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EUROPEAN BLUES CHALLENGE à BRAGA (PORTUGAL) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 07 avril 2024
 

EUROPEAN BLUES CHALLENGE
ESPACO VITA - BRAGA (PORTUGAL)
Du 4 au 6 avril 2024

http://www.europeanbluesunion.com/ 

C’est le Portugal qui accueille cette année le 12ème European Blues Challenge et après l’avoir organisé une première fois aux Açores en 2019, c’est cette fois sur le continent, à Braga, au Nord de Porto, que ce pays à l’accueil chaleureux nous reçoit pour un événement au format un peu modifié puis ce sont trois soirées de challenge qui nous attendent, avec deux demi-finales et une finale le samedi soir. Vingt-et-une nations en lice pour une place sur le toit du blues européen … Autant dire que la fête va être belle !

Jeudi 4 avril 2024 :

On commence avec Errol Linton Band qui nous vient du Royaume Uni pour un show blues en noir et blanc, le chanteur/harmoniciste, le contrebassiste et le batteur semblant tout droit débarqués des rives boueuses du Mississippi ou des quartiers embrumés de Chicago pour nous proposer en entrée de set un twelve bar blues somme toute assez conventionnel mais servi avec passion et plaisir, bientôt suivi de quelques belles excursions du côté d’un slow blues aux accents jazzy et même d’un clin d’œil aux racines jamaïcaines du chanteur. Des compos bien ficelées et une association bien trouvée entre le piano et la guitare finiront de faire du quintet une très belle entrée en matière somme toute plutôt originale.

On continue avec The Bottlenecks, fraichement débarqués en quartet du Luxembourg pour démarrer leur show avec un boogie instrumental très rythmé qui réchauffe l’assistance … Le combo poursuit son set avec une version assez classique de « I’m Ready » qui permet au guitariste de faire preuve de sa dextérité pour ensuite pénétrer dans des choses un peu plus originales au niveau du contenu mais aussi du tempo. Emmené par son chanteur harmoniciste, le groupe ne va pas hésiter un seul instant à se lâcher et à adapter ses morceaux pour les faire coller à la situation, plaçant à l’occasion des mots comme Braga ou Portugal au beaux milieu de ses chansons. Un look qui va bien et beaucoup d’envie de bien faire n’échapperont sans doute pas au jury !

The Blue Benders sont très jeunes et viennent de Suède pour nous offrir un blues qui sait se teinter de funk mais aussi de sonorités bien grasses qui ne sont pas sans rappeler celles des Hills ou encore du Delta. Ces cinq gars là n’ont pas froid aux yeux et envoient avec une régularité et une science quasiment parfaite du blues une musique qui fait du bien par où elle passe, d’autant que côté voix, le chanteur n’a pas grand-chose à envier à nombre de ses ainés. Et quand on part dans des choses un peu plus modernes et un peu plus rock, c’est tout l’Espaço Vita qui se met à remuer et à applaudir cette jeune formation qui n’a pas fini de se faire remarquer à l’international. Une très belle découverte proposée ce soir pas nos amis suédois !

C’est en solo que l’Irlandais Ben Prevo se présente maintenant face à un jury qui va pouvoir apprécier son jeu sensible et sa voix assurée pendant une vingtaine de minutes qui va passer relativement vite, le guitariste multipliant les petites subtilités et les effets de style qui vont contribuer à ce que son set ne soit pas trop linéaire, quand bien même on aurait pu apprécier qu’il délaisse un moment sa Telecaster pour chausser une guitare acoustique et nous offrir encore plus de diversité. On aura toutefois pu apprécier un jeu sobre et un passage plus métallique, plus saturé, qui aura donné l’occasion au musicien de nous montrer plusieurs facettes de sa personnalité et surtout de son style, les miaulement qu’il aura su tirer par moments de sa guitare ayant été très appréciés de l’assistance ce soir.

Direction la Suisse maintenant, avec Dan Mudd feat Barbeat, un duo associant avec beaucoup d’ingéniosité la guitare et les percussions pour un set bien construit autour de compositions qui font référence par exemple à J.B. Hutto, dont ils reprendront d’ailleurs « Too Much Alcohol » en fin de set, ou encore à des femmes fatales. La voix bien rugueuse de Dan Mudd est un véritable bonheur et son jeu plein de finesse se laisse admirablement rehausser par un cajon, des cymbales et un tambourin joués avec parcimonie et surtout avec beaucoup de discernement. Ces deux-là ont trouvé la formule parfaite pour prouver par l’exemple que l’on peut être peu nombreux sur scène et en même temps mettre le feu à une salle ! Grosse sensation garantie.

