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EN TERRE DE BLUES 2024 (USA) pdf print E-mail
Ecrit par Chris Foucher  
jeudi, 25 janvier 2024
 

EN TERRE DE BLUES
MEMPHIS – CLARKSADLE – NASHVILLE – MUSCLE SHOALS – MERIDIAN - VICKSBURG … (USA)
Du 12 au 29 janvier 2024

https://visitmississippi.org/ 
http://msbluestrail.org/ 
https://alabama.travel 
https://blues.org 

Départ pour le Mississippi pour les membres de cette odyssée 2024. Après des conditions de voyage un peu compliquées, notamment autour d’Atlanta où les estomacs des passagers ont été mis à rude épreuve, les SuperSoul Brothers, Alyssa Galvan, Mateo Perfetti, Michel Roué, Fred Delforge et moi-même arrivons de nuit au Shack Up Inn, à Clarksdale, qui nous servira de camp de base pour les premiers jours. Une arrivée de nuit qui ne laisse pas voir grand-chose, et qui permettra le lendemain matin de voir les nouveaux arrivant émerveillés par le paysage qui s’offre à eux, les SuperSoul Brothers ne feront pas exceptions à la règle et leur joie non feinte fait plaisir à voir.

13 janvier 2025 : Clarksdale et Indianola

Le petit déjeuner partagé à Clarksdale est l'occasion de découvrir un restaurant typique américain, le Yazoo Pass. Ensuite, le groupe prend la route, direction Indianola, fief de BB King, pour découvrir le musée qui lui est consacré, le BB King Museum & Delta Interpretive Center.

Pour qui le découvre, ce musée est un véritable bijou, développé autour de la musique de BB King bien sûr, mais aussi autour de son histoire, de son vécu. C’est donc aussi un lieu pédagogique relatant l'histoire du Mississippi, notamment les conditions de vie, les luttes et les espoirs du Peuple Noir Américain. Nono, le chanteur des SuperSoul, est particulièrement ému de découvrir les objets de mémoire du musée, une émotion qui atteint son point d'orgue lorsque nous découvrons à l'issue de la visite la sépulture de BB King. Ce musée est un de ces lieux incontournables pour tous ceux qui aiment l'histoire du Blues, et l’histoire tout court.

Après un repas pris au Blue Biscuit, restaurant emblématique d'Indianola situé en face du musée, un crochet par le BB King Park et surtout par le club Ebony, autre lieu essentiel de l'histoire du Blues, la troupe continue son pèlerinage à Holy Ridge, devant la tombe de Charley Patton, père du Blues rural.

L'histoire de Charley Patton est liée à celle de la Dockery Farm, une plantation de coton emblématique de l'histoire du Mississippi. Si elle n'est évidemment plus en état de marche, elle a été restaurée dans les année 2000, à des fins pédagogiques. C'est ce lieu que notre petite troupe a visité dans l'après-midi avec ensuite un petit détour par le Po Monkey, un Juke Joint légendaire aujourd'hui fermé et subissant les outrages du temps.

Nous terminons cette première journée au Shack Up Inn, où nous assistons à une belle soirée de blues. Le premier groupe est celui d’Heather Crosse, Heavy Suga’ And The Sweet Tones. Avec une voix et une présence exceptionnelle, Heather nous livre un show de belle tenue et anime la soirée avec grâce et autorité. Suivent les jeunes Norvégiens de Odin Landbakk Trio, qui représenteront leur pays à l’International Blues Challenge. Avec une musique énergique, le trio emballe le public, et le jeune guitariste virtuose nous gratifie de belles envolées.

C’est ensuite à Nico Wayne Toussaint, présenté à l’IBC par la Toulouse Blues Society, de monter sur scène. En vieux routard, il saisit l’attention d’une assistance vite conquise, pour l’embarquer dans ses histoires musicales … Mais l’assistance n’était pas prête pour ce qui a suivi : The SuperSoul Brothers Band a littéralement mis le feu !!! Avec leur joie, leur sens du groove et leur énergie, mené par un Nono des grands soirs au chant, les lascars ont réveillé un public qui pourtant en a vu d’autres … Il faut les avoir vu sur scène pour comprendre ce dont je parle, mais dans SuperSoul Brothers, le mot Brother n’est pas juste une appellation.

La soirée se terminera par une magnifique prestation d’Alyssa Galvan accompagnée par Matéo Perfetti et les membres d’Heavy Suga’ pour un « Voodoo Woman » de haute volée. Conquis et enchanté, le public du Shack Up Inn se souviendra de ces frenchies en route pour l’IBC, pour qui le voyage commence de fort belle manière.

C’est ensuite l’heure de regagner les cabanes, avec des étoiles plein les yeux. Bonne nouvelle : le périple ne fait que commencer !

14 janvier 2024 : Clarksdale – Greenwood

Après la jam de la veille au Shack Up Inn, le réveil est un peu difficile. D'autant plus que les températures sont bien tombée et que la neige est annoncée pour la fin de la journée. Nous nous accordons un moment de shopping blues, au Cat Head de Clarksdale, un magasin que tout aficionado de Blues se doit de visiter en traversant la ville du Crossroads. Vinyles, livres, T-shirts, posters, dans cette caverne d’Ali Baba dédiée au Blues, il est difficile de ne pas céder à la tentation … C’est donc allégés de quelques dollars que nous reprenons la route vers Greenwood pour une halte restauration au Crystal Grill.

Prendre un repas au Crystal Grill de Greenwood, c'est entrer en contact avec l’Amérique populaire, traditionnelle, et c’est encore plus vrai un dimanche midi, après l'office religieux. Dans une atmosphère délicieusement surannée, la petite bande y a goûté une cuisine aux accents du Sud, avec sauce gravy et ignames pour certains, catfish frit pour d’autres. Toujours avec cet esprit familial qui fait le charme de l’endroit.

