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BLUES HEAVEN FESTIVAL (DANEMARK) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 10 novembre 2024
 

BLUES HEAVEN FESTIVAL
ARENA NORD – FREDERIKSHAVN (DANEMARK)
Les 8 & 9 novembre 2024

http://www.bluesheaven.dk/ 

C’est toujours un peu le parcours du combattant pour se rendre à Frederikshavn et cette année ne dérogera pas à la tradition avec une escale à Amsterdam dans un aéroport encore et toujours travaux puis avec une heure de route entre Aalborg et notre point de chute dans un véhicule de location qui n’en fait qu’à sa tête. Ajoutez que la route qui mène à l’Arena Nord est en travaux et qu’il faudra batailler pour trouver l’itinéraire de remplacement et vous aurez compris que c’est avec un gros retard que nous arriverons dans la salle, sans la possibilité d’assister au premier concert du soir …

Vendredi 8 novembre :

On entre directement dans le vif du sujet sur l’Arena Stage avec le Canadien JW-Jones qui vient nous proposer en trio un blues plein de subtilité. Sacré meilleur guitariste à l’International Blues Challenge en janvier 2020, le quadragénaire a tout compris de l’art de jouer une musique qui s’inspire de ses idoles parmi lesquelles on compte forcément des gens comme B.B. King ou encore Buddy Guy. Et si la salle manque encore un peu de public, cela n’empêchera pas le moins du monde JW-Jones de donner le meilleur de lui-même tout au long d’une heure de prestation qui ne souffrira d’aucun temps mort ! Du très bon blues qui confirme que les retardataires ont eu tort de ne pas se presser …

On se retrouve maintenant dans le Blues Hall, devant une scène certes plus petite mais tout aussi intéressante, d’autant plus que c’est un artiste que nous connaissons bien qui va s’y produire, Harrell ‘‘Young Rell’’ Davenport, un jeune homme de dix-sept ans que nous croisons chaque année au Pinetop Perkins Foundation Workshop à Clarksdale où il vient en voisin puisqu’il réside à Jackson, Mississippi. Brillant harmoniciste, chanteur inspiré et guitariste fort honorable, Harrell Davenport est incontestablement l’artiste qui monte et après sa prestation au King Biscuit Festival à Helena, Arkansas, il traverse pour la première fois l’océan pour nous présenter en solo quelques classiques qu’il se réapproprie parfaitement, mais aussi quelques compositions. Matthew Skoller qui le suit en tant que manager n’est pas peu fier de son jeune protégé et il faut bien reconnaitre qu’il y a de quoi !

Retour vers la grande salle pour y retrouver une autre valeur sure de la scène blues internationale avec Nick Moss accompagné ce soir de son band mais aussi de Dennis Gruenling. Si le premier est originaire de Chicago, le second vient du New Jersey et c’est de concert qu’ils nous proposent un blues de très bonne facture capable de rivaliser avec celui des plus belles gâchettes, ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’ils ont remporté une nouvelle fois en 2024 le Blues Music Award du meilleur groupe de l’année. Toujours très démonstratif à l’harmonica, Dennis Gruenling emmène le show très haut dans les tours et c’est avec sa classe et sa bonhomie naturelle que Nick Moss et sa section rythmique accompagnent le mouvement, saluant à l’occasion avec une pointe de malice leurs amis vikings présents dans l’assistance. Le public est arrivé en nombre conséquent et ça fait plaisir de voir une assistance qui visiblement apprécie l’instant !

Retour vers le Blues Hall pour y retrouver Big Daddy Wilson, un artiste natif de Caroline du Nord qui est venu en Allemagne avec l’US Army en 1979 et qui y est resté pour y fonder une famille et mener un carrière de chanteur de soul et de blues. Repéré par le label Ruf Records, l’artiste a sorti la plupart de ses albums solo avec lui et c’est ce soir en quartet qu’il vient nous présenter le meilleur de son répertoire avec des titres aux consonnances soul, blues et. Funky. La voix chaude et pleine de nuances, Big Daddy Wilson s’impose comme un véritable showman, à la fois crooner et entertainer, et à ses côtés le groupe répond à l’unisson, assurant même à l’occasion les chœurs pour encore appuyer un peu plus les très belles harmonies vocales proposées à un public qui n’en perd pas une seule miette. De la cohésion et du talent, décidément cette première soirée nous gâte !

