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MAYDAY MUSIC FOR LOUISIANA pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
lundi, 10 octobre 2005
 

MAYDAY MUSIC FOR LOUISIANA
THEATRE DU CASINO - ENGHIEN LES BAINS (95)
LE 9 OCTOBRE 2005

 

Photos (c) Marc Loison et Frankie Bluesy Pfeiffer

Devant la violence des éléments qui se sont déchaînés sur la Louisiane, le Mississippi et l'Alabama le 29 août dernier et devant les difficultés rencontrées pour apporter une aide indispensable aux populations sinistrées, l'Association Mayday Music pour la Louisiane a vu spontanément le jour et a décidé de venir en aide aux musiciens qui ont tout perdu lors du passage de l'ouragan Katrina. Réunis pour un concert exceptionnel au Théâtre du Casino d'Enghien, plus de quarante artistes français et étrangers ont donné le meilleur d'eux-mêmes tout au long d'un après-midi riche en émotions et en surprises … Quand on approchait du lac d'Enghien ce dimanche, on pouvait croiser les plus grands noms du blues et du jazz qui déambulaient incognito dans les rues, les loges de l'endroit se faisant vite trop exiguë pour contenir tout ce monde … Retour sur une journée pas comme les autres.

Réunis autour du rouge flamboyant des fauteuils de la salle, nombreux ceux qui ont répondu présent à cet appel à la générosité et au partage et même si l'horaire n'est pas respecté au pied de la lettre, c'est dans la bonne humeur que se dérouleront les trois sets qui vont se succéder sur les six heures que durera cette grand-messe des musiques afro-américaines. C'est sur la réunion improvisée de Patrick Verbeke, Juju Child et Rhoda Scott que la fête va commencer. Accompagné du sympathique Moussa Sissoko aux percussions, ce trio inattendu va se lancer dans une composition créée spécialement pour l'occasion par notre roi du blues hexagonal avant de se voir rejoint par l'impressionnant Corey Harris et par Steve Verbeke, le fiston du boss de cette première jam. On pouvait commencer plus mal ! C'est ensuite Paul Personne qui vient nous faire visiter son " Barjoland " en solo et en acoustique avant de se lancer dans une doublette où il rend hommage à Muddy Waters avec " Hoochie Coochie Man " puis à Chuck Berry avec " Johnny B. Goode " avec à ses côtés le génial Greg Szlapczynski qui nous délivre un premier solo d'harmonica d'anthologie, mettant d'entrée de jeu la salle sur les genoux. Venus de Nouvelle Zélande, les Windy City Strugglers profitent de leur passage à Blues en V.O. pour venir nous présenter deux de leurs titres, le second n'étant autre que " Ain't Gonna Struggle No More " interprété avec une classe folle par Rick Bryant, le ténor du groupe dont la voix est très proche du gospel. On reste dans le gospel avec un quatuor féminin réunissant Marta High, Nina Van Horn, Sylvia Howard et Maria Morgan sur un vibrant " Hold On " puis sur une reprise de Franck Zappa qui verra Andy Emler, la mouche du coche de la soirée, s'installer une première fois au piano. Fignolé par le même Andy Emler, le premier set se poursuit toujours au piano avec Julien Brunetaud, notre JB Boogie national, qui reçoit une ovation pour sa version fabuleuse de " New Orleans Avenue Boogie " avant que Mighty Mo' Rodgers n'en termine entre ses claviers et l'Orgue Hammond gracieusement prêté par les Normands de Spoonful sur un morceau original créé pour l'occasion, " Heaven's got The Blues " et sur une invective aux autorités américaines et à leur représentant au travers d'un magistral " Shame On You " … Quatre vingt dix minutes se sont écoulées et la soirée n'en est qu'à ses premiers balbutiements ! Andy Emler et Boney Fields viennent nous accorder un court répit avant de passer à la suite des festivités …

