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ABDUCTION pdf print E-mail
Ecrit par Yann Charles  
mercredi, 10 janvier 2024
 

ABDUCTION

https://www.abduction.fr/ 
https://www.facebook.com/abduction.fr 

Entretien avec François, le chanteur d’Abduction, qui nous présente le quatrième opus du groupe, « Toutes Blessent La Dernière Tue ». Un titre étrange, mais un bien bel album réussi. Une belle rencontre, et un album que je vous invite à découvrir …

Petit retour très rapide sur qui est Abduction, votre histoire, bref qui êtes-vous donc ?
Alors on est un groupe de ... C'est toujours difficile de donner une étiquette, mais on va dire de Black Metal Progressif Français. Fondé par Guillaume Fleury, donc guitariste de son état, en 2006. En fait l'impulsion qui lui a donné envie de fonder le groupe, c'est le décès de Jon Nödtveidt de Dissection. C'est le groupe préféré de Guillaume. C'est vraiment une de nos influences en ce moment pour nous, et c'est surtout un groupe qu'il a aimé profondément. Et en fait, au décès de ce mec-là, le guitariste chanteur fondateur du groupe s'est dit qu'il fallait qu'il se lance dans la musique. Et il s'est mis à la guitare, vraiment, pour faire de la musique, et pas simplement pour le plaisir de jouer, mais c'était vraiment pour écrire et exprimer ses sentiments, et faire quelque chose de créatif. Du coup, il s'est mis à la guitare avec acharnement. Puis il a recruté un pote et ils ont monté Abduction. Ensuite, le gars en question est parti, et Guillaume s'est mis à la recherche de musiciens. Il a recruté Mathieu Taverne à la basse, qui est toujours là aujourd'hui, Morgan Velly à la batterie, qui est toujours là aussi. Et du coup, ils ont commencé à répéter et ils ont sorti un premier EP en autoproduction en 2010, « Height’s Shivers ». Puis, le chanteur est parti, et Guillaume m'a recruté pour le remplacer en 2011. De là, on a commencé à préparer notre premier album, qui a été un peu compliqué à faire, mais qui a fini par sortir en 2016, « Une Ombre régit les Ombres ». On avait vraiment trouvé notre rythme, et depuis, on sort à peu près un album tous les deux ans. Le second album, « A L’Heure du Crépuscule » en 2018, et « Jehanne » en 2020. Et nous voilà, maintenant, pour notre nouvel album, « Toutes Blessent La Dernière Tue ». Et on n’a jamais eu l'occasion de donner des concerts, parce qu'on est éparpillés géographiquement, et qu'on n'avait pas forcément toujours le temps avec le boulot, la vie de famille, et du coup, le temps qu'on ne donnait pas au live, on le mettait dans l'écriture et je pense d'ailleurs que ce sera toujours dans l'absolu prioritaire sur le live. Mais maintenant, le groupe a vraiment franchi des étapes. On se sent plus sur de nous, plus prêts. Et on sait qu'il y a quand même quelques personnes qui s'intéressent à ce qu'on fait et qu'ils nous attendent un petit peu en concert. Donc à mon avis, ce sera la prochaine étape. Voilà, Abduction en quelques mots.