Nous avons ensuite rendez-vous avec un mythe du Blues puisque c’est sur la tombe de Robert Johnson que nous nous rendons, toujours à Greenwood, dans petit le cimetière de l’Église Little Zion sur Money Road.

Après un moment de recueillement devant la sépulture d’une des figures les plus mythiques de l’Histoire du Blues, c’est vers une autre figure historique importante que nous nous tournons, Emmet Till. L’histoire tragique du crime raciste dont a été victime le jeune garçon de 14 ans a été un tournant dans l’histoire des droits civiques et dans celle du Mississippi. Nous nous arrêtons devant le reste de Bryant Grocery, l’épicerie où Emmet aurait « sifflé » la gérante, ce qui lui a ensuite valu d’être sauvagement torturé et assassiné par le mari et le frère de celle-ci. Puis nous nous rendons au pont d’où la victime a été jeté. Certains lieux portent la mémoire des crimes qui y ont été commis, cela semble être le cas ici …

La température tombant sérieusement et la neige menaçant, nous nous dépêchons de regagner Clarksdale avant la tombée de la nuit. Ce soir, ce sera diner improvisé dans le Sunset Shack, avec grosse ambiance musicale assurée par les participants au voyage !

15 janvier 2024 : de Clarksdale à Memphis ...

Le Mississippi a revêtu un blanc manteau qui contraste avec le soleil du premier jour. Devant l'incertitude des conditions routières et à la suite de l’annulation du Blue Monday au Hal & Mal’s à Jackson, nous décidons de laisser Clarksdale et de nous rendre à Memphis un jour plus tôt que prévu.

C'est à 50 km/h que nous remontons le Mississippi en direction du Tennessee dans un paysage un peu étrange. D'autant plus qu'en ce jour de Martin Luther King Day, jour férié fédéral, les gens sont restés chez eux. C'est donc dans une ambiance “fin du monde” que nous arrivons à Memphis dans l'après-midi.

Après un passage à Wiseacre, une magnifique brasserie de Memphis, nous nous rendons en début de soirée à l’aéroport de Memphis pour récupérer Ronan du Two Roots Duo, ancien finaliste de l’IBC 2019, en provenance de Bretagne. Une journée de transition avant les showcases de demain au Club 152 sur Beale Street.

Il règne en ville une ambiance étrange … Beale Street s’est endormie très tôt et à 22 heures, il n’y a déjà plus un bruit et plus un restaurant ouvert pour se restaurer !`

16 janvier 2024 : ouverture de l’International Blues Challenge

Matin blanc … Le shopping attendra un peu car les habitants de Memphis et de ses alentours sont bloqués, et de nombreux magasins fermés à cause des chutes de neiges qui ont paralysé la ville pour quelques jours. En attendant, Memphis sous la neige reste magnifique, on sent bien, cependant, que l’IBC va bientôt commencer.

Petit à petit, les participants et les encadrants arrivent en ville. Un des restaurants emblématiques de la ville, le Blues City Café, ne fait pas encore le plein, mais on sent que cela ne va pas durer. On retrouve sa cuisine du Sud avec plaisir. Petite rencontre fortuite avec un des représentants français, Nico Wayne Toussaint, pour un échange d’info concernant la soirée qui s’annonce, celle des showcases. Les clubs accueillent les participants étrangers la veille de l’IBC, pour une soirée de présentation, sans le stress du concours. Une manière de prendre ses marques.

C’est le club 152 de Beale Street qui recevra ce soir nos frenchies : Nico Wayne Toussaint, Two Roots Duo avec Sofia et Ronan et enfin The SuperSoul Brothers Band avec Nono au chant, Pak au trombone et aux chœurs, Julien aux claviers, Pierrot à la guitare, Olivier à la batterie et Ludo à la basse, avec qui nous avons partagé de beaux moments à Clarksdale.

À 19h, ce sont les Croates de Split, Charlie & Bell Blues Experience, qui ouvrent la soirée. Ce duo guitare/harmonica nous livre un blues paisible et profond. Zvone Čaljkušić-Ivanović (Bell) au chant et à l’harmonica et Dragan Kotarac (Charlie) joue des blues traditionnels du Piedmont au Delta, sans se limiter à un style précis, et propose aussi des compositions. Les deux complices inviteront le jeune Odin S Sokac à interpréter quelques titres à la guitare sur la fin de leur set. La soirée commence bien !

20h - Two Roots Duo prend ensuite le relai. Formé de Sofia Tahi et Ronan “OneManBand” Le Quintrec, ce deuxième duo joue la carte des reprises de blues classiques mais aussi des œuvres moins attendues comme un morceau de Nina Simone porté par la voix chaude et puissante de Sofia. Ronan soutient la chanteuse à la guitare et à la batterie. Malgré de petits soucis techniques, les deux artistes ont su assurer une prestation de qualité.

21h - Le troisième larron à monter sur scène n’est pas un inconnu puisqu'il s’agit de Nico Wayne Toussaint, que nous avons déjà croisé à Clarksdale il y a quelques jours. Avec un art consommé de la scène, le chanteur harmoniciste et guitariste insuffle à cette soirée l’énergie et la joie dont il est coutumier, emportant l'enthousiasme de l’assistance.

22h - C’est au tour des SuperSoul Brothers de parachever la soirée en mettant le feu à la scène et au Club 152. Nono et sa bande ne laissent aucune chance d’échapper à leur groove endiablé, que vous le vouliez ou non, vous finissez par taper du pied, des mains, emporté par la puissance de la deep soul délivrée par ces vieux briscards, qui décidément savent y faire ! À tel point que, sans doute pour la première fois dans l’histoire de l’IBC, les Palois auront droit à un rappel à la demande du responsable de la soirée ! Le public est conquis.

La soirée de showcase s’achève, l’IBC est lancé de fort belle manière !