La superbe Ana Popovic se charge de remettre chaque spectateur dans son fauteuil en attaquant le deuxième set avec " Comfort To The Soul "  où elle fait rugir sa Stratocaster puis elle se voit rejointe par Nina Van Horn pour une version délurée de " My Baby's Got A Black Cat Bone " que les photographes ne manqueront pas d'immortaliser. C'est ensuite Amar Sundy qui nous apporte en un tourbillon son blues du désert servi une première fois en solo puis une seconde avec Andy Emler au piano et Greg Szlapczynski à l'harmonica avant que Jean Sangally et Patrick Verbeke ne nous offrent une " Black Woman " dont les couplets rappellent étonnamment Brassens non seulement dans le texte mais aussi dans l'accent, l'homme au béret rouge ne manquant pas de faire chanter les cigales qu'il a dans la voix. On quitte un moment le blues pour rejoindre le jazz sur un duo sensuel entre l'organiste Rhoda Scott et le batteur Lucien Dobat qui seront rejoints pour un deuxième morceau par Sylvia Howard. Il est temps de passer à une des bonnes surprises du jour quand Boney Fields, Juju Child, Corey Harris et Lucky Peterson viennent s'installer sur des chaises pour nous proposer un " You Gonna Move " qui figurera sur le prochain album du trompettiste, un morceau qui sera très vite suivi par " It Ain't Nothing But The Blues " avec Lucky Peterson à l'orgue et les quatre divas aux chœurs. On attendait Byron Holmes sur le dernier morceau de Boney Fields et c'est quelque peu titubant que le guitariste gagnera la scène un peu plus tard, plongeant la salle dans une consternation toute naturelle tant il semble avoir de la peine à se brancher, le vide sonore se voyant au passage meublé par une section rythmique efficace qui assurera une longue transition en compagnie d'Alexis Le Bon venu nous déposer quelques notes d'harmonica fort bienvenues pour faire passer le temps. Une fois branché, c'est un Byron Holmes assourdissant qui se livre à une parodie du grand Hendrix, trop saoul pour tenir son riff et tout juste capable de nous infliger quelques poses dont un jeu avec les dents qui viendra parachever le ridicule de la situation à deux reprises, obligeant à deux reprises également les autres musiciens à le prier de bien vouloir quitter la scène pour mettre fin à notre calvaire. Lucky Peterson prend le relais et nous remet les idées en place grâce à deux titres qui tourneront autour d'un " Everyday I Have The Blues " particulièrement bien envoyé. Représentant la Music Maker Foundation Relief, Danny Mudcat attrapera ensuite un dobro et viendra jusque dans la salle faire passer une énergie très positive sur un hommage appuyé à R.L. Burnside disparu il y a quelques temps avant que nous ne vivions deux nouveaux moments d'émotion en clôture de ce deuxième set avec pour commencer Romane et Phil Bonin qui viendront nous proposer un cocktail de swing manouche et enfin l'inimitable Claude Bolling, citoyen d'honneur de New Orleans, qui nous offrira en toute modestie trois titres très ragtime dans l'âme avec entre autres " Louisiana Waltz " composé pour le film de Philippe De Brocca et " Basin Street Blues ", un des standards le La Nouvelle Orléans. Deux heures de plus se sont écoulées, la soirée est bien avancée et les moins aiguisés quittent les lieux pour aller se reposer en vue de la journée de travail qui les attend demain … Une grosse poignée de fidèles reste néanmoins en poste !

Il est maintenant 23 heures et Ze Bluetones vient nous redonner de l'énergie avec une paire de compositions bourrées de dynamite, un " Baby Please Don't Go " très personnel et un " Jive'n'Swing " qui laissera le temps au groupe de démontrer à quel point son chanteur peut être charismatique quand il foule une scène … C'est ensuite Frank Ash qui apporte sa pierre à l'édifice, accompagné d'Andy Emler puis de Moussa Sissoko et de Juju Child sur un premier morceau dédié à Muddy Waters puis sur un " Let The Good Time Roll " quelque peu improvisé. La fatigue gagne les plus tenaces et Tino Gonzales vient nous arroser de sa Telecaster verte sur deux morceaux carrés mais sans plus, accompagné de la section rythmique type de la soirée et de Lucky Peterson à l'orgue sur le final. Le rythme s'accélère et on sent bien que chacun voudrait mettre un terme à la fête. Frantz Magloire et Sylvain Mazzola entrent en piste et la chose vire à la jam avec Lucky Peterson, Nina Van Horn, Sylvia Howard puis Juju Child et Danny Mudcat qui viennent prendre part à un épique " Banana Boat Song " qui ne laissera personne de marbre, le morceau se terminant même par un duel entre les percus de Moussa Sissoko et l'harmonica de Sylvain Mazzola. On commence à sentir la fin arriver et c'est Peter Nathanson qui se chargera d'en annoncer l'arrivée imminente avec un premier titre en compagnie de Lucky Peterson et de Martha High et enfin avec un " You Better Watch Yourself " sur lequel tout le monde, public compris, le rejoindra sur scène pour terminer en joyeux bazar sur fond de " All Night Long " pour lequel Patrick Verbeke sortira même la wasboard … L'émotion est à son comble, il y a une trentaine de minutes que nous sommes lundi mais personne ne semble s'en soucier. Nous avons vécu ce soir un moment exceptionnel, du jamais vu serait on tenté de dire … Le gratin du blues et du jazz réuni pour une seule et même soirée dédiée à une cause juste, l'aide à son prochain. Grâce à eux, des musiciens qui ont tout perdu vont pouvoir retrouver des instruments, donc du travail et une ébauche de vie décente. Ca ne remplacera pas les personnes disparues dans la tourmente, ça n'effacera pas les blessures de Katrina, ça les atténuera tout au plus mais il fallait le faire et ils l'ont fait. Merci !     

Fred Delforge - octobre 2005