Justement, ma question était prévue plus tard. C'est bizarre qu'on on ne vous ait jamais vu sur scène. Donc tu as répondu qu'en étant géographiquement éloigné, c'était un peu compliqué. Par contre, je pense quand même que les concerts vont commencer à venir. Si vous montez sur scène, qu'est-ce qu'on va retrouver sur la set list ? Parce que vous commencez à avoir pas mal de matériel. Alors, uniquement des morceaux de cet album ou vous allez essayer d'inclure les morceaux des titres des albums précédents ? Même si ce n'est pas évident en fonction car ce sont quand même des concepts albums assez particuliers.
Alors, on jouera forcément un peu de « Jehanne » parce que c'est notre troisième album, et c'est celui qui a, pour l'instant, le mieux marché. Qui a plu à beaucoup de gens et à nous aussi tout simplement. Il nous tient vraiment très à cœur. Donc, même si les compositions sont assez complexes, assez denses et riches, ce serait, je pense vraiment dommage de ne pas jouer du troisième album. On remontera, je pense, jusqu'à « A L’Heure du Crépuscule ». Pas le premier album. Je ne pense pas qu'on ira jusque-là. Mais notre dernier opus se prête davantage au live. Les morceaux sont un peu plus simples que les précédents, un peu plus accrocheurs, je pense. Il y a quelques formats plus courts avec des morceaux autour des quatre à cinq minutes. Donc, il est assez probable qu'on mise là-dessus. Et après, de toute façon, ce qu'on envisage, en tout cas, nous, pour le live, pour l'instant, ce serait d'avoir un petit décor sur scène. Quelque chose qui prolonge un peu l'ambiance du groupe. Tu vois, on a toujours attaché pas mal d'importance à la dimension visuelle. Ça n'aurait vraiment pas beaucoup de sens pour nous d'apparaître juste en T-shirt sur scène. Sans aller forcément sur un truc très exubérant, on va essayer de proposer quelque chose qui, visuellement, ait un petit impact et permette de faire un peu rêver les gens. Tout simplement. Quand tu vas voir un concert d'un groupe comme le nôtre, t'as envie de t'évader, d'oublier le quotidien. Donc, on va essayer à notre niveau, et avec nos petits moyens, d'avoir quelque chose qui ait un minimum d'impact et qui corresponde à ce que nous, on veut exprimer.

Donc, tu en parlais juste avant. Après, « Jehanne », vous voilà de retour « Toutes Blessent La Dernière Tue », votre dernier album qui est sorti le premier décembre. Avec « Jehanne », on savait où on allait : l'album parlait de Jeanne D'arc. Mais là, avec « Toutes Blessent La Dernière Tu », on ne voit pas trop, de premier abord, où l'on va. Donc, où nous entrainez-vous cette fois ?
Eh bien déjà, le titre de l'album fait référence à quelque chose qui est fondamental pour l'univers d'Abduction, à savoir le temps qui passe. « Toutes Blessent La Dernière Tue » est une expression qui était indiquée, en Français ou en Latin, sur les cadrans solaires. Et en fait, ça fait référence aux minutes ou aux heures qui passent. Chacune d'entre elles te blesse, parce que forcément tu ne peux rien faire contre elles. Et la dernière finira par t'emporter, puisque ce sera littéralement ta dernière heure de vie. Donc, le titre fait référence au passage du temps. En fait, quelque chose qui est inéluctable et contre lequel on ne peut rien et qui nous amène à nous questionner sur le sens profond de l'existence. Mais aussi de ce qu'on fait, nous, pendant notre court passage sur terre, et de l'importance du temps qui passe aussi dans le bon sens du terme. C'est un peu dur, parfois, de se dire qu’au moins sur ce plan d'existence précis, on n’a qu'une seule vie et qu’elle est courte. Et en même temps, c'est exaltant de se dire, on sait qu'on n’a qu'une vie, on va essayer de faire au mieux avec le temps qu'on a. Du coup, effectivement, ce n'est pas un concept album. Chaque morceau de cet album raconte un truc complètement différent à chaque fois, même si on retrouve quelques thèmes en communs, notamment la référence à la Première Guerre Mondiale. Mais « Toutes Blessent La Dernière Tue » est vraiment un titre qui résume l'essence d'Abduction, à savoir l'inéluctable passage du temps.

