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Ecrit par Yann Charles  
lundi, 01 août 2022
 

MERZHIN

https://merzhin.bzh

Merzhin fait partie des groupes de rock incontournables dans le paysage français. Avec « Nomades », ils avaient opéré un tournant dans leur carrière. Avec « Marche et (C)rêve », ils confirment cette évolution avec ce qui est sûrement leur album le plus sombre. Une rencontre avec Pierre Le Bourdonnec nous permet d'en savoir plus.

On s'était rencontrés en 2018 pour « Nomades », un titre d'album qui ouvrait des horizons, avec « Marche et (C)rêve », les horizons semblent plutôt bouchés ?
Un peu. C'est Marche ou Crève ou Marche ou Rêve, c'est vraiment toi qui en fais l'interprétation que tu veux.

Vous avez joué sur le jeu de mot mais on est plus dans le "Rêve" ou le "Crève" ?
C'est vraiment en fonction de ton ressenti. C'était ce que l'on voulait, que les gens découvrent et fassent vraiment en fonction de ce qu'ils ressentent.

Où nous entraînez-vous avec ce nouvel opus ?
On va plus loin. On est dans un côté post rock avec des morceaux plus longs, peut-être plus atmosphériques. Une ouverture musicale par rapport à l'album précédent. Après, pour les thèmes abordés, ce sont quasiment les même que ceux que l'on traite depuis des années. On n'est pas très différents finalement de « Nomades » dans les thématiques. On parle toujours d'humanité.

Finalement les choses évoluent très lentement par rapport à ce que vous dénonciez dans « Nomades » ?
C'est vrai que parfois on a du mal à se réjouir de la situation. Même si on entretient l'espoir à travers toutes nos thématiques. Il n'y a pas que du sombre. Mais on est loin de se réjouir de ces changements d'époques et on reste très alertes sur tout ce qu'il se passe autour de nous. On n'a pas envie de se voiler la face, mais on n'a pas envie de se résigner non plus. C'est un peu l'idée et le concept de l'album.

Dans la présentation de cet album, on parle "d'album dystopique, noir, solaire, le plus puissant de votre carrière". Pourquoi ce terme de "dystopique" ?
Il y a forcément cette facette-là. Je vais citer  le morceau qui a donné le titre à cet album, « Marche et (C)rève », qui est directement inspiré d'une BD qui s'appelle « Snowpiercer » qui est de la dystopie pure.  C'est vraiment trouver un sens entre un fait quand on voit les rapports entre le climat et les situations sociales, on peut se demander vers où on va. Et si on choisit le bon chemin. C'est ça l'idée de cet album. Sans avoir la réponse.

Cet album est sorti peu après les élections. C'était voulu ?
En fait, on aurait bien voulu le sortir avant. L'année dernière même. Mais on a réfléchi et la situation ne nous permettait pas d'envisager sereinement une sortie. On ne savait pas encore comment aller évoluer la situation avec la Covid. Si on allait être confinés à vie. (Rires) C'était impossible pour nous de nous projeter. Sachant aussi que les tournées d'artistes ont été annulées pendant deux ans et également les reports des anciens concerts qui n'ont pas eu lieu. On était dans un moment où tout était bouché. En fait, on avait prévu de le sortir en plein week-end des élections en avril. Mais on l'a décalé pour le sortir après.

« Marche et (C)rêve" est votre huitième album, c'est le plus engagé et sans concession ?
Oui, c'est exactement ça. Je crois que les deux derniers albums sont de la même veine. C'est la suite de « Nomades », au moins dans les engagements et les combats. Même si on a plus ouvert ce dernier musicalement vers un post rock comme on le disait tout à l'heure. « Nomades » était plus dans un côté alternatif. Et surtout il avait été fait un peu dans l'urgence. Mais « Marche et (C)rêve » on a eu un peu plus de temps. C'est la première fois qu'on avait autant de temps pour préparer un album. Le confinement a eu ça de bon pour nous. Ça nous a permis de nous poser et prendre du temps pour composer et travailler les morceaux pour les emmener jusqu'au bout. Ce côté-là a été vraiment bénéfique. Même si les thèmes abordés sont quasiment les mêmes, mais on a pu aller encore plus loin.

