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LEMAN BLUES FESTIVAL 2024 pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
lundi, 16 septembre 2024
 

LEMAN BLUES FESTIVAL
PLACE DE LA LIBERATION – ANNEMASSE (74)
Les 13 et 14 septembre 2024

https://www.leman-blues-festival.com 

C’est une ville en pleine mutation qui nous accueille ce soir puisque les travaux y sont plus que multiples et que les rues de l’hypercentre sont totalement éventrées, mais c’est pour la bonne cause puisque à l’horizon de fin 2025, la ville aura enfoui et déplacé ses réseaux, installé un tramway et rendu tout le secteur piétonnier. Et si pour l’heure on se croit parfois dans un endroit qui a été frappé par une tornade, il est certain que ce chantier quasiment pharaonique fera d’Annemasse une ville bien agréable à découvrir. En attendant, on avance clopin-clopant entre les diverses embuches pour rejoindre la Place de la Libération où nous attend la quatrième édition du Leman Blues Festival, un événement gratuit qui est en train de devenir un must dans le paysage blues et rock (inter-)national !

Vendredi 13 septembre :

Si la température n’est pas des plus clémente et que le ciel est très menaçant, il y a déjà un peu de monde sur la place pour le lancement de cette première soirée exclusivement féminine qui s’ouvre avec une artiste que nous apprécions tout particulièrement, Ghalia Volt, qui se produira ce soir en trio pour nous offrir un show à la fois énergique et plein de subtilité. Pour cette Bruxelloise installée aujourd’hui de l’autre côté de l’Atlantique, l’essentiel n’est pas d’avoir des milliers de personnes devant elle mais de réussir à faire passer une émotion vers son public, et si elle le dit ouvertement, elle n’hésite pas non plus à le confirmer par le geste et par la voix en nous proposant une musique qui sait être à la fois chaude, colorée, intense et dynamique. On reconnait aux côtés de Ghalia notre ami batteur Denis Palatin qui, comme à son habitude, s’attachera à jouer les bucherons tout en restant précis et dans le ton pour que la messe soit dite, et bien dite en plus. Comment mieux commencer cette soirée ?

On regardera de loin le premier candidat du tremplin organisé pour la première fois par le Leman Blues Festival et on attendra patiemment l’arrivée sur les planches d’Eliza Neals, une artiste de Detroit que nous suivons depuis un bon moment au travers de ses sorties d’albums et que nous retrouvons avec plaisir ce soir en live. Malheureusement la pluie s’invite au concert et l’assistance se met à l’abri, profitant un peu moins de toutes les belles choses que la chanteuse et pianiste est capable de nous offrir mais goûtant toutefois à ce mélange très subtil de blues et de rock que celle qui est souvent surnommée par ses pairs « The Best In Business » est capable de proposer. Que ce soit avec ses propres morceaux ou encore avec la splendide cover d’Etta James qu’elle nous proposera avec « I’d Rather Go Blind », Eliza Neals parviendra à conjurer le sort en chassant un moment les nuages et en faisant revenir le public vers elle. Il aurait été dommage de ne pas profiter pleinement de sa voix et de son charisme et fort heureusement, les planètes se sont alignées pour ne pas gâcher cette fête !

Elle a remporté le Swiss Blues Challenge en 2019 et a atteint la seconde place de l’European Blues Challenge en 2022, c’était à Oslo, mais c’est dans les rues de Lagos au Nigéria que Justina Lee Brown a grandi, parvenant à s’extraire d’une pauvreté assurée grâce à son talent de chanteuse et à sa détermination et devenant la belle jeune femme que l’on connait aujourd’hui, pleine d’humour et de gentillesse et capable d’emmener son public bien plus loin que le blues, dans lequel elle excelle, pour le transporter vers des colorations musicales comme le rock, la soul, le funk, le gospel et bien entendu l’afro-soul. C’est sous une pluie parfois battante, parfois plus modérée, que Justina Lee Brown achève ce soir une tournée qui a duré huit mois et l’a conduit sur les plus belles scènes d’Europe et qu’elle s’offre désormais un break pour laisser à son bébé, attendu pour dans trois semaines, le temps d’arriver et de s’installer à la maison. Toujours aussi énergique, talentueuse et démonstrative, la plus suisse des chanteuses nigérianes mettra une fois encore tout son poids dans la balance pour offrir à son public la chose la plus belle qu’elle puisse lui apporter, un show de toute beauté !

C’est une artiste française qui sera invitée à refermer les portes de cette première soirée de festival et quand bien même un froid quasi-polaire s’est ajouté à la pluie, heureusement devenue fine, il reste devant la scène une assistance qui n’est certes pas celle des grandes soirées mais qui est, ma foi, suffisamment conséquente pour accueillir comme il se doit Haylen, une chanteuse à la fois lumineuse et brillante. Si elle a un don tout particulier pour soigner son look, la chanteuse et guitariste en a également un pour proposer une musique intelligemment imaginée autour du blues, de la soul et du rock, une musique qu’elle agrémente de textes en Anglais bien entendu, mais aussi de très belles chansons en Français. On retrouve en Haylen les souvenir des grandes chanteuses comme Bessie Smith, Nina Simone ou encore Amy Winehouse et c’est encore un grand moment de musique que nous allons vivre ce soir en compagnie d’une artiste particulièrement bien soutenue par un band de killers ! Haylen a bravé la pluie et le froid et a su donner le meilleur d’elle-même dans des conditions vraiment pas évidentes et rien que pour ça, elle a bien mérité l’acclamation du public !

