samedi, 19 mars 2005
BLUES AUTOUR DU ZINC
CHUCK BERRY
BJÖRN BERGE
THE JIVE ACES
Beauvais - L'Elispace - Vendredi 18 mars 2005
Le monde entier ne résiste toujours pas à l'appel de Chuck Berry et Beauvais ne fait pas exception à la règle puisque l'Elispace se retrouve ce soir copieusement garni pour accueillir la légende vivante, le père du Rock'N'Roll, celui sans qui la musique ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui … Grosse mobilisation devant et dans la salle, le service d'ordre est sur les dents, l'organisation continue à afficher son légendaire côté zen mais laisse transparaître une pointe d'inquiétude. Les pass " Staff " dont nous avions hérité le premier soir redeviennent très vite des pass " Guest " ou " Presse ", histoire de limiter les risques de passage impromptu en zone sensible … Ce soir, il faut plus que jamais être au top et ne rien laisser passer car c'est du gros gibier qui nous attend derrière les rideaux !
Quand nous entrons dans la salle, The Jive Aces sont en train de dérouler un set bourré de swing, de boogie woogie, de blues et de rock et ne se privent pas de donner du plaisir à un public qui se prend au jeu. Le tableau est simple, six musiciens en costumes jaunes et cravates rouges, clavier, contrebasse, batterie, trombone, saxophone et chant … Et en plus, ils jouent ! Aussi fort visuellement que techniquement, leur show emprunte à de nombreux standards et fait dans le grandiose, ne lésinant pas sur le jump et sur des démonstrations folles comme un solo de piano aussi bondissant qu'impressionnant ou encore un solo de batterie particulièrement bien placé au beau milieu d'un florilège de titres venus tout droits des fifties. Magistral …
Une courte allocution de David et c'est déjà au tour de Björn Berge d'entrer seul en scène, entouré de ses trois guitares, deux électro-acoustiques (six et douze cordes) et une électrique, et d'une simpliste boite à percussions posée devant le pied droit. Parti d'entrée de jeu sur un " Rambling On My Mind " servi dans une version plus que personnelle mais pourtant très respectueuse de la mémoire de Robert Johnson, le Norvégien joue les gros bras, fait ressortir ses tatouages en secouant ses cordes comme un forcené et nous dévoile plusieurs titres de son dernier album, " St. Slide ". Comparé à Ben Harper lors de sa présentation, Björn Berge en a le mental et le talent et se fait un plaisir de nous le démontrer dans des conditions qui ne sont pas les meilleures pour lui puisque son one man show se prête plus à de petites salles qu'à ce grand Elispace qui vibre pourtant comme un seul homme aux accords de ce grand bonhomme. Un artiste attachant à retrouver d'urgence sur la suite de la tournée qui le conduira jusqu'à la fin du mois de mars d'Amiens à Quimper en passant par Nantes, Angoulème, Figeac, Bordeaux, Angers …
 Neuf minutes de changement de plateau, montre en main ! Neuf minutes pendant lesquelles David va nous abreuver de ses remerciements et de ses anecdotes concernant les dix premières éditions de Blues Autour Du Zinc et c'est enfin le grand Chuck Berry qui prend possession des lieux … Strass, paillettes, chemise rouge flashy et casquette de marin, Charles Edward Anderson Berry nous contemple du haut de ses 78 ans ! Devant, c'est l'effervescence … Entre les photos interdites de face, les flashs sujets à toutes sortes de controverses, les infos contradictoires qui se suivent, la sécurité qui s'en sort difficilement et le staff de l'artiste qui vient mettre son grain de sel partout, il est particulièrement difficile pour nos amis photographes de faire leur travail. Chuck Berry passe laborieusement la première et nous fait un " Roll Over Beethoven " de retraité, au ralenti et pas vraiment en rythme … Derrière lui, le groupe rattrape le coup discrètement. Là où la guitare dérape, le piano joue à l'ESP et corrige les trajectoires, la basse reprend le dessus pour garder un semblant de tempo et la batterie s'adapte en jouant au yoyo avec la mesure … On s'entête et on repart pour une volée de standards, les " No Particular Place To Go ", " Sweet Little Sixteen " ou " Memphis Tennessee ", et Chuck Berry nous gratifie même de quelques déhanchements. La salle est partagée entre respect et constat accablant mais, sur scène, la légende prend du plaisir à jouer et c'est bien là le principal ! Alors on lui accorde ce petit moment de bonheur et on repart avec lui pour la suite avec, entre autres, " Maybellene ", " C'est la vie ", " My Ding-A-Ling ", " Carol ", " Everyday I Have The Blues " … Que du gros calibre ! Et là, miracle, Chuck Berry trouve la seconde et nous envoie l'intro de " Johnny B. Goode " de manière impeccable. Ses doigts qui défaillent régulièrement sur les barrés font encore des merveilles sur les soli et la salle se lève, explose enfin … En réponse, Chuck Berry nous fait le coup du duck walk, oh pas longtemps bien sur, mais c'est si bon ! Puis il invite la gent féminine à le rejoindre sur scène, nous refait son final d'anthologie et malheureusement nous quitte après cinquante cinq minutes d'un spectacle qui n'est plus que l'ombre de ceux d'antan. Et pourtant le public est séduit, heureux, respectueux … Faut-il encore programmer le guitariste le plus connu de la planète rock ? Le public doit il encore faire l'effort de se déplacer et de débourser des sommes conséquentes pour aller à ses concerts ? La question ne se pose même pas tant la réponse est évidente ! C'est Chuck Berry quand même …
A l'heure de quitter le festival, il ne nous reste plus qu'à saluer les organisateurs (et néanmoins amis), Laurent Macimba, Jean-Christophe Macimba, David Isaac, Nathaly Lamasset, Bryan Johnson, Pascal Morant, Eric Talbot et tous les autres, les anonymes, les bénévoles, ceux sans qui Blues Autour Du Zinc n'en serait pas à sa dixième édition … Bon anniversaire à tous, merci encore et à l'année prochaine. Champagne !
Fred Delforge - mars 2005
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