendait pas tant.

Discipliné, le public quitte calmement les lieux et rend à cette miniature de Notre Dame de Paris, construite juste avant elle pour tester la résistance de la nef, ses fonctions premières. La loge redevient sacristie, le bedeau reprend les choses en main et il ne nous reste plus qu’à rejoindre le ballet des véhicules qui raccompagneront la chanteuse et ses musiciens vers un superbe établissement de la région où ils passeront une courte nuit avant de regagner la Suède dès demain à l’aube … 

Veronika Jackson – Fred Chapellier – Le Colombier – Magnanville – 11 novembre

Placée sur une échelle de sonorités particulièrement large, cette soirée d’Armistice devrait sceller une paix durable entre le blues acoustique étasunien de Veronika Jackson et le blues rock français de Fred Chapellier, le bûcheron de Châlons-en-Champagne … A classer dans la catégorie des belles salles de la région, Le Colombier marie avec beaucoup de classe architecture ancienne et aménagements modernes et nous offre non seulement un son de très bonne qualité mais aussi la vue d’un cadre plein de charme. Tout est donc réuni pour que la journée se termine bien, Corky Siegel et son Chamber Blues Orchestra venant même se mêler incognito au public …

Si les amateurs de blues ne connaissent pas encore assez bien Veronika Jackson, l’occasion de rattraper cette lacune leur sera donnée à maintes reprises tout au long de Blues-sur-Seine car de restaurants en bibliothèques et de librairies en salles, elle se produira en tout et pour tout à huit reprises dans le cadre du festival. Seule en scène avec juste une guitare et un micro, la sympathique chanteuse va nous proposer une musique aérienne à base de fingerpicking sur laquelle elle pose une voix délicieuse, travaillée à l’endurance, au talent et à l’émotion. On redécouvre les standards du blues et du folk américain arrangés de façon très personnelle avec quelques incursions dans le répertoire de Bob Dylan ou de Bessie Smith, le tout proposé à un public sous le charme qui boit les paroles de l’artiste pendant une heure entière jalonnée de quelques merveilles dans le genre de « Good Morning Blues » et « Ain’t Nobody’s Business (If I Do) » ou encore « Motherless Child » interprété a capella avec une petite pointe de magie dans la voix … Un concert éblouissant donné par une des nouvelles princesses du blues !

Un spectacle de Fred Chapelier, c’est un sandwich à l’américaine, sur plusieurs étages, dans lequel on retrouve des ingrédients bien de chez nous … Une tranche de blues pour attaquer la construction, une autre de chant en Français pour donner du goût, une grosse dose de rock pour pimenter, des morceaux empruntés à Poill’s pour la couleur, un peu de funk et de boogie pour éveiller les sens, une deuxième tranche de blues pour faire le toit et c’est parti pour un concert qui va mettre Magnanville sous pression pendant une centaine de minutes ! Connaisseurs et néophytes ont fait le déplacement et la salle affiche complet pour un grand moment où les guitares de Fred Chapellier et de Lorenzo Sanchez vont dialoguer devant la rythmique qu’il partage avec Miguel M, Pat Machenaud à la batterie et Abder Benachour à la basse, et le pianiste-organiste de la formation, le jeune Damien Cornélis. En bons « Men In Black » qu’ils sont, les Champenois vont nous construire un set énergique qui tient au corps et qui fait remuer du pied dans lequel on croisera le savoureux mélange des standards de légende comme « Hydeaway » (Freddie King), « I Play The Blues For You » (Albert King), « All Your Love » (Otis Rush) ou « The Sky Is Crying » (Elmore James) et des standards plus personnels comme « Ca sent le gaz », « C’est pas permis », « Le Blues », « Rouler toute la nuit », « Merci Mr Roy » ou encore « Le Blues du petit déjeuner ». Avec beaucoup de simplicité et d’humilité, le Fred Chapellier Blues Band aura, une fois de plus, su mettre à la portée de tous une musique chaude et parfumée qui n’use pas d’artifices pour séduire mais qui va au contraire droit à l’essentiel. C’est ça la classe !  

Beverly Jo Scott (Planet Janis) – Espace Maurice Béjart – Verneuil sur Seine – 12 novembre

La cadence accélère à Blues-sur-Seine et ce n’est plus un mais deux concerts qui nous sont proposés ce soir, la simultanéité et la distance nous imposant un choix ferme et définitif … Nous décidons donc d’aller saluer et écouter l’ami Little Bob pendant ses balances et d’assister au spectacle de Beverly Jo Scott en nocturne, le tout avec beaucoup de regrets car si l’on en croit les échos recueillis à la sortie du concert, la prestation du Havrais sera à la hauteur de sa réputation avec un set où l’on retrouvait « Gift Of The Devil », « Back Door Man », « Riot In Toulouse » ou « Lost Territories », le tout conduit par un Little Bob virevoltant et par une équipe de tueurs où l’excellent Bertrand Couloume (contrebasse) et Nico Garotin (batterie) posaient une chape de plomb sous les ivoires de Nicolas Noël et les riffs de Gilles Mallet …

Psychédélique en sensuel, l’hommage rendu à Janis Joplin par Beverly Jo Scott, une autre fille du Sud, s’annonce très prometteur dès l’entrée dans la salle où le public découvre les fleurs géantes et colorées, la batterie emmitouflée de moumoute, les rubans et écharpes qui tombent de part et d’autres … Décor hippie très coloré pour un show qui va nous faire voyager dans le répertoire de Janis Joplin mais aussi dans les influences communes aux deux grandes dames, BJ prenant le soin de se placer en narratrice au lieu de se camper dans l’illustre personnage à qui elle dédie ce spectacle. Les vidéos en fond de scène annoncent que le concert va commencer par le dernier morceau interprété en live par Janis Joplin et les premières notes de « Summertime » fondent sur la salle … Rythmes tribaux conduits par des percussions, folk délicat, blues-ballads et rock déjanté vont se suivre tout au long d’un set bourré d’émotion et d’humour au cours duquel on se régalera de l’orgue Hammond de Slim Batteux et des chœurs de la superbe Gaelle Mievis et qui nous réservera des surprises comme le « Just Like A Woman » de Dylan ou les « Cigarettes » d’Otis Redding dont Janis était une fan ultime. Le clip documentaire suivant l’entracte nous aura permis de retrouver la légendaire chanteuse à plusieurs moments de sa vie mais aussi de nous rappeler à quel point les animations vidéos qui accompagnaient le concert étaient à la hauteur de la prestation de Beverly Jo Scott qui, nous rappelant une dernière fois que Janis Joplin était « une jeune femme comme les autres avec un caractère de merde », finira par lever la salle sur un imposant « Raise Your Hands » qui clôturera une soirée magnifique où, de Serge Gainsbourg à Kurt Cobain et de Nino Ferrer à Jimi Hendrix en passant par tous les anonymes et bien entendu par Janis Joplin, toutes les personnes qui ont brûlées la chandelle par les deux bouts auront été évoquées … En matière de tribute, Beverly Jo Scott a largement dépassé le simple hommage à une seule personne et c’est à tout le rock que cette prestation appelée à devenir une référence au même titre que « Hair » ou « Starmania » s’adresse. Quelle gifle !             


Finale du Tremplin Blues-sur-Seine – CAC Georges Brassens – Mantes la Jolie – 13 novembre

C’est une journée un peu à part dans le festival, une journée faite de joies et de peines puisque les groupes sont appelés à repartir avec un prix ou au contraire les mains vides … On se souvient encore du hold up de Spoonful l’an passé en se disant que ces jeunes là étaient de beaux vainqueurs. Beaucoup de jeunes musiciens également dans les finalistes de cette 6ème édition mais surtout un niveau très homogène dans lequel il va falloir piocher, faire des heureux et des malheureux …

