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BLUES IN HELL (NORVEGE) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 10 septembre 2023
 

BLUES IN HELL
SCANDIC HOTEL – HELL (NORVEGE)
Du 8 au 9 septembre 2023

https://bluesinhell.no 

L’arrivée à Trondheim est toujours impressionnante puisque l’on survole les fjords et une contrée qui, vue du ciel, semble un peu sauvage, et dès que l’on pénètre dans l’aérogare, c’est un accueil chaleureux qui vous attend. En seulement quelques centaines de mètres, nous voilà arrivés à l’hôtel Scandic, bâtiment moderne et confortable combinant toutes les commodités d’hébergement avec un superbe amphithéâtre et différentes salles où se déroulent les concerts de cette trente-deuxième édition de Blues In Hell, un nom de festival qui ne fait pas référence à l’enfer, ou même au diable dont on célèbre ici la musique, mais bel et bien à la ville où nous sommes et dont c’est le nom, quand bien même la population l’appelle sa maison. Et pour ne pas l’oublier, la devise est inscrite en grand au-dessus de chaque scène !

Vendredi 8 septembre :

On salue rapidement les nombreux amis présents, puisque Blues In Hell rassemble dans ce coin éloigné de Norvège une population venue de toute l’Europe, et après avoir déposé les bagages on file directement assister à la prestation de Dom Martin, le chanteur et guitariste irlandais de Belfast, fan de Rory Gallagher, dont l’excellent album « Buried In The Hail » regorge de pépites que l’artiste vient, entre autres, nous interpréter ce soir au milieu de reprises de Big Bill Broonzy comme « Banker’s Blues », ou encore du fameux « Out On The Western Plain » de Leadbelly si souvent interprété par son mentor. Le picking assuré et la voix chaleureuse, Dom Martin va nous offrir une prestation pleine de sensibilité mais aussi d’humour, le bluesman n’hésitant jamais à plaisanter avec une assistance posée mais très attentive et réactive à son jeu.

L’Anglaise Jo Harman est souvent considérée comme une des plus belles chanteuses de soul blues en Europe et elle va essayer de nous le prouver ce soir en investissant la grande scène du festival et en nous dévoilant un florilège de ses compositions mais aussi des relectures d’œuvres de Joni Mitchell. Chaleureuse et pleine de tendresse, la chanteuse portée par un groupe bourré de talent va nous offrir le meilleur d’elle-même et nous parler de sa vie, de ses joies, et notamment de son bonheur d’être mère, mais aussi de son engagement pour différentes grandes causes, sa communication avec le public se montrant à la fois sincère et efficace et nous révélant une artiste qui a le cœur sur la main et qui, après une pause médiatique prolongée, s’offre un retour en force sur les scènes européennes avec succès puisque le public a ce soir répondu à son invitation.

On file maintenant dans la salle voisine où un public conséquent se presse pour le show du Johana Demker Band, une chanteuse et guitariste suédoise aujourd’hui installée en Norvège puisqu’elle réside désormais à Oslo. Forte d’un talent de composition exceptionnel, la blonde musicienne excelle dans un registre où la folk et l’Americana tirées de son nouvel album, « Unfolded Wings » sont naturellement très présentes, mais où le blues et le rock des précédents efforts s’invitent régulièrement à la table des festivités. C’est donc un show très riche et très varié qui sera proposé à un public majoritairement assis à des tables mais superbement réactif, le dialogue instauré dans sa langue entre la scène et la salle contribuant à renforcer ce sentiment de proximité qui se dégage d’un groupe qui ne ménage pas ses ardeurs et qui n’a aucun mal à convaincre tant le jeu est intéressant et la voix agréable à l’oreille. Une belle découverte en ce qui nous concerne !

