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BLUES ALIVE FESTIVAL (REPUBLIQUE TCHEQUE) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 19 novembre 2023
 

BLUES ALIVE FESTIVAL
DŮM KULTURY – ŠUMPERK (REPUBLIQUE TCHEQUE)
Du 16 au 18 novembre 2023

https://www.bluesalive.cz/ 

Šumperk n’est pas exactement l’endroit le plus simple du monde où se rendre, et pourtant chaque année s’y tient le Blues Alive Festival, un événement qui accueille quelques-unes des plus belles pointures du blues mondial … Et le public s’y donne rendez-vous en nombre depuis vingt-sept ans, quand bien même il faut compter trois à quatre heures de route ou de transports en commun depuis Prague, avec certes de beaux paysages à la clef, mais ce n’est pas une sinécure et depuis le reste de l’Europe, une journée entière de voyage est à prévoir. Et pourtant le jeu en vaut la chandelle car une fois dans la place, les moments intenses n’en finissent plus de se succéder ! C’est aussi pour ça que le festival a été récompensé en 2019 par la Blues Foundation qui lui a remis un Keeping The Blues Alive Award …

Jeudi 16 novembre :

On commence cette première soirée sur la Main Stage avec Dazed And Confused, un sextet tchèque qui distille un blues rock solide et bien en place et qui a emprunté son nom à un célèbre titre de Led Zeppelin paru sur le premier album du groupe en 1969. Le public est présent et semble heureux de découvrir ces très jeunes gens qui n’ont pas froid aux yeux et qui lui donnent tout ce qu’il peut attendre. Voilà un festival qui commence plutôt bien et qui nous promet de belles choses pour les trois soirées à venir si la programmation reste de cette qualité, mais ça, nous n’en doutons pas un seul instant !

Ce sont les gagnants du dernier European Blues Challenge et ils sont partis de chez eux, en Espagne, ce matin à quatre heures, pour être présents ce soir à Šumperk où la Jam Stage leur tend les bras. Noa & The Hell Drinkers écument depuis juin dernier les plus belles scènes européennes et nous proposent un bon gros blues rock qui envoie grave et qui fait du bien par où il passe. Là encore le public ne boude pas son plaisir et réserve un super accueil à la belle et brillante chanteuse et à son band de tueurs à gages qui ne se fait pas prier pour l’aider à faire le show. Et quel show mes amis ! Ces Espagnols ont de l’or dans les mains et n’ont pas fini de faire parler d’eux …

On retourne sur la Main Stage pour y retrouver Krissy Matthews, un trio emmené par le frontman anglo-norvégien du même nom, et c’est une fois encore un blues rock très appuyé qui vient se faire entendre dans une salle qui visiblement apprécie énormément les sonorités puissantes et musclées. Il faut dire que le band ne se prend pas la tête avec les détails et qu’il nous offre son set un peu comme il lui passe par la tête, avec généralement des gimmicks bien construits mais aussi avec à l’occasion une dose d’improvisation qui ne trompe pas. Se laissant aller chemin faisant à nous offrir quelques slow blues bien pesés et un poil de psychédélisme, Krissy Matthews remplira intelligemment son contrat du soir pendant la quarantaine de minutes qui lui sera accordée. Blues Alive et son public se régalent et on ne peut pas décemment en demander plus, d’autant que la suite s’annonce croustillante à souhait !

On s’approche maintenant du Foyer où vont se produire pour la seconde fois de la journée les Polonais de Dark Leaves qui, à sept sur une petite scène, s’efforcent de nous offrir leur folk blues mâtiné d’instruments traditionnels comme le banjo ou le résonnateur et bien entendu l’harmonica. Emmenés par leur chanteuse pleine de sensualité, les musiciens ont du mérite de se produire dans un espace qui sert de passage entre les différentes scènes, avec souvent un public qui passe sans les voir ni même les écouter. Et pourtant il y a fort à faire avec ces Dark Leaves car le groupe ne manque pas d’arguments pour convaincre les premiers rangs, ceux qui squattent le devant de scène pour ne pas en manquer une bouchée. Au grand dam de ceux qui peinent à circuler d’ailleurs, mais ceux-là auraient de toute façon mieux fait de s’arrêter un moment !