On commence avec Nico Backton & The Wizards Of Blues qui vont nous faire rêver avec une musique qui utilise un karom en complément de ses percussions et un chanteur qui, après nous avoir offert « Before You Accuse Me », terminera par un morceau au piano. Place ensuite à Double Stone Washed qui se produit sans son drumkit électronique mais qui met autant les watts que sur son excellent live avant que Jeff Tréguer ne vienne rapporter le calme acoustique avec Robert Johnson ou JB Lenoir sur un espace Luther Allison plein comme un œuf. Christelle, la généreuse chanteuse de Bad Mules nous régalera d’une voix profonde sur des titres comme « Baby Please Don’t Go » puis viendra le moment où Roland Tchakounté donnera une couleur africaine à cet après-midi fort sympathique. Bien au chaud dans la salle, Le Reverend assiste aux démonstrations de slide de son ami et guitariste Mick Ravassat qui accompagne le seul artiste français à chanter en Bamiléké … Accompagné entre autres de son ami guitariste Antoine Holler, Charles Pasi vient prouver à l’assistance que la jeunesse est encore capable de jouer du blues, et du bon en plus, en nous servant ses propres compositions et une jolie reprise puis c’est le grand orchestre d’O C Blues Band qui fait sonner les cuivres aux côtés des frères Cosoletto et de Renaud Cugny, nous gratifiant au passage d’une splendide « Lucille » fort à propos. On termine cette longue journée avec Chasin’ Charley’s Ghost et son blues roots qui n’a que très peu dépassé les années 50 et dans lequel on retrouve Memphis Slim, Muddy Waters, Willie Dixon …

Appelé à délibérer, le jury n’assistera pas à la prestation de Touchez Pas Au Grisbi, lauréat déjà connu du Prix Sacem, et reviendra avec son lot de récompenses, décernant le Prix Blues-sur-Seine dans la catégorie électrique à O C Blues Band, le Prix Cognac Blues Passions à Roland Tchakounté et les Prix Blues-sur-Seine électro-acoustique, FestiBlues de Montréal, Cahors Blues Festival et Bougy Blues Festival à l’excellent Charles Pasi qui aura beaucoup de mal à cacher son émotion à l’énoncé d’une telle moisson. On rappelle que les groupes non récompensés ce soir seront eux-aussi présents sur la compilation commémorative de ce Tremplin qui sera adressée aux médias spécialisés et généralistes … Et comme dans le blues tout se termine en fête, c’est un bœuf endiablé qui viendra clôturer une soirée éprouvante mais tellement formidable !

Mercy – Emmaüs – Dennemont – 15 novembre

Si la salle des fripes de la Communauté Emmaüs n’a pas la chaleur des Juke Joints des rives du Mississippi, Jean-Paul Avellaneda et son Mercy Blues Band vont tenter ce soir d’y faire brûler leur blues-rock infernal pour donner une âme à l’endroit … Après la longue traversée des marécages boueux de Dennemont, il est temps de pénétrer dans cet îlot de solidarité où le portrait de l’Abbé Pierre figure en bonne place. Sans en arriver à la froideur extrême de l’hiver 54, on peut d’ores et déjà être conscient d’une chose : il va faire froid ce soir ! Pas de chauffage, pas d’éclairage, une billetterie qui pédale dans la choucroute devant une salle archi-comble, il y a de quoi décourager le plus endurci des bénévoles. Et pourtant …

Commencée par les restitutions des élèves de l’Ecole Jules Ferry au chant et de l’Ecole Ferdinand Buisson à l’harmonica, la soirée ravit les familles qui découvrent l’enseignement qui a été prodigué à leurs enfants par Didier Zaffran sur « L’étoile de l’enfant noir a le blues » et « Sweet Home Chicago » pour les premiers et par Greg Szlapczynski sur « Hey Jive » et sur le « Tell me what I say » du grand Ray Charles … Comme par magie, la bonne humeur commence à réchauffer les lieux !

Parti calmement sur la présentation des musiciens qui composent le groupe, Mercy va faire monter la soirée en pression en distillant ses notes subtiles faites des riffs méticuleux de son frontman et de sa voix riche qui par moment tire carrément vers Cabrel, accent oblige, sur le jeu de batterie survolté de son fils Stéphane que la basse de Bruno Quinonero met on ne peut mieux en avant et sur les graines éparpillées par l’harmonica magique de Brian Erikson. Passant de sa superbe Les Paul à sa vieille Stratocaster, Jean-Paul conduit la soirée de main de maître et ce ne sont pas les deux coupures d’électricité subies dans les premières minutes du concert qui entameront sa bonne humeur, même s’il a tendance à craindre un peu pour les lampes de ses amplis, peu friandes de ce genre d’aléas. D’une « Limousine » décoiffante à « The woman I love » en forme de blues lent et profond, le public apprécie un groupe qui est en train de gagner la partie, même si quelques malpolis abandonnent la salle de façon peu discrète. Avant de se quitter une première fois, nous aurons droit à un génial solo de batterie, le fils étant conduit dans sa démonstration par le père, et à deux titres sortis tout droit de la magnifique guitare acoustique à résonateur du sieur Avellaneda, le superbe « Can’t talk to daddy » et le célèbre « Stop breakin’ down » emprunté à Robert Johnson. Une reprise de « Lucille » en guise de rappel nous conduira vers la sortie puisque l’horaire est déjà quelque peu dépassé et qu’il est temps de donner congé à une salle fatiguée mais radieuse qui vient de vivre un moment dont la réussite n’était franchement pas évidente. Bien joué !

Les Petites Tounes – CAC Georges Brassens – Mantes la Jolie – 16 novembre

Rendez-vous nous est donné en ce début d’après-midi pour un spectacle créé à l’attention du jeune public par nos amis Québécois des Petites Tounes … En tournée pour la première fois en France, les quatre hurluberlus qui proposent ce voyage en musique à travers le continent américain et ses diverses cultures avouaient à la fin de leur première représentation à Blues-sur-Seine avoir craint de « perdre le contrôle de la salle » tant le public était réactif à leur nouveau spectacle, « Les légendes ». Restait à partager une grosse heure avec eux pour voir de quoi il retournait …

Partie du Québec, des bûcherons et de leur pitoune, nom québécois des gros billots de bois, l’histoire nous laissera descendre doucement vers la Louisiane à la rencontre des cajuns, du zydeco et des écrevisses avant de glisser vers le continent Sud-Américain et de rejoindre le Pérou avec le Machu Picchu d’abord puis avec le Lac Titicaca, le tout à grand renfort de flûtes de pan et de charangos. De rencontres avec les sorciers en villages de fourmis ou en évocation de super-héros, Les Petites Tounes nous offrent un spectacle coloré où les costumes sont nombreux et où la musique se veut variée et de bonne qualité, les sonorités andines se voyant complétées par un bon blues bien ficelé ou encore par du rock, de l’électro, du rap et des scratches. Après une incantation contre les poux, une virée dans la jungle aux côtés de Tarzan et un petit tour dans le sous-sol, il sera temps de clore un spectacle explosif par un rappel où l’on en retrouve quatre qui voulaient se battre et trois qui ne voulaient pas …

Unanime, le public venu majoritairement des centres de loisirs est très vite entré dans le jeu et a dansé et chanté et vibré à la demande des quatre complices. Accompagnant les enfants jusque dans le hall du CAC Georges Brassens, Carlos, Claude, Rodolphe et Martin en ont profité pour signer une multitude d’autographes à leurs nouveaux fans et pour leur distribuer de superbes tatouages éphémères qui viendront orner leur peau pendant quelques jours, leur permettant de garder longtemps en mémoire un après-midi en tous points inoubliable ! Comme on dit chez eux : tabarnak !

Malted Milk (La Relève) – Salle Polyvalente de Senneville – Guerville – 16 novembre

Dans le cadre de l’échange entre Blues-sur-Seine et le FestiBlues de Montréal, la Salle Polyvalente de Senneville accueille à l’heure de l’apéritif le gagnant de La Relève, l’équivalent de notre Tremplin au Québec, désigné en août dernier par une délégation partie rendre visite à nos amis Georges Fournier et Martin Laviolette pendant le grand rendez-vous du Parc Ahuntsic …

Après le traditionnel hymne de Mighty Mo’ Rodgers, ce sont les élèves de l’école locale qui vont être appelés à interpréter quatre chansons qu’ils ont apprises avec Christian Leneutre et son orgue Charly puis le groupe Malted Milk, homonyme des Nantais programmés à deux reprises à Blues-sur-Seine, qui vont venir déverser leur blues-rock de bûcherons sur la salle. Victime d’un micro récalcitrant, la chanteuse commence son set sans que l’on puisse entendre le moindre son de sa voix et il faut donc se contenter de contempler la fleur rouge qui trône dans sa brune chevelure en attendant qu’un technicien vienne la dépanner. Pas franchement en place, les Québécois vont nous proposer trois quarts d’heure d’un blues rock qui manque un peu de consistance mais qui sait devenir intéressant dès que le groupe laisse entrer un peu de soul et de funk dans son show comme par exemple sur une sympathique reprise de Keb’ Mo’. Avec un guitariste tricoteur et un bassiste doué pour le slap, un batteur doté d’une frappe d’ours et une chanteuse qui peut se permettre de piocher dans un répertoire très large, Malted Milk a encore à se trouver une certaine cohésion pour en arriver à séduire le public qui se montre encore un peu dubitatif à leur sujet. Dommage …

Sydney Ellis – Eglise – Mézy sur Seine – 16 novembre

Chanteuse polyvalente évoluant aussi allègrement dans le jazz, le blues et le gospel, Sydney Ellis nous convie ce soir à sa dernière représentation pour Blues-sur-Seine dans une superbe église en restauration qui a été décorée à la perfection pour l’occasion par une équipe de techniciens perfectionniste et particulièrement douée !

