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PINETOP PERKINS BLUES FOUNDATION WORKSHOP à CLARKSDALE (USA) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 26 juin 2022
 

pinetop 22 PINETOP PERKINS BLUES FOUNDATION WORKSHOP
SHACK UP INN – CLARKSDALE (MISSISSIPPI)
Du 17 au 26 juin 2022

https://pinetopperkinsfoundation.org/workshop

Avoir la chance et le privilège d’accompagner deux jeunes musiciens au Pinetop Perkins Foundation Workshop à Clarksdale est quelque chose qui ne se refuse pas puisque c’est la garantie de passer quelques jours en très bonne compagnie, d’autant que le niveau du stage est particulièrement relevé et que la présence des musiciens chargés de prodiguer les cours est loin d’être insignifiante … Mais nous reparlerons de tout cela plus loin puisqu’en attendant le jour de la rencontre entre tous les stagiaires, nous allons nous acclimater en allant faire un tour dans la région avec à quelques surprises au programme …

Vendredi 17 juin :

Après un long vol parsemé d’escales, nous nous retrouvons enfin à Memphis avec des retrouvailles prévues au Blues City Café pour un premier diner tous ensemble … On y retrouve Valentin et ses parents, arrivés deux jours plus tôt, et c’est l’occasion pour Matéo de faire connaissance avec tout le monde. Et quand un guitariste de 15 ans rencontre un bassiste de 21 ans, il est forcément question de musique, d’autant que l’un et l’autre ont une culture musicale large et variée et que cela semble avoir fonctionné très vite entre eux. Aucun doute sur le fait que les jams à venir vont être mémorables.

Après un repas copieux et très agréable, nous irons nous remettre de nos plus de vingt heures de voyage et des sept heures de décalage en regagnant l’hôtel … Passer dans la même journée par Amsterdam et Detroit pour rejoindre Memphis laisse forcément un peu de fatigue sur les organismes !

Samedi 18 juin :

C’est aux aurores que nous nous réveillons et nous allons pleinement profiter de la journée en allant faire quelques visites qui ne sont pas dénuées d’intérêt, à commencer par un passage par un bref passage par West Memphis en Arkansas qui nous permettra d’avoir une vue globale sur la ville au retour en enjambant le Mississippi par le pont grandiose qui relie les deux villes. Un passage devant Clayborn Temple, toujours en travaux, et par I Am A Man Plazza, et il ne nous reste plus qu’à aller prendre une véritable leçon d’humanité en allant visiter le Civil Rights Museum où l’on évoquera forcément les droits civiques mais aussi l’assassinat de Martin Luther King et les différents mouvement sociaux qui ont marqué l’histoire de l’Amérique. Impossible de ne pas passer par la Blues Foundation à la sortie puisque le Blues Hall Of Fame nous y tend les bras et que les deux jeunes apprécieront autant que nous ce lieu magique, récemment complété par de nouvelles additions avec notamment un costume de scène offert par Bobby Rush. Et pour finir d’exploiter le quartier, c’est par Central BBQ que nous finirons la matinée autour de quelques ribs dont ce restaurant très apprécié est un véritable spécialiste !

Les agapes terminées, nous irons faire un tour du côté de Soulsville pour y présenter ce quartier chargé d’histoire à nos deux jeunes. Valentin et ses parents ont visité Stax hier en nous attendant mais il nous reste à leur montrer des endroits marquants comme le Four Ways, premier restaurant où les Noirs et les Blancs se sont assis à la même table il y a bien longtemps, lorsque Martin Luther King fréquentait les lieux … Et puis bien entendu la maison natale d’Aretha Franklin ou encore la façade de Royal Studios où une session est visiblement en cours et où nous n’entrerons malheureusement pas. Il sera temps ensuite de regagner Union Street pour que nos jeunes gens puissent aller visiter Sun Studio, encore un lieu mythique qui leur laissera des souvenirs inoubliables. Une journée bien chargé donc, à la fin de laquelle nous irons prendre un verre chez Wiseacre, la brasserie locale à la mode qui propose nombre de bières pour les adultes mais aussi des softs pour les plus jeunes. Et comme une bonne soirée à Memphis se termine forcément par de la musique, c’est vers Railgarten que nous filerons pour assister au concert de Cedric Burnside (voir live report ici), l’occasion d’y rencontrer une bonne partie de sa famille mais aussi quelques bons amis comme Boo Mitchell que nous n’avions pas vu depuis notre visite en décembre dernier !     