D'accord. D'où vient cette passion pour l'histoire, c'est vraiment une passion de tous ?
Alors, je dirais que Morgan, notre batteur, et moi, on aime bien l'Histoire. C'est quelque chose qui nous intéresse. Par contre, Matthieu et Guillaume, c'est vraiment une passion. Et comme c'est Matthieu qui élabore les textes en collaboration avec Guillaume qui compose toute la musique et un peu la vue d'ensemble de ce que doit être Abduction, c'est quelque chose qui les passionne tous les deux, c'est quelque chose qui nous plaît aussi à Morgan et moi. Ça devait naturellement être un thème fondamental dans l'Histoire d'Abduction. En fait, aujourd'hui, dans nos sociétés où tout va vite et où on constate que beaucoup de gens se sont déracinés, on trouve ça vraiment intéressant de se rappeler que, sans être nationaliste et dire que notre pays est le meilleur de tous, c'est bien de se rappeler qu'on a en France un terreau, un patrimoine, un héritage, une culture, quelque chose qui est beau, en fait, qui mérite de ne pas être oublié. Et justement, c'est cette diversité qui a enrichi le monde au sens général, et que chaque pays ait ses spécificités, son histoire. Et puis l'Histoire de France, c'est extrêmement riche. Quand on va piocher dans des figures comme Louis XVI, on a dédié un morceau à Louis XVI sur le premier album, ou Jeanne D'Arc, ils ont des destin, on dirait des romans, ça parait complètement dingue tout ce que ces gens ont vécu pendant leur court passages sur Terre. Nous, ce qui nous intéresse, ce n'est pas une approche rigoureuse, je veux dire dans le sens scolaire avec des dates et tout ça. C'est plutôt de nous intéresser aux émotions qu'ont pu ressentir ces personnages. Louis XVI au moment où il allait être guillotiné. Jeanne D'Arc comment elle a été, d'abord dans la victoire d'Orléans, puis à la fin abandonnée de tous. On essaie de se mettre un peu à la place ce qu'ils ont vécu et de raconter ces histoires qui ont, de toute façon, une portée intemporelle. Une bonne histoire, c'est une bonne histoire, quelle que soit l'époque à laquelle se déroule.

Bon, je sais qu'on survole, comme tu viens de le dire, l'Histoire, par contre, les textes sont profonds, voire même très profonds. Quels thèmes avez-vous développé sur ce dernier album ?
Ça dépend des morceaux. Il y en a qui font une réflexion un peu sociale, qui n'est pas forcément un côté un peu plus général que d'habitude, et d'autres qui abordent des points précis. Sur les points précis, par exemple, « Disparus De Leur Vivant », le deuxième morceau, parle du traitement qui a été réservé aux Poilus qui rentraient de la guerre de 14-18. En fait, ces pauvres gars qui s'étaient battus pour leur pays, qui avaient connu l'horreur d'être enchaînés, à l'époque, il n'y avait pas le soutien psychologique qu'on aurait aujourd'hui, devaient réintégrer leur famille et réintégrer la société, alors qu'ils étaient souvent tourmentés par des cauchemars et pour certains, ils souffraient d'alcoolisme, pour d'autres, ils avaient encore les blessures à porter. Et en fait, ils découvraient un monde qui, au-delà du fait que la guerre était finie, était entièrement à reconstruire. Et surtout, ceux des classes sociales les plus pauvres devaient repartir à l'usine quasiment quelques mois, quelques années après être revenus du front. Et d'un premier traumatisme, en naissait un autre, celui de cette misère accablante. Là où les années folles étaient glorieuses pour certains et surtout ceux qui s'en sont mis pleins les fouilles pendant dans la guerre, elles étaient dramatiques pour d'autres. Et du coup, c’est ce parallèle entre l'exubérance et l'optimisme des années 20 et la souffrance des Poilus qu'on a mis en exergue dans ce morceau. Pareil, « Carnets sur Récifs » est un morceau qui me tient très à cœur aussi. Ça parle des aviateurs, des premiers aviateurs qui, à la fin de la guerre, pendant la guerre et dans la deuxième partie de la guerre, transportaient le courrier et qui, pour certains, se sont abîmés dans des mers glacées et dont on a retrouvé la trace parfois des années plus tard. On trouvait ces histoires assez belles parce qu'on imagine l'aviateur qui est seul au milieu de la tourmente et de la tempête et qui est tout investi de sa mission parce qu'il transporte les lettres que les femmes des soldats attendent désespérément depuis des semaines et puis se retrouve perdu dans les glaces avec les messages qui ne parviendront jamais. Ça a un côté vraiment poignant. On s'imagine avec le gars, seul dans son aéroplane. Et puis on a un morceau qui s'appelle « Contre Les Fers Du Ciel » qui est basé sur Cyrano de Bergerac et qui parle des dernières heures de Cyrano. On a « Cent Ans Comptés », qui raconte la vie d'une personne qui parle de sa famille et des changements qu'elle observe depuis, on va dire après la révolution française jusqu'à cent ans après ... Voilà, ça couvre à peu près tout un siècle de changements, de progrès, de différences , de multiples conflits. Et puis on a un morceau qui sort un petit peu de toute cette thématique-là, historique, qui est dans la galerie des glaces, qui, derrière le titre qui fait référence évidemment à Versailles et à ces petites références au Roi ou à la République dans le texte, parle des dérives du développement personnel. De nos jours on parle beaucoup de ça, c'est important de s'écouter, de se donner du temps, etc. Et c'est une bonne chose parce que c'est quelque chose qu'on ne faisait sans doute pas assez avant. Mais l'une des dérives possibles de ça, c'est qu'on devient narcissique et égoïste et qu'on n'écoute plus ce que l'on nous dit autour de nous. Guillaume ou moi, on a déjà vu des gens autour de nous, dire, « ah bah si telle personne te critique, raye-la de ta vie, parce qu'elle ne t'apporte rien ». Alors qu'en fait parfois c'est le contraire, et certaines critiques sont positives et on vous les dit pour progresser. Mais si on est entièrement convaincu d'être le meilleur, qu'on est le héros de sa propre vie, on n’est plus du tout réceptif aux critiques positives des autres. Et, à ce moment-là, on est une incarnation de l'égoïsme contemporain qui est renforcé par la réseau sociaux. On est dans sa galerie des glaces. Avec tous ces miroirs qui vous rappellent à quel point vous êtes beau et vous êtes parfait.


