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RENDEZ-VOUS DE L'ERDRE 2022 à NANTES (44) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
lundi, 29 août 2022
 

RDV ERDRE 2022 LES RENDEZ-VOUS DE L’ERDRE
NANTES (44)
Du 26 au 28 aout 2022

http://www.rendezvouserdre.com  

Après une année d’abstinence en 2020 et une édition déplacée à Sucé-sur-Erdre en 2021, le tremplin des Rendez-Vous de l’Edre retrouve cette année les abords de l’Ile de Versailles et sa traditionnelle scène blues, à la fois atypique et accueillante avec ses loges improvisées au bord du bras mort de la rivière où les plaisanciers se promènent en barque ou en canoé et avec sa toue qui sert de camp retranché à une équipe technique qui ne ménage jamais sa peine. Outre le lieu qui a un charme bien réel, on retrouve également les amis du jury avec lesquels on sait déjà que l’on va passer un sacré bon moment à la découverte de pas moins de six groupe concurrents mais aussi de quelques pointures venues assurer la tête d’affiche chaque soir …

Vendredi 26 aout :

C’est traditionnellement le vainqueur de l’édition précédente du tremplin qui ouvre le bal sur la scène blues, mais cette année la saveur est toute particulière puisque non contents d’avoir brillé à Sucé-sur-Erdre l’an passé, c’est auréolés d’un titre mondial remporté à l’International Blues Challenge à Memphis en mai dernier que les Wacky Jugs se présentent à un public qui visiblement va apprécier la prestation originale du groupe. Inspiré des jug bands des années 20 et 30 mais aussi d’artistes comme Sleepy John Estes, Jack Titley et son équipe n’ont pas leur pareil pour mettre de l’ambiance face à un public qui se montre réactif et qui se laisse surprendre par une mandoline, par un accordéon, par un harmonica ou encore par une section rythmique où la contrebasse et la batterie forment un tandem plus qu’efficace. Si côté look les Wacky Jugs jouent la carte de la sobriété, le rayon musique est nettement plus travaillé et nous apporte des structures originales portées par des musiciens de très haut vol, ce qui ne gâche absolument rien à la fête. Et si certains peuvent encore se demander comment ils ont pu gagner à Memphis au printemps dernier, c’est sans doute parce qu’ils n’ont pas encore eu la chance de voir les Wacky Jugs jouer !

Le temps de changer de scène et c’est au tour des Cinelli Brothers de venir se frotter à une assistance qui les attend avec une certaine impatience. Formation italo-britannique en pleine ascension, le quartet puise ses influences dans les blues de Chicago et du Texas avec option sixties et seventies mais aussi dans la soul, celle de la Stax et de la Motown, ce qui lui confère des couleurs qui peuvent être changeantes, au point d’être parfois déstabilisantes, mais cela n’apporte qu’encore plu de charme à un groupe où chacun passe d’un instrument à l’autres avec une certaine aisance. Véritables showmen, les Cinelli Brothers tiennent leur scène et leur public avec beaucoup d’aisance et de professionnalisme et on se dit qu’ils seront de sérieux candidats qui auront à cœur de briller lors de leur prochaine participation à l’UK Blues Challenge qui leur ouvrira peut-être les portes de l’International Blues Challenge mais aussi de l’European Blues Challenge. En attendant, Marco et consorts s’en donnent à cœur joie et c’est un public comblé par tant d’aisance et de maestria qui acclame le groupe comme il se doit avant de se ruer sur le stand merchandising après un ultime rappel endiablé.  

La soirée a été belle et il est temps désormais de rejoindre l’hôtel en prévision d’un week-end qui s’annonce à la fois intense et ensoleillé ! 

Samedi 27 aout :

Le temps de profiter du repas avec les membres du jury et de saluer l’un après l’autre les différents responsables du festival et nous nous retrouvons déjà devant notre scène préférée pour y accueillir Touch Of Groove, une formation relativement récente mais composée de quelques vieux routiers de la scène blues hexagonale. Récemment accidentée, la chanteuse Letty M se présente béquille à la main et s’assoit dès la fin du premier morceau pour nous offrir un set forcément moins mobile, quand bien même derrière elle le groupe se démène comme un beau diable, porté par une section rythmique carrée et par une paire de solistes qui ne s’en laisse pas conter. Le soleil cogne comme un furieux et c’est protégé par un parasol que les claviers apportent un petit côté estival à un tableau très honorablement peint par un groupe qui n’a pas fini de faire parler de lui, c’est certain !