Retour aux formats plus importants avec DBD Band, un quintet de Bulgarie qui commence sur un ton très blues rock mais pas désagréable du tout, avec un chanteur guitariste assez exubérant, un bel orgue Hammond qui chausse à l’occasion un accordéon, et enfin une danseuse/percussionniste qui ne se contente pas de faire de la figuration. Si la voix est parfois un peu criarde, la teneur instrumentale est plutôt bonne et c’est en parvenant à donner le change que DBD Band aura rempli ce soir son contrat, quand bien même le tout manquait un peu de cohésion et de régularité, ce qui risque fort de les priver de la finale !

C’est sur une intro d’orgue Hammond teintée de Cry Baby que le Silesian Hammond Group, venu de Pologne, va entamer son set, avant que sa chanteuse ne vienne prendre le lead après deux petites minutes d’une intro psychédélique bien pensée ! La suite est classique mais plutôt de bonne facture et c’est avec beaucoup de charisme et d’une manière toujours très positive que le quartet va nous présenter sa vision d’un blues qui se veut riche et coloré mais jamais dégoulinant. Encore une belle prestation à mettre à l’actif du représentant d’un pays où le blues est particulièrement présent avec quelques beaux festivals et un magazine de calibre international. A revoir au plus vite !

Place aux régionaux de l’étape puisque s’il sont Portugais, Kiko & The Blues Refugees viennent de Porto, à quelques dizaines de kilomètres de Braga. C’est une fois encore avec un orgue Hammond que le groupe se distingue, en mélangeant le blues, le rock, la soul et le jazz et en s’appuyant sur une paire de guitares qui sont parfois un peu fortes, mais sans jamais nuire à la qualité des morceaux. Les compositions font plus que tenir la route et côté interprétation, on est sur un niveau qui ne se contente pas d’être honorable puisque le quintet fait d’ores et déjà partie des grands groupes européens et qu’il le démontre sans mal ce soir, devant un public dont une partie est forcément acquise à sa cause, mais où les représentants d’une trentaine de pays ne restent pas indifférents à sa prestation et le montrent ouvertement.

C’est maintenant le duo croate Charlie & Bell Blues Experience qui démarre avec une reprise du « That’s All Right » de Jimmy Rogers, portée par un chanteur et harmoniciste bien en place et par un guitariste qui ne l’est pas moins, avant d’aller rendre hommage à la « Poor Black Mattie » que chantait si bien R.L. Burnside. Deux petits tours du côté de Sonny Terry et Brownie McGhee pour finir de mettre les choses en place et voilà les deux complices qui dérouleront sans le moindre temps mort un set plein de relief et marqué par un travail très précis sur les nuances, avec en prime une composition très réussie pour conclure leur prestation. Une fois encore, la Croatie a été impressionnante !

Little Willie Mehto est un jeune artiste de Finlande qui va démarrer très fort avec la relecture de « Make Me A Pallet On Your Floor » de Mississippi John Hurt qu’il agrémente de délicieux sifflements d’oiseaux. La suite n’est pas moins intéressante avec une composition dans sa langue maternelle sur laquelle son jeu de guitare très riche est complété par un harmonica des plus intéressants et par un footstomping efficace. La salle adhère très vite au jeu du Finlandais qui n’a plus qu’à dérouler son set avec entre autres un « Who Do You Love » totalement habité, un bel échange avec le public qu’il fera participer sur un titre à l’harmonica en l’invitant à taper des mains et un petit coup de cigar box pour finir de plier l’affaire avec « You Gotta Move ». Une superbe prestation de la part d’un artiste que l’on croise de temps en temps en France aux côtés des Yokatta Brothers !