On en arrive déjà à un des gros morceaux de la soirée avec le Jimmy Carpenter Band, quartet emmené par le charismatique chanteur et saxophoniste, également leader du Bender Brass Band de Las Vegas, qui se produit ce soir avec son propre groupe avec lequel il navigue à vue en plein blues avec des relectures très personnelle de classiques qu’il tient sur le bout des doigts. Du Chicago blues au West Coast blues, Jimmy Carpenter et consorts n’hésitent jamais à y mettre les formes et c’est un réel plaisir que de retrouver ce soir dans un poste de leader cet artiste attachant que l’on a plaisir à retrouver chaque année à l’International Blues Challenge à Memphis, au Cahors Blues Festival ou encore au Blues Heaven au Danemark où il était exceptionnellement absent la semaine dernière. Comptant parmi les meilleurs saxophonistes du monde, Jimmy Carpenter est également un guitariste fort honorable et un excellent chanteur qui dispose en outre de véritables talents d’entertainer. Comment ne pas succomber à tant de bonnes choses ? Visiblement, le public aux anges n’a pas réussi à se désintéresser un seul instant d’une prestation aussi aboutie !

La fatigue se faisant sentir, on fait abstraction du concert de Gravelroad sur la Jam Stage et on reste bien en place sur la scène principale pour accueillir le Chicago Blues Festival qui, après un tour de chauffe d’une semaine entre le Danemark et la France, se montre parfaitement rôdé et quelque peu différent dans son organisation! C’est une fois encore Lady A qui lance les festivités avec un bon blues qui sent bon les influences du Mississippi mais aussi celles de la Windy City, l’arrivée de Dexter Allen en lieu et place de la chanteuse contribuant à emmener le tout encore un peu plus haut avec des cachets qui évoquent tour à tour l’Illinois et le Missouri mais aussi le Michigan. Guitariste émérite et chanteur aux véritables dons de performer, Marquise Knox prendra ensuite la place pour faire encore monter le show en intensité et, très vite, la salle qui était déjà chaude comme la braise finira de s’enflammer sous l’effet de son charisme , un effet qui sera encore accentué lorsque les trois têtes d’affiche se retrouveront ensemble pour un final qui n’aura pas de mal à tenir ses promesses … La messe est dite et cette cuvée 2023 du Chicago Blues Festival a tenu bien plus que ses promesses !

On annonce la jam session menée par Jimmy Carpenter et ses Vegas Blues Allstars mais la journée a été longue et nous rentrons très vite à l’hôtel prendre un peu de repos pour être certain de tenir le coup durant les deux jours qui viennent … Mais ce n’est que partie remise !

Vendredi 17 novembre :

Le temps de refaire le monde avec les amis présents à Šumperk et nous nous rendons compte que si les activités n’ont pas manqué en ville cat après-midi, elles vont reprendre incessamment sur la Main Stage avec une formation locale, Black Pin, un trio qui s’exécute de manière très délicate et en slide avec tantôt une cigar box, tantôt avec une imitation de Stratocaster bien faite et avec un son de qualité. Chantant majoritairement dans leur langue, ces Black Pin se montrent non seulement talentueux mais aussi très audacieux et réussissent à ravir un public déjà nombreux qui, visiblement, n’aurait manqué leur prestation pour rien au monde ! Et très sincèrement, c’est amplement mérité.

Se rendre à la Jam Stage est toujours un peu périlleux car il faut sortir du bâtiment principal et affronter le froid à l’extérieur, mais nous le faisons de bon gré puisque ce sont Jakub Noha et Petr Bublák, deux artistes de Prague qui chantent là encore dans leur langue, qui nous y donnent rendez-vous pour un moment de folk blues pas désagréable du tout. Blues Alive fait honneur à ses artistes nationaux et c’est une attitude des plus honorables que l’on aimerait bien voir partout en Europe car, faut-il encore le rappeler, le blues européen est un de ceux qui continuent de faire évoluer et de faire avancer le genre. Et comme toujours ici, la salle fait le plein et les deux comparses recueillent le succès qu’ils méritent amplement. C’est peut-être une des pistes à suivre quand on souhaite afficher Sold Out comme c’est le cas ce soir à Šumperk !

Retour vers la Main Stage où l’on retrouve Alvin Youngblood Hart que l’on avait vu en solo la semaine dernière au Danemark, mais qui se produit cette fois en trio, avec toujours au programme un très bon country blues que le jeune sexagénaire originaire d’Oakland, Californie, interprète avec un habile mélange de ferveur et de foi en sa musique. Considéré comme un des dignes descendants de Leadbelly ou encore de Taj Mahal, Alvin Youngblood Hard a été nominé aux Grammy Awards il y a vingt ans et continue depuis toutes ces années à porter vers le public une musique qui emprunte aux sonorités rurales du Mississippi dont il est un fervent adepte, mais aussi de temps en temps à la guitare rock des sixties et des seventies dont il a été un des défenseurs les plus ardents. La salle apprécie autant les parties calmes que celles plus musclées et c’est une véritable communion qui s’instaure des deux côtés de la scène. Un très beau show qu’il ne fallait pas manquer.