On retourne rapidement dans l’amphi où nous attend Sari Schorr, valeur sure américaine du blues rock qui apparait en grande forme et surtout prête à tout donner à un public qui le lui rendra bien tout au long de ses plus d’une heure trente de show. Energique et très en voix, la diva n’y va jamais à l’économie et tisse rapidement un lien avec les premiers rangs, envoyant un clin d’œil aux uns, prenant la pose devant les photographes et surtout échangeant quasiment individuellement avec chacun des spectateurs à qui le petit message qu’elle adresse pourrait être destiné. A ses côtés, le groupe se fait plaisir et envoie tout, un peu comme si son sort en dépendait, assurant une fondation rythmique hyper solide et distillant des solos de guitares et d’orgue Hammond de toute beauté, se montrant véloce quand le ton est ferme et déterminé et plus subtil quand la chanteuse offre des ambiances plus intimistes … On appelle ça avoir de la classe et à n’en point douter, ces routiers au long cours de la scène blues en ont à revendre et ils le prouveront une fois encore sur cette cover du « I Just Want To Make Love To You » d’Etta James qui mettra tout le monde d’accord ! Voilà une artiste que l’on retrouvera avec plaisir à Annemasse dans une semaine pour le Léman Blues Festival …

On s’accorde une petite pause extra-musicale pour aller suivre les ultimes minutes du match de rugby entre la France et les All Blacks à la radio, merci France Info, et c’est sur cette belle victoire que l’on retrouve l’amphi où va se produire Toby Lee, jeune guitar hero britannique, majeur depuis le début de l’année, qui affiche déjà un beau palmarès puisque ces dix dernières années lui ont permis d’être mis en avant non seulement à la télévision et sur les nouveaux médias mais aussi à la scène où il a été régulièrement invité à se produire, dans un premier temps en temps que guest pour de grosses pointures, puis petit à petit en tant qu’artiste à part entière avec son propre groupe et ses propres compositions. C’est donc en leader expérimenté qu’il arrive ce soir, à la tête de son quartet, pour nous distiller un bon gros blues rock de shredder mais aussi quelques passages plus subtils quand il se souvient que la musique est faite de notes et de silences. Beaucoup trop disséminée, l’assistance n’enverra pas vers la scène toute l’énergie qu’elle aurait mérité de recevoir mais c’est toutefois une belle prestation que nous proposeront les Anglais, avec en cours de route une version de « Kansas City » surprenante mais très réussie !

La journée a été longue et c’est à regret que nous renoncerons à la big piano battle qui se déroule sur la scène tout en haut du bar, espace intimiste mais chaleureux où se produiront entres autres ce week-end des pointures comme l’Espagnol Lluis Coloma, le Polonais Bart Szopinski ou encore l’Américaine Eden Brent !

Samedi 9 septembre :

On commence la journée en bonne compagnie puisque ce sont les Allemands de Muddy What? qui vont nous proposer leur traditionnelle prestation en trio avec guitares et mandolines mais aussi avec une contrebasse qui habille le tout de fort belle façon. Vainqueurs du German Blues Challenge en 2011, Ina et Fabian Spang et leur complice Michi Lang commencent à faire leur trou sur la scène internationale puisqu’après avoir participé à l’International Blues Challenge à Memphis et à l’European Blues Challenge à Malmö en 2022, ils dépassent régulièrement les frontières de leur pays avec des concerts en Norvège et en Suède mais aussi en Roumanie et même en France puisqu’ils étaient à l’affiche de Bain de Blues en avril dernier. Une guitariste mandoliniste gauchère et virtuose, réincarnation probable d’un certain Jimi Hendrix, un guitariste chanteur solide et convaincant, une mise en avant bien pensée des morceaux et un visuel agréable, quand on croise Muddy What? pour la première fois, il y a de grandes chances d’en devenir fan !