J'aime bien votre définition « Médecins de la Peste », mais pourquoi l'aviez-vous mis en place ? C'était vraiment consacré juste sur les anciens albums ?
Alors c'est vrai que maintenant, on ne se présente plus trop avec les masques. On les a toujours sur notre ceinture, sur les nouvelles photos promo, par exemple, on les voit encore, ou on voit le masque au fond d'un tiroir dans un clip. Mais nous-mêmes on ne se présente plus en photo avec les masques. En fait quand on a trouvé ce concept, enfin c'était une idée de Guillaume, vers 2015, je pense qu'il a eu l'idée avant la sortie de notre première album, on trouvait que c'était visuellement fort et à l'époque on n'avait pas le sentiment que les masques étaient aussi utilisés partout tout le temps. Et maintenant, est-ce que c'est dû au succès de groupes comme Ghost ou dans l'extrême des groupes comme Batushka, enfin tous ces groupes qui avancent masqués ? On a eu l'impression que ça devenait vraiment un gimmick et que beaucoup de monde faisait comme ça. Ça gardait une part de mystère évidemment, ça c'est chouette, et c'est pour ça qu'on l'a fait en premier lieu. Mais comme maintenant ça n'avait plus le même sens parce que ça se voyait partout. Après on aimait bien le personnage du "médecin de la peste" parce que c'était une figure un peu menaçante et ces pauvres médecins en général, mettaient herbes aromatiques dans leur bec pour se protéger des miasmes, des microbes de la peste, et puis finalement il mourraient tout aussi bien que les autres. Il n'y a pas besoin de ce genre de figures menaçantes mais qui ne protégeaient pas si bien que ça. Et ça nous paraissait intéressant de se présenter, nous, comme des médecins malades. Mais finalement, bon, c'est quelque chose qu'on a un peu mis de côté, ou en tout cas on ne voulait pas, même si ça a fait des photos très fortes et qu'on était content, ce n'était qu'une part de l'univers d'Abduction et on ne voulait pas que cela définisse le groupe. Et puis, il y a un aspect un peu symbolique de se démasquer avec cet album précis.