C’est maintenant une formation internationale venue de Pologne qui se présente à nous, avec des membres issus de différents pays et une chanteuse ukrainienne qui apporte sa voix chaleureuse à un blues plein de belles couleurs. Affichant des accents qui ne sont pas sans rappeler Etta James, Valentina confère au VW Project de belles touches de blues mais aussi de soul, superbement soutenue par un groupe qui là encore ne se prend pas les pieds dans le tapis. Si une chose est désormais certaine, c’est que le niveau de cette édition du tremplin des RDV de l’Erdre va une nouvelle fois être très relevé et confirmer qu’il est bel et bien devenu l’événement national de référence. Le public, compact et motivé, n’en finit plus de donner de la voix devant une scène où une sorte d’échange solennel s’est installé. Autant le dire directement, ces Polonais ont tout de suite réussi à imprimer leur marque de fabrique sur une scène qui en a pourtant vu passer d’autres au fil des ans …

Troisième concurrent de l’édition 2022, An Diaz & Yokatta Brothers est un quartet emmené par une chanteuse venue de Buenos Aires et solidement soutenu par une triplette de Ch’tis qui ne manque pas de références puisque l’on y reconnait forcément Manuslide aux guitares et Stéphane Bihan aux basses et contrebasses. Véritable trait d’union entre la chaleur humaine du Nord de l’hexagone et la moiteur des bayous néoorléanais, les Yokatta Brothers imprègnent les abords de l’Ile de Versailles d’un groove bien personnel qu’An Diaz pimente de son chant bien entendu, mais aussi de ses petites anecdotes pleines d’un mélange de finesse et de malice. Là encore le public se montre réactif et confirme que la présence d’une femme au chant est une caractéristique très appréciée dans un blues qui y gagne forcément en charme et en sensibilité. Et il faut bien reconnaitre qu’elle a eu de l’allure cette scène blues aujourd’hui avec pas moins de trois chanteuses, et non des moindres !

On s’accorde une pause diner entre amis avant de venir retrouver une pointure de la scène blues étasunienne, Monsieur Rick Estrin en personne, et accompagné de ses Nightcats s’il vous plait, avec l’incommensurable Kid Andersen aux guitares et les non moins formidables Lorenzo Farrell aux ivoires et D’Mar à la batterie. Souvent imités, jamais égalés, les quatre monstres sacrés ne font plus qu’un seul homme quand ils se retrouvent sur scène et ils vont s’attacher à nous le démontrer une fois encore en proposant un blues plaisir qui réchauffe le corps et le cœur. Ce groupe se fait du bien quand il joue mais s’attache à le partager avec le public et il le montre à chaque instant avec pour commencer un batteur qui n'en finit plus de faire le pitre, mais toujours en mesure, et qui affiche un sourire tellement radieux qu’il en devient contagieux. Les autres musiciens ne sont jamais en reste avec un frontman lui aussi tout sourire qui laisse une place de choix à chacun de ses acolytes pour donner au bout du compte un spectacle vif et consistant dont on ne se lasse jamais. Rien ne manque, que ce soit le feeling, le groove ou encore le talent, tant et si bien que l’on regrette forcément que cela doive s’arrêter à un moment mais qu’on se réjouit déjà en pensant que d’autres auront droit à une session de rattrapage demain après-midi à Sucé-sur-Erdre et bien évidemment le week-end prochain pour la seconde étape française de la tournée à Mécleuves Terre de Blues, non loin de Metz. Les veinards !

La journée nous a une fois encore apporté son lot de bonnes choses et c’est avec des images plein les yeux et des notes de musique plein les oreilles que nous regagnons l’hôtel pour recharger les batteries en attendant l’épilogue d’un tremplin qui n’a pas fini de nous offrir de belles choses … 

Dimanche 28 aout :