C'est un album que je trouve particulièrement dense, intense même, c'est grâce ou à cause de la pandémie que vous avez pu le travailler plus profondément peut être que les albums précédents ?
C'est vrai que c'est la première fois qu'on peut prendre deux années pour composer. Les albums sont écrits généralement lors des tournées, en six mois, c'était notre rythme. Mais là, on s'est dit, quitte à être arrêtés, on va prendre notre temps et pousser à l'extrême chaque morceau. C'est pour ça que l'album s'en ressent. Il est plus dense, plus long. Et finalement c'est quelque chose qu'on aimerait pouvoir faire, ou refaire.

Ça allait être ma question : est-ce que dans le futur, cela pourrait être une nouvelle manière d'aborder vos albums ?
On pense que oui, car on a vraiment apprécié de travailler comme ça, plus sereinement, plus posé.

Votre son a évolué, sûrement dû à ce travail plus poussé. Mais les guitares me semblent plus agressives, plus rageuses sur certains titres. Mais il y a également des morceaux plus lents, plus empreints de sérénité même. Je pense à « Sphera », posé comme une sorte de césure ou de cassure dans cet album.
C'est ça. On s'est dit que comme cet album était plus dense, une partie musicale en plein milieu, ça ferait du bien. Et quand on l'a composée, on est parti dans cette idée de cassure, de break oui.

Et pendant le concert vous allez en profiter pour boire un coup ?
(Rires) Non, non. Le morceau ne sera pas présent dans la set list. Ou alors, ce sera peut-être la musique de fin de concert.

Vous conservez votre signature avec toujours la présence des instruments à vent ?
Ah oui. C'est ça la signature du groupe donc oui, c’est toujours très présent. On est un groupe de rock avec des instruments traditionnels et à vent. Bien évident on le garde. Même si les choses ont évolué, qu'il y a moins de mélodies bretonnes, mais la bombarde par exemple est utilisée comme guitare avec un son et une manière différente de l'appréhender et de la jouer. Mais les instruments sont toujours là, même s’il y a une évolution mélodique et sonore. Pour les guitares, c'est l'arrivée de notre nouveau guitariste, Baptiste, pour qui c'est le premier album avec nous, qui a apporté sa patte et ses influences. Et ça se ressent bien oui.

J'allais y venir justement. Que vous a-t-il apporté, en plus de son son ?
Il a beaucoup travaillé sur les compos. Et il a aussi réalisé l'album. C'est le petit jeune qui nous pousse. C'est la nouvelle génération et ça nous fait du bien.

Vous aviez besoin d'un petit coup de pied au cul ?
Totalement. Et c'est vrai qu'il nous a ouvert des portes. Car lui, il a d'autres références que nous, qu'il nous a fait découvrir. Il nous a fait découvrir des machines qu'on n'utilisait pas forcément. Il est de cette nouvelle génération qui travaille avec tous ces nouveaux matériaux et il voulait pousser à l'extrême tous les morceaux, et il nous a obligé à être meilleur.

Pourquoi ce choix du Studio ICP à Bruxelles, et surtout avec Drew Bang pour travailler sur cet album, vous aviez besoin d'une nouvelle oreille et d'une production plus massive ?
A la base, on devait retourner au Black Box. Mais quand Mehdi du label Verycords a entendu les morceaux, il nous a dit que ça méritait un plus grand studio pour pouvoir avoir une palette de sons plus conséquente. Et comme il travaille régulièrement avec ICP, les choses ont pu se faire. Surtout ils ont beaucoup de matériel. Le studio a écouté les maquettes, et le label a demandé quel ingénieur du son serait bien pour travailler à partir de ces maquettes. Et c'est le studio qui a proposé Drew … ça s'est fait comme ça. On ne se connaissait pas.

Et le courant est passé tout de suite ?
Ah oui, ça a matché direct. Il a bien accroché sur les morceaux, et on s'est très vite compris. Il n'y a pas eu de période pour apprendre à travailler ensemble. Ça s'est vraiment très bien passé.

Est-ce votre album le plus sombre ?
Oui je pense. On parlait de ça juste avant. Comme on se base encore sur ce qu'il se passe actuellement, cet album est vraiment noir. Mais ce n'est pas que ça.

Oui, il y a quand même des chansons plus optimistes.
Oui, heureusement. Mais dans l'ensemble, c'est notre album le plus noir.

J'ai l'impression que cet album a été pensé pour la scène. Je veux dire peut-être encore plus que les précédents ?
Oui oui. A la base on voulait que tous les morceaux sonnent en live. Donc on l'a travaillé live. Au contraire de « Nomades ». Mais pour celui-là, on voulait absolument pouvoir tout jouer sur scène. Bon, on ne jouera pas tout l'album car on fera aussi d'autres morceaux, mais on va quand même en jouer huit ou neuf.