On est loin d’avoir fini de se régaler ce soir puisque c’est maintenant Mr Sipp qui nous invite à le rejoindre sur l’Arena Stage pour un show qui, comme toujours, va se révéler explosif et plein de saveur. Ce n’est pas sans raison que le chanteur et guitariste est surnommé The Mississippi Blues Child et ce n’est pas sans raison non plus qu’il sera honoré à la fin de ce mois par un marker de la Mississippi Blues Trail dans sa ville de McComb, qui en avait déjà inauguré un précédemment à la gloire de Bo Diddley, un autre enfant du cru. Bondissant et plein de charisme, Mr Sipp allie la richesse du jeu et la qualité des gimmicks et c’est en s’offrant quelques poses bien pensées ou en amusant la galerie en faisant le duck walk qu’il pimente à merveille un show homogène, consistant et pointu. Devenu incontournable sur la scène blues depuis sa brillante victoire à l’International Blues Challenge en 2014, cet artiste plein de talent et d’énergie nous offrira une fois encore un show totalement irréprochable ce soir. Un grand parmi les grands !

C’est en fanfare que nous allons terminer cette première soirée dans le Blues Hall avec les Cash Box Kings emmenés par leurs deux frontmen, Oscar Wilson, que nous retrouvons quelques semaines après une soirée mémorable passée à Phoenix au Rhythm Room de Bob Corritore, et le chanteur et harmoniciste Joe Nosek, toujours aussi fringant et énergique. C’est ce dernier qui lance le set avec quelques morceaux parmi lesquels une sorte de medley de bluesabilly réunissant « Folsom Prison Blues » et « That’s All Right Mama » mais aussi avec un hommage à Little Walter avant qu’Oscar Wilson ne vienne prendre possession du micro et nous régaler de titres issus, entre autres, de l’excellent « Oscar’s Motel » paru en début d’année. Derrière les deux leaders, ça assure grave avec une section rythmique impeccable mais aussi la guitare inspirée de Billy Flynn et le piano virevoltant de Lee Kanehira qui, à l’occasion, nous démontre qu’elle est une excellente chanteuse. La salle exulte et ce dernier concert de la soirée va tenir toutes ses promesses en réussissant à conserver le public jusqu’à son terme. Pari gagné !

Il est temps d’aller prendre un peu de repos après une journée de plus de vingt heures passée entre la route et une belle série de concerts … En attendant la suite qui promet d’être au moins aussi riche demain !

Samedi 9 novembre :

Après une journée studieuse passée à discuter avec les amis de l’European Blues Union, on se retrouve au Blues Hall où se produit un artiste américain, Nathan James, chanteur et guitariste accompagné par un band néerlandais qui nous sert un bon blues bien tracé à l’heure de l’apéritif, avec de forts relents rapportés des environs de Chicago, mais pas uniquement. Ancien sideman de James Harman, cet amateur de guitares étranges qu’il conçoit lui-même à partir d’objets en tous genres a remporté l’International Blues Challenge en 2007 et a joué depuis un peu partout autour du monde, avec une escale ce soir au Danemark pour une prestation qui mettra le public bien en jambes pour la suite de la soirée. Le ton est donné et c’est en usant judicieusement de son bottleneck que Nathan James a essuyé les plâtres de cette seconde journée de festival qui verra pas moins de sept groupes se succéder pour autant d’heures de musique. Blues Heaven est prévenu, ça va chauffer ce soir !    