17 janvier 2024 : IBC jour 1

Les choses sérieuses commencent aujourd'hui pour les candidats à l'International Blues Challenge de Memphis, édition 2024. La neige recouvre toujours la ville. Nous profitons de la matinée pour passer chez Martin's Guitar Shop admirer quelques-unes de leurs magnifiques guitares et amplis, puis nous faisons encore un peu de shopping chez Shangri-la Records pour trouver quelques raretés en 33-tours, nous y découvrons même des 78 tours originaux. Un lieu incontournable pour les amoureux de disques rares. Enfin, avant l'ouverture officielle de l'IBC, nous allons goûter quelques grillades chez le champion des ribs, le Central BBQ … près du motel Lorraine.

Les candidats sont maintenant avertis des lieux où ils vont devoir jouer, pour nos frenchies ce sera le Rum Boogie Café pour les SuperSoul Brothers, le Blues Hall pour le duo Two Roots et le Jerry Lee Lewis pour Nico Wayne Toussaint. L’IBC se déroule ainsi : deux prestations pour les quarts de finale, ce mercredi et demain jeudi, puis les demi-finales vendredi et enfin la finale samedi à l'Orpheum Theatre.

Les premiers à se lancer sont donc les SuperSoul Brothers à 17h au Rum Boogie Café. Si nos Béarnais sont stressés par l'enjeu, ça ne se voit pas du tout. Ils débutent leur show à tout allure et ne lâchent leur étreinte qu'une fois les 25 minutes réglementaires écoulées. Une énergie au top, des mises en place impeccables et une joie de vivre communicative. Nono est un showman qui sait s'adresser au public, ce faisant il emporte l’assistance qui a particulièrement apprécié leur prestation.

Nous nous dirigeons ensuite vers le Blues Hall où Sophia et Ronan attendent de monter sur scène. Les Two Roots ont modifié leur show depuis hier, Ronan a laissé la batterie et la guitare électrique pour se concentrer sur la guitare acoustique. La magie opère immédiatement et la voix de Sophia nous transporte chez Nina Simone, tandis que Ronan délivre un accompagnement en osmose avec les mélopées de Sophia. Ces deux-là ont trouvé la recette et le public suit ! Encore une belle prestation pour les groupes présentés par France Blues.

Nico Wayne Toussaint, présenté pour sa part par la Toulouse Blues Society, se produit au Jerry Lee Lewis, mais bien plus tard dans la soirée, ce qui nous laisse le temps de découvrir quelques prestations solo/duo : tout d’abord Henry D. Jones de la River City Blues Society. Avec son magnifique Dobro, il reprend Skip James, dans un style dépouillé et plein de sincérité. Il est suivi de Kellie Jolly, The Tennessee Ukulele Lady, une chanteuse magnifique s’accompagnant au ukulélé. Elle fait preuve d’une belle présence et possède surtout une voix absolument envoûtante. Ensuite Kevin Nichols nous gratifie d’un Blues rock acoustique solide porté par une voix puissante et une belle énergie. Un petit mot pour saluer ces artistes qui se produisent au Jerry Lee Lewis : ils font preuve d’une abnégation impressionnante, il fait extrêmement froid, et ils n’en laissent rien paraître. Les juges, qui doivent y rester six heures, sont emmitouflés dans leurs manteaux. La salle est quasi vide. Il leur faut un sacré courage pour jouer et nous sourire, nous pouvons donc les saluer.

Il est 22h15 et c'est au tour du dernier représentant français, et pas des moindre, de se présenter. Il s'agit de Nico Wayne Toussaint. Seul, avec une guitare électrique ou un dobro, et son harmonica, Nico est redoutable. Sa grande force est sa capacité à nous raconter des histoires et à nous emmener avec lui, dans son univers blues roots. Le tout accompagné d’un sourire dont il ne se départit que très rarement. Le Frenchie nous présente un long morceau qui se vit comme une histoire, le tout joué avec virtuosité.

Cette journée se termine avec une autre très belle prestation française. Vivement demain !

18 janvier 2024 : IBC jour 2

Nos frenchies ont passé la journée à préparer ce second quart de final, modifiant ce qu'ils estimaient devoir l'être. Et c'est avec impatience que nous attendons de les retrouver. En attendant d'aller voir Nico Wayne Toussaint au Jerry Lee Lewis, nous passons au Rum Boogie Café où les SuperSoul Brothers attendent patiemment de passer plus tard dans la soirée. Nous y entendons le Carmen Ratti Band, qui joue un Blues à la fois élégant et plein d'émotion, porté par la voix de sa chanteuse. Le groupe suivant, Joe Louis And The Groove, nous offre pour sa part une belle énergie le tout sous l'influence vestimentaire et guitaristique de Stevie Ray Vaughan.

Nous nous présentons ensuite au Jerry Lee Lewis pour assister au show de Nico Wayne Toussaint. Juste avant lui, Darren Steckle termine son set aux forts accents country blues dans le jeu et dans la voix. C'est ensuite au tour de Nico, notre premier Frenchie présenté par la Toulouse Blues Society. Ce dernier a apporté des modifications à son set d’hier et se présente dans un registre plus boogie blues, très John Lee Hooker. Sa voix, son jeu d’Harmonica, font des merveilles, sans oublier son sens du contact avec le public. Pour marquer les esprits Nico termine son show a capella à un mètre du public et du jury : un moment très fort.

Nous retournons ensuite au Rum Boogie Café juste à temps pour le début du set des SuperSoul Brothers. Presque sans surprise, mais ce serait mentir tant à chaque fois la claque est énorme, les six garçons ont remis le feu. Dans une ambiance de dingue, Nono et ses pistoleros ont soulevé le public avec leur deep soul énergique et leur joie de jouer communicative. Vous prenez les prestations des jours précédents et vous augmentez encore le curseur. Un grand moment à vivre ! Une petite mention pour le groupe suivant le Sean McKee Band, envoyés par la Windy City Blues Society de Chicago. Un son énorme, une maîtrise de la dynamique, un sens de la scène consommé, et une grande musicalité. Il s’agit là d’un groupe à suivre, à n’en pas douter.

