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Ecrit par Yann Charles |
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samedi, 01 octobre 2022
RED BEANS & PEPPER SAUCE
https://www.redbeansandpeppersauce.com
Rencontre avec Laurent Galichon, guitariste de l'excellent groupe Red Beans & Pepper Sauce,
qui nous présente son nouvel album, « 7 », et surtout nous entraîne
dans son univers musical où le blues côtoie le rock anglais des
années 60 mais aussi le rock des 90’s ou la folie des 70’s. Bref une
large palette de couleurs musicales à découvrir sur l’album certes,
mais surtout en live.
Première question, pouvez-vous faire un petit
rappel de qui est Red Beans & Pepper Sauce ?
C’est un groupe créé en 2010 à Béziers, dans le Sud de la
France, par moi-même, et je suis aujourd’hui entouré des
Montpellierains Serge Auzier aux claviers, Pierre Cordier à la basse
et Niko Sarran à la batterie et à la production, ainsi que de
Jessyka Aké au chant, qui vit à Paris.
Vous tournez sur un sacré rythme avec un septième album en une
douzaine d'année, vous avez une inspiration continuelle ?
J’ai pris l’habitude d’enregistrer les idées dès qu’elles me
viennent, ça peut être n’importe où, n’importe quand (Rires),
chez moi, dans la voiture, dans la rue, et à ce moment-là,
j’enregistre ce que j’ai en tête sur mon smartphone, si je n’ai pas
de guitare sous la main je chante, et après je galère bien pour
essayer de comprendre ce que j’ai bien pu vouloir chanter (Rires).
Mais c’est une excellente méthode de travail qui me permet de me
constituer une boite à idées que je consulte quand il est temps
d’écrire.
Comment arrivez-vous à écrire et à composer alors que vous
tournez énormément ?
Les ordinateurs et internet ont radicalement changé nos méthodes
de travail. Quand j’ai un peu de temps, je consulte ma boite à idées
et j’enregistre dans mon home studio des guitares, des basses, des
batteries, parfois des voix, et j’envoie des maquettes à mes
collègues qui ajoutent leurs idées pour leurs instruments
respectifs. Pas besoin d’être au même endroit en même temps. C’est
d’ailleurs plus confortable, ça laisse du temps et si on n’a pas
d’idée sur l’instant, ça permet de tenter, d’échouer et de retenter.
Si on faisait ça dans un studio à l’ancienne, cela couterait une
fortune. Et de cette manière la fabrication de l’album s’étale sur
de très longues périodes, de six mois jusqu’à un an.
Comment pouvez-vous vous définir musicalement ? Rock, blues,
blues-rock, mais aussi des couleurs soul. On dirait que quelques
fois vous hésitez entre l'un ou l'autre, ou plutôt vous voyagez
entre les uns et les autres ?
La musique ne connait pas les frontières, c’est une invitation
permanente au voyage, au brassage culturel. Elvis mélangeait country
et gospel, Hendrix rock, pop, blues, soul et parfois même jazz. Tout
est possible en musique, vous pouvez respecter un cahier des charges
très précis pour jouer une musique très établie dans les règles de
l’art si ça vous chante, mais vous pouvez également ne tenir compte
d’aucune règle ou de seulement celles qui vous arrangent. C’est un
jeu et chacun fait ce qui lui plait. Nous aimons tous le blues, mais
nous aimons également ce que les Anglais en ont fait dans les 60’s,
sans parler de la soul, de la folie créatrice des 70’s ou même de la
génération rock des 90’s dont je fais partie, et pourquoi pas même
de l’electro dont Jeff Beck s’inspire parfois avec tellement de
talent. Ce sont nos influences, notre vocabulaire, c’est avec tout
ça qu’on fait la « Pepper Sauce » (Rires). Il y a un côté
rock 70’s dans cette idée de mélange, c’est très hendrixien. Sans
compter que depuis son époque, de nombreux nouveaux courants sont
venu s’ajouter à la liste, et nous on aime bien mixer tout ça, d’où
notre nom qui fait référence à la cuisine de la Louisiane et à cette
culture faite de mélanges comme nulle part ailleurs.
Pourquoi un double CD ? Et non pas un CD et ensuite par exemple
un EP un peu plus tard ?
Il s’agit d’un même album, mais en deux parties. On voulait
vraiment séparer le travail fait au Rythm Design Studio de Niko
Sarran du travail fait aux Rockfield Studios parce qu’il s’agit de
deux méthodes de travail très différentes, de deux univers sonores
différents. Le studio moderne très bien équipé de Niko où nous
pouvons prendre tout le temps dont nous avons besoin pour
enregistrer et produire. Et le Rockfield qui baigne dans son jus
depuis les 70’s avec du matériel vintage, des room avec un son
travaillé et où nous avions un temps limité. Bref il était important
pour nous de bien séparer ces deux sessions pour bien mettre en
valeur le contraste entre les deux. Le choix de deux CDs plutôt
qu’un seul, c’est aussi pour reproduire ce qu’il se passe quand on
change de face sur un vinyle, c’est une petite pause qui change la
façon de percevoir les albums.
On revient sur vos compositions. Comment travaillez-vous, qui
fait quoi ?
Comme je le disais j’écris les morceaux, c’est-à-dire les riffs,
les structures de base, puis chacun amène ses idées. D’abord Niko,
car comme pour les maisons, il faut commencer par les fondations, et
la fondation c’est le rythme. Ensuite le morceau évolue doucement.