La journée a été particulièrement longue et nous ne nous faisons pas prier pour rejoindre notre hôtel pour profiter du sommeil du juste car la journée de demain risque fort d’être chargée en émotions ! 

Dimanche 19 juin :

On se retrouve de bonne heure ce matin pour nous rendre dans les faubourg de Memphis où nous allons assister à une messe dans une église baptiste où nous sommes bien connus, ce qui permet d’être accueillis avec plaisir par les pasteurs et par les fidèles et de partager avec eux deux grandes heures durant laquelle la musique et les sermons se succèderont jusqu’à ce que, comme c’est souvent le cas à la Peace Baptist Church, nos deux jeunes soient invités à rejoindre le groupe et la chorale pour un « Oh Happy Day » qui sera interprété en compagnie de la Maman de Valentin, qui est chanteuse d’opéra. Un grand moment très apprécié par une assistance qui viendra saluer toute la délégation française à la sortie de la messe. Il sera temps ensuite de rejoindre le centre-ville où nous irons nous poser un long moment dans un monument de la soul food, Gus Fried Chicken, un endroit typique tellement couru et tellement prisé  qu’il a réussi à se transporter dans d’autres lieux en ville bien entendu, mais aussi dans tout le pays qui compte désormais une trentaine de restaurants. La cuisine a pour sa part réussi à conserver son authenticité et c’est bien là le principal !

Nous irons ensuite faire un tour dans Elmwood Cemetery pour y faire découvrir à nos visiteurs la multitude et la diversité de tombes que compte cet endroit atypique qui, depuis 1852, abrite les sépultures des nobles et des nantis mais aussi de quelques esclaves, de soldats confédérés et plus largement de toute un population bigarrée qui, selon la communauté dont elle est issue, choisit sa dernière demeure parmi les siens. Il n’y a rien de glauque ou de macabre dans cette visite qui se fait en voiture et potentiellement avec un audioguide, mais c’est plutôt un enseignement sur les us et coutumes d’un pays qui, quoi qu’on en dise, est quand même assez singulier, différent du nôtre et intéressant. Nous nous accorderons ensuite une longue pause bien méritée avant de rejoindre le B.B. King’s Blues Club pour le diner bien sûr, mais aussi pour le concert du soir donné par le house band qui aujourd’hui accède aux demandes de la clientèle et lui interprète, contre quelques billets verts, les titres qu’elle demande. Nous aurons donc droit à notre lot de « Mustang Sally », « I’d Rather Go Blind », « I Will Survive », « Tennessee Whisky » et nombre d’autres encore avant que nos jeunes musiciens ne soient invités à monter sur scène pour nous offrir un « Born Under A Bad Sign » très bien accueilli par l’assistance. Félicités et remerciés par les gens sur Beale Street à leur sortie du club, Matéo et Valentin auront pu aujourd’hui avoir un avant-gout de ce qui les attend dans les jours à venir !

Il sera temps ensuite de rejoindre nos hôtels car la journée de demain promet d’être riche en découvertes puisqu’elle nous conduira jusqu’à Jackson, Mississippi, avec au programme quelques visites à thèmes …

Lundi 20 juin :

Nous allons aujourd’hui proposer une journée un peu particulière à nous deux jeunes en les emmenant essentiellement sur les traces de deux artistes qui ont marqué l’histoire de cette musique qu’est le blues, Mississippi John Hurt et Robert Johnson. C’est vers Avalon que nous allons nous diriger pour commencer, avec en cours de route une halte à Como, petite bourgade bien agréable où l’on trouve trois markers de la Mississippi Blues Trail posés en enfilade sur la rue principale et rendant hommage à Mississippi Fred McDowell, Otha Turner et Napolian Strickland. Célèbre pour ses joueurs de fife and drums, Como reste le fief de la jeune génération avec en particulier Sharde Thomas qui y œuvre avec beaucoup d’ardeur et de talent et c’est toujours un plaisir de se poser un instant, voire un peu plus longtemps, dans ce village à la fois très chaleureux et chargé d’histoire.