Pas besoin de sortir pour changer de club, à l’intérieur du Rum Boogie Café, une porte permet d’entrer dans le Blues Hall. Nous assistons à la fin du set de Dan Mudd et Bearbeat, sur une reprise acoustique de Led Zeppelin, « Whole Lotta Love », avec une utilisation assez insolite de l’acoustique de la caisse de guitare. Il s'agit d’un duo suisse qui laisse ensuite la place à un autre représentant de la Blues Society de Chicago, Joe Asselin, qui en est à sa deuxième participation à l’IBC. À l’aide de sa guitare et de son drum-set-valise, Joe joue un blues traditionnel qui supporte les histoires qu’il partage avec le public.

Derniers français de la soirée, les Two Roots, Sophia et Ronan, nous ont joué leur set le plus personnel depuis leur arrivée, présentant plus de compositions. Sophia fend l’armure et nous touche avec une sincérité qui va droit au cœur. Ronan, qui a récupéré la batterie, malgré un genou douloureux, se fait encore plus présent, à base de “grognements” de loup, et chante même son “spécial”, « John The Revelator ». C’est assurément leur prestation la plus aboutie.

Nous avons attendu les résultats, avec impatience et inquiétude. Finalement, on retrouvera Nico Wayne Toussaint et les SuperSoul Brothers en demi-finale, mais ça ne passe malheureusement pas pour Two Roots. Mais une chose est sûre, aucun des trois groupes français n’a à rougir de ce qu’il a présenté, et tous peuvent légitimement être fiers d’eux. Nico Wayne Toussaint, The SuperSoul Brothers Band et Two Roots sont de très beaux représentants du Blues Français !

19 janvier 2024 : KBA Awards et demi-finales finales

Chaque année, la Blues Foundation remet les prix Keeping the Blues Alive (KBA) à des personnes et des organisations qui ont apporté des contributions significatives au monde du blues. Les KBA sont décernés à des artistes non-interprètes, strictement sur la base de leur mérite, par un comité de professionnels du Blues triés sur le volet. Organisé cette année dans le cadre magnifique de l'hôtel Hyatt, la remise des KBA Awards s’organise autour d’un brunch en marge de l’IBC. Parmi les personnes, ou institutions récompensées cette années, Laura Carbone, photographe de renom, ayant fait d’innombrables couvertures de magazines Blues, la Colombus Blues Alliance, de l’Ohio, ou encore Lee Oskar, harmoniciste légendaire et créateur de la marque d’harmonica qui porte son nom.

Mais ceux pour qui nous avons plus particulièrement fait le déplacement sont Jacques et Anne-Marie Garcia. Jacques et Anne-Marie sont à l’origine de nombreux projets depuis le début des années 80 comme la création et la direction du Salaise Blues Festival de 1983 à 1991, ou la cocréation de Rhésus Blues Productions (1986-1989), qui a organisé des tournées européennes pour des musiciens de blues renommés tels qu'Otis Grand, Joe Louis Walker et R.L Burnside. En 2017, Jacques et son épouse ont fondé La Maison du Blues, un club de blues et un café à Châtres-sur-Cher. La Maison du Blues a ensuite englobé la Blues Preservation Association et le Musée européen du Blues, dont l'inauguration a été marquée par une prestation de Bobby Rush. En 2023, La Maison du Blues a collaboré avec France Blues pour agrandir le Musée européen du Blues, en y ajoutant le Blues Hall Of Fame Français et un centre de films documentaires axés sur le blues et les droits civiques. Actuellement, La Maison du Blues est activement impliquée dans la création d'un centre d'enseignement de la musique Blues appelé "Crossroads", sur le modèle du "Crossroads Arts and Cultural Center" de Clarksdale. La Maison du Blues de Jacques et Anne-Marie Garcia a incontestablement laissé une marque indélébile sur la promotion et la préservation du genre en France, et méritent mille fois le prix KBA 2024 de la Blues Foundation.

Ce vendredi soir, ce sont les demi-finalistes qui s’affrontent en vue d’obtenir le précieux sésame qui leur ouvrira les portes de l’Orpheum demain samedi. La France est encore bien représentée avec The SuperSoul Brothers Band dans la catégorie groupes et Nico Wayne Toussaint dans la catégorie Solo/duo. Les premiers opéreront dans le club Alfred’s à 21h20 tandis que c’est au King’s Palace que Nico défendra ses chances à partir de 21h30.

Comme les autres jours, Nono et sa bande entament leur prestation sur les chapeaux de roue. La guitare de Pierrot et le clavier de Julien, soutenus par la section rythmique formée d’Olivier à la batterie et la basse de Ludo, sont la rampe de lancement idéale pour Nono au chant, magnifiquement accompagné par Pak au trombone et aux chœurs. Si l’énergie a été maintes fois évoquée en ce qui concerne les SuperSoul Brothers, il faut aussi évoquer la qualité des compositions, la présence scénique, la qualité musicale de chacun, et la joie d'être là à jouer de la musique, ensemble. Quel que soit le résultat de la soirée, la Deep Soul de nos amis palois aura marqué des points dans le cœur de chaque spectateur.

Place maintenant à Nico Wayne Toussaint sur la scène du King’s Palace. Notre conteur bluesman commence sa prestation avec un titre joué à la guitare, mais il profitera de cette demi-finale pour montrer l’étendue de son talent : électrique, dobro, harmonica seul ou a-capella, il sait tout faire ! Ses morceaux sont des histoires et sa joie est communicative. Comme la veille, il termine avec un morceau a-capella, les yeux dans les yeux avec le public et le jury. C’est une très belle performance !