On ressort manteaux et écharpes pour assister à la brillante restitution que donnent les jeunes enfants du village aux côtés de Didier Zaffran puis c’est à la chanteuse de Los Angeles qu’incombe la tache de venir réchauffer un public qui succombe instantanément à la subtilité de sa voix. Accompagnée des excellents Leonard Exson à la guitare, Lester Lands à la basse et Alvin Nicholson au piano, Sydney Ellis va se lancer dans un répertoire traditionnel où l’on retrouvera les titres légendaires du gospel que sont « Swing Low, Sweet Chariot », « Wade In The Water », « Oh Happy Day », « Down By The Riverside » ou encore « Nobody’s Fault But Mine » mais également des morceaux plus méconnus du grand public comme « Precious Lord ». Sobre dans l’attitude mais complexe dans la manière de moduler son chant, la superbe vocaliste n’en finit plus de nous surprendre et de nous épater, son avant-bras plâtré ne nuisant en rien à la grâce de ses mouvements. On surprend même dans le public une poignée d’audacieux qui se met à remuer comme dans cette sorte de ballet un peu mécanique qui rythme les prêches et sermons traditionnels des communautés noires des Etats Unis … Attentive et attentionnée, Sydney Ellis remarque la scène et adresse dans cette direction le même regard amical que celui qu’elle avait offert quelques instants plus tôt à la grappe de jeunes enfants qui la contemplait bouche bée. 

Peu avare de son temps et de sa voix, Sydney Ellis va nous offrir ce soir un rappel en trois temps, le premier avec ses musiciens sur un éblouissant « Old Time Religion » qui lui offrira sa pemière standing ovation de la soirée, le second avec pour seul accompagnement le piano d’Alvin Nicholson et enfin le troisième qui ne sera autre qu’un vibrant « Amazing Grace » interprété a capela avant de quitter l’estrade, non pas pour rejoindre sa loge mais pour traverser la nef au milieu d’un public subjugué qui offre à l’artiste sa seconde standing ovation de la soirée. Inoubliable ! 

Keith B. Brown – Chicago Blues Festival – Le Sax – Achères – 17 novembre

Blues-sur-Seine s’excentre quelque-peu de ses bases pour se rendre ce soir à Achères, dans la superbe salle du Sax où nous attendent des artistes dont la renommée et le talent ne pouvaient que faire déplacer le public en nombre. Dans une direction opposée, à Saint Martin La Garenne, Gospel Feel va faire exploser la jauge de l’église locale, habituée des grands rendez-vous du festival … Blues-sur-Seine entre aujourd’hui dans sa deuxième semaine et les salles sont toujours aussi bien garnies. Que demander de plus ?

C’est le génial Keith B. Brown qui ouvre la soirée après une courte allocution de Jean Guillermo, le non moins génial programmateur du festival qui a cette année encore prouvé des talents d’ingéniosité pour nous concocter une telle affiche. Entouré de ses trois guitares acoustiques, celui qui tenait le rôle de Skip James dans « Soul Of A Man », l’excellent film de Wim Wenders, va nous proposer un show bourré de subtilités, rendant hommage aux légendes du blues comme Son House ou Robert Johnson, partant vers le rock dans un étonnant medley où l’on retrouve régulièrement des passages de « Don’t Be Cruel » ou nous proposant en toute humilité des morceaux empruntés à son dernier album, les « Easy Rider » et autres « Fixin To Die » qui ne dépareillent pas au milieu des standards connus de tous. En communiquant avec son public et en utilisant le plus possible la langue française, Keith B. Brown gagne sa sympathie et parvient même à lui tirer quelques chœurs sur des morceaux comme « Joëlle » ou « Emeline », deux sad songs où les histoires d’amour et la gent féminine sont à l’honneur. Installées incognito dans la salle, Veronika Jackson et sa fille donnent de la voix avec le reste de l’assistance … Après une heure d’un concert fluide et captivant, il est temps de regagner le déambulatoire pour laisser aux techniciens du Sax le temps de changer de plateau.

Quand l’institution Chicago Blues Festival arrive en ville, une chose est certaine : les guitares vont sonner ! Le concert démarre traditionnellement autour des musiciens qui accompagnent les trois figures de proue du navire et ce sont donc les excellents Chico Banks (guitare), Jesse Cross (basse) et Melvin Carlisle (batterie) qui se partagent les deux premiers titres parmi lesquels on reconnaît déjà un tonitruant « They Call It Stormy Monday » sur lequel Chico Banks sort de derrière ses retours et vient se coller aux premiers rangs de la salle … Le ton est donné et Eddie King peut rejoindre la scène, quelque peu imbibé de Beaujolais Nouveau et déguisé de façon à ressembler à quelque chose entre une guirlande électrique, un basketteur à la retraite et un Président des Etats Unis. Après avoir montré un certain mal à brancher son ES335, le guitariste nous servira quelques titres étonnamment bien envoyés compte tenu de son état avancé et cèdera rapidement la place à Mary Lane, encore un peu sous le coup du décalage horaire, et à Jimmy Johnson, ce dernier semblant plutôt agacé de devoir cohabiter avec les effluves d’Eddie King qui se promène sur le plateau, mangeant un sandwich ou s’aérant tout simplement les idées …

En une vingtaine de minutes, Mary Lane nous fera faire une brève visite au cœur du Chicago Blues, nous gratifiant au passage d’un « Mojo Working » sur lequel Chico Banks attirera les regards en plaçant un solo dithyrambique un peu trop trituré à la cry baby mais ô combien efficace ! Après la sortie de la chanteuse, il ne restera plus qu’à terminer la soirée avec un Jimmy Johnson passablement énervé par la tournure des évènements qui donnera quand même quelques belles démonstrations de son savoir-faire devant une salle respectueuse et attentive et devant son collègue Eddie King venu nous rejoindre dans les gradins. Revenu au grand complet pour un final que l’on aurait souhaité plus consistant, le Chicago Blues Festival cuvée 2005 se contentera de nous servir en rappel un « Sweet Home Chicago » bourré de dynamite et bouillonnant à souhait !

Bon enfant, le public quitte les lieux plutôt amusé par les quelques péripéties qui ont marqué un spectacle où la musique était quand même largement à la hauteur de ce que l’on était en droit d’attendre. Du haut de ses 77 ans, Jimmy Johnson ne démérite pas et prouve à qui se donne la peine de l’écouter que son jeu habile de guitare et sa voix haut perchée sont toujours aussi passionnants et que quelles que soient les conditions dans lesquelles il est appelé à se produire, il reste avant tout un grand Monsieur à qui il convient de tirer son chapeau !

Lupo E Luigi – Ecole Primaire – Porcheville – 18 novembre

Non content de les rencontrer chaque jour lors des repas au CAC Georges Brassens, il fallait absolument aller assister à une des représentations des compagnons du Théâtre du Risorius pour voir si leur bonne humeur communicative ressortait autant dans les spectacles que derrière une table. C’est donc en compagnie de Mike Lécuyer que nous décidions de prendre place dans leur bus aménagé en salle de spectacle pour profiter de « Lupo E Luigi », leur dernière création.

Dans une atmosphère feutrée qui prête à une attention toute particulière, une trentaine d’enfants nous accompagne autour d’une histoire de gentil et de vilain loup, le premier souhaitant entamer le dialogue plutôt que dévorer ses proies, le second ne pensant au contraire que par son estomac … De rencontres en banquets, diverses marionnettes peuplent une fable qui se voit entrecoupée par des projections vidéo permettant de changer les multiples décors. On croise ainsi un lapin, une chouette ou une araignée mais aussi un bambin, Luigi, et son père bien décidé à tuer le loup qui hurle la nuit et qui empêche son fils de profiter du sommeil du juste. Comme dans toute fable, la morale l’emporte et Luigi, après avoir failli se faire dévorer par le vilain loup, demande à son père de lui laisser la vie sauve avant de partir s’amuser avec son nouvel ami Lupo, le gentil loup. Tout ceci ne serait qu’une bien belle histoire si le tout ne se passait sur fond de blues avec des standards habilement réarrangés et des compositions personnelles bourrées de slide et de paroles en Français accessibles à tous, d’où leur place sur Blues-sur-Seine. Amateurs de blues et pères de familles ressortent ravis d’un spectacle dont les clichés matriarcaux sont absents et où les relations père fils sont autant mises en avant que les notions de bien et de mal. Un spectacles particulièrement original !