Le temps d’aller sacrifier à la dure tradition de la dégustation des huitres de Vendée et du Muscadet qui les accompagne avec élégance et nous nous retrouvons devant la scène blues pour une ultime journée de tremplin qui commence plutôt bien avec Johanna Red, une formation venue de l’Est da le France au sein de laquelle on reconnait Kid Colling à la guitare. Se produire entre la poire et le dessert, qui plus est un dimanche après-midi, n’est jamais chose facile, et c’est devant une assistance qui peine à véritablement démarrer que le quartet, qui présente la particularité de compter deux femmes puisque l’on y croise également une batteuse, aura la lourde tâche de se produire, et de façon plus qu’honorable en prime. Du blues, du rock et de la soul, rien ne manquait pour que la mayonnaise monte aujourd’hui, à part sans doute un timing plus avenant et un public un peu plus réceptif. Dommage …

Le public semble commencer à se réveiller un peu pour l’arrivée des Blues Maker qui vont venir nous revisiter le blues des pionniers à leur manière, c’est-à-dire en lui ajoutant une dose très judicieuse de modernisme sans pour autant le dénaturer. Prenez des fondations solidement ancrées sur l’héritage de Muddy Waters et ajoutez un grappe de Texas blues et une autre de relents très teintés Windy City, agitez le tout avec des zestes de Ben Harper et quelques pincées de rock et vous obtenez une musique à la fois originale et revigorante portée par une paire de guitares qui ne se laisse pas impressionner et subtilement réhaussée d’harmonica, ce qui n’est pas pour nous déplaire ! Notons également que The Blues Maker est la seule formation de l’édition 2022 qui ne soit pas pilotée par une chanteuse, ce qui sera pour une fois l’exception vocale de ce millésime, et vous obtenez une prestation qui n’aura pas démérité le moins du monde puisque le public a su se montrer réactif et très concerné par cet avant-dernier concurrent.

Le temps de laisser Sophie Malbec s’installer sur scène et on en arrive déjà au dernier des candidats de ce tremplin qui confirme que la qualité des groupes français est plus qu’honorable. Sophie Malbec n’est pas une débutante, tout le monde le sait, et elle ne va pas avoir beaucoup de mal à le prouver à une assistance qui apprécie non seulement son chant mais aussi son jeu de guitare très stylé. Toujours bien entourée, la blueswoman n’aura aucun mal à convaincre avec un set qui mélange habilement quelques grands classiques du blues mais aussi des compositions bien ficelées, dont certaines ont été coécrites avec Neal Black qui avait collaboré avec l’artiste lors de l’enregistrement de son premier album en 2017. La chaleur bien installée renforce encore un peu le côté moite de la musique de Sophie Malbec et c’est un public enfin réveillé qui finit de lui donner suffisamment de jus pour tirer son épingle du jeu et de gravir les dernières marches qui lui permettront d’atteindre le podium, confirmant ainsi son statut de valeur sure de la nouvelle scène française.

Le jury profitera des balances d’Ivy Ford pour délibérer et attribuer ses prix collectifs et individuels  et c’est très rapidement qu’il distribuera les récompenses avant la prestation de la Chicagoane accompagnée de son frenchy blues band dans lequel on reconnait des pointures comme Jean-Patrick Cosset aux ivoires, Abdel B.Bop à la contrebasse et le régional de l’étape, Denis Agenet à la batterie. Bien en place après pas mal de dates dans l’hexagone, le quartet se fait visiblement plaisir et chacun des musiciens y va de son petit délire personnel, conférant à l’ensemble un côté à la fois drôle et sympathique tout en restant très professionnel et artistiquement parfait. Guitariste et chanteuse envoûtante, Ivy Ford n’a pas besoin de se faire prier pour briller sur des standards qu’elle interprète à la perfection et si l’on est également séduit par ses propres compositions, c’est bien évidemment parce qu’elles se montrent parfaitement à la hauteur pour emmener le set vers un niveau de qualité qui mettra une dernière fois le feu à la scène blues !

Un dernier coup de blues de la part d’Ivy Ford avec « Sweet Home Chicago » et il sera temps de replier les amplis, non sans remercier les amis des RDV de l’Erdre, ceux de la technique et de la sécurité également, et bien évidemment ceux du jury qui, cette année, ont décidé de décerner la couronne à An Diaz & Yokatta Brothers et de choisir comme dauphines Sophie Malbec et VW Project. Touch Of Groove repartira pour sa part avec quelques prix spéciaux dans sa besace mais c’est incontestablement les six groupes participants qui seront les grands gagnants du tremplin 2022 puisqu’ils auront gagné l’opportunité de se produire sur une superbe scène et de se faire découvrir par un public et par des professionnels. Encore bravo à eux pour tant de générosité !

Fred Delforge – aout 2022