On va parler musique. Musicalement, vous naviguez, tu en parles un petit peu, entre black, death, prog, mélodique, voire avec des touches de folk metal, c'est ça ?
Chacun a un peu sa propre approche de la musique. Alors folk que je ne pense pas que ce soit vraiment une influence, mais c'est vrai que moi aussi je retrouve parfois un côté folk dans l'approche de certaines guitares acoustiques, ou dans certaines mélodies de chants, qui ont un peu un côté "ritournelle", je pense que c'est à ça que tu faisais allusion. Alors, oui, il y a une petite touche. En général, quand on me demande de qualifier la musique, je dis "Black Metal Progressif", même si c'est incomplet, parce qu'il y a beaucoup de choses dans la musique d'Abduction. Il y a une influence baroque aussi dans la façon dont sont écrits certains riffs, etc. Mais il y a le côté de Black Metal, qui est à la base de notre style. On retrouve le chant saturé, les guitares électriques en trémolo, une façon de jouer très typique, et puis des blastbeat à la batterie. Donc ça, c'est bien Black Metal. Mais pour le reste, comme tu disais en début d'interview, il se passe plein de choses dans les morceaux, il y a des pauses acoustiques, il y a le chant clair, il y a des structures à tiroir, et ça c'est plutôt typé progressif. Je dis "Black Metal Progressif", mais c'est vrai qu'il y a plein de trucs dans notre musique, et c'est cool si les auditeurs entendent d'autres choses.

D'accord, c'est ce que j'allais dire. Des fois, au sein même d'un morceau, Il y a un peu de puissance et d'énergie, puis on passe par la plénitude et des moments doux, des voix claires, des voix plus dures, on est un peu entre révolte, parfois, tristesse dans d'autres moments.
C'est très bien dit, et c'est complètement ça, parce que moi, quand j'essaye de saturer mon chant et d'induire un peu une sorte de colère ou d'urgence sentimentale, c'est justement le fruit d'une révolte, et parfois, et des moments, on est plus dans la contemplation, dans la douceur ou dans une touche de mélancolie, et une part également importante de l'univers d'Abduction.

Comment choisissez-vous les thèmes que vous allez traiter ? Vous en discutez ?
Alors ça, c'est vraiment le terrain de Mathieu, le bassiste, qui écrit vraiment la très grande majorité des paroles, et de Guillaume. Très souvent, quand Guillaume écrit quelque chose à la guitare, qu'il commence à avoir des idées de mélodie, ou de quelques enchevêtrements de lignes mélodiques, il en discute avec Mathieu pour voir un peu ce que ça leur évoque. Et ils arrêtent un thème. Et en fait, c'est ça qui est intéressant. Le morceau n'est même pas encore fini qu'on sait déjà de quoi il va parler. Et là, une fois que le thème est décidé, Mathieu peut avancer sur son texte et Guillaume sur la musique. Mais assez tôt, il faut que le thème soit choisi. C'est ce qui est particulier à Abduction, c'est que d'abord Guillaume trouve un truc à la guitare, mais avant même que le morceau soit fini, avant de pousser même la musique plus loin, il faut choisir un thème. Parce que c'est quelque chose qui va ensuite inspirer Guillaume pour créer la fin du morceau, vraiment le structurer et tout ça. Et pour Mathieu, ça va l'aider, évidemment, vu que c'est lui qui écrit les textes. Donc, soit Mathieu va suggérer quelque chose à Guillaume, soit Guillaume va dire qu'il va avoir envie de mettre telle ou telle émotion ou telle ou telle histoire en musique. C'est un peu leur chasse gardée à tous les deux. Évidemment, il les soumettent au groupe, mais il n'y a aucun problème.