Nous attendons les résultats jusqu’à tard dans la soirée, conscients que le niveau est relevé, et que les places pour l’Orpheum sont chères … Finalement, l’annonce des résultats tombe : Nico Wayne Toussaint est qualifié, en revanche l’IBC 2024 se termine là pour The SuperSoul Brothers. Ces derniers sont déçus, et c’est normal, mais ils nous auront donné des frissons sur scène où ils ont fait la preuve de leur énorme talent. Pas de regret à avoir, le plateau était vraiment relevé et être demi-finalistes ici, c’est une très belle performance. Nous nous retrouverons donc demain à l’Orpheum pour soutenir Nico Wayne Toussaint de la Toulouse Blues Society et pour célébrer la fin de cet IBC 2024.

20 janvier 2024 : Finale IBC 2024 à l'Orpheum Theatre.

C’est la grande soirée, au terme de quatre jours de concerts, nous allons enfin savoir qui remportera cette édition 2024 de l’International Blues Challenge. Comme chaque année, c’est l’Orpheum Theatre de Memphis, un magnifique écrin, qui accueille l’épreuve. La première à s'avancer est Melissa McKinney, présentée par Charlotte Blues Society. Avec sa seule guitare, elle présente des compositions très dépouillées, touchantes, personnelles et souvent tragiques. Melissa termine par une reprise de Brook Benton, popularisée dès 1959 par Bobby "Blue" Bland, puis plus récemment par Beth Hart, « I’ll take care of you ». Une belle prestation pour lancer cette finale.

Mandalyn and the Hunters, de Blue Steel Blues Society, est le premier groupe à se présenter. Derrière la chanteuse dotée d'une voix puissante et magnifique, les Hunters balancent un groove puissant, avec également un guitariste solide. Un Blues moderne avec des harmonies classiques agrémentées de quelques twists pour sortir des sentiers battus.

Joe Waters est présenté par Colombus Blues Alliance, récompensée hier par un KBA. Le jeune homme s'avance et entame son set par un solo d’harmonica. Avec un style folk-blues subtil et un jeu d’harmonica sensible et subtil, Joe Water touche, lui aussi, droit au cœur. Ses talents de guitariste ne sont pas en reste comme en témoigne sa reprise de Doc Watson. Un set tout en virtuosité acoustique et une belle prise de risque avec un morceau chant-guimbarde très dépouillé.

C’est ensuite à CFG and the Family de prendre le relai. Présenté par Cincy Blues Society, ce groupe assez classique délivre un Blues très urbain. Le jeune guitariste connaît sa partie et la joue avec maestria tandis que le chanteur-harmoniciste dirige son groupe de main de maître.

Twice as Nice, de Greater West Texas Blues Society, est un duo d’hommes orchestres. Un two men band, composé du jeune Leon Carrasco qui chante très bien, joue de la guitare brillamment dans un style, faut-il s'étonner, très texan, sans être une copie de SRV. Il joue également de la grosse caisse. Son impassible compagnon, Adrian Revilla joue, lui, du clavier, de la basse, et même de l'accordéon. Les compositions sont de qualité et le jeune chanteur guitariste sait faire passer l'émotion, que ce soit par sa voix ou par son jeu.

Shaun Booker Dammit Band de Columbus Blues Alliance s’avance ensuite. Shaun Booker est une chanteuse charismatique, avec une carrière démarrée en 1976 qui aujourd’hui est à la tête d'une machine à groover. Shaun Booker connaît son affaire et elle a du talent à revendre, avec sa voix qui vous prend par le cœur. Ses vieux briscards du Dammit Band l'accompagnent superbement comme sur « Old Frenchie Blues », un blues lent où Shaun Booker montre l'étendue de son talent.

Drummer and Dye, de Kansas City Blues Society, est un duo harmonica/guitare de vétérans qui entament leur set avec un morceau de Sonny Boy Williamson I. Une belle énergie, de l’humour dans le respect de la tradition. Bill Dye à la guitare assure des rythmiques impeccables, tandis qu'au chant et à l'harmonica, John Drum se charge de faire revivre les années 30 ou 40. Ce dernier possède un jeu d'harmonica diabolique, doublé d’une voix évocatrice qui nous transporte directement dans le Mississippi

Piper and The Hard Time, supporté par la Nashville Blues and Roots Alliance, est encore une fois une formation redoutable avec chant, guitare, saxo, clavier, basse, batterie. Un son énorme, un chanteur doté d'une aura incroyable, des musiciens qui ont du plaisir à jouer et qui le font savoir, le bonheur musical n'est pas forcément très compliqué … Tout est en place, les compositions très bonnes : le Blues joué comme ça, on en veut encore !

Henry D Jones, présenté par River City Blues Society, apparaît sur scène. Nous avions croisé Henry D Jones le premier soir des quarts de finale au Jerry Lee Lewis, dans des conditions difficiles, dans une salle peu adaptée, avec un froid polaire (il faisait -15 dehors), les portes de l'établissement étaient grandes ouvertes, obligeant tout le monde à garder son blouson, juges compris. Amoureux de Skip James, Keb Mo, mais aussi de Jimi Hendrix, dont il reprend un titre, « Have you ever been experienced », Henry D James a su se frayer un chemin jusqu'à la finale, son magnifique dobro à la main. Son set est solide, toujours dans la sincérité de l’émotion, avec un son qui sent bon le Delta …

The Stephen Hull Experience est lui présenté par Paramount Music Association. Avec leurs looks tout droit sortis des années 70, les trois musiciens nous distillent un Blues de toute beauté. Stephen Hull se permettant de lancer quelques solos incendiaires au passage, parfois agrémentés de pédale wha-wha. Naviguant entre le Funk, le Chicago Blues et le Texas Blues, les trois musiciens sont chacun des virtuoses de leur instrument, et ça se sent. La barre est haute dans cette finale, difficile de prédire qui gagnera.