Stringers In The Night – Le Flip Bar – Mantes la Jolie – 18 novembre

Nous retrouvons vers 18 heures Stringers In The Night, anciens lauréats du Tremplin Blues-sur-Seine, dans un bar où le patron est aussi sympathique que ses clients sont turbulents et c’est entre bruits de comptoir et standards du blues revisités à la sauce Gérard Chaumarel et Arnaud Vandevoorde que nous allons passer un moment ensemble en attendant les concerts du soir.

Partagée en deux sets, la prestation des deux guitaristes acoustiques sera dédiée tout au long de sa première moitié à des morceaux qui font partie de la légende du blues, les « Kansas City », « Talk To Your Daughter », « Suffering Mind » ou « Walking By Myself », et si Arnaud passe beaucoup de temps à ajuster son accordage, c’est plus aujourd’hui en raison des variations climatiques entre un bar surchauffé et une rue glacée que pour les open tuning dont le jeune guitariste est friand. En bons musicologues qu’ils sont, Stringers In The Night ne manquent pas une occasion de citer leurs références, évoquant tantôt JB Lenoir, tantôt « Soul Of A Man » …

Après un bref intermède leur permettant de se rafraîchir, les deux complices vont très vite se lancer dans une deuxième moitié de show au cours de laquelle ils commenceront à visiter leur propre répertoire, notamment en puisant dans leur excellent premier album éponyme quelques titres comme « La partie de poker », « Caviar foie gras » ou « Ronsard Boogie » … Rejoints sur « Hoochie Coochie Man » et « Route 66 » par Sébastien, notre saxophoniste local, Stringers In The Night s’offriront un accompagnant un peu plus adéquat que le percolateur qui souffle régulièrement derrière le zinc et donneront une touche originale à des titres toujours aussi efficaces avant de laisser s’éteindre leur concert entre reprises et compos pour le plus grand bonheur d’une assistance sous le charme.

Au moment de quitter le groupe, on regrettera juste que leur concert de demain dans le cadre de l’abatage de deux tours au Val Fourré ait été annulé au dernier moment par la Mairie de Mantes la Jolie pour une sombre raison d’absence de budget car c’était une excellente occasion pour eux d’élargir quelque peu leur public en allant porter leur blues de grande qualité vers des spectateurs, officiels et inconnus, qui n’ont pas forcément l’habitude de goûter à un tel festin musical et qui, à défaut de parfaire leur culture, n’auront plus qu’à se jeter sur un cocktail qui saura, à n’en pas douter, se trouver le budget nécessaire pour exister. Quand culture et politique essaient de rimer, on assiste plus souvent à une cacophonie qu’à de l’art …

Nublues – CAC Georges Brassens – Mantes la Jolie – 18 novembre

Mélanger le blues au hip hop, il fallait être Anglais pour le faire et il n’en fallait pas plus pour s’attirer les foudres des bas du front et autres extrémistes de tous bords … Et pourtant, le génial guitariste Ramon Goose a relevé le défi, fort de son intime conviction que faire évoluer le blues et l’amener sur un plateau vers le jeune public était chose possible ! La preuve en images …

C’est un CAC Georges Brassens bien garni qui accueille le quartet britannique et si l’affluence rencontrée pour le concert de Little Bob n’est pas renouvelée, le chanteur Jay Nicholls va quand même pouvoir se produire ce soir devant un public conséquent. Dès le début du set, on remarque un jeu de lights ambitieux qui n’hésite pas à mettre des tonnes de vert sur la batterie, donnant un cachet tout particulier à la soirée et réjouissant l’œil des photographes. Piochant dans « Dreams Of A Blues », son album sorti en 2004 chez Dixiefrog, Nublues sait charmer les plus réfractaires en débitant au kilomètre des stères de blues et en plaçant de temps à autres un phrasé rap ou quelques beats inattendus qui font grincer les dents de certains mais qui régalent globalement une assistance emballée par tant d’audace …

Attendus à quelques kilomètres de là pour le concert des Pappy Johns Band, nous ne pourrons profiter du show que jusqu’à une effarante reprise de Stevie Ray Vaughan toute en finesse, Ramon Goose faisant pleurer, crier, sangloter ou gémir sa Stratocaster argentée à la demande de façon plus qu’admirable et maintenant l’attention de la salle en éveil grâce à un charisme impressionnant compte tenu de son jeune âge. Comme disait notre ami Zégut lors de notre dernière rencontre : Nublues, c’est de la balle !      

Veronika Jackson – The Pappy Johns Band – Salle Municipale – Limay – 18 novembre

Le set de Veronika Jackson tire à sa fin quand nous arrivons dans la Salle Municipale de Limay et nous n’avons que le plaisir d’entendre « Corina », sa cover d’Eric Bibb, et « You Don’t Know » avant que cette one woman blues band ne rejoigne sa loge. Le public semble partagé et si certains sont emballés par la prestation de Veronika, d’autres semblent quelque peu blasés … 

Nous découvrons ce soir les Indiens du Canada venus de la Six Nation Indian Reserve pour nous présenter un blues qui pioche régulièrement dans les classiques mais qui sait aussi être conscient dans son propre Chicago blues en y insérant des phrases choc. On apprend ainsi que l’Amérique et ses natifs ont découvert Christophe Colomb en 1492 et non le contraire et ces Peaux-Rouges qui chantent un blues noir dans un monde de blancs vont faire montre d’un talent XXL, à l’image de leur chanteur Faron Johns, pour régaler l’assistance de leur rez blues vif et tranchant comme une flèche … Ceux qui s’attendaient à un spectacle à base de signaux de fumée et de plumes vont en être pour leurs frais car c’est sur fond de « Let The Good Time Roll » ou de « My Baby Got A Black Cat Bone » que The Pappy Johns Band va faire vibrer Limay. Prenant le soin de traduire le nom de ses morceaux en Français à l’aide d’une set list collector écrite dans la langue de Molière, le claviériste Murray Porter nous annonce « Ame qui brille » (« Soul Shine »), « Mon bébé fou » (« My Baby Crazy ») ou « Viande sur les os » (Meat On The Bones ») avec beaucoup de délicatesse et de bonhomie, donnant à la soirée cette allure de grande fête chaleureuse que nous espérions tous. La valse des caméras venues immortaliser l’événement ne gêne en rien les spectateurs qui se montrent particulièrement ravis lorsque les morceaux virent au rhythm’n’blues et qui remercient le groupe par une standing ovation très spontanée avant un rappel très groovy sur fond d’un « Love Lites » ponctué d’un brillant solo de batterie. Prouvant avec l’art et la manière que les Indiens sont eux aussi de très grands musiciens de blues, le guitariste Josh Miller, le bassiste Down Powless et le batteur Oren Doxtator se sont fendus d’une prestation particulièrement bien en place … Un des grands moments du festival !

Les Petites Tounes – Salle Municipale – Limay – 19 novembre

Après avoir accueilli ce matin à Roissy les Québécois de Blues Berry Jam, nous choisissons de retourner voir le spectacle pour enfants proposé par Les Petites Tounes tant la première découverte fut réjouissante. Nous offrant un show quasiment identique à celui des spectacles scolaires, les quatre complices recueilleront aujourd’hui les fruits de leurs efforts puisqu’une jeune spectatrice les ayant rencontrés sur une de leurs prestations à Montréal cet été viendra les rejoindre sur scène, costumée exactement comme Rodolphe, pour les accompagner dans la vibrante déclaration d’amour « Prout Prout que je t’aime » … Un moment unique qui prouve que le talent et la bonne humeur ne craignent pas la distance et ne connaissent pas les frontières …   

Blind Lemon Blues – La Nacelle – Aubergenville – 19 novembre

Blues-sur-Seine s’y connaît mieux que quiconque pour créer l’évènement et après avoir programmé la pièce de théâtre « 501 Blues » en 2003, c’est au tour de la comédie musicale « Blind Lemon Blues » de se produire dans une Nacelle qui affiche complet depuis bien longtemps ! Créé et réalisé par Alan Govenar, écrivain et référent blues auprès de l’Unesco pour ses actions de sauvegarde du patrimoine musical mondial, mis en scène par Akin Babatundé qui y joue également le rôle de Blind Lemon Jefferson, le spectacle propose un voyage au cœur des musiques noires-américaines qui commence avec Leadbelly à New York et qui se poursuit avec l’ascension sociale de Blind Lemon de ses débuts dans la rue où il se produit avec une sébile à ses pieds jusqu’à ses enregistrements pour Paramount à Chicago et à sa mort …

