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GONEZILLA pdf print E-mail
Ecrit par Yann Charles  
vendredi, 07 octobre 2022
 

GONEZILLA

https://www.gonezilla.net/
https://www.facebook.com/GoneZilla

A quelques semaines de leur première date à Paris, rencontre avec Karen et Clément du groupe Gonezilla qui nous parlent de leur très bel album, « Aurore », paru cette année et qui marquera l'histoire du combo lyonnais. Ils seront au Klub début décembre avec Barrabas et Conviction. Une belle rencontre au Black Dog à Paris.

Salut. On peut faire une petite présentation de Gonezilla ? Pourquoi ce nom d'ailleurs, qui n'a pas à priori grand-chose à voir avec la bête venue du Japon ?
Clément : Ah c'est un petit clin d'œil quand même. On a créé le groupe il y a une dizaine d'années et on a commencé comme un groupe de covers hard rock. Et on cherchait un nom qui faisait à la fois référence à notre ville, Lyon, et le côté un peu imposant du metal. Et donc on a eu l'idée de mixer Godzilla, le fameux monstre japonais, avec gone qui en patois lyonnais représente les jeunes de Lyon.

Et vous vous êtes trouvés comment ?
Clément : Alors j'étais le second guitariste d'un collègue de travail qui était chanteur. Et lui a rencontré le reste du groupe par petite annonce : "Cherche musiciens pour faire groupe de covers".

Cet album est fait de beaucoup de contraste. Musicalement pour commencer, avec de gros riffs et des distorsions, mais aussi beaucoup d'atmosphères sombres et mélodiques, voire mélancoliques, qu'est-ce qui vous a poussé vers ces arrangements ?
Clément : Ça vient du début du groupe. Déjà sur le premier album on retrouve cet espèce de clair-obscur avec certains passages à l'intérieur même des morceaux. Même s’il y avait assez peu de chant masculin à l'époque. Et on a eu beaucoup de retours très positifs là-dessus. Et comme ça fonctionnait bien, plus le temps a passé, plus on a travaillé sur ces contrastes entre le chant clair féminin et le grawl masculin, mais aussi entre les passages plus lents et plus rythmés. Ça permet de garder une certaine attention de l'auditeur sur des morceaux qui sont quand même assez longs. Et surtout de ne pas être ennuyeux.

Comment pouvez-vous vous définir musicalement ? Une sorte de doom-prog ? Ça peut exister ?
Clément : Ah il faut voir. Karen chante aussi dans un groupe de prog … Alors pourquoi pas ?
Karen : Ah, ce n'est pas de moi que viennent ces influences. C'est surtout que Julien a écouté beaucoup de Pink Floyd et il a des influences prog qui sont plus sous-jacentes. Mais quand on a un bagage musical comme l'ont les membres de Gonezilla, forcément il y a des influences qui viennent se greffer sur le style de musique. Alors même si on est étiquetés comme doom-goth, il y a quand même des choses prog dans notre musique.

Et dans le contraste, on a aussi les voix différentes, chant clair féminin, voix saturée masculine, c'est ce qui apporte une couleur particulière à votre album ? Si on peut parler de couleur pour du doom ...
Clément : (Rires) Effectivement, on va parler de nuances de gris (Rires). Cela fait partie des outils qui nous permettent de proposer cette variété de paysages sonores à l'intérieur des morceaux. Et entre les morceaux aussi d'ailleurs.
Karen : Je pourrais même pousser l'analyse un petit peu plus loin. A savoir qu'on est vraiment sur du clair-obscur. Pour moi, ce qui est représenté comme émotion, ce sont la tristesse et la colère, qui sont, en réalité, très proches. Mais qui ont des façons de s'exprimer très différentes.

C'était évident que ça devait être ainsi dès le début, cette différence, ou bien c'est venu au fur et à mesure ?
Clément : Non. C'est venu au fur et à mesure. Sur le premier album, il y avait un petit peu de chant masculin par endroits. On trouvait intéressant de le faire, mais on ne voyait pas ça comme faisant partie intégrante de l'identité du groupe. C'est avec le recul après ce premier album qu'on s'est dit que les morceaux qui nous plaisaient le plus et qui fonctionnaient le mieux étaient ceux où il y avait cet espèce de mélange. Et plus le temps a passé, plus on est arrivé à un équilibre 50/50 entre les deux. Et aujourd'hui, on est vraiment arrivé au bon équilibre dans notre musique.

Ça vous a permis d'ouvrir plus le champ de vos compositions ?
Clément : Je ne sais pas si c'est réellement entré en compte dans les compos, mais c'est devenu une évidence dans les palettes d'émotions qu'on voulait exprimer.