Vous terminez l'album avec une reprise de Mylène Farmer, « Allan ». Donc, j'ai plusieurs questions par rapport à ça. Déjà, pourquoi Mylène Farmer ? Et pourquoi ce morceau qui n'est pas un de ses titres phares, je parle pour le grand public, les fans je pense adorent, mais pourquoi ce morceau en particulier ?
Alors, déjà, il faut savoir que si tu demandes à Guillaume quel est son artiste préféré toute catégorie confondue, il te répondra Mylène. Il est un super fan de Mylène Farmer. il connaît tout ce qu'elle a fait. Il l'adore, il a vu les films dans lesquels elle a joué, il a visualisé certains de ses concerts, il est allé la voir en concert, il collectionne des livres sur elle, enfin c'est vraiment un gros gros fan, il l'écoute depuis qu'il est enfant. Et en fait, Guillaume n'est pas trop friand de l'exercice de la reprise en général. C'est-à-dire qu'on a eu souvent cette discussion, mais il trouve que, typiquement, un groupe de metal qui reprend un autre groupe de metal, bon, certes, ça peut être cool de rendre hommage aux idoles, mais côté artistique, ce n'est pas forcément le truc le plus passionnant non plus quoi. Alors, il y a des groupes qui ont fait d'excellentes reprises, mais pour la plupart des cas, c'est plus les gars qui se font plaisir, mais pour le public, c'est d'un intérêt relativement limité. Donc, Guillaume s'était dit si jour on fait une reprise, il faudra que ce soit un truc qui soit complètement rendu métal et qu'on transformera en vrai morceau d'Abduction. Et quinze jours avant que l'on ne rentre en studio pour l'album, il se baladait avec sa famille, et il s'est dit qu'il ferait bien une reprise de Mylène Farmer qui est son artiste préférée et qui chante en Français. Et Abduction tout en français. Et « Allan » est son morceau préféré. Et c'était plus intéressant, justement, que de reprendre un morceau que tout le monde connaissait déjà. C'est une façon aussi de mettre en lumière un morceau qu'on aime beaucoup, tous dans le groupe et qui n'est pas forcément connu. Moi, je ne le connaissais pas avant que Guillaume ne m'en parle. Et puis, c'est un morceau dédié à Edgar Allan Poe, et du coup, ça colle vraiment très bien avec l'univers du groupe aussi. Donc, il nous l'a soumis et on était tous très enthousiastes. Il a changé l' accordage du morceau pour que ce soit plus proche de ce que fait Abduction. Il a ajouté une intro et un petit solo à l'intérieur, et pour le reste, le batteur a calé ses lignes très très vite dans un style parfois typiquement black metal, et puis avec quelques beats un peu plus pop par endroit. Et puis moi, j'ai fait du chant comme je l'aurais fait pour m'importe quel morceau d'Abduction, avec des chœurs, des voix saturées, du chant clair. C'était un plaisir à faire, et on a même décidé d'en faire un clip, tu vois.

J'allais y venir. Donc en fait, c'était vraiment par pur plaisir. Alors, moi, je pensais, que ça aurait pu être une ouverture sur le prochain album, par exemple ?
Non, c'est vraiment par pur plaisir, après du coup, forcément, comme c'est notre première reprise, on se dit que peut-être un jour on en fera une autre. Peut-être que ce morceau attirera un public plus large, mais vraiment, la raison de base, c'est que Guillaume adore Mylène. Et ce morceau en particulier, et que l'exercice lui semblait intéressant.

Vous avez tourné un très beau clip pour cette chanson, plus d'une dizaine de minutes ...
Ah, merci, c'est gentil.