On ne traine pas pour se rendre du côté de l’Arena Stage puisque c’est Dawn Tyler Watson qui est chargée d’ouvrir le bal sur la plus grande des deux scènes, avec à ses côtés le guitariste Ben Racine avec lequel elle a remporté l’International Blues Challenge en 2017, mais aussi avec le pianiste Vincent Pollet-Villard et le saxophoniste Kaven Jalbert et enfin avec une des sections rythmiques les plus folles du moment réunissant Antoine Escalier à la basse et Pascal Delmas à la batterie. Fraichement débarqués du Bay Car Blues Festival où ils se produisaient hier soir, les comparses ne vont pas avoir besoin de se chercher bien longtemps et c’est quasiment instantanément que le band va entrer dans un gros set mêlant habilement le blues et la soul pour le plus grand plaisir d’un public qui adhère sans retenue à ce qui lui est proposé. Pleine d’humour et de malice, la chanteuse canadienne ne manque jamais d’échanger avec l’assistance et cette dernière le lui rend bien durant une heure entière d’un show que l’on peut qualifier de mémorable ! Les suivants ont intérêt à assurer car la barre a été placée à une hauteur plus que respectable …     

Changement de programme, ou du moins d’ordre puisque Mark Hummel et consorts sont perdus dans la nature, visiblement entre deux trains, et qu’ils sont remplacés au pied levé par les Blues Beatles, un tribute band originaire du Brésil qui ne manque pas d’énergie et qui envoie fort, avec en prime un petit côté punk qui n’est pas pour déplaire à une assistance qui s’y connait pour tout ce qui est orienté rock. On ne passe pas forcément à côté des classiques des quatre gars de Liverpool revus et corrigés à une sauce qui se mâtine de blues bien entendu, mais aussi de pub rock puisque ces cinq-là ne sont pas sans faire penser de temps autres à des ainés comme Dr. Feelgood. Un chanteur aussi puissant que motivé, un bassiste qui n’en finit plus de jouer les Zébulons et un groupe qui fait bien plus que suivre le mouvement, les Blues Beatles vont faire le show, avec parfois quelques petites lourdeurs comme ce long solo de batterie, mais le public apprécie et c’est bien là le principal, d’autant que certaines des reprises sont parfois presque plus intéressantes que les originaux grâce à cette grosse dose de folie venue d’Amérique du Sud. Il fallait oser le faire et Blues Heaven a relevé le défi !         

C’est une nouvelle fois vers l’Arena Stage que l’on se dirige pour y assister à la prestation de Nora Jean Wallace, une chanteuse de Chicago dont les racines sont fortement ancrées dans le Delta puisqu’elle a vu le jour à Greenwood et qu’elle a grandi dans le Mississippi. Remarquée par Jimmy Dawkins au milieu des années 80, cette grande voix du blues rejoindra le band du guitariste pendant sept ans et c’est grâce à lui qu’elle se fera connaitre par la plupart des gens qui comptent au niveau national mais aussi à l’international, se retrouvant ce soir une fois de plus en Europe pour nous proposer son show en compagnie des Cash Box Kings, que nous avions déjà pu voir hier soir et qui endossent aujourd’hui le rôle de sidemen de luxe. Plus discret qu’en tant que leader, Joe Nosek n’en reste pas moins un excellent entertainer superbement épaulé par un Billy Flynn toujours aussi élégant et impassible à la guitare et c’est en assurant un accompagnement en tous points parfait qu’ils offriront à Nora Jean Wallace l’opportunité de nous offrir une prestation de très belle facture, sa voix résonnant encore dans la tête d’un public littéralement sous le charme !         