On se retourne pour retrouver la seconde scène de cette salle annexe est on assiste maintenant à un moment très attendu de Blues In Hell avec le concert de Jolly Jumper & Big Moe accompagnés du Jimbo Jambo Band, l’harmoniciste et le guitariste se voyant rejoints pour l’occasion par un pianiste et un batteur pour un set qui va nous emmener entre boogie et blues avec quelques touches de ragtime, de folk ou encore de rock. Charismatique et volubile, Jolly Jumper va nous régaler de son chant inspiré mais aussi de ses phrases d’harmonica et de kazoo très bien pesées tandis qu’à ses côtés, Big Moe, la force tranquille, envoie sans se faire prier des riffs toujours précis et séduisants, le tout accompagné avec beaucoup d’intelligence par un band qui a du talent, de la maitrise et de la réactivité. Le public, déjà mis en condition par le set précédent, n’aura pas de peine à réagir à l’écoute de cette formation qui joue à domicile et devant nombre de ses fans. La journée ne pouvait pas mieux commencer !

Le temps de discuter un peu avec les amis et nous revoilà bientôt devant la petite scène où se produit Lovesick Duo, une formation italienne qui a pour particularité d’être un … trio. Une contrebassiste percussionniste, un guitariste chanteur qui joue également de la pedal steel et enfin un violoniste batteur, il faut bien reconnaitre que ces Transalpins sortent quelque peu des sentiers battus, quand bien même ils proposent une musique qui va de l’Americana au blues sans jamais se poser de question. La voix est au rendez-vous et la complicité entre chacun des membres est palpable, ce qui se ressent forcément sur un public conquis après seulement deux ou trois titres. On dit souvent que le blues européen est porteur de l’avenir de cette musique et Lovesick Duo est indiscutablement la preuve que ce n’est en aucun cas présomptueux. Voilà un groupe que l’on retrouvera donc avec le plus grand plaisir dans les mois et les années à venir.

On rejoint désormais l’amphi pour retrouver le plus allemand des bluesmen américains, Big Daddy Wilson, qui se produit aujourd’hui avec son groupe dans lequel excelle le pianiste et organiste polonais Bart Szopinski. On gardait en mémoire les lointaines prestations calmes et tempérées de ce chanteur au charme fou, mais c’est cette fois un artiste explosif que l’on redécouvre avec le plus grand plaisir, le nouvel album de l’artiste, « Plan B », lui ayant visiblement donné un nouveau souffle qui le conduit à entrer dans la peau d’un très bel entertainer qui donne naturellement dans la soul et dans le rhythm’n’blues, mais qui n’hésite pas à l’occasion à se laisser aller à un bon gros Texas blues qui lui donne l’opportunité de mettre au mieux ses solistes en valeur. La salle répond comme un seul homme et c’est au bout du compte une prestation à la fois enivrante et électrisante qui nous aura été offerte par un artiste dont le talent est connu depuis longtemps mais que l’on n’avait pas encore eu l’occasion de voir dans cette formule particulièrement réjouissante.

On retourne très vite dans la salle voisine pour assister à la fin du concert de Spoonful Of Blues, formation norvégienne pleine de finesse et de force emmenée par le chanteur harmoniciste Jostein Forsberg, bien connu pour être également un des fers de lance de l’organisation du Notodden Blues Festival, et par le guitariste virtuose Morten Omlid. La salle est bien garnie et apprécie là encore les échanges faits dans sa langue maternelle, mais aussi et surtout un show qui mélange avec panache la délicatesse du jeu, le grain subtil du chant et la solidité d’une rythmique sur laquelle les dialogues entre la guitare et l’harmonica trouvent un terreau solide pour porter les morceaux vers leur apogée. Le blues et le rhythm’n’blues seront tout naturellement à l’honneur ce soir, mais c’est traditionnellement sur un rock que Spoonful Of Blues achèvera son concert du soir, sous les applaudissement nourris d’un public qui en redemande.