Au tour maintenant de Nico Wayne Toussaint, notre Frenchie rescapé, présenté par Toulouse Blues Society. Difficile d’être objectif, mais on peut d’ores et déjà saluer le magnifique parcours d’un musicien étonnant, doublé d’un conteur fantastique, bref un artiste à part entière, très attachant, qui a tout à fait sa place dans cette finale. Pour cette ultime soirée, Nico, qui nous a habitués à changer son set radicalement d’un soir sur l’autre, à choisi de prendre son Epiphone et démarre avec des compos dans la veine de John Lee Hooker, comme « Trying to make a living », puis saisit son dobro pour un registre plus Delta Blues. Toujours avec son enthousiasme communicatif, Nico termine avec un magnifique morceau a capella. Quel que soit le résultat, Nico Wayne Toussaint a fait le job sur la scène de l’Orpheum.

The Adrian Duke Project avec Teresa Richmond, pour River City Blues Society, ont la lourde tâche de clore la soirée. C’est un changement de ton radical, Adrian Duke et son ensemble de cinq musiciens proposent une musique dans la veine d'un Ray Charles, du Blues avec de fort accents gospel. Adrian Duke, pianiste, chante en duo avec Teresa Richmond, et propose une musique dynamique qui, si elle n'est pas des plus originales, reste joyeuse et entraînante.

Les dés sont jetés, les musiciens ont tout donné durant cette journée, et il n’y a plus qu’à attendre les résultats qui tombent très vite :

MEILLEUR CD AUTO-PRODUIT : « Tell the World » de Sister Lucille

LEE OSKAR HARMONICA AWARD (BEST HARMONICA PLAYER) : John Drum

MEMPHIS CIGAR BOX GUITAR AWARD (BEST SOLO/DUO GUITARIST) : Bill Dye

BEST GUITAR AWARD ( BEST BAND GUITARIST) : Stephen Hull

SOLO/DUO

Vainqueur : Joe Waters

2nd : Drum and Dye

GROUPES

Vainqueur : Piper and the Hard Time

3eme : Mandalyn and the Hunters

2eme : The Stephen Hull Experience

 

C’est ainsi que se termine l’édition 2024 de l'International Blues Challenge, avec encore une fois une très belle délégation française qui a tenu son rang sans démériter : Two Roots, The SuperSoul Brothers et Nico Wayne Toussaint. Bravo à eux pour leur parcours et merci à eux pour les belles émotions qu'ils nous ont fait vivre.

21 janvier 2024 - De Memphis à Nashville

L’IBC terminé, nous quittons Memphis pour Nashville, non sans passer par la Peace Baptist Church pour une messe dominicale. Nous prenons le pouls d’une certaine Amérique, populaire, afro-américaine. Les paroissiens partagent avec nous ce moment, et sont, comme à chaque fois, particulièrement accueillants et curieux de savoir qui nous sommes et d’où nous venons.

Nous prenons congés de nos amis de la Toulouse Blues Society (nous avons déjà quitté les différents groupes hier soir), non sans avoir partagé un dernier repas partagé au Four Way, un haut lieu de la Soul Food situé à deux pas de la Stax, célèbre maison de production de Memphis.

Nous partons ensuite pour Nashville. Nous avions décidé de nous arrêter à Brownsville, où nous voulions visiter le musée du Delta du Mississippi, également Musée Tina Turner. Malheureusement pour nous, le musée est fermé en raison de la neige et de la glace. Nous pouvons voir, à l’extérieur l’école de Tina Turner et la maison de Sleepy John Estes, un pionnier du Blues de la région.

Il ne nous reste plus qu’à continuer notre route vers Nashville, en attendant de la découvrir demain puisque ce soir, tous les clubs sont fermés pour cause de neige et de verglas …

22 janvier 2024 : Nashville Tennessee, Music City

Si nous avons la chance de passer par Nashville, notre séjour dans cette ville sera de courte durée puisque nous repartons demain matin. Nous avons donc peu de temps devant nous. La décision est prise d’aller découvrir Gibson Garage, le magasin de la célèbre marque de guitare qui a son siège et son usine ici, à Nashville. Pour les amoureux de guitare c’est un véritable paradis, des raretés à profusion et des guitares de la marque Epiphone. Quel que soit l’endroit où le regard se porte, il y a matière à rêver : modèles du custom shop, des guitares mythiques, hors de prix et hors de portées de nos bourses, nous ne faisons qu’y rêver un peu, ce qui reste fort heureusement gratuit.

Ce qui l’est moins ce sont les tarifs de stationnement dans Nashville, nous essayons plusieurs parkings avant de choisir de nous arrêter et d’accepter de payer un tarif de stationnement prohibitif. Pour aller déjeuner, nous descendons Broadway, la rue des clubs de Nashville, puis nous nous rendons à Margaritaville, la chaîne de restaurant du chanteur-compositeur Jimmy Buffet. Le thème du restaurant correspond à l’univers du musicien, et est un brin dépaysant dans ce temple de la country qu’est Broadway.

Le centre de Nashville est étonnant, celle qui est surnommée Music City est la capitale de la Musique Country, même si on ne joue pas que ça sur Broadway. Il y a une quantité de clubs phénoménale, avec des groupes, ou des artistes seuls dans chacun d’entre eux toute la journée et toute la soirée. Pour tout amateur de musique c’est un endroit étonnant.

Bien sûr, c’est aussi un coin à touristes, et il n’y a pas de doutes vous êtes dans l’Amérique “Western”, avec des magasins de bottes hallucinants, achetez une paires et obtenez deux paires gratuites … Des chapeaux à 500$, des paires de bottes en autruche, en alligator, des chemises, des robes. Il n’y a pas de doute, vous êtes à Nashville, Tennessee !

Nous nous posons dans un club, le Rippy’s, pour écouter un groupe, et aussi étonnant qu’il paraisse, nous n’avons pas droit à de la Country, mais à Dire Straits, puis à Guns N’ Roses suivi d’Alice in Chains …

Nous nous dirigeons ensuite vers le Bourbon Street Blues and Boogie Bar, un club avec une atmosphère étonnante, pour écouter un groupe de Blues, Juju Winfield, nous livrer quelques reprises, classiques, telles « Sweet Home Chicago » ou « Mustang Sally » en version funk … Un bon moment, que nous écourtons pour aller dîner au Black Tap Café, achevant ainsi notre journée dans Music City. Bien sûr il y aurait encore beaucoup de choses à voir, des musées étonnants, malheureusement le temps étant compté nous avons préféré découvrir, le temps d’une journée, les clubs et cette rue, Broadway, où la musique ne s’arrête, presque, jamais.