De titres méconnus en standards, Cavin Yarbrough et Alisa Peoples Yarbrough ont travaillé autour de quatre-vingt morceaux appartenant à l’anthologie du blues, des spirituals et du rhythm’n’blues pour les arranger en un show homogène où les talents de chanteur et d’acteur de chacun sont mis en valeur du début à la fin. Un décor urbain, quelques valises et des micros suffiront à mettre en avant le subtil jeu de guitare de celui qui passera tout son spectacle dans l’ombre, rythmant la soirée de façon tellement précise que l’on croirait qu’une bande son passe au loin … Croisant à l’occasion des personnages comme Hattie Hudson, Bessie Tucker ou Ida May Mack au détour d’une chanson, l’histoire nous fait revivre des morceaux comme « Butcher Shop Blues », « Penitenciary Blues », « Carbolic Acid Blues », « Lectric Chair Blues », « Rabbit Food Blues » ou « Hangman Blues » et séduit son monde grâce à un jeu proche du public qui aide à faire passer le courant et à une chaleur communicative qui se dégage des fabuleux artistes qui se donnent à 200% dans le show pendant près de deux heures d’une prestation admirable tant elle est documentée et techniquement parfaite.

Après avoir reçu une standing ovation amplement méritée, toute la troupe de Blind Lemon Blues viendra se prêter à un sympathique jeu de questions et de réponses avec le public et nous permettra de découvrir à quel point chaque personne qui la compose est capée dans son domaine. Anglophones et non-anglophones se délecteront de l’accent succulent et de l’humour de notre ami Normand Perras, bénévole venu du FestiBlues prêter main forte aux cuisines de Blues-sur-Seine et improvisé traducteur officiel du débat de ce soir. Après dix jours de festival, les esprits et les rouages commencent quelque peu à s’émousser mais de telles soirées apportent une immense émotion qui permet de continuer à avancer, même si la nuit sera courte pour les musiciens et pour nous, heureux bénévoles qui auront la chance de vivre un after très très privé dans les véhicules qui raccompagnent Blind Lemon Blues à Roissy dans la froideur hivernale d’un dimanche endormi … La chaleureuse accolade donnée par chacun des artistes à l’arrivée dans l’aérogare sera sans aucun doute notre plus belle récompense de tout le festival !

Exposition BD Blues / Salons d’instruments – CAC Georges Brassens – Mantes la Jolie – 20 novembre

On l’a déjà vu, Blues-sur-Seine ne se contente pas d’être un festival où l’on joue du blues ! Outre les concerts, les rencontres musicales, les master class et les projections cinématographiques, c’est à trois manifestations conjointes que nous convie l’équipe du CAC Georges Brassens en cette journée glaciale avec une brocante d’instruments installée sous une grande tente, un salon d’instruments neufs proposé par nos amis de Tomahawk Musique et une présentation de la collection BD Blues en collaboration avec les Editions Nocturne et l’association Bulles de Mantes. Cerise sur le gâteau, Jean-Sé, l’illustrateur du volume consacré à Robert Johnson, est venu en personne dédicacer son œuvre !

Plus habitué aux festivals de BD qu’à ceux de musique, Jean-Sébastien Vincent dit Jean-Sé est musicien dans un groupe de rock, Stéroïds, et ses talents de dessinateur le poussent régulièrement à travailler en freelance pour diverses agences, groupes, magazines et labels … Agé de trente ans, le jeune homme adepte des tatouages et du piercing bénéficie aujourd’hui une reconnaissance nationale en devenant celui qui a eu la charge et le privilège de s’occuper de l’ouvrage consacré au plus grand et au plus méconnu des bluesmen de tous les temps, le fabuleux Robert Johnson.

Après avoir recueilli l’autographe tant convoité, bédéphiles et fans de blues pouvaient se régaler en découvrant quelques instruments choisis dans différentes gammes de qualité et de prix et rêver devant des guitares de prestige comme cette magnifique Gretsch blanche affichée à 6.000 Euros. En grand professionnel, Bibiche se chargeait d’apporter le conseil à ceux qui hésitaient entre deux modèles, le tout dans un brouhaha du aux différents visiteurs occupés à essayer le fruit de leur convoitise … L’espace Luther Alisson accueillait quant à lui une jam session, le tout sur fond de Beaujolais Nouveau et de bonne humeur. Quoi de plus sympathique avant d’attaquer la dernière semaine du festival par un jour de repos ?

Démonstration de Slam – Collectif 12 – Mantes la Jolie – 20 novembre

Après que Pappy Johns Band se soit chargé de faire vibrer le Collectif 12 sur des rythmes beaucoup plus tribaux que ceux de leur spectacle en salle de vendredi dernier, c'est Eva DT qui s'est présentée sur la scène pour nous dévoiler les travaux de l'atelier de slam. Issus de toutes origines, les participants se livrent à l'art de la rhétorique avec leur propres mots et leurs propres expressions, transmettant leur parole, leur histoire et un peu de leur vie dans un objectif de mixité sociale et intergénérationnelle. Pratiqué librement devant un public, le slam va de la poésie classique jusqu'au flow hip hop. Chaque intervenant se produit pendant 3 à 5 minutes en utilisant le ton qui lui convient le mieux, le chant, le cri, le chuchotement, le gémissement et tant d'autres encore. Rédigés ou improvisés, les poèmes sont livrés sans musique, sans accessoire, juste avec beaucoup de cœur et une volonté d'ouverture et de tolérance. Très impliqué dans le slam et dans sa philosophie positive, Blues-sur-Seine en programme depuis plusieurs années … « Une scène slam mélange ceux qui écoutent et ceux qui slament, les filles et les garçons, les jeunes et les adultes, pas de racisme, de sexisme ou autre discrimination. »


Big Mama – Centre Léopold Bellan – Septeuil – 22 novembre

Une semaine après avoir accueilli Veronika Jackson, les pensionnaires du Centre Léopold Bellan reçoivent cet après-midi Big Mama et son complice harmoniciste Joan Pau Cumellas pour un concert riche en émotions donné devant les caméras de France 3 venues pour préparer un sujet pour le journal régional du soir.

Devant un public empêché, le duo va se livrer à un set d’une heure bourré de gentillesse et d’humanité, Big Mama s’adressant aux personnes âgées dans un Français joliment coloré de son accent catalan et leur proposant un voyage aux sources des musiques noires américaines où l’on rencontrera le folk, le blues, le jazz et même le rock avec une version apaisée d’un « Hound Dog » qu’avait immortalisé Elvis Presley en d’autres temps. Réactifs à tant de talent et à tant de charme, certains des retraités les plus valides vont se lancer dans quelques pas de danse, les autres se contentant de profiter du moment en tapant dans leurs mains. La guitare en bandoulière, Big Mama prendra le temps de présenter les morceaux un à un et saura faire passer sa vision du blues en chantant quelques « Big Mama’s Blues », « They’re Red Hot » ou un très amusant « Frog Croak Boogie » repris en chœur par une assistance devenue batracienne pour l’occasion et croassant à tout rompre ! La plus belle récompense qui puisse être viendra des visages radieux de ces personnes parfois impotentes qui auront eu droit à quelques courts instants de bonheur grâce à Blues-sur-Seine et à ses artistes … Merci Big Mama, merci Joan Pau !

The Blues Berry Jam – Bjorn Berge – Salle des Fêtes – Mézières sur Seine – 22 novembre

Il y a des jours où l’on aimerait pouvoir se partager en deux puisque au moment même ou The Blues Berry Jam et Bjorn Berge se produisent dans la chaleureuse salle de Mézières sur Seine, le non moins accueillant Espace Corot de Rosny sur Seine accueille Big Mama et Tandoori Lenoir pour un show dédié à la délicatesse et à la générosité puisque Big Mama y présentera ce soir un morceau original qu’elle a baptisé « Blues-sur-Seine », tout comme l’avait déjà fait Mighty Mo’ Rodgers en 2003.