Pour le second concert du jour dans l’amphi, c’est un spectacle original qui nous est proposé avec JT & The Buckshot Hunters, la formation blues et soul du chanteur et claviériste norvégien J.T. Lauritsen qui est rejointe ce soir par une pointure américaine puisque Curtis Salgado retrouve le groupe après seulement quelques morceaux et prend dès lors le lead avec son chant, et bien entendu avec ses harmonicas. On remarque forcément une belle section de cuivres qui tiendra son rôle dès les premiers morceaux durant lesquels J.T. Lauritsen chaussera son piano à bretelles, mais aussi plus tard, quand Curtis Salgado, en véritable entertainer, s’embarquera dans le rock et dans un hommage à Jerry Lee Lewis, ou encore dans une de ses compositions, « 20 Years Of B.B. King », dans laquelle il paie son tribut au Roi du Blues et à ses morceaux phares. De quoi en mettre plein les yeux et plein les oreilles à un public forcément conquis par tant de maitrise et tant de feeling. Quand deux musiciens remplis à la fois d’expérience et de générosité se rencontrent et se mettent à collaborer, il en ressort naturellement quelque chose de fort, nous l’avons vécu une fois encore ce soir ! Dont acte …

Le dernier concert sur la grande scène de Blues In Hell est visiblement très attendu et risque fort de déchainer les passions si l’on en croit l’arrivée d’un service de sécurité dans le pit … Le programme annonce Bigbang et, renseignement pris auprès de nos amis locaux, c’est le trio norvégien qui s’avère détenir le record des ventes pour un album live dans pays. Emmené depuis sa création en 1992 par le chanteur et guitariste Øystein Greni, autant influencé par Led Zeppelin et Jimi Hendrix que par The Jam et Hüsker Dü, Bigbang a vu se succéder différents bassistes et batteurs, l’un d’entre eux étant même parti rejoindre Turbonegro derrière les fûts. C’est fort de son nouvel album, « Le Californie », que le groupe star se présente ce soir sur une intro ethnique samplée, et c’est en proposant une musique quelque peu hypnotique, pour ne pas dire complètement hallucinée, que le groupe va réjouir une fanbase bien présente dans la salle. Peu au fait de la musique du trio, il n’est pas simple du tout d’y adhérer véritablement et après une grosse demi-heure de show, nous déciderons de lever le camp pour aller voir ailleurs ce qu’il se passe, conscient toutefois que le public norvégien est enchanté de l’instant qu’il est en train de vivre, et c’est bien là le principal !

Un tour rapide dans la salle voisine nous permet d’entendre le tout dernier morceau des Anglais de The Cadillac Kings qui terminent sur un titre festif aux couleurs du Zydeco avec, dans l’assistance, quelques danseurs qui se régalent … Dommage que la superposition des concerts sur le programme ne nous ait pas permis d’en entendre un peu plus, mais on ne peut de toute façon pas être partout, et de surcroit, la fatigue commence vraiment à se faire sentir, les cartes mémoire se remplissent rapidement et les batterie se déchargent dangereusement. C’est donc à regret que nous renonceront non pas à un mais à deux concerts donnés par des formations espagnoles, celui de Lluis Coloma dans l’espace dédié au piano, et enfin celui de Noa & The Hell Drinkers, les récents vainqueurs de l’European Blues Challenge 2023 en Pologne, qui scellera la fin du festival.

L’heure est venue de prendre un peu de repos après deux journée bien chargées et en attendant un retour qui nous fera une nouvelle fois transiter par Amsterdam avant de rejoindre Paris … Mais pour le moment, nos pensées et nos remerciement vont vers les amis qui ont si bien su nous accueillir et nous proposer un programme d’une telle intensité ! On en retrouvera quelques-uns très vite, au gré de nos pérégrinations automnales tout autour de l’Europe, ou un peu plus tard peut-être, en janvier par exemple, du côté de Memphis … Le blues a cela de bien qu’il sait aider les vrais amis à se retrouver régulièrement, sans aucune considération d’origine, de couleur ou de nation ! Il a su créer une véritable famille et c’est aussi pour ça qu’on l’aime …

Fred Delforge – septembre 2023