Les horaires se superposant, on renonce à regret à la prestation blues et soul du Michal Prokop Trio sur la Jam Stage et on reste du côté du Foyer pour y découvrir Readymade Backsliders, un rock band tchèque qui déménage et qui ne fait pas semblant de jouer, avec non seulement un gros son mais aussi avec une belle voix taillée sur mesure pour l’exercice. Étonnamment le foyer n’est pas totalement bondé ce soir, mais il se montre particulièrement réactif à la musique du quartet et c’est en bonne compagnie que l’on passe un très bon moment de vrai rock’n’roll qui ne peut pas laisser indifférent, non seulement parce qu’il y a l’attitude et l’énergie, mais aussi parce que le feeling et le fun sont au rendez-vous. Pour leur seconde et dernière prestation de la journée, ces quatre jeunes gens n’ont pas ménagé leur peine et grand bien leur en a pris car tout le monde en a profité !

On remonte rapidement vers le balcon de la Main Stage pour y assister au show de Bernard Allison qui nous avait fait forte impression à Blues Heaven la semaine dernière et c’est une fois encore un grand personnage qui va venir nous combler de plaisir grâce à un jeu de guitare qui fait de lui le digne héritier de son regretté père, le grand Luther Allison, mais aussi grâce à un chant qui colle parfaitement bien à sa musique. Depuis les classiques familiaux jusqu’à ses propres compositions, le guitariste tient son show sur le bout des doigts et ne se fait jamais prier pour nous en mettre plein les yeux et plein les oreilles avec un set en tous points réussi et pour tout avouer carrément irréprochable avec de belles références à toute sa discographie et en particulier à l’album « Highs & Lows » paru en 2022. Revenu de plus belle sur les rails du succès après quelques moments d’égarement, Bernard Allison est un des très grands artistes de blues rock contemporain et, à quelques jours de son cinquante-huitième anniversaire, il semble bien parti pour le rester encore longtemps !

Comment ne pas avoir envie d’affronter le froid qui nous gagne pour rejoindre la Jam Stage quand c’est pour la bonne cause puisque ce sont les Boogie Beasts qui s’y produisent maintenant ? Valeur sure de la scène belge, le groupe qui existe depuis une douzaine d’années a déjà copieusement tourné en Europe et c’est à chaque fois avec beaucoup de plaisir qu’on le retrouve, comme en septembre dernier au Leman Blues Festival, car on est certain que le show sera dense, intense et plein de bonnes vibrations. Un blues rock serré et efficace, très largement influencé par les sonorités poisseuses des Hills avec des références allant de John Lee Hooker aux Black Keys en passant par Little Walter et RL Burnside, deux guitares mais pas de basse, un harmonica époustouflant d’énergie et de vitalité et enfin une batterie rageuse, il n’en faut pas plus pour que le show de ce groupe venu de Wallonie mette une fois encore tout le monde d’accord en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. Dommage car on en aurait bien pris un peu plus …

Dernier groupe officiel de la soirée, G. Love & Special Sauce arrive de Philadelphie et propose en trio, avec guitare, contrebasse et batterie, un blues qui se laisse rattraper par des influences venues du hip hop. A la fois élégante et novatrice, la formation qui existe depuis 1992 a fait le plein et le balcon qui surplombe la Main Stage affiche complet, au grand dam d’un public qui voudrait bien prendre un peu de hauteur pour assister à une prestation qui s’écoute autant qu’elle se regarde. Si l’avenir du blues passe par une certaine évolution et par beaucoup d’ouverture, il ne fait aucun doute que G. Love & Special Sauce a trouvé la formule adéquate avec un très grand respect pour des racines qui restent profondément ancrées dans le sol et pour un tronc qui pousse durablement dessus, mais c’est avec un élagage plutôt ingénieux des branches que ces musiciens parviennent à façonner une musique qui sort des sentiers trop bien battus et qui finalement leur ressemble beaucoup, non seulement en termes d’audace mais aussi de sincérité. Encore un très belle programmation qui nous a été proposée par Blues Alive qui, décidément, a fait du beau travail cette année encore !