Avec une petite trentaine de minutes de retard sur l’horaire, les élèves des écoles locales vont venir restituer en deux temps, le premier étant consacré à l’harmonica avec Sébastien Charlier et Nicolas qui nous proposeront un titre créé pour l’occasion et une reprise du « Walking On The Moon » de Police, le second revenant à Didier Zaffran qui a formé ses disciples sur un traditionnel et sur le désormais célèbre « L’étoile de l’enfant noir a le blues ».

Articulé autour d’une section rythmique bien en place, The Blues Berry Jam a le cœur qui balance entre les compositions et les reprises et c’est à un concert très riche qu’ils nous convient ce soir puisque Nancy Desmarais et ses cinq compagnons ne vont pas manquer de se donner à fond dans un set marqué par quelques belles descentes d’ivoires de Sébastien Dubois et par le jeu de guitare inventif d’Eric Maher. La voix écorchée de Nancy fait autant de miracles sur « Heartbreak Hotel » que sur « Chain Of Fool », l’intemporel « Mojo Working » emprunté à Muddy Waters satisfait les amateurs de standards puis The Blues Berry Jam se lance enfin dans des expériences un peu plus osées avec un « Flip Flop And Fly » chanté par Sébastien Dubois et un « Mary Ann » interprété par Eric Maher, les deux autres voix du groupe, et nous dévoile encore quelques compositions comme l’intéressant shuffle « Blues Train » qui donne l’occasion à Nicolas Piguet de nous montrer ses talents d’harmoniciste ou le plus dispensable « Quelque part », une blues ballade un peu trop arrosée de sirop d’érable. Un bref « Roadhouse Blues » a capella avec les claps du batteur Jee-F Gauvreau et de Nicolas Piguet fera office de rappel et viendra clore un set un peu court mais vraiment captivant.

Quand le Viking du blues débarque dans une salle avec ses guitares et son couvercle de flycase arrangé en percussion, on est certain qu’un grand moment va avoir lieu ! Encensé par le public, présent sur les plus grands festivals hexagonaux, de Blues Autour Du Zinc à Cognac Blues Passions, Bjorn Berge a décroché le surnom de Stringmachine et triture ses trois guitares accordées en open tuning dans un style qui mélange picking et slide pour n’en garder que le meilleur. Pourvu de bras imposants recouverts de tatouages, le génial guitariste va une nouvelle fois nous proposer son assortiment de vieux standards de John Estes et de Robert Johnson et de ses propres compositions, arrangeant le tout à la sauce norvégienne avec beaucoup d’énergie, une louche de funk et un poil de hip hop pour en arriver à nous offrir des versions mémorables de « Rambling On My Mind », « Traveling Riverside Blues » ou « Going To Brownsville ». Peu avare des discours aussi amicaux que mercantiles, Bjorn Berge séduit autant par son franc parler que par le brio dont il fait preuve pour mettre en pièce un morceau et pour le reconstruire ensuite, s’essayant au jeu avec l’époustouflant « Thirteen Questions » avant de se laisser emmener par le courant vers ses hits les plus appréciés, les « Black Jesus » et autres « Thursday », ce dernier venant en rappel juste avant le désormais traditionnel « Ace Of Spades » qui clôture un show gorgé d’humour et de bonne humeur.

Mézières sur Seine a sans doute vécu ce soir son plus beau concert depuis des années. Quelque-peu sans dessus-dessous, les esprits commenceront à se remettre en phase normale de fonctionnement après une séance interminable de dédicaces où les fans, nouveaux et anciens, recueilleront l’autographe du colossal Norvégien sur ses albums mais aussi sur tout et n’importe quoi, une affiche, un T-Shirt, un bout de papier qui traîne … De ce côté, le public se montre au moins aussi inventif que peut l’être l’artiste sur scène et ce n’est pas peu dire !

Arvern’ Blues Society – CAC Georges Brassens – Mantes la Jolie – 23 novembre

Raconter l’histoire du blues aux enfants des écoles et des centres de loisirs, c’est le défi que relèvera à trois reprises pendant Blues-sur-Seine l’équipe d’Arvern’ Blues Society que les amateurs de notes bleues connaissent déjà pour sa luxueuse revue ABS mais aussi pour les concerts et les expositions qu’elle organise. C’est donc parti pour une heure de découverte qui commence avec une « Hoochie Coochie Mama » interprétée par la brillante Laetitia qui nous régale non seulement d’une voix sublime mais aussi d’un jeu de guitare très fluide subtilement relevé par la basse d’Olivier.

Jeunes et moins jeunes (re-)découvrent l’histoire de l’Amérique, sa découverte par Christophe Colomb, l’introduction des esclaves, la ségrégation, le coton, le boll-weevill et le blues et entre les explications données par l’âme fondatrice de l’Association et les chansons interprétées par les deux jeunes musiciens, le temps passe sans que l’on ne s’en aperçoive. On évoque les conditions du décès de Bessie Smith et Laetitia entonne un « Nobody Knows You When You’re Down And Out », on s’attarde sur le sort de Robert Johnson et c’est un « Me And The Devil Blues » qui retentit, l’électricité prend place dans les guitares et John Lee Hooker nous glisse un petit coup de « Boogie Chillen » … Vient ensuite le renouveau du blues avec les Rolling Stones, Buddy Guy et BB King, les diapositives se suivent sur l’écran, « My Baby’s Gone » se fait entendre de tous et c’est parti pour une petite démonstration où les plus jeunes viennent se mettre à la guitare, découvrant les premières attaches charnelles avec l’instrument et en tirant leurs premiers couacs. Les jeunes gens qui montraient un peu de peine à chanter se lâchent et en redemandent, obtenant un ultime « Rollin’ And Tumblin’ » avant de rejoindre leurs structures respectives. Dans la salle, on reconnaît Harrison Kennedy, Big Mama, quelques Blues Berry Jam … Vous avez dit jeune public ?

Tandoori Lenoir – Association Déclic – Mantes la Jolie – 23 novembre

De retour dans les locaux de l’Association Déclic un an après le concert de JB Boogie qui avait littéralement embrasé le centre d’accueil de jour pour SDF, Blues-sur-Seine programme Tandoori Lenoir, un sextet catalan très cuivré qui distille un swing musclé mâtiné de boogie, de rhythm’n’blues et de jazz et qui fait monter sa musique si haut qu’elle fait des étincelles tout au long d’un set instrumental proposé à une heure où les habitués des lieux vaquent malheureusement à d’autres occupations comme par exemple chercher du travail ou un toit décent. C’est donc en petit comité que Pep Pascual et Dani Nel-Lo feront sonner clarinette basse et saxophones, le tout sur une rythmique imperturbable assurée par la contrebasse perfectionniste d’Arthur Regada et la batterie d’Aldo Munari et avec en accompagnement la splendide Epiphone électro-acoustique d’Amadeu Casas et le piano d’August Tharrats. Accueillants au possible, les bénévoles de l’association nous ont concocté un accueil haut de gamme avec café et gâteaux, apportant un peu de chaleur à ses visiteurs mais aussi à une équipe d’organisation qui commence légitimement à accuser le coup après déjà deux semaines de festival. Et ce n’est pas fini !


Harrison Kennedy – Foyer des Jeunes Travailleurs – Mantes la Jolie – 23 novembre

Le partenariat entre Blues-sur-Seine et le Foyer des Jeunes Travailleurs de Mantes la Jolie est tenace et il est désormais traditionnel qu’un dîner concert soit programmé dans ces locaux accueillants où officie un maître-queux des plus fameux de la région. Aussi abordable que goûteux, le menu du soir propose Salade fraîche aux gésiers confits, Cassoulet de Castelnaudary, Terrine de Roquefort et Pâtis gascon et si le plaisir des papilles est d’ores et déjà assuré, celui des oreilles ne sera pas en reste puisque c’est Harrison Kennedy qui se chargera de faire vibrer une salle archi-comble qui pour rien au monde n’aurait raté une telle fête.

Entamé tranquillement pendant l’apéritif, le spectacle charmera non seulement par le jeu de guitare et la voix du Canadien mais aussi par son jeu d’harmonica qui lui a été enseigné par le grand Sonny Terri. Aux côtés de celui qui a fait les belles heures des Chairmen Of The Board dans les années 70, on découvre un jeune et brillant homme à tout faire aussi habile aux percussions et au ukulélé qu’à la basse qui va nous en faire voir de toutes les couleurs avec son jeu euphorisant. Passé le plat de résistance, le duo reviendra nous faire digérer avec une seconde partie de set plus chamarrée que la première, Harrison Kennedy se lançant dans un prêche entre blues et gospel puis nous gratifiant d’un titre intégralement aboyé qui ne manque pas … de chien ! Suffisamment polie pour applaudir entre les morceaux mais trop peu pour se taire pendant, l’assistance appréciera toutefois une prestation qui en promet long pour celles des jours à venir puisque c’est avec un plaisir non feint que nous retrouverons ces deux hommes captivants tant musicalement qu’humainement sur deux dates à venir. Mélanger blues et bons petits plats n’a pas que des avantages pour les artistes mais ce soir le talent était aussi flagrant derrière les fourneaux que derrière les instruments … Bravo !