Avec toute votre discographie plus « Nomades » que vous avez pu quand même un peu présenter sur scène avant la pandémie, ce n'est pas évident de faire une set list ?
Ce sera effectivement un brassage des deux derniers albums. Avec quelques autres morceaux des albums passés.

Vous avez quand même des incontournables ?
Non, pas vraiment. C'est un choix. Depuis une ou deux tournées on a décidé de ne plus jouer les anciens morceaux pour pouvoir quand même rester cohérent avec ce que l'on fait maintenant. Avant, c'était plus festif. Désormais, nos textes sont plus engagés, notre musique aussi est différente, donc il faut qu'on reste cohérent avec l'évolution qu'on a donnée au groupe. Même sur scène. Et on a pris le pari de ne jouer que les derniers albums.

On parle d'un tournant dans votre carrière. Pour moi, « Nomades » était déjà un tournant.
Oui. C'est pour ça que c'est la suite logique de « Nomades ». C'est vrai que « Nomades » a marqué une fin d'époque et un renouveau, ou plutôt une évolution du groupe. Et on l'a bien senti sur les retours que l'on a eu, que ce soit sur les albums et aussi sur les live. On a des nouveaux fans qui sont arrivés et qui nous suivent maintenant.

Vous en avez perdu des anciens ?
Oui, sûrement. C'est un pari. On a pris cette décision-là en sachant qu'on allait gagner des fans. Après, les anciens ont pour la majorité suivi cette évolution et sont toujours là. Après, d'autres qui nous suivaient sur les premiers albums ne se retrouvent plus sur les nouveaux, on le voit, et on peut comprendre. On a eu des messages de gens qui nous disaient qu'ils nous préféraient avant. D'autres de gens qui disent que c'est une révélation et qu'ils ne nous connaissaient pas. Je pense que ça doit être pareil pour pas mal de groupes qui évoluent musicalement. Leur public évolue aussi.

On t'a retrouvé sur le très bon album de Darcy, « Machines de Guerre », la relève semble bien assurée avec les  nouveaux groupes du rock engagé français ?
C'est vrai qu'on a un retour au punk, et un punk énergique. Et c'est vrai qu’eux, sur scène, dégagent une énergie qui est incroyable. Et en plus ce sont des gens vraiment cool. On s'est rencontrés sur une date dans le Massif Central je crois, et le courant est passé tout de suite. Et ils m'ont appelé, pendant le confinement, au moment où ils enregistraient leur album. Et j'ai brisé le confinement pour aller à Rennes enregistrer avec eux. La scène française est bien vivante malgré ce que j'entends partout disant que le rock est mort. Mais on a une belle scène, qui s'est renouvelée, et c'est tant mieux. Ça fait plaisir de voir ce genre de groupe qui sur scène envoient bien.

Ça doit faire bizarre quand ces nouveaux groupes disent que vous les avez inspirés. Vous vous sentez comme des pionniers ?
Oui c'est vrai. On a l'impression d'être des vieux. C'est sûr que ça fait plaisir. Mais en même temps, ça nous oblige aussi à nous renouveler, à nous remettre en question et surtout à envoyer du steak sur scène. Quand on voit tous ces groupes, comme ils envoient, il faut aussi être à la hauteur. C'est un bon boost pour nous. C'est une bonne synergie également entre tous les groupes.

On a des questions rituelles pour terminer nos interviews : la dernière fois pour définir le groupe en deux ou trois mots, vous m'aviez dit, dans le désordre, Rock Breton qui bombarde ! Amitié, passion … Transpiration. Quatre ans après, c'est toujours pareil ou bien y a-t-il un nouveau mot qui pourrait vous définir ?
Confinement. (Rires) Renouveau je dirais. Avec l'arrivée de Baptiste, notre guitariste, qui n'était pas encore là pour « Nomades ». En fait il est arrivé sur la tournée « Nomades ». Renaissance aussi. Échauffement. (Rires) Maintenant il faut un peu s'échauffer avant de monter sur une scène. (Rires)

Et pour terminer, quel est le dernier morceau, ou le dernier album que vous avez écouté ?
Le dernier album de Idles. C'est énorme. J'adore ce groupe. Ah non, le tout dernier est celui de Jack White. C'est lui que j'ai écouté en dernier.

Merci pour cette interview.
Merci beaucoup.

Propos recueillis par Yann Charles