L’heure est venue d’annoncer les quatre formations retenues ce soir pour la finale et c’est sans véritable surprise que nous retrouverons samedi soir les groupes suédois et polonais mais aussi les duos suisses et croates, de quoi se garantir une finale des plus savoureuses ! Le temps d’échanger avec les amis présents dans la salle et ils faudra se résoudre à aller prendre un peu de repos car la suite s’annonce riche en activités et en rencontres …

Vendredi 5 avril :

On commence l’après-midi par un rendez-vous traditionnel au Blues Market, un lieu de convivialité où tous les professionnels européens se retrouvent pour échanger autour d’une passion commune et pour faire connaissance et lier de nouveaux contacts, quand ce n’est pas encore fait. On y trouve les stands de nombre de festivals, d’artistes et de labels mais aussi de magazines et de blues societies qui ont en commun la volonté de faire avancer les choses au mieux sur le vieux continent. De quoi passer un très bon moment en bonne compagnie, d’autant plus que certains exposants ont à cœur de proposer à leurs visiteurs des spécialités apportées spécialement de leurs pays …

On débutera les concerts ce soir avec Blue Deal, un quartet venu d’Allemagne pour nous offrir un set de fort belle facture en commençant avec un très beau blues lent sur lequel la guitare éclipse un peu le piano, mais sans toutefois lui faire perdre une once de son importance. Le chant tient parfaitement la route et c’est avec beaucoup de professionnalisme que le quartet, fraichement signé sur le label Blues’n’Hall de Dixiefrog Records, va faire le job avec talent, énergie et inspiration, en s’offrant au passage une intro a-capella pour mieux mettre en avant son pouvoir de séduction.

On enchaine directement Groove City & Daria Biancardi, le sextet représentant l'Italie avec une belle section de cuivres et surtout une belle énergie, porté par une chanteuse aux faux airs de La Castafiore du blues dotée d’une voix puissante et d’une présence scénique impressionnante qui force le respect de la première à la dernière note. Une bassiste pour accentuer le côté mixte du groupe et voilà une affaire rondement menée, avec un niveau plus que conséquent. La soirée est plutôt bien lancée !

C’est désormais O.J. Žlábek Band de République Tchèque qui nous apporte son blues solide en quartet avec une guitare plaine de nuances et un harmonica enjoué qui porte le tout à bout de bras, avec diverses fortunes selon le tempo employé, mais à chaque fois avec plein de bonne volonté et d’entrain. Le niveau est une fois encore assez relevé et c’est carrément rassurant pour l’avenir du blues en Europe qui, comme on nous le dit souvent, est appelé à apporter un nouveau sang au genre, sans toutefois altérer ses racines les plus profondes.

Arrivé en solo depuis l’Autriche avec ses guitares, Moritz Gamper nous propose un début de set acoustique avec sa 12-cordes au son très folk blues avant de repartir vers quelque chose de plus classique mais toujours mâtiné d’accents plus orientés folk que blues. Une belle interaction avec la salle contribue à rendre les morceaux fluides et accessibles, et c’est finalement une prestation appréciée qui sera offerte à une assistance qui applaudit, et pas uniquement par politesse ! Se produire seul n’est jamais simple mais quand y met son talent et son envie, ca peut se révéler payant …

Place maintenant au quartet Tassos Skouras de Grèce qui entre directement dans le vif du sujet avec un bon gros blues rock, puissant à souhait mais aussi tapissé de breaks pleins de subtilité. Directement influencés par des artistes comme Albert Collins ou encore les trois King, ces Grecs à la volonté de fer nous offriront une prestation qui ne pourra pas laisser le jury indifférent, c’est certain. Le final partagé avec le public ne passera pas non plus inaperçu et finira de donner de la couleur à la prestation d’un groupe qui n’est pas venu pour faire de la figuration.

Odin Landbakk Trio de Norvège a connu quelques problèmes d’acheminement vers le Portugal et se produit maintenant au pied levé, avec vigueur et détermination, en mettant l’accent sur son côté power trio et en proposant de morceaux directs et courts qui ont été composés par son frontman. La communauté norvégienne est comme toujours au premier rang et a sorti les drapeaux pour soutenir un jeune groupe qui le vaut bien et qui ne déméritera pas, malgré un set un peu trop linéaire mais visiblement très apprécié. La jeunesse paie et cette débauche d’énergie risque bien de pousser le trio vers la prochaine étape, quand bien même toutes les conditions n’étaient pas réunies ce soir pour qu’il soit au meilleur de sa forme.

