Accueil du portail Zicazic.com


Zicazic on Twitter. Zicazic on Facebook.

Flux RSS ZICAZINE

Qu'est-ce que c'est ?




Accueil

> MENU
 Accueil
 ----------------
 Chroniques CD's
 Concerts
 Interviews
 Dossiers
 ----------------

BLUESFEST EUTIN (ALLEMAGNE) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 25 mai 2025
 

BLUESFEST EUTIN
MARKTPLATZ – EUTIN (ALLEMAGNE)
Du 22 au 25 mai 2025

http://www.bluesfest-eutin.de 

Le Bluesfest Eutin est devenu un rendez-vous incontournable que nous ne manquerions pour rien au monde puisque nous y retrouvons chaque année la même équipe d’organisateurs, de bénévoles, d’amis et même de spectateurs qui nous prêtent à penser que appartenons un peu à cette grande famille qui fourmille dans un festival gratuit à la programmation riche, une de ces manifestations qui font la part belle au blues européen en général et au blues balte en particulier, avec en prime quelques petites touches discrètes venues d’Amérique du Nord, et plus particulièrement du Canada … Un de ces festivals qui célèbre sa 34ème édition sans aucune autre prétention que celle d’exister et un endroit dans lesquels on se sent bien, un peu comme à la maison !

Jeudi 22 mai :

On arrive juste à temps cette année pour assister à la première prestation du festival, c’est assez rare pour le souligner, et on découvre avec un réel plaisir Camilo Restrepo, un artiste canadien qui vient nous servir un folk blues dans lequel on retrouve tout ce qui a été imaginé par les pères du genre, les Son House, Charley Patton, Honeyboy Edwards ou autres Robert Johnson, et on en passe quelques autres. Seul en scène sur sa chaise, lunettes jaunes, chaussures bleues et chaussettes à pois assorties, le bluesman en jette et nous régale de sa musique pleine de subtilité et de délicatesse. La pluie qui battait sans discontinuer depuis ce matin sur la Marktplatz, si l’on en croit les locaux, a décidé d’aller voir ailleurs si le blues y était et elle a bien eu raison car nous empêcher de profiter de la prestation de Camilo Restrepo aurait été une véritable injure faite à un musicien qui le vaut bien !

On profite d’un temps mort pour célébrer les retrouvailles avec les amis du blues que l’on a pas vu depuis quelques semaines pour la plupart d’entre eux et on accueille maintenant une formation qui nous tient particulièrement à cœur, The See See Riders, gagnants du German Blues Challenge en 2024 et finalistes de l’International Blues Challenge en janvier dernier. Depuis lors, le quartet a encore fait ses preuves à l’European Blues Challenge à Split début avril mais c’est la première fois que nous le découvrons véritablement ce soir pour un show complet durant lequel les guitares, le violon et la contrebasse vont nous emmener faire un grand tour du côté du Piedmont avec des relents qui viennent autant du blues rural que l’on y jouait jadis que des jug bands de Memphis des années 30 à 50. Une grosse vague de revival donc, mais offerte par un jeune groupe plein de talent et de spontanéité, et on n’en attentait pas moins de la part de ces Allemands.

On continue à assurer la promotion des groupes qui ont participé à l’European Blues Challenge en accueillant cette fois les Belges du Thomas Frank Hopper Band qui nous avaient fait forte impression à Braga, au Portugal, en 2024. Ces gars-là ne font pas semblant et déploient une grosse et belle énergie avec un leader qui brille autant à la guitare qu’avec sa lapsteel maison fabriquée à partir d’une planche de skateboard customisée. Le son est brut de décoffrage et le quintet navigue à vue entre un très bon blues rock et des trésors de blues moderne à souhait dont il a secret, parvenant à mettre le feu de manière quasi-immédiate à une Marktplatz qui vibre à l’unisson du band depuis que l’on a retiré les bancs du front de scène. Le Thomas Frank Hopper Band a encore gagné en maturité depuis l’an dernier et s’efforce de le démontrer morceau après morceau, il y a donc fort à parier qu’après un premier concert de ce calibre en Allemagne, on le reverra très vite dans le pays et même plus loin encore.

La journée a été éprouvante et ça tombe plutôt bien, il n’y aura pas de « nightsession » ce soir à la brasserie juste en face de la scène … Ce sera donc une occasion parfaite d’aller prendre un peu de repos avant une suite qui promet d’être belle !

