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BB BLUES FEST à MOITA (PORTUGAL) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 02 juin 2024
 

BB BLUES FEST
FÓRUM CULTURAL JOSÉ MANUEL FIGUEIREDO - MOITA (PORTUGAL)
Du 31 mai au 1er juin 2024

https://bbbluesportugal.com 

Elle est longue la route qui nous conduit jusqu’au Portugal pour une nouvelle aventure qui va nous permettre de retrouver nos amis de l’Association BB Blues Portugal, récompensés en juin 2023 par l’European Blues Union qui leur a remis un Blues Behind The Scenes Award, mais aussi de découvrir une superbe organisation, le BB Blues Fest qui, en périphérie de Lisbonne, dans une zone ouvrière éloignée des grandes attractions touristiques, propose une programmation dans laquelle les formations européennes et les artistes américains se retrouvent autour de la même passion pour le blues. La première grosse impression en quittant l’aéroport n’est autre que la traversée de l’estuaire du Tage par l’immense Pont Vasco de Gama pour rejoindre Barreiro où nous logeront durant le festival … Il ne nous restera plus ensuite qu’à nous rendre dans la Commune de Moita, à Baixa de Banheira, où le superbe Fórum Cultural José Manuel Figueiredo nous attend de pied ferme pour nous proposer deux belles soirées de musique comme on les aime !

Vendredi 31 mai :

Après un diner en compagnie de nos hôtes portugais et des divers musiciens présents ce soir, on se retrouve directement dans la salle pour un premier concert pour le moins intéressant puisque ce sont Kiko & The Blues Refugees, troisième de la dernière édition de l’European Blues Challenge, qui viennent nous proposer ce que nous espérions depuis un moment, c’est-à-dire un véritable concert du groupe en version longue. Et il faut bien reconnaitre que tous les points positifs que le quintet nous avait laissé entrevoir vont être développés ce soir grâce à une véritable aisance sur scène et à une véritable volonté de jouer le blues d’une manière personnelle, en intégrant les racines séculaires du genre mais en y incorporant de nouveaux ingrédients et en y mettant cette petite Portuguese Touch qui apporte un plus indiscutable.

Né dans le New Jersey, Kiko Pereira est revenu vivre sur la terre de ses ancêtres et c’est à Porto qu’il évolue avec un groupe qui ne s’en laisse pas conter et qui se produit dans tout le pays et même parfois ailleurs. Porté par un guitariste qui fait le show et par un claviériste totalement débridé, Kiko & The Blues Refugees est capable de faire des choses étonnantes comme par exemple cette version de « Born Under A Bad Sign » agrémentée d’un incroyable break de claviers, ou encore un de leur titre phare, « Fake News », qui sera l’occasion pour le public de donner de la voix. Et pour mieux terminer cette première partie de soirée, c’est en invitant l’harmoniciste espagnol Mingo Balaguer, monté lui aussi sur la troisième marche de l’European lues Challenge à Malmö en 2022, à se joindre au groupe sur un titre de Charlie Musselwhite, ce qui permettre à la salle de lui souhaiter un bon anniversaire !

Le temps de changer de plateau et on découvre cette fois la formation d’un artiste brésilien, Flávio Guimarães, véritable légende de l’harmonica dans son pays et même ailleurs puisque ce passionné de Chicago blues a eu l’occasion de jouer avec Buddy Guy, Charlie Musselwhite, Sugar Blue et Taj Mahal mais aussi de partager la scène avec « les trois Bob », Margolin, Stroger et Corritore. Considéré comme le meilleur bluesman au pays du choro, de la samba et de la bossa nova, l’artiste qui se produit depuis quatre décennies a pour caractéristique de jouer la plupart du temps avec un harmonica chromatique, ce qui lui donne des couleurs particulières et un son plein de chaleur. Après avoir reçu un prix de la part de la Municipalité de Moita, c’est avec un « Big Boss Man » qu’il démarrera son set du soir et rendra par la même occasion hommage à Jimmy Reed.

Accompagné par une section rythmique élégante et par un guitariste virtuose, qui prendra également à l’occasion le micro pour nous chanter quelques morceaux comme par exemple « Help The Poor », Flávio Guimarães est un artiste plein de ressource qui n’en fait jamais trop et qui dosera parfaitement sa prestation du soir. Il laissera ainsi beaucoup d’espace à ses musiciens mais ira également jouer quelques notes au beau milieu d’une assistance sous le charme et interprètera une de ses compositions en langue portugaise, autant de choses qui finiront de séduire un public qui aura pu apprécier des standards comme « The Sky Is Crying » et qui accordera aux artistes une standing ovation et qui obtiendra même en rappel un autre détour par le répertoire de Jimmy Reed avec « Bright Lights, Big City ».