Cette fois c’est la bonne, ils sont arrivés et on retrouve le Blues Hall où vont désormais se produire l’harmoniciste Marc Hummel, deux fois récompensé aux Blues Music Awards, et le guitariste texan Anson Funderburgh, transfuge des Fabulous Thunderbirds mais aussi des groupes de James Harman, Snooks Eaglin ou encore John  Németh. Accompagné de Bob Hall au piano, Bill Stuve à la basse et Wes Starr à la batterie, ce groupe de serial killers va nous servir sur un plateau un blues caviar qui fait chaud au corps et qui réjouit les oreilles non seulement grâce à une musicalité de tous les instants mais aussi grâce à un chant qui colle parfaitement à la dimension des morceaux. Déposant de petites grappes de guitare toujours très ingénieusement dosées, Anson Funderburgh se révèle être l’homme de la situation, mais plus que des individualités alignées sur la même scène, c’est un véritable esprit cohérent et homogène qui se détache de ce qui pourrait n’être qu’un groupe all-stars mais qui, en lieu et place, a réussi a créer une osmose qui se ressent dans chaque riff et dans chaque note. Le public est une fois encore sous le charme et si le poids des heures de concerts commence à se faire sentir, c’est en apportant sa contribution et en applaudissant comme il se doit que la salle rend la monnaie de sa pièce à un band qui ce soir a tout donné !

C’est un des gros morceaux du festival qui nous attend maintenant, pour ne pas dire le gros morceau de cette édition puisque l’on retrouve Ronnie Baker Brooks sur l’Arena Stage. Pour le fils du grand Lonnie Brooks, venir assurer la promotion de son excellent nouvel album, « Blues In My DNA », est quelque chose de totalement naturel et c’est avec un certain flegme mais avec beaucoup de savoir-faire qu’il va investir la scène, en mettant malheureusement son ampli dix fois trop fort et en explosant directement les tympans des spectateurs des premiers rangs, mais en s’efforçant en même temps d’établir le contact en proposant quelques gimmicks qui passent carrément bien auprès de l’assistance. Les amateurs de Chicago blues se régaleront de bout en bout et une heure durant, c’est sur fond de rythmique totalement impeccable, de claviers entreprenants et bien entendu de guitare perforante et de chant convaincant que ce pensionnaire du Blues Hall of Fame nominé aux Grammy Awards va venir nous démontrer que cette musique qu’il a appris en côtoyant les plus grands artistes durant sa jeunesse n’a aucun secret pour lui. Ronnie Baker Brooks joue le blues, mais plus encore il le vit pleinement et ça fait plaisir à voir et à entendre, même quand c’est joué beaucoup trop fort. La salle fait entendre son plaisir et c’est une fois encore un moment de communion entre un artiste et son public qui se produira sous nos yeux !

C’est sur fond de rock sudiste que nous refermerons ce Blues Heaven 2024 puisque c’est Robert Jon & The Wreck qui se produiront en dernier lieu au Blues Hall et c’est en mettant énormément d’énergie dans leur set que les Californiens régaleront une dernière fois une assistance moins nombreuse mais très motivée qui apprécie leurs influences rapportées de chez les Allman Brothers ou encore de chez Lynyrd Skynyrd. Le son est gras, puissant, mais Robert Jon & The Wreck n’oublie jamais non plus de laisser entrer de la mélodie dans ses morceaux, proposant des chansons qui en arrivent à ressembler à des hymnes comme en proposaient par exemple les Eagles. En une petite dizaine de morceaux, le quintet fera le job de fort belle manière et refermera son set en même temps que le festival sur une ultime « Cold Night » pas piquée des vers. Et ça tombe bien parce que dehors, il y a un petit vent frais qui glace le sang des badauds !

Il est temps d’aller prendre un peu de repos, sans oublier de remercier nos hôtes et tout particulièrement Peter Astrup, le grand manitou sans lequel Blues Heaven ne pourrait pas se tenir dans d’aussi bonnes conditions. Dans quelques heures, il sera temps de rejoindre Aalborg, puis Amsterdam et enfin Paris, avec forcément des souvenirs plein la tête mais aussi avec une saine fatigue qu’il faudra très rapidement effacer car le mois de novembre va être chargé !

Fred Delforge – novembre 2024