On change de registre avec Robbert Duijf Band venu des Pays Bas pour nous emmener en trio vers des sphères parfois inattendues. La contrebasse habille parfaitement des morceaux taillés sur mesure pour sortir le blues de ses clichés tout en restant fidèle à ses valeurs et c’est entre pièces pleines de subtilité et morceaux plus rythmés que les trois complices vont nous emmener faire un tour en direction d’un endroit imaginaire capable de nous proposer un monde meilleur et surtout plein de naturel et de subtilité. Un hommage à leurs héros, et en particulier à Willie Dixon, pout finir de dire la messe, et voilà un set rondement mené qui aura su marquer une assistance qui offrira même au trio une standing ovation.

Ils ne sont pas venus de Belgique pour faire dans la dentelle et c’est en frappant très fort d’entrée de jeu que Thomas Frank Hopper et consorts vont mettre du rock dans le blues et de l’orgue Hammond dans le Weissenborn, construisant à leur manière un blues psychédélique et énergique qui fait vibrer le public et qui met le feu à la salle grâce à la débauche d’énergie que le quintet met dans ses compositions. Les plus traditionnalistes se perdront sans doute un peu en cours de route, mais Thomas Frank Hopper ne manque pas d’inspiration et fait le job avec talent et discernement devant une assistance médusée mais conquise. Reste à savoir maintenant comment le jury réagira face à tant d’audace !

C’est maintenant au tour de l’Espagne de nous présenter le Kid Carlos Band, un quartet là encore dans un registre blues rock, mais cette fois avec une chanteuse à la voix puissante et aux jambes longues. Si l’inspiration n’est pas la force principale du groupe ibérique, au moins a-t-il le mérite de jouer juste et de manière précise des morceaux qui de temps en temps manquent quand même un peu d’âme et d’originalité, lorsqu’il est question par exemple de réveil aux aurores et de petites copines qui sont parties … C’est d’autant plus regrettable que lorsque le groupe s’éloigne des clichés quelque peu usés, sa prestation est carrément intéressante et de bonne qualité !

C’est maintenant à nos Frenchys de Little Mouse & The Hungry Cats de s’offrir à un public avec un « House Of Blues » d’autant plus intéressant que les personnes à qui le morceau est dédié sont dans la salle ! Les costumes sont réduits à la portion congrue à la suite d’un problème de bagages mais l’énergie est intacte et le quintet ne ménage pas ses ardeurs, porté par une souricette pleine de fougue et largement soutenue par un band au mieux de sa forme. Et quand les voix masculines et féminines se répondent pour mieux emmener le tout vers le haut, c’est toute une folie blues qui se réveille et qui suit le band dans une sorte de communion aussi réjouissante que généreuse. Du rock dans le blues, le band n’a rien inventé ce soir, mais ça marche !

Le dernier candidat du soir nous vient de Roumanie et c’est en quartet que Marcian Petrescu Bluesharp Band va tenter de nous surprendre en démarrant avec un instrumental sur lequel l’harmonica est un peu criard mais particulièrement intéressant. La voix du leader n’est pas au niveau de son jeu d’harmonica mais le quartet parvient quand même à donner le change avec un hommage à Peter Green et avec des morceaux qui ne manquent pas d’intérêt, quand bien même le public se montre un peu fatigué pour accueillir le onzième groupe de la soirée. Un petit tour dans le public pour finir d’enfoncer le clou et voilà une prestation qui aura été plutôt bien accueillie … Reste maintenant à voir ce que le jury en aura pensé !

Les résultats de la soirée vont faire débat, c’est certain, mais ce sont les Pays Bas, l’Italie, la Norvège et l’Italie qui reçoivent ce soir leurs tickets pour une finale qui s’annonce au moins aussi inattendue que surprenante. Le temps de saluer quelques amis de plus et il faudra se résoudre à rejoindre l’hôtel car la journée de demain va elle aussi être très chargée en termes d’activités.