Vendredi 23 mai :

On retrouve la Marktplatz et les amis pour une journée placée sous le signe du soleil mais aussi des averses, celles qui se sont abattues en tout début d’après-midi et qui nous abandonnent un peu avant l’arrivée du Petra Börnerová Trio, une formation familiale venue de l’ancienne Tchécoslovaquie puisque les parents sont nés des deux côtés de la frontière actuelle et que leur jeune fils, qui est également le batteur du trio, a vu le jour à Prague, la capitale de l’actuelle République Tchèque. Aussi à son aise au résonnateur qu’à la guitare, le patriarche à l’allure bien sympathique se met au service de sa frontwoman d’épouse, qui chante mais qui à l’occasion joue également de l’accordéon, et c’est dans une parfaite osmose et en toute complicité que le groupe qui a remporté le Czech Blues Challenge en 2022 vient nous servir un blues qui sait autant être contemporain que se retourner du côté des pères fondateurs, en reprenant par exemple des pièces de Sonny Terry & Brownie McGhee. L’assistance commence à être dense devant la scène et c’est sous l’approbation sans réserve d’un Blues Brother qui danse en face de lui que le trio va nous servir un set copieux et très réussi !

Le soleil semble s’être installé durablement et même si le fond de l’air est frais avec une température ressentie de 6°, il y a du monde sur la Marktplatz pour accueillir les Polonais d’Onus Blues, un quintet qui propose un blues subtilement épicé avec une belle dose de rock mais aussi avec des influences contemporaines qui font bon ménage avec une base bien construite qui vient autant de Chicago que de la Côte Ouest des Etats-Unis. Porté par une rythmique bien solide, le groupe peut s’appuyer sur un guitariste qui ne se laisse pas impressionner et sur un harmoniciste qui n’est pas là pour faire de la figuration. Ajoutez-y un chanteur plein de charisme qui sait attraper le public et le mettre dans le creux de sa main et vous obtenez un groupe de très belle qualité qui sait autant briller dans des blues costauds que dans des morceaux plus lents voire carrément dans un blues psychédélique qui flirte sans aucun complexe avec le rock progressif, quitte par moments à en faire un peu trop comme avec ce long solo de batterie qui interviendra peut-être un peu trop tôt dans le set du groupe. Il n’en reste pas moins qu’Onus Blues a fait bien plus qu’assurer et que c’est un public conquis qui acclamera le band au terme de sa prestation !

Il est 21 heures quand le dernier groupe de la soirée investit la scène du 34ème Eutin Bluesfest, et si la température est encore tombée de quelques degrés, les Portugais de Kiko & The Blues Refugees vont très vite s’attacher à la faire remonter d’un cran en nous proposant un blues à la fois moderne et respectueux des traditions. Preuve s’il en fallait, cette formation montée sur la troisième marche du podium lors de l’European Blues Challenge 2024 à Braga, à seulement quelques kilomètres de ses bases puisqu’il vient de Porto, va commencer son set en reprenant un titre de Robert Cray avant que le charismatique Kiko Pereira ne chausse une superbe Les Paul Gold Top et qu’il se joigne au reste du groupe pour nous proposer un blues riche et chaud dont il a le secret. Le ton est franc, sincère, massif, la voix et colorée et parfaitement maitrisée, les compositions tiennent le haut du pavé et les Blues Refugees confirment que le blues européen est suffisamment consistant pour soutenir la comparaison avec celui qui nous est régulièrement apporté des Etats-Unis dans les salles et dans les festivals. C’est donc un set totalement débridé qui sera proposé ce soir au public par des Lusitaniens chauds comme la braise qui n’ont pas envie de le laisser désemparé puisqu’ils lui donneront très vite rendez-vous pour l’after juste en face à la Brauhaus …

Le froid et la fatigue mais aussi la pluie fine qui revient de temps à autres auront eu raison de nos ardeurs et nous renoncerons une fois encore à affronter la foule et la chaleur qui attendent les plus assidus qui se rendront à la « nightsession » pour une fin de soirée que l’on nous promet pourtant torride …

Samedi 24 mai :

Le soleil est au rendez-vous en ce début d’après-midi et on est même monté dans les températures à deux unités vers 13 heures lorsqu’on accueille le premier groupe de cette troisième journée, Joey Blue It, un quintet suisse emmené par Erich Fischer, un vibraphoniste qui va nous transporter dans une ambiance jazz blues qui n’est pas pour nous déplaire en pour débuter cette journée de manière détendue et élégante. On avance ainsi dans le sillage de Lionel Hampton avec une formation qui mélange astucieusement les compositions et les standards et on se régale de la voix sensuelle et riche de Katya Che, une élégante chanteuse à la crinière léonine qui apporte une touche de fun à un ensemble où, en plus d’une section rythmique aguerrie, on retrouve un saxophoniste ténor très en forme. Le public, déjà conséquent, se prélasse au soleil en écoutant de manière réceptive tout en attendant que les premiers stands commencent à tomber le rideau pour céder, par exemple, à l’appel légitime du houblon, une institution dans cette région qui ne manque pas de brasseurs. Une belle entrée en matière en attendant une suite de journée un peu modifiée en raison de petits soucis logistiques …