Big Brazos – Big Mama – Château de La Roche Guyon – La Roche Guyon – 24 novembre

Pour entretenir les bonnes relations avec ses partenaires institutionnels et privés, Blues-sur-Seine a pris l’habitude d’organiser une prestigieuse soirée « hors programme » dans le cadre idyllique du Château de La Roche Guyon et d’y programmer des artistes de grande classe pour mieux mettre en valeur un endroit magnifique et un cocktail dînatoire haut de gamme. Un événement que l’on aurait pu qualifier de « Big Soirée » puisque Big Mama et Big Brazos s’y produisent cette année …

Après avoir traversé la Cour d’Honneur du Château, les convives sont attendus dans la Salle des Gardes où, après deux brèves allocutions de l’organisation, Big Mama va se charger de servir une mise en bouche musicale dont elle seule a le secret. Proche de son public dès les premières secondes de son concert, Montserrat Pratdesaba va trouver les mots et les notes capables de le séduire et de l’attirer dans un jeu habile où elle lui fera partager des moments forts comme cet imposant « Nobody Knows You When Your Down And Out » de Bessie Smith ou encore quelques amabilités comme « Africa » ou « Shine » qu’elle empruntera à Louis Armstrong. Une superbe intro d’harmonica de Joan Pau Cumellas ouvre les portes à un épatant « Summertime » dont l’ambition est telle qu’il se marie de façon inattendue sur le final avec le magnifique « Stairway To Heaven » puis l’émotion secoue quelque peu le staff quand Big Mama nous offre son cadeau au festival, le morceau « Blues-sur-Seine » écrit en collaboration avec l’auteur anglais Andrew Nelson. « The Joyful song is Blues sur Seine, Cause blues is a healer and love is the key, Thats opens all heart in Mantes la Jolie » … Suivent les « Love In Vain » et « They’re Red Hot » de Robert Johnson, le « God Bless The Child » de Billie Holiday dédié à l’équipe du festival et le joyeux gospel « Don’t Miss That Train » puis Big Mama s’inquiète pour ses invités car il est déjà 22 heures et que leurs estomacs commencent à réclamer quelques douceurs. Sollicitant un rappel, le public obtient le chaleureux « Banana Boat Song » d’Harry Belafonte puis quitte les lieux dans le calme, empruntant le vieil escalier de service du Château pour rejoindre la cour puis les écuries où les attendent les photos de François Berton au beau milieu d'un magnifique décor concocté en grande partie par les bénévoles en charge de la soirée …

Lauréat du Tremplin Blues-sur-Seine en 2003, Big Brazos va ce soir se plier à un exercice périlleux qui consiste à jouer devant un public qui, majoritairement, se montre plus intéressé par les victuailles et les mondanités que par la musique d’un groupe qui ne manque pourtant pas d’arguments. Partis pour deux heures de leur swamp blues acoustique, les quatre Parisiens vont panacher leurs propres compositions et des standards du blues venus du Delta du Mississippi comme le superbe « Railroad Worksong » que l’on connaît surtout sous l’appellation « Take This Hammer ». Dérivant vers le boogie, vers le gospel avec un épatant « You Gotta Move » ou vers le zydeco avec des brûlots comme « Ta tête est dans la mienne » ou l’inénarrable « Les zaricots sont pas salés », Big Brazos fera tout son possible pour attirer l’attention du public avec pour seules armes trois manches, un harmonica et quatre voix ce qui est fort peu quand on fait face à des petits-fours, des mets délicats et du champagne … Quelques connaisseurs se régaleront pourtant d’une musique prodiguée avec des instruments de haute facture comme cette superbe guitare Martin ou ce non moins épatant dobro National de 1931 dont  les sons valaient à eux seuls tous les cocktails de la terre ! Recueillant enfin le fruit de son travail sur les coups de minuit, Big Brazos terminera son concert en fanfare pour une poignée de fans venus les remercier de cette prestation difficile mais vraiment captivante. Ceux qui ont des regrets pourront toujours se rattraper le 4 décembre au One Way …


Harrison Kennedy – Sharrie Williams – Forum Armand Peugeot – Poissy – 25 novembre

C’est la troisième année que Blues-sur-Seine programme un concert au Forum Armand Peugeot, une superbe salle habituellement dédiée aux présentations des véhicules de la marque et aux séminaires et autres réunions en tous genres. Le raffinement est de rigueur entre bois et velours bleu et avec une véritable scène à la hauteur du talent des deux artistes proposés ce soir.

Costume gris impeccable, panama assorti et chaussures rouges vernies, Harrison Kennedy est un homme qui prêche plus son blues qu’il ne le chante et c’est a capela qu’il commence avec un chant de bagnards, « Chain Gang Holler », avant de rejoindre sa fidèle douze-cordes qui lui servira bien évidemment de guitare mais aussi de percussions quand il ne s’empare pas de ses maracas ou de cuillers à salade … Partagé entre morceaux récents et vieux souvenirs de la période où il concourrait régulièrement avec son groupe pour l’équivalent des Victoires de la Musique au Canada, celui qui partage son patronyme avec une des familles les plus célèbres des Etats Unis nous racontera comment ce pays comptait rapatrier les populations émigrées au Canada en leur offrant « 48 acres et une mule » à leur retour et nous proposera des titres métissés où l’on croise soul, funk, country et blues roots. Un morceau dédié à Memphis Minnie, une artiste que sa mère disparue en décembre dernier appréciait particulièrement, quelques titres proches de ceux d’un certain Bob Dylan, un « Make A Difference » puisé dans « Voice + Story », le dernier album en date, et un final semblable à l’entrée en lice finiront de donner raison à un artiste qui offre beaucoup et demande très peu en échange …

Les invités de la marque au lion tardent quelque peu à rejoindre leurs places et tout le monde attend avec impatience une chanteuse dont le coffre est nettement plus imposant que celui de la petite dernière-née de l’usine qui trône dans le hall. Démarré par un long instrumental très groovy, le concert part en trombe avec un « Hard Drivin’ Woman » en forme de clin d’œil bien involontaire à nos hôtes du soir et dès les premières minutes, Sharrie Williams établit le dialogue avec une assistance qu’elle doit quelque peu secouer pour la réveiller. Accompagnée par les Wiseguys, la chanteuse originaire du Michigan peut se reposer sur une formation formidablement en place qui connaît sur le bout des doigts la recette adéquate pour faire monter le soufflé. Quand Sharrie se trouve gênée par les fumigènes, Lars Kutschke se lance dans un long solo de guitare pour lui laisser reprendre son souffle, quand ses chaussures la font souffrir, c’est Pietro Taucher qui frappe ses ivoires pour lui laisser le temps d’enfiler des ballerines plus confortables … Rien ne vient troubler un ensemble cohérent et efficace qui assure dans l’ombre quand la chanteuse rejoint la salle pour aller danser longuement avec son public sur « Just You And Me » et qui tient les rênes avec beaucoup d’humilité et de classe, sans en faire des tonnes alors qu’il y aurait pourtant la matière nécessaire.

Rejointe par les Chorales de Magnanville Jeunesse dirigées par notre amie Maria, Sharrie Williams lâche encore un peu plus de lest et se lance pour la première fois dans une expérience originale où elle se retrouve entourée d’une formation d’une quarantaine de personnes dont le lyrisme n’est plus à prouver. La magie opère et Sharrie se montre assez émue par le résultat qu’elle contemple avidement, faisant bientôt éclairer la salle et laissant libre cours à l’improvisation pour un final épileptique où elle invite ses musiciens mais aussi les choristes et même les cadres supérieurs de l’assistance à venir la rejoindre pour quelques pas de danse improvisés au beau milieu de la scène. Remerciée par ses disciples qui lui offrent un bouquet de fleurs, Sharrie récompense à son tour son public en lui lançant une rose puis revient sur scène pour un rappel pendant lequel elle invitera Harrison Kennedy à l’accompagner sur un fantasmagorique « Purple Rain » qui lui vaudra une standing ovation appuyée de près d’une vingtaine de minutes ! Le sol tremble sous le poids d’une émotion difficile à contenir, une décharge mélangeant adrénaline et électricité passe de la salle à la scène et Sharrie Williams reste au beau milieu de la pièce, scintillante, resplendissante, comme irradiée par la joie qu’elle a offert ce soir … Inoubliable ! 