Samedi 6 avril :

Après une matinée dédiée à l’Assemblée Générale de l’European Blues Union et une partie de l’après-midi consacré à différents ateliers professionnels, on retrouve l’Espaço Vita pour la grande finale qui commence ce soir avec les jeunes Suédois des Blue Benders qui démarrent une fois encore très fort avec un set précis et plein d’entrain qui mélange blues rock et blues plus posé, tout en assurant le show avec force gimmicks et surtout avec énormément de professionnalisme. On reprochera peut-être au quintet son excès d’énergie mais force est de constater que c’est jeune et que ça plait au public tout en gardant des fondations blues, même si elles sont parfois un peu diluées au milieu des guitares.

Direction la Croatie maintenant, le pays qui accueillera en avril 2025 le 13ème European Blues Challenge à Split et qui nous offre à nouveau une prestation de Charlie & Bell Blues Experience pleine de belles influences comme Sonny Terry & Brownie McGhee. Le jeu d’harmonica précis et la voix assurée sont parfaitement mis en valeur par un jeu de guitare plein de sensibilité et de relief et c’est un véritable bonheur que de retrouver ces deux musiciens qui nous emmènent faire un tour du côté du Piedmont mais aussi du Nord du Mississippi. Quelques effets de style pour mieux mettre du piment dans leur set, comme par exemple cette « Poor Black Mattie » chantée directement dans le greenbullet pour ajouter de la saturation, et c’est une fois encore une véritable ovation qui sera réservée à un duo à découvrir absolument ! On aurait juste apprécié d’entendre un peu plus de compositions …

On part cette fois pour l’Italie et on retrouve Groove City & Daria Biancardi, la formation sélectionnée vendredi lors de la seconde demi-finale, et c’est avec toujours le même plaisir que l’on retrouve la chanteuse aux pieds nus et à la voix puissante pour une prestation cuivrée à souhait, superbement relevée par un orgue Hammond qui sait trouver une place idéale dans ce maelstrom musical plutôt bien organisé. Quand l’heure est venue de nous emmener dans un blues lent, le septet transalpin trouve le ton juste et laisse monter son morceau en puissance progressivement pour mieux terminer en feu d’artifice avec une chanteuse qui rit de se voir si belle en ce miroir, au risque de le briser tant sa puissance vocale est impressionnante ! Un tour dans le public pour mieux entrer en communion avec lui et voilà encore un show bien rodé et servi avec talent qui aura séduit l’assistance !

Nos hôtes portugais reviennent en force devant leur public avec Kiko & The Blues Refugees pour un show assez différent de celui de leur demi-finale, avec un peu moins de guitares et avec un travail plus poussé sur la voix, ce qui ne gâche rien, bien au contraire. Le frontman pose un temps sa guitare et temporise pour nous servir des morceaux qui s’ouvrent sur des choses plus soul, plus funky, plus psychédéliques, plus pop aussi par moments, s’efforçant d’ouvrir sa musique à toute sorte de sensibilité et de la rendre accessible au plus grand nombre, une démarche d’ouverture qui risque de ne pas plaire à tout le monde mais qui est toutefois nécessaire si l’on veut que le blues perdure et évolue. Et quand il s’agit de renouer avec les racines du genre, nos amis lusitaniens ne sont pas avares non plus et le prouvent avec force et talent ! Les dés sont jetés, il ne reste plus qu’à attendre le verdict …

Ils ont créé la surprise en se qualifiant hier soir mais les Belges de Thomas Frank Hopper comptent bien ne pas en rester là et c’est en nous emmenant cette fois sur les routes du Mississippi qu’ils entament leur set du soir, beaucoup plus calmement que la veille, aux limites de l’acoustique et avec de véritables racines profondément ancrées dans le blues. De quoi démontrer à ceux qui pensaient le contraire que ces gars-là ont bien leur place en finale et que le blues ne s’arrête pas à quelques clichés prémâchés et prédigérés que l’on essaie parfois de lui donner en guise définition. Et si le quintet sait devenir parfois plus puissant, c’est pour mieux nous rappeler que le blues a eu un bébé et qu’on l’a appelé rock’n’roll ! Des effets de voix bien trouvés, un orgue Hammond particulièrement inspiré et toujours ce Weissenborn qui n’en finit plus de pleurer et de nous réjouir … La Belgique continue de nous surprendre, et dans le bon sens du terme !