Samedi 14 septembre :

Si le soleil est de retour sur Annemasse et que la pluie ne montrera pas le bout de son nez de la journée, la fraicheur s’est pour sa part durablement installée et c’est elle qui accompagne The Bloyet Brothers, une formation bretonne qui a la charge d’ouvrir le bal pour cette seconde et ultime journée du Leman Blues Festival. Il a fière allure ce trio avec son blues rock puissant et délicieusement baigné de claviers vintage et c’est avec talent et énergie qu’il nous emmène dans un répertoire qui n’est pas sans évoquer un hard blues biberonné aux influences des seventies avec des relents sauvages qui rappellent parfois des formations comme Led Zeppelin mais aussi Black Sabbath ou encore Lynyrd Skynyrd et, plus proche de nous, The Black Keys. La journée démarre donc sur les chapeaux de roue et le public qui arrive tranquillement peut se mettre directement dans le bain d’une programmation qui sera ce soir plus beaucoup rock que blues, mais toujours très bien équilibrée.

C’est la première fois qu’ils se produisent en France et c’est une belle découverte que nous propose le festival avec le trio de Marco Bartoccioni venu de Rome pour nous faire profiter de ses sonorités qui trainent du côté du rock sudiste mais aussi de la soul, ce qui apporte un petit cachet inattendu mais pas désagréable du tout. Véritable génie de la lap steel guitar, le frontman s’escrime à nous sortir des sons qu’il torture à l’extrême pour nous emmener dans un répertoire qui se pare de beaucoup de psychédélisme et qui, s’il en arrive par moments à égarer le public tant les chemins qu’ils suit sont tortueux, ne manque jamais de rattraper son attention au détour d’une virage ou d’un effet de style qui apporte à sa musique le petit soubresaut nécessaire à son équilibre. Le trio nous emmène des rives du Tibre jusqu’à celles de la Cumberland qui traverse Nashville en charriant derrière elle toutes les influences de Music City, le rock et le blues y étant au moins aussi importants que celles de la country. Encore une belle découverte que celle qui nous a été offerte avec Marco Bartoccioni !

Ils sont jeunes et associent le meilleur de la culture musicale française à cette grosse touche étasunienne qui leur vient des racines de leur leader, ils se sont fait remarquer au Cahors Blues Festival en 2023 mais aussi à Salaise où ils ont remporté le Challenge Blues Français en avril dernier, et c’est finalement à Memphis qu’ils iront défendre les couleurs de la France en janvier prochain lors de l’International Blues Challenge … Mazingo a très vite franchi les étapes et fait sauter le plafond de verre du blues hexagonal et c’est avec un incommensurable talent mais aussi avec beaucoup d’énergie et de charisme que le trio nous délivre une ordonnance particulièrement chargée, installant sur fond de guitares délurées, de contrebasse tourbillonnante et de percussions endiablées une musique qui outrepasse régulièrement les limites stricto-sensu du blues mais qui apporte au genre une nouvelle fraicheur, une nouvelle saveur, une nouvelle dynamique ! Vous pensiez que le blues se limitait à l’image dépassée d’un vieux Noir hurlant sa misère au milieu d’un champ de coton ? Mazingo va vous faire directement changer d’avis et vous ne regarderez plus jamais le blues avec le même œil après y avoir goûté ! Annemasse exulte et la prestation de ce soir, qui était filmée, restera à coup sûr dans les annales !

Il y a foule devant la scène pour accueillir le dernier artiste de cette quatrième édition du Leman Blues Festival et c’est grâce à la participation et au soutien sans faille du Casino d’Annemasse que le public peut retrouver sur cette belle scène l’immense Eagle Eye Cherry, un artiste qui est bien plus que celui qui avait bousculé les charts il y a déjà un quart de siècle avec un hit interplanétaire, « Save Tonight » … Sorti des écrans radars pendant quelques années, cet artiste né en Suède dans une famille de musiciens qui a souvent connu la célébrité, en particulier avec son père trompettiste de jazz, Don Cherry, mais aussi avec sa sœur, Neneh Cherry, revient cette année avec un nouvel album et avec une série de concerts qui le ramènent vers le plus haut de sa carrière. Charismatique et bourré d’énergie, l’éternel jeune homme aux allures d’adolescent nous présentera ce soir les titres de « Back On Track » mais reviendra aussi vers ses plus grands succès pour le plus grand bonheur d’une assistance qui appréciera non seulement l’instant mais aussi la très belle cohésion d’un groupe qui l’accompagne de fort belle manière et avec une énorme subtilité. Et si on est sorti du blues avec Eagle Eye Cherry, c’est pour mieux se souvenir que Muddy Waters a un jour écrit que « The Blues Had a Baby and They Named It Rock & Roll » ! La preuve en a encore été faite ce soir …

Le Leman Blues Festival referme ses portes et d’un avis général, ce fut une fois encore une très belle édition à mettre au crédit d’une équipe de bénévoles charmante et attentionnée qui se met en quatre pour que tout soit parfait, en ayant à chaque fois la petite attention qui va bien, comme cette année par exemple en brandissant devant les groupes et depuis l’assistance le drapeau de leur pays d’origine. Organiser un festival de cette envergure n’est pas chose facile mais la pari a été une fois encore relevé et c’est en le remportant haut la main que cette belle équipe a encore avancé d’une case sur l’échiquier blues international. Ni la pluie ni le froid ne sauraient s’opposer à la volonté d’une équipe battante et motivée et nous l’avons vu une fois encore ce week-end. Chapeau bas Mesdames et Messieurs pour tous ces bons moments passés ensemble !

Fred Delforge – septembre 2024