On délaisse une nouvelle fois la jam session pilotée par Jimmy Carpenter pour rentrer à l’hôtel vider les cartes mémoire et mettre toutes les bonnes choses en place en attendant une troisième soirée de festival qui nous offrira la présence de deux groupes français sur scène …

Samedi 18 novembre :

Nous profitons de la matinée pour aller faire un tour en ville à la découverte des rues et des venelles, des salons de thé locaux où l’on vous sert de délicieuses pâtisseries mais aussi un excellent café, et enfin de toutes sortes de rencontres que l’on peut y faire avec tantôt un musicien de rue qui nous joue les standards d’Elvis et d’autres fois un jeune gamin qui s’accroche à votre jambe et qui tente d’entamer la conversation, surpris que les trois mots de vocabulaire liés à son âge n’arrivent pas à être compris de ce personnage qui porte un étrange chapeau … Mais Šumperk a également des activités liées au festival et l’exposition des superbes clichés de notre ami Pertti Nurmi en est une que le photographe nous invitera à découvrir en sa compagnie, juste avant que nous n’allions reprendre quelques forces avant le début de la dernière soirée du festival qui s’annonce une fois encore exceptionnelle.

C’est le power trio Cold Licks qui nous accueille dans le Foyer dès l’ouverture des portes et cette formation venue de Prague va se charger de chauffer un public déjà nombreux qui attend l’ouverture de la salle principale en lui proposant des compositions interprétées dans sa langue maternelle. La mise en place est un peu laborieuse et le groupe qui ne dispose que de trente minutes pour ce premier set tardera un peu à trouver non seulement ses marques mais aussi un véritable son. Pas de panique toutefois puisque Cold Licks finira par retomber sur ses pattes et que le trio aura même droit à une session de rattrapage vers 20 heures 30, juste avant la montée sur scène de Tommy Castro. Difficile pour nous toutefois de le revoir car il se produira en même temps que Memphissippi Sounds que nous ne manquerions pour rien au monde et qui ont interverti leur horaire de passage avec les Shaggy Dogs victimes d’un gros retard d’avion.

On reste dans le blues rock avec Steven’s, un groupe de Karlovy Vary, célèbre station thermale de Bohème proche de la frontière allemande. Neuf musiciens sur scène avec pas moins de trois cuivres et deux choristes laissent espérer quelque chose de plus ou moins construit, mais là encore le groupe semble quelque peu impressionné par l’enjeu de se produire devant tant de monde et ce n’est qu’après un certain temps d’adaptation qu’il finira par réussir à nous proposer de manière totalement libérée un set construit autour de ses propres morceaux très fortement imprégnés d’influences mâtinées de rock, de rhythm’n’blues et de temps en temps d’une pointe de pop. La guitare tient la route et si le chant est parfois un peu trop timide, il est plutôt bien soutenu par des chœurs qui savent se rendre utiles, voire même parfois indispensables. Une belle date de plus à ajouter à l’actif d’un groupe qui commence à se faire remarquer jusqu’au-delà de ses frontières.

On délaisse délibérément la prestation de Jan Fic pour rester non loin de la Main Stage où Delgres, la première formation française de la soirée, va venir nous régaler de son blues aux accents caribéens … Emmené par le chanteur et guitariste Pascal Danaë, Delgres a su très intelligemment de détacher des carcans trop étroits du blues pour s’installer dans un registre où les musiques du monde et pourquoi pas la pop ont leur mot à dire, ce qui conduira le groupe à collaborer avec Awa Ly ou encore Jean-Louis Aubert et à recevoir une nomination aux Victoire de la Musique en 2019 après avoir obtenu le Grand Prix de l'Académie Charles-Cros du meilleur album de blues en 2018 pour « Mo Jodi ». A la fois surprenant et séduisant, le trio marquera ce soir le festival Blues Alive de son empreinte indélébile et remportera très largement la mise devant un public qui succombe littéralement à une musique peu commune mais tellement intéressante … Et toujours ce sousaphone qui n’en finit plus de réjouir les foules !

On reprend maintenant la direction de la Jam Stage pour y écouter Memphissippi Sounds, un groupe créé dans un club de Beale Street par deux musiciens, Cameron Kimbrough, petit-fils de Junior Kimbrough, et par Damion "Yella P" Pearson. Reprenant à leur compte la musique des Hills qui a baigné leur jeunesse mais aussi des influences venues du blues, de la soul et du hip-hop de Memphis, les deux jeunes gens font forte impression avec une musique tranchée très proche de l’os et avec un son qui nous rappelle forcément les meilleures soirées passées du côté de Holly Springs, le berceau de cette musique à la fois prenante et hypnotique. C’est avec ce genre de personnages, brillants multi-instrumentistes et passionnés par leurs racines mais également ouverts en grand sur le futur, que le blues est loin de s’éteindre et que la flamme reste encore et toujours allumée dans ce petit bout de territoire au Nord du Mississippi mais aussi bien plus loin, chez nous par exemple puisque Memphissippi Sounds s’est déjà produit au moins à deux reprises au Blues Rules de Crissier, en Suisse, avant d’être pour la première fois ce soir en République Tchèque.