De la Belgique jusqu’au Pays Bas, il n’y a que très peu de route à parcourir et c’est avec un réel plaisir que l’on retrouve Robbert Duijf Band, avec le père à la guitare et au chant et le fils à la contrebasse, mais avec aussi un percussionniste plutôt sobre mais efficace. Les compositions sont carrément bien ficelées et c’est du côté d’un blues traditionnel et plein d’entrain que le trio va nous emmener en s’appuyant sur une rythmique bien ronde que le résonnateur parvient à faire décoller pour l’emmener très haut. Avec des histoires de trains mais aussi de tout ce qui fait partie de la vie, et en particulier de l’amitié et de l’amour, le trio batave parviendra à charmer son monde, offrant même à son frontman l’opportunité de nous chanter un superbe morceau en solo dans un registre qui n’est pas sans rappeler Leonard Cohen. Une grosse émotion garantie avant un final qui redeviendra plus traditionnel, le groupe ayant à cœur de nous montrer toutes ses diversités …

En route pour la Norvège où l’on retrouve ce soir à l’heure dite et sans incident aérien les jeunes gens d’Odin Landbakk Trio. Si le groupe n’a rien perdu de sa superbe au niveau du jeu, son leader semble connaitre ce soir un problème au niveau de la voix avec un chant un peu poussif et éraillé et, pour tout dire, beaucoup moins juste que d’habitude, un phénomène simple à remarquer puisque le groupe est loin de nous être inconnu pour l’avoir vu en début d’année à Clarksdale et à Memphis mais aussi en mai dernier à Eutin, en Allemagne. Il n’en reste pas moins que les compositions tiennent plutôt bien la route et que malgré ces petits soucis de chant, le groupe s’efforce de donner le change en dépensant beaucoup d’énergie et en assurant d’une façon très professionnelle et pleine d’un mélange de dignité et d’humilité. Chapeau bas messieurs, vous avez fait le job et vous pouvez en être fier !

Dernière formation à se produire ce soir, les Suisses Dan Mudd feat. Bearbeat ont attendu patiemment leur tour et vont nous proposer une prestation qui démarre sur les mêmes bases que celles de leur demi-finale de jeudi. La guitare et le chant sont un modèle de régularité et les percussions viennent emballer le tout avec élégance et discernement, le duo s’efforçant en prime de faire participer l’assistance en lui demandant de taper dans ses mains ou en lui racontant des anecdotes qui déclenchent des rires spontanés dans la salle. Mais nos voisins helvétiques savent aussi travailler autour des silences et des nuances et c’est en nous emmenant très loin sur l’échiquier des sensibilités qu’ils viennent nos offrir une très belle transition instrumentale avant de se lancer dans un final en slide plein de subtilité et d’énergie sur fond de « Bad Bad Whiskey ». L’humour conjugué au talent est une recette qui en général se révèle payante et nous saurons rapidement si elle a fait recette ce soir !

En attendant les résultat de ce 12ème European Blues Challenge, ce sont les récipiendaires des Blues Behind The Scenes Awards qui sont mis à l’honneur et pendant que l’on rend hommage à notre ami photographe Aigars Lapsa de Lettonie, au producteur autrichien Hannes Folterbauer de Wolf Records et à la Suédoise Agneta Andersson d’Amals Blues Festival, le jury décide des divers Prix qui récompenseront les vainqueurs avec pour commencer les Suisses Dan Mudd feat. Bearbeat qui obtiendront le Prix Spécial Solo/Duo. Les Portugais de Kiko & The Blues Refugees et les Suédois de The Blue Bender obtiendront ensuite respectivement le troisième et le deuxième Prix et ce sont les Néerlandais du Robbert Duijf Band qui finalement repartiront avec le premier Prix de ce 12ème European Blues Challenge et les nombreuses programmations qui y sont liées.

Il est temps maintenant de refermer les portes de cette édition 2024, non sans féliciter les vingt-et-une nations participantes et bien entendu les formation qui les ont représentées, et surtout sans remercier nos hôtes portugais avec à la tête d’une formidable équipe Adalberto et Budda qui ont prouvé que si la perfection n’existe pas, il est possible de s’en approcher au plus près puisque nous avons vécu ces trois derniers jours un des plus bel European Blues Challenge qui ait pu être organisé à ce jour. Le flambeau est désormais transmis à la Croatie qui aura à charge de faire aussi bien en mars 2025 à Split, mais pour ça, il faudra encore attendre un peu …

Fred Delforge – avril 2024