23 janvier 2024 : de Nashville à Muscle Shoals

La journée passée à Nashville restera longtemps dans ma mémoire, même si j’ai bien conscience de n’avoir fait qu’effleurer la surface de cette ville étonnante. Bonne nouvelle : les températures remontent, et, lentement, la glace fond. Nous prenons la route de bonne heure quittant Music City pour nous rendre à Muscle Shoals, en Alabama. Avant cela nous passons par Lynchburg pour une visite mémorable.

À Lynchburg, en effet, se trouve la distillerie Jack Daniel’s. Afin d’en savoir un peu plus, nous suivons la visite joliment intitulée The Angel’s Share tour, la part des anges. Nous y découvrons en détails, grâce à notre guide, le sympathique Jon T., l’histoire de Jack Daniel, de sa distillerie, ainsi que l’entrée des grottes, où se trouve la source, toujours utilisée aujourd'hui.

Nous poursuivons la visite par la découverte du processus de distillation, mais nous ne pouvons, hélas, ni filmer ni photographier, les vapeurs d’alcools étant hautement inflammables, toute utilisation de matériel électronique étant formellement interdite. Nous terminons notre visite par une dégustation de 6 sortes de jacks différents.

Avant de quitter Lynchburg, nous déjeunons au Caboose Café, un restaurant très sympa de Lynchburg, dans son jus, comme on les aime. Puis nous passons par le magasin de souvenirs Jack Daniel, l’entreprise est passée, ça n’est un secret pour personne, maître dans l’art du marketing : à peu près tout ce que vous pouvez imaginer y est décliné.

Nous reprenons ensuite la route vers Muscle Shoals, où nous arrivons en fin d’après-midi. Juste avant, à Florence, nous nous arrêtons dans un magasin d’antiquités. Puis nous faisons une halte à Muscle Shoals par le magasin Counts Brothers Music où nous essayons quelques guitares, et voyons quelques curiosités comme une guitare acoustique assez étonnante, ou des grosses caisses vintages. Enfin, nous terminons la journée devant quelques fruits de mer au Juicy Seafood, avant de regagner notre hôtel.

24 janvier 2024 : de Muscle Shoals à Meridian, MS. Un studio mythique et la lutte pour les droits civiques.

Nous quittons notre hôtel mais pas encore Muscle Shoals puisque nous avons décidé de commencer notre journée par la visite des mythiques Muscle Shoals Studio situés au 3614 Jackson avenue. Dans ce studio les plus grands ont enregistré, les Rolling Stones, Allman Brothers, Staple Singers, Rod Stewart, Lynyrd Skynyrd … Le nombre de disques d’or qui ont été enregistrés ici est impressionnant. Le cœur de ces studios était quatre jeunes musiciens appelés les Swampers. Oui, ce sont les Swampers de Muscle Shoals évoqués dans « Sweet home Alabama » … Des musiciens présents sur d’innombrables disques et qui, pourtant, ont toujours refusé de quitter Muscle Shoals, à l'exception du batteur qui a participé aux sessions de « Think » et « Respect » d’Aretha Franklin à New York, alors qu’il avait 19 ans …

La taille du studio est surprenante, comme souvent avec les lieux légendaires, on n’imagine pas que tant de titres qui jalonnent l’histoire de la musique aient été produits ici. Les Rolling Stones y ont enregistré trois titres mais pas les moindres : « Wild Horses », « Brown Sugar » et « You Gotta Move », Bob Seger y a enregistré certains de ses plus grands succès. Le piano qui trône au centre de la pièce est celui qui a servi à l’intro du morceau, tout comme il a servi à l’enregistrement de « Freebird » des Lynyrd Skynyrd.

Notre guide nous abreuve d’anecdotes toutes plus étonnantes les unes que les autres. Par exemple, les toilettes étaient le lieu où Duane Allman, légende du slide mort à 27 ans dans un accident de moto, aimait enregistrer, à cause de l’acoustique. C’est aussi là que Keith Richards s’est installé pour composer « Wild Horses ». L’ampli basse Fender est celui que Bill Whyman a utilisé pour « Brown Sugar » … On repart de là avec des étoiles plein les yeux … Nous montons ensuite dans notre Nissan Armada pour mettre le cap sur Birmingham, sous une pluie battante. C’est un morceau d'histoire de la lutte pour les droits civiques qui nous y attend …

Le 15 septembre 1963, une église baptiste fréquentée par les afro-américains est victime d'un attentat à la bombe commis par quatre membres du mouvement terroriste Ku Klux Klan. Cet attentat tuera quatre fillettes et bouleversera l'Amérique. Les explosions de bombes posées par l'organisation terroriste n'étaient pas rares à l'époque à Birmingham, une cinquantaine sont répertoriées dans la ville entre 1947 et 1965. Cet acte, particulièrement odieux, est posé en réaction aux différentes avancées dans le domaine des droits civiques, en 1963, grâce, notamment, à la campagne des enfants de Birmingham du 2 au 5 mai. Ce sera contre-productif et cet attentat n’empêchera cependant pas l’adoption par le Congrès américain du Civil Rights Act en 1964.

Le musée des Droits Civils de Birmingham est situé juste à côté de l’église de la 16ème rue et une statue inaugurée en 2013 rend hommage aux jeunes filles disparues ainsi qu’aux vingt-deux blessés. À noter que si les quatre responsables de l’attentat ont été identifiés par le FBI dès 1965, le premier des quatre accusés n’a été jugé qu’en 1977, deux autre en 2000 et le dernier est mort en 1994 avant d’avoir pu être jugé, un délai expliqué par l’attitude du directeur du FBI de l’époque, qui aurait volontairement fait traîner le dossier.