Parfois je fais la mélodie et Jessyka y met son interprétation
parfois je ne fournis que quelques idées à partir desquelles elle
travaille. Parfois les textes sont déjà là, parfois ce sont justes
des mélodies et les textes viennent plus tard.
Vous enregistrez en One Shot pour donner autant d'authenticité à
vos compos ?
C’est ce qu’on a fait aux Rockfield Studios, nous avons joué
quasiment en situation de live. Mais nous avons plutôt tendance à
travailler chacun notre tour d’habitude. Nous aimons beaucoup jouer
live, mais plutôt sur scène, et donc avec le retour du public. Sans
lui ce n’est pas la même chose, ça n’a pas du tout la même saveur.
La scène et le studio sont deux exercices très différents mais très
intéressants. Et personnellement je préfère m’amuser avec les
particularités de chacun plutôt que de faire la même chose dans les
deux cas.
Je me doute de la réponse, vous composez en pensant à la scène ou
pas forcément ?
Avec l’expérience, maintenant oui. Ce n’est pas que l’idée de
jouer sur scène va changer fondamentalement la conception d’un
titre. Il s’agit plutôt de se dire parfois que ce serait bien
d’avoir un certain type de morceau qui nous ferait défaut dans le
set. Ou bien des trucs à éviter parce qu’on en a déjà plusieurs. Ça
intervient en fait très tôt, au moment où je dois faire des choix
dans la boite à idées.
Quels thèmes développez-vous sur cet album, disons
dans le premier CD de cet album ?
D’habitude les textes tournent autour de la vie de Jessyka, du
moins de ce qu’elle veut bien me raconter (Rires). C’est
d’abord quelque chose qui fait partie de l’ADN du blues, de raconter
sa vie, et puis c’est mieux pour elle de s’identifier à ses textes
pour mieux les interpréter. Mais parfois j’imagine aussi des
histoires complètement fictives. Et l’auditeur ne sait pas ce qui
est réel ou imaginaire (Rires). Il y a eu sur cet album
quelques titres comme « Run » ou « World is Burning » qui sont plus
proches de l’actualité. Ils ont été écrits dans les premiers mois de
2022 où l’on sortait d’une pandémie pour entrer dans une guerre,
avec pour couronner le tout une élection présidentielle, des débats
violents sur des jeux olympiques d’hiver dans un pays sans neige ou
sur une coupe du monde à venir dans des stades climatisés en plein
désert. Il ne s’agit pas du tout de vouloir donner son avis à tout
prix sur tout. C’est simplement que l’actualité est tellement lourde
qu’il est impossible de s’en défaire. Et ça finit par se retrouver
dans des mots sur une page blanche pour exprimer ce constat
d’impuissance face à l’extrême violence du monde dans lequel on vit.
Le second CD regroupe des enregistrements live au Rockfield
Studio, dont une version assez remarquable de « Rock And Roll » de
Led Zep. Comment se retrouve-t-on là-bas ? Et qu'est-ce que vous
en avez tiré comme expérience ?
Bien avant de commencer les enregistrements, nous avons eu des
discussions sur la production avec Niko Sarran pour voir comment
apporter des nouveautés pour faire en sorte que cet album soit
différent des autres. L’idée de sortir de notre studio habituel
faisait partie des possibilités et c’est à ce moment-là qu’il a vu
passer sur Arte le superbe rockumentaire « Rockfield studios : le
Rock est dans le pré ». Ce studio cochait toutes les cases, il
allait nous offrir un équipement vintage, son éloignement nous
promettait une belle aventure, ne serait-ce que pour s’y rendre avec
tous nos instruments et amplis. Sa situation au Pays de Galles, en
pleine campagne, et l’hébergement sur place allaient nous permettre
de rester concentrés sur notre musique du matin au soir et même une
partie de la nuit. Et enfin son histoire incroyable avec Queen qui y
a enregistré « Bohemian Rhapsody », Oasis et son « Wonderwall » mais
aussi Black Sabbath, Motörhead ou Robert Plant, qui allait nous
donner l’opportunité de marcher dans les pas de nos idoles. C’était
un peu comme un voyage dans le temps, un enregistrement à l’ancienne
dans un studio à l’ancienne.
Quelles évolutions musicales notez-vous depuis vos débuts ?
Depuis 2010, chaque musicien qui a rejoint le groupe a apporté
son style et ses influences. C’est probablement ce qui nous a
poussé, petit à petit, à aller du blues rock vers le classic rock, à
durcir le ton en quelque sorte. Et bien entendu ma rencontre avec
Niko Sarran qui a pris en main la production depuis 2015 et qui a
considérablement changé le son du groupe en tous points.
On arrive aux dernières questions rituelles : pouvez-vous décrire
le groupe en deux ou trois mots ?
Des gros riffs de guitares, un orgue puissant, une batterie
lourde au son énorme, une basse qui groove et une voix puissante et
sensuelle.
Et quel est le dernier morceau, ou le dernier album que vous avez
écouté ?
Avec la sortie de l’album et du nouveau clip, je dois dire que
j’ai du mal à sortir de Red Beans en ce moment, mais on m’a vivement
conseillé le nouvel album d’Ozzy Osbourne avec des guests comme Jeff
Beck, Clapton ou Taylor Hawkins, et c’est le prochain sur la liste !
Un grand merci pour cette interview et merci pour cet album. Bien
dans la continuité de votre style.
C’était avec grand plaisir, merci à vous.
Propos recueillis par Yann Charles
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