En raison de l’absence de dernière minute des Danois Rune Friis & Built For Comfort pour des problèmes de santé, l’organisation a été contrainte de bousculer son programme et nous allons retrouver pour une seconde fois sur la Marktplatz nos amis Kiko & The Blues Refugees pour un show un peu différent de celui d’hier soir puisque les Portugais vont nous emmener cette fois vers des standards qu’ils vont revisiter à leur manière. Toujours aussi élégant dans son approche musicale, le band de Porto nous sort le grand jeu de manière plus ou moins improvisée, sans avoir quoi que ce soit à défendre puisqu’ils ont fait la preuve de leur talent hier soir, mais en s’efforçant quand même à chaque instant de rechercher la blue note, l’accord parfait qui permet de faire d’une simple reprise un grand moment de musique. En l’espace de deux sets, Kiko & The Blues Refugees auront une fois encore réussi à faire le job et on ne peut que les en remercier car ça aura été comme toujours un véritable plaisir. Voilà un des très grands groupe européens de demain, c’est certain !

Le temps de saluer la victoire de l’UBB en Champion Cup de Rugby et on repart pour de la musique, une fois encore en bonne compagnie puisque c’est cette fois Adama Janlo qui nous arrive de Norvège avec son très jeune groupe pour nous proposer des morceaux frais et modernes gorgés de soul, de blues et de gospel. Artiste devenue rapidement incontournable sur la scène blues norvégienne, la jeune femme a hérité de ses racines africaines un sens inné du groove et elle ne se prive pas de nous en offrir le meilleur avec à ses côtés de jeunes loups aux dents longues qui ne manquent aucun effet de style, autant changement de rythme, aucune subtilité. Sans jamais s’essouffler sur la longueur, le show des Norvégiens, séparé en deux sets très complémentaires plus un gros rappel chaleureusement demandé par l’assistance et totalement improvisé, va se révéler à la fois original et équilibré et c’est un public désormais très dense qui profite de l’apéritif, ou parfois carrément du diner puisque l’on mange tôt en Allemagne, en compagnie d’un groupe qui aura réussi à marquer des points ce soir. Il y a fort à parier qu’on les retrouvera très vite sur d’autres belles scènes et c’est très bien ainsi car ils le valent bien !

Il est déjà 21 heures quand le quatrième et ultime groupe de la soirée investit la scène et une fois encore, ce n’est pas une formation inconnue qui se présente à nous puisque The Blue Benders sont de jeunes Suédois qui avaient brillé eu aussi lors de l’International Blues Challenge à Braga en 2024 en montant sur la seconde marche du podium, juste devant Kiko & The Blues Refugees. Plus rock et plus moderne que ses ainés portugais, le groupe emmené par le charismatique et virulent Samson Mirro n’y va pas par quatre chemins en nous entraine dans une véritable fiesta électrique à souhait, un pur concentré de blues rock un peu violent pour les oreilles non averties mais globalement très intéressant grâce à une réelle virtuosité de chacun des musiciens et à des breaks très blues, parfois mâtinés d’un phrasé aux limites du hip hop, qui viennent de temps à autres tempérer les ardeurs du quintet. La Marktplatz n’en démord pas un seul instant et réagit à l’unisson aux assauts de ces bûcherons débarqués du grand Nord pour mettre à terre les hectares de forêts dont regorge le Schleswig-Holstein. Plus sérieusement, The Blue Benders n’auront aucun mal à se mettre eux aussi le public dans la poche et si du côté des habitués d’un blues old school ça grince parfois un peu des dents, en face de la scène ça remue, ça danse et ça fait la fête, et c’est bien là le principal !

La messe a été dite, et bien dite en plus, et à l’heure où le public se dirige vers Brauhaus pour la « nightsession » du soir, il est temps de prendre congés de nos hôtes puisque nous ne pourrons pas être là demain pour une dernière journée pleine de belles choses elle aussi, avec par exemple l’Autrichien Jörg Danielsen, l’Américain Chris O’Leary, le Canadien Tony D et enfin la jam finale orchestrée par les incontournables Georg Schroeter et Marc Breitfelder, premiers vainqueurs non américains de l’International Blues Challenge à Memphis en catégorie solo/duo en 2011. Un grand merci à tous les amis et à tous bénévoles du festival, un endroit où il fait bon vivre et où les piliers de la communauté blues européenne se retrouvent année après année !

Fred Delforge – mai 2025