Oui, franchement, il est joli ce noir et blanc, le cadre est vraiment joli. Qui l'a scénarisé? Enfin, vous avez tourné comment? Qui a fait quoi ?
Alors, c'était un gros boulot. Mais c'est Guillaume qui l'a scénarisé. Encore et toujours Guillaume, c'est vraiment lui qui porte ce que doit être Abduction, c'est vraiment lui l'âme pensante du groupe. La tête pensante et l'âme du groupe. Mais en fait, on avait déjà été dans ce Château du Plessis-Bourré, du côté d' Angers. C'est là qu'on avait pris les photos de notre deuxième album. Guillaume avait visité le château avec sa famille et il l'avait trouvé très beau et il avait demandé si c'était possible de le louer. Et j'avais contacté ensuite moi l'équipe du château pour savoir si une journée où le château était fermé au public, on ne pourrait pas y aller pour prendre des photos. Et comme on avait beaucoup aimé les lieux et que ce château a déjà abrité quelques tournages, notamment celui du film « Peau d'Âne », j'ai rappelé l'équipe, qui avait changé, mais la nouvelle était aussi sympa, heureusement. Et on a pu louer le château pour deux lundis consécutifs. Donc Guillaume avait écrit un scénario extrêmement précis. Il savait ce qu'il voulait raconter et il savait à peu près comment le raconter. Mais le truc, c'est qu'il n'avait jamais tenu une caméra de sa vie. Et même si c'est un gros fan de cinéma, il avait se disait que ça risquait d'être tout pourri, qu’il faudrait voir ce que cela rendrait. Et, on a demandé justement à Pauline, notre photographe qui avait fait les photos des trois derniers albums, si elle voulait se joindre à l'aventure et elle, elle est monteuse. Elle ne fait pas de cinéma, mais elle fait de la pub, ce genre de choses, des courts métrages. Donc elle maîtrise la partie montage. Et on a pris ma femme comme actrice. Parce que ma femme avait déjà joué dans un clip de mon autre groupe. Et Guillaume avait trouvé qu'elle avait fait un super boulot sur le clip et que ça lui irait très bien d'incarner cet effrayant personnage féminin dans « Allan ». Et tout le monde y est allé. On a vu avec un copain pour nous donner quelques petits cours d'escrime pour qu'on ne soit pas trop mauvais. Et pour nous prêter des costumes. Et puis on y est allé avec une toute petite équipe, juste le groupe et trois amis, filmer pendant deux jours en château. Et on a fait une journée des scènes en extérieur, une journée de scènes à l'intérieur. C'était assez stressant, assez cocasse aussi parfois. Mais on y a mis beaucoup de cœur, beaucoup de passion, et Guillaume était très content parce que dès qu'il a eu la caméra entre les mains. Il a trouvé des cadrages qui lui plaisaient. Et il a trouvé des idées et a très bien joué son rôle de réalisateur.

Ça va impliquer d'autres clips à venir tout ça …
(Rires) Oui, je pense. Guillaume a adoré. Ma femme serait prête à redevenir notre actrice si besoin. Je pense pas qu'il y en aura d'aussi abouti, en tous cas pour cet album. Je pense qu'on peut dire sans risque que c'est bon, parce que là, on a passé trois mois sur celui-là,
ça va. Mais si, enfin quand il y aura un cinquième album d'Abduction, il y a des chances qu'on recommence une nouvelle expérience.

Je reviens sur la scène, on en a parlé tout à l'heure. L'album est relativement long. Donc si vous devez faire de la scène, ça ne risque pas d'inclure forcément des coupures ou des titres qui ne seront pas joués.
Ah si, on ne jouera pas tout, c'est sûr. Un morceau comme « Cent Ans Comptés », il est super compliqué, vraiment. Enfin pour nous, avec notre niveau technique, ce serait un morceau qui m'épuiserait vocalement. Et pour Guillaume, il y a des parties très véloces et rapides, des espèces de descentes qu'il ne ferait pas. Après, il y a d'autres morceaux qu'on juge assez efficaces, comme « Carnet sur Récifs » par exemple. Bon, il y a des chances qu'on essaie de l'apporter sur scène, ou « Dans La Galerie Des Glaces » la partie finale est assez mélodique. Les gens pourraient même chanter les chœurs avec nous. Voilà, il y a certains morceaux, tu te dis bon, "ça, sur scène, ça devrait très bien marcher" et d'autres, tu te dis "ouais, non, ça, je pense pas". Ça va être compliqué, parce qu'il faut quand même essayer de garder une certaine cohérence par rapport à l'album. Même si, comme tu l'as dit tout à l'heure, l'album n'étant pas un concept d'album, si un ou deux morceaux s'enlèvent ce ne sera pas gênant. Ce serait plus compliqué de faire ça sur « Jehanne ».

On a une dernière question rituelle pour terminer nos interviews, qui n'a absolument rien à voir avec le reste. Quel est le dernier morceau ou le dernier album que tu as écouté ?
Le dernier album que j'ai écouté, c'est celui de Thérion, « Leviathan III »

Merci beaucoup pour cette interview.
Merci à toi, ça s'est très bien passé. Les questions étaient cool, merci.

Propos recueillis par Yann Charles