Un semaine après la prestation de Tommy Castro & The Painkillers au Danemark dans le cadre de Blues Heaven, on retrouve le guitariste et son band ce soir sur une Main Stage qui n’attend que lui pour s’enflammer ! Dès les premières mesures du tittle track de son dernier effort en date, « A Bluesman Came To Town », c’est la salle tout entière qui se met à reprendre les refrains en chœur et c’est sans la moindre peine que le chanteur et guitariste de San José, Californie, va mener l’assistance au doigt et à l’œil à grand renfort de titres qui ressemblent pour la plupart à des tubes. On regrettera quelque peu de ne pas avoir eu droit à l’excellent « Make It Back To Memphis » qui produit à chaque fois son effet sur une assistance dopée par ce morceau entrainant mais, en lieu en place, Tommy Castro se fendra de quelques beaux blues lents dont il a le secret et qui mettront forcément tout le monde d’accord, d’autant plus que Jimmy Carpenter viendra rejoindre le groupe au saxophone un peu avant la fin du set. Brillant guitariste, l’artiste est également un chanteur à la voix bien placée et c’est toujours un plaisir de le retrouver sur scène pour un des shows énergiques et précis dont il a le secret.

Le temps de repartir vers la Jam Stage et c’est le second groupe français du week-end, Shaggy Dogs, qui va nous présenter sa conception très personnelle de la fiesta blues’n’roll, un genre que le combo francilien a lui-même inventé et qu’il distille copieusement dans les plus grands festivals du nord de l’Europe, du Benelux jusqu’en Norvège en passant cette fois par la République Tchèque qui lui réserve un excellent accueil. Affreux, sales et méchants, les clébards hirsutes vont immédiatement attraper le public en lui plantant leurs canines dans les mollets et ne vont plus le lâcher durant un set mené tambour battant par une formation à la fois charismatique et débridée emmenée par un frontman bondissant à souhait. Si la musique est une raison d’être chez les Shaggy Dogs, le combo mise également beaucoup sur le côté esthétique de son show et c’est une prestation à la fois construite et consistante, quand bien même elle sera un peu trop courte, qui sera proposée à une assistance une fois encore comblée. Et comme on le dit quand on a du chien et qu’on sait porter aussi bien le masque : Bababoomba !

A près de soixante-dix ans, Robert Finley est un artiste atypique qui a vu le jour en Louisiane et qui a alterné les périodes où la musique occupait une grande partie de sa vie et celles où il s’en est éloigné, et ce n’est qu’après avoir participé à l’émission America’s Got Talent qu’il est devenu l’artiste majeur que l’on connait aujourd’hui, remarqué par Dan Auerbach des Black Keys qui a contribué à le rendre célèbre dans toute l’Amérique et bien plus loin encore. Désormais bien connu sur le sol européen, Robert Finley est devenu la coqueluche des festivals de blues et après avoir apprécié son show la semaine dernière au Danemark lors de Blues Heaven, c’est avec un plaisir non feint qu’on le retrouve ce soir pour le dernier gros concert de cette vingt-septième édition. L’entrée en piste de l’artiste est magistrale avec un « Sharecropper’s Son » qui donne directement le ton, et c’est porté par son groupe de killers et accompagné de sa fidèle choriste que ce bluesman qui a véritablement la gueule de l’emploi et la voix qui va bien avec va nous en redonner pour une grosse heure qui va passer sans le moindre accroc. Quel personnage, et quel talent !

On renoncera une fois encore à la jam du soir en raison d’un départ programmé aux aurores demain matin, et au moment de refermer cette édition de Blues Alive, il convient non seulement de féliciter nos hôtes pour la qualité de leur événement mais aussi de les remercier pour un accueil XXL qui ne peut pas laisser indifférent tant toute l’équipe du festival sait se montrer conviviale et plus qu’à l’écoute du moindre besoin des uns et des autres. Ici, rien n’est laissé au hasard et depuis l’accueil jusqu’au dernier au revoir, tout est réglé à la perfection. Ajoutez-y une programmation de qualité, un son et des lumières exceptionnels et cette chaleur humaine omniprésente et rien que l’annonce des premiers artistes à l’affiche en 2024 nous donne déjà envie de revenir ! La devise est simple et nous la partageons de bon cœur : Keep The Blues Alive !

Fred Delforge – novembre 2023