On va parler d’« Aurore », votre dernier album. Où nous entrainez-vous avec ce nouvel opus ?
Clément : Comme sur les albums précédents, les contenus des morceaux et les textes sont des choses très souvent introspectives. On parle beaucoup d'émotions et du voyage intérieur que peut faire l'être humain à divers moments de sa vie. On est dans cette continuité-là. On est sur un travail qui est plus mélodique que ce que l'on a pu proposer avant. Beaucoup plus d'arrangements. De par le style, c'est un voyage qui peut être mélancolique et même assez triste. Mais on a quand même une palette de couleurs qui est assez variée dans cet album.
Karen : Pas trop de couleurs quand même. Ça reste du doom metal !! (Rires)
Clément : Oui c'est ça. Des nuances de gris comme je disais avant. On essaie par petites touches de proposer des choses un peu originales qui peuvent déstabiliser l'auditeur.

Est-ce un concept album ?
Clément : Oui et non. Quand on a commencé à travailler sur nos démos, on s'est rendu compte que plusieurs titres faisaient référence à la mythologie grecque ou romaine. Et, sans vouloir s'imposer l'exercice du concept-album, on s'est dit que ce serait sympa d'avoir, en toile de fond, des sujets sur les mythes, principalement gréco-romains, mais pas seulement car il y a un morceau où on est plus sur les mythes bretons celtes, arthuriens. Et sous ce couvert que sont les mythes, on peut parler de choses plus introspectives, plus contemporaines.

Qu'est-ce qui vous attire dans ces domaines que sont les mythes, les légendes, voire les anciens philosophes ?
Karen : Depuis tout le temps les mythes gréco-romains ont inspiré des pièces de théâtre, des opéras, de la peinture. C'est une réserve de métaphores exceptionnelles. C'est plein d'une imagerie qui est très intéressante. Mais pas mal de choses dans ces mythologies seraient taboues par rapport à notre morale chrétienne. Ça nous ramène au titre « Aurore » qui est à la croisée donc de la déesse Aurore qui guide le soleil dans le ciel pour emmener la lumière sur terre, et de l'œuvre de Nietzche, « Aurore, Réflexions sur les préjugés moraux », si on se fie à la traduction, et qui est une critique justement de cette morale. Et donc, on se sert des métaphores de ces mythologies pour emmener à une introspection sur notre nature et la morale qui nous est imposée par nos racines judéo-chrétiennes. Les mythologies sont vraiment des outils littéraires très intéressants.
Clément : C'est fascinant de se dire que plus de 2000 après, on peut toujours tirer des leçons de tout ça.

Je reviens sur les textes en Français. C'est plus facile d'extérioriser certains sentiments en Français ?
Clément : Alors sur nos premières démos, on avait un mélange des deux langues, Français et Anglais, et on s'est vite aperçu que l'émotion que l'on voulait transmettre, on y arrivait mieux en Français. Alors, il y a des contraintes qui sont plus difficiles que pour l'écriture en Anglais. En Anglais on peut se permettre d'écrire des choses un peu passe-partout et ça va très bien passer car cela va très bien sonner. Mais en Français, ce n'est pas comme ça. Il faut apporter une attention plus particulière aux textes. On a aussi décidé de basculer en langue française déjà par goût, avec l'envie de défendre notre langue. Mais aussi parce que c'est notre identité. Si c'était pour chanter en Anglais et sonner comme les 200.000 groupes sur YouTube, on ne voyait pas trop l'intérêt. Là, le choix en Français peut être un peu clivant par moment, mais au moins quand les gens entendent nos chansons, on peut avoir la prétention de dire qu'ils savent que c'est nous. Après, tu aimes ou tu n'aimes pas, mais au moins on ne pourra pas nous faire le reproche de ne pas avoir essayé.
Karen : Et il y a toujours moyen de faire autre chose que du je t'aime moi non plus. Mais le fait d'écrire en Français permet d'ammener beaucoup de subtilités. Moi qui écris en Anglais dans mon autre groupe, il y a parfois où je veux exprimer des choses subtiles et je cherche des exemples de traduction, mais j'ai beaucoup de mal à exprimer ces mêmes subtilités en Anglais. J'arrive à des choses plus intimistes et plus transparentes quand j'écris en Français. On a une langue hyper intéressante et ce serait dommage de ne pas l'utiliser.

Faire du doom, et en chantant en Français, c'est assez rare pour être signalé, qu'est-ce qui vous a motivé, quelles sont vos références musicales ?
Clément : Ah, il y a quelques groupes qui chantent en Français. Je pense à Barabbas par exemple. Mais c'est vrai que sur l'ensemble de la scène doom, on n'est pas très nombreux.  