25 janvier 2024 : Meridian, Jackson et Vicksburg, en passant par Bentonia.

Notre périple du jour commence par une courte visite de Meridian, Ms. Nous passons devant les usines Peavey, où sont fabriqués des amplis vendus dans le monde entier, on a retrouvé les fameux Classic 30 dans les clubs de Beale Street lors de l’IBC, mais on peut aussi voir régulièrement des Delta Blues sur la scène du Ground Zero à Clarksdale. Petit détour ensuite par le cimetière de Oak Grove pour rendre hommage à un des fondateurs de la musique Country, Jimmie Rodgers, connu pour son yodel caractéristique et pour le nombre de titres qu’il a enregistré. Il est entré au Country Music Hall of Fame, Songwriters Hall of Fame et Rock’n’Roll Hall of Fame. Mort de la tuberculose à l’âge de 36 ans, Jimmie Rodgers porte le surnom de Father of Country Music, un “Marker Country” situé devant sa tombe le rappelle.

Ensuite nous prenons la direction de Jackson, capitale du Mississippi. Sur le chemin nous faisons une halte à Forest pour découvrir le Blues Marker placé en hommage à Arthur “Big Boy” Crudup, célèbre notamment pour ses titres repris par Elvis Presley, dont “That’s Alright Mama”. Arrivés à Jackson nous déjeunons chez Martin’s, un restaurant américain typique, où nous dégustons un excellent pot-au-feu.

Nous quittons ensuite Jackson pour nous rendre à Bentonia, patrie de Skip James, dont un Blues Marker honore la mémoire, et “Bentonia Style”, dont un des derniers représentant est Jimmy “Duck” Holmes. Il nous attend au Blue Front Café, son Juke Joint, le dernier authentique du Mississippi, et une institution. J’ai la chance de pouvoir jouer quelques instants et de recevoir une leçon du maître lui-même.

Nous nous dirigeons vers l’arrivée de cette journée : la charmante ville de Vicksburg. Une ville qui compte à double titre, pour le Blues et pour l’Histoire, puisqu’elle fut un haut lieu de la guerre de Sécession. Nous décidons de terminer la journée dans un bar, Key City Rooftop, où une Jam entre musiciens locaux doit se dérouler. L'ambiance est propice aux échanges, on ne joue pas que du Blues en ce lieu, il y a des musiciens de tous âges. Nous faisons la connaissance de Bud Carson, un chanteur harmoniciste local que l’organisateur de la Jam, Chris, surnomme The Legend. Et pour la seconde fois de la journée, j’ai le bonheur de jouer, cette fois-ci pour accompagner Bud avec des musiciens locaux tous extrêmement accueillants. Nous jouons quatre morceaux ensemble, un moment de partage comme la musique sait en offrir. C’est le final d’une belle journée que nous terminons en nous pochetronnant à l’hôtel à grands coups de Bourbon.

26 janvier 2024 : de Vicksburg à Memphis

C'est le dernier jour de notre périple en Terre de Blues version 2024. Notre première étape est la ville de Rolling Fork, ville natale de Muddy Waters où un marker célèbre sa mémoire. Cette ville a été touchée par une terrible tornade la nuit du 24 mars 2023 et a quasiment été rayée de la carte. Presque un an plus tard, les stigmates de cette tragédie sont visibles mais les bâtiments et maisons, rares, en construction illustrent la résilience des habitants du Mississippi. On prend la mesure de la tragédie en voyant les nombreux “vides” laissés par les maisons emportées par la tornade.

Nous quittons Rolling Fork et reprenons la Highway 61, également appelées Blues Highway. Cette dernière journée durant laquelle nous remontons cette Blues Highway depuis Vicksburg jusqu’à Memphis où nous prendrons demain l’avion pour la France, ressemble à un dernier tour d’au revoir aux villes que nous avons traversées lors des premières journées. Toutefois le paysage est différent puisque les fortes pluies tombées ces derniers jours ont déclenché une alerte inondation.

Nous nous arrêtons à Indianola, faisons une courte halte au musée BB King, et déjeunons au Blue Biscuit, un lieu toujours aussi agréable et magique. Puis nous nous arrêtons en chemin à Tutwiller, sur la tombe de Sonny Boy Williamson II.

Nous passons ensuite par le lieu mythique où se situait la gare de Tutwiller et où W.C. Handy aurait vu et entendu un homme jouer de la guitare slide avec un couteau. Cette rencontre lui aurait inspiré le premier Blues composé officiellement et déposé sous forme de partition. Cette rencontre est célébrée par un marker et immortalisée sur une fresque.

Repartant sur la H-61, nous nous arrêtons à Clarksdale le temps d’une bière au Ground Zero Blues Club, encore vide en attendant le concert du soir, puis après un court passage dans les rues de la ville, nous repartons en direction de Memphis. Sur la route nous nous arrêtons pour admirer le bayou et pour rendre hommage à Pinetop Perkins. Progressivement la nuit tombe, et nous arrivons à Memphis, laissant le Mississippi derrière nous.

Le voyage est bel est bien terminé. Nous prendrons l’avion demain en début d’après-midi pour la France la tête pleine d’images. Des premiers jours à Clarksdale, en passant par le parcours des copains à l’IBC, notre virée à Nashville, et cette belle journée d’hier au Blue Front Cafe et à la jam de Vicksburg. L’occasion de remercier mes compagnons de voyage, Fred Delforge, qui est aussi notre guide, sans qui rien ne serait possible, et Michel Roué, pour leur bonne humeur et tous ces bons moments passés ensemble. Merci aux musiciens que nous avons accompagnés, les SuperSoul Brothers, Nono, Pak, Julien, Pierrot, Ludo, Olivier, les Two Roots, Sophia et Ronan et Nico. Merci à Luc et Fred de la Toulouse Blues Society, pour les partages, les bêtises et les moments de qualité.

Christian Foucher – janvier 2024