 
La Clinik du Docteur Schultz – CAC Georges Brassens – Mantes la Jolie – 25 novembre

N’ayant pas encore le don d’ubiquité, nous confions ce soir à notre ami Alain blondel le soin de nous rapporter l’idée générale émanant de l’évènement du CAC avec le projet parallèle du frontman des Parabellum, le légendaire Schultz, chanteur, guitariste et mythe vivant du rock’n’bibine ! Revisitant à la sauce pub-rock avec une pointe de punk dedans les morceaux de ses idoles, de Chuck Berry aux Sex Pistols en passant par les Stones, Johnny Burnett, Gene Vincent, les Kinks, les Ramones et même Jimmy Cliff, le trio guitare, (contre-)basse et batterie déversera sur le CAC l’ambiance des grands jours et fera monter (et mousser …) la pression tout au long d’un show éructant à souhait qui, s’il était un peu à côté du concept blues de base du festival, aura réussi y s’y faire une place et en aura donné pour son argent à une salle bouillante dans tous les sens du terme ! Si l’idée de départ n’était autre que celle de piocher dans la discothèque idéale des cinquante dernières années et d’en reprendre les standards, Schultz aura prouvé ce soir à ses fans qu’il n’y a pas qu’« Anarchie en Chiraquie » qui soit capable de sonner juste quand il branche sa guitare … A bon entendeur !

Harrison Kennedy – Le Chaplin – Mantes la Jolie – 26 novembre

Les prestations d’Harrison Kennedy sont tellement captivantes que l’on ne résiste pas au plaisir d’aller le retrouver en plein cœur du Val Fourré, juste à côté des décombres des tours Ramon foudroyées il y a à peine une semaine … Convenablement remplie, la salle qui accueille régulièrement le cinéma d’art et essai va en ce début d’après-midi goûter aux joies d’un concert en tous points parfaits !

Le spectacle commence par les restitutions des élèves des écoles Matisse et Coubertin qui viennent se livrer à quelques titres en compagnie de leur professeur Greg Szlapczynski fraîchement débarqué de Paris par le dernier train puis Harrison Kennedy prend place dans une arène où, à défaut de fauves, on trouve quelques grappes de jeunes enfants qui se prêtent au jeu du guitariste canadien. Une « Honky Tonk Woman » en appelle une autre, et Harrison Kennedy nous régale une fois de plus de son jeu fin et sensuel dans lequel on retrouvera même une pointe de flamenco ou encore une autre de calypso sur une reprise d’Harry Belafonte où il est question de Martin Luther King. Après un petit brouhaha du à quelques malpolis quittant les lieux aussi prématurément que bruyamment, la majeure partie des enfants assistera bouche bée à un concert de blues à sa portée et viendra quémander de multiples autographes à la fin d’un show qui aura une fois de plus atteint son but, à savoir se rendre riche, coloré et humain. Quand les gosses des banlieues dites chaudes se mettent au blues, c’est que Blues-sur-Seine est passé dans les parages … 

London Gospel Choir – Cosec – Les Mureaux – 26 novembre

Rénovée il y a plus d’un an, la salle du Cosec des Mureaux accueille aujourd’hui l’avant dernier concert du festival et, recruté après la défection du Soweto Gospel Choir resté en Australie pour poursuivre sa tournée, c’est le London Gospel Choir qui va se charger d’animer une soirée placée sous le signe des chants chrétiens dont sa communauté est friande. Par chance, le remplissage de la salle muriautine est cette année en rapport avec la réputation du festival et avec celle des groupes qu’il accueille, en grande partie en raison d’un affichage très voyant qui faisait défaut les années précédentes puisque l’on se souvient des expériences malheureuses vécues par Froidebise ou encore Dawn Tyler Watson se retrouvant devant des salles quasiment vides par manque de communication …

En guise de première partie, les jeunes gens du Centre des Arts du cru viennent nous présenter leur travail et après avoir survécu à deux solistes nous proposant « Le blues du dentiste » d’Henri Salvador pour le premier et « Ce que le blues a fait de moi » de Jean-Jacques Goldman pour la seconde, le tout accompagné par un piano pathétique, c’est l’atelier R&B qui viendra nous infliger deux titres pas franchement en place et un « Hymne à l’amour » qui ne suffira pas à relever le niveau général d’une prestation très orientée « variétés » et sans aucun intérêt dans ce genre de manifestation.

Composé d’une section musicale avec guitare, basse, batterie et claviers, de neuf choristes et d’un chef de chœur,  le London Gospel Choir est une grosse machine créée il y a 25 ans par le Révérend Bazil Meade qui, pour convenance personnelle, est absent de la prestation du jour. Après avoir accompagné récemment Madonna sur le concert du Live 8 londonien, l’ensemble nous propose ce soir un répertoire traditionnel qui embrase instantanément une salle bon enfant appréciant de retrouver des titres comme « Everybody Prays The Lord », « Swing Low, Sweet Chariot » ou « Bridge Over Trouble Water » dans des versions qui se teintent parfois de rythmes créoles ou funk et qui, si elles surprennent les puristes, ravissent une grande partie de l’assistance par leur énergie et leur efficacité. On assiste ainsi à diverses démonstrations des choristes qui se produisent en solo au coup par coup et qui ne ménagent pas leurs effets pour tenter de faire passer leur bonne parole sur un ton fluide et léger. Rejoint sur le rappel par les chanteurs du Centre des Arts, le London Gospel Choir nous servira un ultime « Oh Happy Day » en forme de tarte à la crème avec la chorégraphie adéquate et les mots justes pour placer quelques albums à un public friand de ce genre de produits. Après s’être dépensée pendant une grosse heure d’un concert aussi festif que gospel, la salle se videra rapidement et dans un calme surprenant après tant d’efforts … La fatigue générale acquise après pratiquement trois semaines de festival gagnerait elle tout le Val de Seine ? On serait presque tenté de le croire …

Marvellous Pig Noise - CAC Georges Brassens - Mantes la Jolie - 27 novembre

C'est la gorge un peu serrée que nous abordons ce soir le dernier concert de cette septième édition de Blues-sur-Seine mais les Marvellous Pig Noise vont très vite nous consoler en dynamitant le CAC Georges Brassens à grands coups d'un blues arrangé à la sauce bayou avec beaucoup de soul, de funk, de cajun et de gospel à l'intérieur. Conduite par les guitaristes et chanteurs Pierre Citerne et Jérôme Dufour, la formation nous servira entre autres ce soir deux de ses titres en Français, " Ma culture " et " Louise & Anne " en nous promettant que son prochain album annoncé pour le printemps 2006 sera écrit intégralement dans la langue de Molière, et nous régalera de ses harmonies où la place du clavier de Mike Lattrell est importante. On se laissera emporter par quelques gospels païens comme " Think About It " qui met la nature à l'honneur ou " Great Change " qui laisse apparaître des signes ostensibles d'athéisme … " Come On In My Kitchen " sera l'occasion de laisser entrer un traditionnel dans le répertoire d'un groupe qui nous offrira généreusement un " Rollin' In My Sweet Baby's Arms " à la mandoline avant de nous plonger dans un bain de blues lent et sensuel avec " Something Don't Work " pour finir son set en big bang en en vocalises diverses avec le public sur " Homesickness ", le tittle track de leur premier album.

Après une brève allocution de Jean-Marie Alexandre, le Président de l'Association Blues-sur-Seine, venu remercier le staff, les bénévoles et le public, la place sera rendue aux Marvellous Pig Noise qui nous gratifieront en rappel d'un " Somebody's Callin' My Name " qui sera l'occasion pour chaque musicien de se fendre d'un petit solo individuel pour finir en boulet de canon collectif dévastateur !

A la manière d'un feu d'artifice, Blues-sur-Seine nous a proposé ce soir un bouquet final coloré et explosif qui laissera des traces dans le cœur d'un public qui aura répondu présent en nombre sur chaque concert et sur chaque manifestation, qu'elle soit publique ou privée. Il faudrait remercier tout le monde, le staff, les équipes techniques, les coordinateurs, les bénévoles locaux mais aussi provinciaux et même Québécois, les nombreux amis rencontrés ou retrouvés … La meilleure conclusion possible restera à mon avis un très chaleureux et sincère : " On vous aime, merci et à l'année prochaine ! "

Fred Delforge - novembre 2005