Comment avez-vous travaillé pour cet album ? Ensemble, à distance ? Comment s'est déroulé le processus de création ?
Karen : Je suis arrivée en pleine pandémie, donc forcément, on a travaillé à distance. J'ai un peu investi dans du matériel donc j'ai la capacité d'enregistrer chez moi. Enregistrer pour maquetter, pas les pistes définitives. Et on avait un système qui faisait qu'il n'y avait pas deux jours qui passaient sans que l'on ne se parle et qu'on échange sur les morceaux que l'on était en train de travailler.
Clément : On était très réactif des deux côtés et ça nous a permis de travailler de manière très précise malgré la distance.

Pour le groupe, c'est une manière de travailler qui pourrait se reconduire ?
Clément : Oui. De par la distance, on aurait du mal à revenir en arrière. Mais quand on voit la manière dont cela s'est passé sur « Aurore » et la vitesse à laquelle on a pu composer l'album. Je pense que l'album a été écrit, maquetté et enregistré en un an malgré la distance, là où sur les albums précédents, on avait mis plusieurs années pour le faire. Donc je pense qu'on va continuer comme ça, même si maintenant on répète physiquement ensemble. Mais sur l'écriture, oui, on va continuer comme ça.

Cet album a été composé pour la scène, ou pas forcément ?
Clément : Oui. Même si on a travaillé avec des samples qui seront envoyés en façade. Pour la batterie, comme Eric est arrivé en début d'année, il ne joue pas forcément comme sur les pistes de l'album, mais c'est intéressant pour nous qu'il apporte son identité dans le groupe.

Quelles sont les évolutions par rapport à « Chimères » ?
Clément : Ah. Je dirais que c'est presque le grand écart. Avec « Chimères », on était dans un metal alternatif où on était quatre ou cinq à composer dans le groupe, un qui écrivait les textes, un autre les riffs, c'était un peu un pot-pourri de toutes nos influences où on ne se reconnaissait pas tous dans tout. Et on était plus dans du compromis. Pour « Aurore », l'intégralité de la composition a été assurée par Julien. Moi j'ai écrit les lignes de basse, et quelques riffs de guitares qu'on a échangés. Mais Julien a fait 90% de la composition. Karen et Julien ont écrit les textes à deux. Je dirais aussi qu'on est dans un style plus assumé. Disons qu'on se cherche moins que sur « Chimères », comme pour tout premier album. Maintenant on sait où on veut aller. Bon, on le savait déjà sur le précédent EP, mais on n'avait pas les moyens de le faire. Là, avec « Aurore », on a vraiment réussi ce qu'on voulait. Pour ce qui est de l'avenir, je pense qu'on va rester dans cette veine là, tout en essayant, évidemment, d'évoluer et de faire de nouvelles choses. Mais, en termes d'identité, on s'est vraiment trouvé avec cet album.

Et pour toi, Karen, ça n'a pas dû être évident de travailler sur des textes très personnels avec quelqu'un que tu ne connaissais pas vraiment au début ?
Karen : C'est vrai qu'à l'époque où on a commencé à travailler ensemble avec Julien, on se connaissait peu. Mais je ne me suis pas livrée entièrement, comme je l'aurais fait sur un projet un peu plus personnel. Julien a eu cette capacité à me faire tomber un peu la carapace et on a vite eu des échanges assez sincères et humainement assez profonds et intenses. Mais écrire à deux, c'était quelque chose que je n'avais jamais fait. Donc ça a été un exercice sur moi-même, sur le plan psychologique, pour accepter que quelqu'un puisse lire ou relire mes textes, mais surtout qui a le droit de me dire des choses dessus (Rires). C'était nouveau pour moi (Rires). Donc ça a demandé un peu de travail sur moi, mais c'était important et surtout bénéfique.

Un petit mot sur cette pochette d'album. Elle est vraiment à l'image de l'album, douceur et contraste. Qui a eu l'idée ?
Karen : C'est moi. Le premier morceau pour lequel j'ai écrit les paroles et tout le long de l'écriture, j'avais en tête cette peinture de John William Waterhouse , « Echo et Narcisse ». Et quand on a commencé à parler de l'artwork, qu'on a voulu apporter du classicisme, on a pensé à cette toile. Et comme la peinture d'origine est très vive en couleurs, j'ai abaissé la saturation et les contrastes pour l’amener à presque du noir et blanc, mais pas tout à fait quand on regarde bien. Tout ça pour rester dans le thème de l'album.

Dernières questions rituelles chez nous : pouvez-vous définir le groupe en deux ou trois mots ?  
Karen : Contraste.
Clément : Introspection.
Julien (qui nous a rejoints entre temps) : Mélancolique.

Et pour terminer: quel est le dernier morceau ou le dernier album que vous avez écouté ?
Clément : Pour moi, j'ai écouté « Arcane Rain Fell » de Draconian.
Karen : Je crois que le dernier c'est Lux Incerta.

Merci à vous pour cette interview
Clément : Cool, merci à toi.

Propos recueillis par Yann Charles