La soirée a été belle et la salle se vide tranquillement … On salue encore une fois Kiko Pereira, Mingo Balaguer et Flávio Guimarães avant de rentrer se remettre d’une journée qui a été longue mais tellement intéressante. Il est déjà plus d’une heure du matin et la température est encore de 24° alors que ce matin, le thermomètre en affichait péniblement treize à Paris …

Samedi 1er juin :

La journée file rapidement avec un bon moment de convivialité le midi dans un superbe et très classieux restaurant japonais en compagnie de nos hôtes et de la délicieuse Shakura S’Aida, et après avoir vaqué à diverses occupations durant l’après-midi, on retrouve le Fórum Cultural José Manuel Figueiredo vers 21 heures pour les deux concerts du soir, et quels concerts puisque l’on commence avec le volubile Vasti Jackson qui a été, excusez du peu, guitariste pour des artistes comme Z.Z. Hill, Johnnie Taylor, Denise LaSalle, Little Milton, Bobby Blue Bland et, last but not least, B.B. King en personne. Accompagné d’un band espagnol, le bluesman à la guitare bien affutée qui se produisait hier au festival de blues de Benicàssim va ce soir nous proposer un show à la fois dynamique et éclectique comme il a l’habitude d’en offrir. Pas de set list clairement établie, c’est en prenant la température de la salle que Vasti Jackson décide de ce qu’il va interpréter, et à ses côtés, il faut être sacrément compétant pour suivre le mouvement. Mais quand on est emmené par un tel personnage, on est peu enclin à se laisse prendre au piège.  

Ce soir, le bluesman qui partage avec Bo Diddley le fait d’être natif de McComb et que l’on a pu voir dans les films « Warming By The Devil’s Fire » de la série « The Blues » initiée par Martin Scorsese et « Last Of The Mississippi Juke Joints », va nous envoyer le meilleur de son art et alterner ses propres compositions et des classiques comme « Hoochie Coochie Man » qu’il enchaine immédiatement avec « Rock Me Baby », ce qui lui donnera l’occasion de faire monter une spectatrice sur scène pour expliquer avec délicatesse et humour le sens premier de la chanson rendue célèbre par Muddy Waters … Mais c’est sur le final de son show que Vasti Jackson surprendra son monde en nous emmenant faire un tour du côté du reggae avec un medley réunissant deux titres de Bob Marley, « Stir It Up » et « No Woman, No Cry », avant de conclure avec une énorme version de « Purple Rain » et de nous offrir, après une standing ovation très appuyée, un autre medley, mais cette fois très funky blues. La salle exulte et il n’y a pas de mal à comprendre pourquoi !     

C’est maintenant à Shakura S’Aida de venir relever le défi qui lui a été lancé par Vasti Jackson et c’est en duo, accompagnée par le brillant guitariste Paige Armstrong, qu’elle se chargera de conserver en activité le feu allumé par son prédécesseur. Récompensée elle aussi par un prix décerné par la Municipalité de Moita, la chanteuse canadienne va très rapidement se charger de nous emmener dans un autre registre, différent certes, mais complémentaire, et c’est en jouant pour sa part le jeu de l’émotion et de la conscience en éveil qu’elle va à son tour renverser une assistance qui n’en attendait pas tant. Habillée dans une élégante robe blanche que l’on ne porterait peut-être pas pour aller au bureau mais qui sied parfaitement au spectacle qu’elle propose, la chanteuse à la voix chaleureuse va nous faire voyager dans son monde et nous faire rencontrer ses amis, sa famille, et plus généralement les gens qu’elle aime, ce qui ne manque pas d’interpeller un public particulièrement attentif et captive par ce qu’il entend.      

Toujours prête à plaisanter, Shakura S’Aida organisera une petite battle entre les femmes et les hommes pour savoir qui chante le mieux, mais c’est aussi et surtout en mettant l’accent sur les violences policières aux Etats Unis ou encore sur les valeurs que sa mère, présente dans la salle, a pu lui transmettre lorsqu’elle était enfant qu’elle partagera avec l’assistance des idées fortes, la moindre n’étant sans doute pas que toutes les vies comptent (All Lives Matter). Elle nous proposera enfin le holler qu’elle a coécrit avec l’immense Keb Mo, « Clap Yo Hands And Moan », qui ne manquera pas de produire un superbe effet sur le public, et c’est après avoir reçu elle aussi une standing ovation appuyée qu’elle invitera Vasti Jackson à venir partager son rappel. C’est donc portés par la guitare de Paige Armstrong que les deux voix pleines de complicité se rejoindront pour un « Stand By Me » qui résonnera encore quelques heures plus tard dans les rues de la ville …

L’heure tourne et si on en croit la bousculade au merchandising, les deux formations du jour ont été très appréciées … Il est temps pour nous de prendre congé de nos hôtes, de les remercier chaleureusement pour leur accueil et enfin de leur souhaiter pour demain une superbe dernière journée de festival qui rassemblera quatre groupes dans un parc de la ville pour un énorme pique-nique plein de convivialité. Nul doute que les Travellin Brothers, vainqueurs de l’European Blues Challenge à Bruxelles en 2015, auront à cœur de sceller cette treizième édition du BB Blues Fest de fort belle manière !       

Fred Delforge – juin 2024