On file donc maintenant vers Avalon et si l’Interstate 55 qui nous y conduit ne présente pas trop d’intérêt, même si l’on passe à proximité de Grenada avec les souvenirs de Magic Slim et de Magic Sam, elle nous conduit vers celui qui nous intéresse ce matin, Mississippi John Hurt, figure majeure du revival folk blues des années 60. On trouve pour commencer un premier marker au bord de la route qui signale Avalon Road, petite route de campagne que l’on emprunte et qui nous conduit jusqu’à l’épicerie qui a un temps abrité le musée dédié à l’artiste. Délabrée et quasiment à l’abandon, la bâtisse sert aujourd’hui de stockage de matériaux à des habitants des environs et on remarque qu’il y a eu récemment un peu de ménage autour puisque le piano brulé qui s’y trouvait il y a six mois encore a disparu. On y remarque également un panneau indiquant que l’endroit est à vendre … Nous filerons ensuite dans les collines sur une route de terre qui nous conduira jusqu’à un cimetière constitué de quelques tombes disposées de manière aléatoire au milieu des bois, le St James Cemetery, où se trouve la sépulture de l’artiste. Compliqué d’accès et difficile à trouver tant l’endroit est minuscule, il faut s’armer de patience et ne pas hésiter à braver les interdictions de traverser les propriétés pour atteindre cette tombe peu visitée.

On change maintenant de figure de proue du blues pour s’intéresser à Robert Johnson, bien plus connu du grand public, et s’attacher à montrer ses trois tombes à Matéo et à Valentin, mais avant d’atteindre la première, nous ne manquerons quand même pas de faire un arrêt auprès de Bryant Grocery à Money, lieu tragique qui a signé l’arrêt de mort d’Emmett Till, jeune garçon de 14 ans sauvagement assassiné par des monstres pour avoir osé regarder la femme de l’épicier en lui souriant. Ce point important de l’histoire des droits civiques ayant été souligné, nous allons donc rendre visite à Robert Johnson sur sa tombe officielle de Money Road à Greenwood, puis sur celles de Morgan City et de Quito qui ont longtemps été honorées par les amateurs de blues mais aussi par le label Columbia Records qui a d’ailleurs fait installer un monument commémoratif à côté de la Mount Zion Baptist Church, le seul endroit où aucune véritable sépulture au nom du King Of The Delta Blues n’est présente.
 
Et comme après avoir rendu visite aux défunts il faut bien s’intéresser aux vivants, c’est en nous dirigeant vers Jackson que nous ferons une halte à Bentonia et au Blue Front Café où nous saluerons Jimmy Duck Holmes, visiblement exténué après le festival qui s’est déroulé chez lui le week-end dernier. Assis sur sa chaise, la cigarette à la bouche, cette légende du Bentonia Blues, un style tendu célèbre par Skip James, accordera quand même approximativement une guitare avant de la donner à Valentin et de le laisser jouer un moment dans le juke joint. Il sera alors temps de filer vers le Hal & Mal’s qui accueille ce soir son fameux Blue Monday, la jam hebdomadaire de la Central Mississippi Blues Society à laquelle Peggy Brown a très gentiment convié Matéo et Valentin qui feront ce soir forte impression en jouant deux titres avec le house band. Peggy aura un mot intéressant à ce sujet, soulignant que la magie du Mississippi a une fois encore fait ses preuve et que les deux jeunes gens qui ne se connaissent que depuis trois jours ont réussi ce soir à trouver leurs marques, celles qui feront d’eux des bluesmen d’un jour … ou de toujours ! 

Après avoir assisté à la jam jusqu’à son terme à 23 heures, il ne nous restera plus qu’à saluer tous les brillants musiciens qui ont magistralement animé la soirée et à rejoindre notre hôtel voisin pour récupérer d’une journée qui a été longue en termes de route et riche au niveau de la musique et des émotions !

Mardi 21 juin :

On s’offre ce matin un très rapide saut dans le centre historique de Jackson avec un passage par Farish Street et par le Queen Of Hearts pour montrer à nos jeunes musiciens le peu qu’il reste de la grandeur de cette capitale qui a été marquée par le blues mais aussi par les droits civiques puis on file directement vers Indianola, non sans marquer une halte à Belzoni près de lieu de naissance de Pinetop Perkins, qui sera à l’honneur pour nous tous à partir de ce soir. La visite du B.B. King Museum est comme toujours passionnante, d’autant plus que la récente addition d’un bâtiment lui donne l’opportunité d’accueillir encore plus de documents et de souvenirs de cette légende du blues, avec entre autres deux de ses voitures et son tour bus. Les bornes interactives ont-elles aussi été renouvelées et c’est une véritable plongée au cœur de la musique de l’artiste mais aussi des conditions de vie dans le Delta aux 20ème et 21ème siècles que ce superbe musée nous offre. La découverte de la tombe de B.B. King à la sortie des expositions est elle aussi un grand moment fort en émotions, d’autant que sa musique résonne encore dans toutes les têtes.

On déjeune en ville dans un superbe restaurant, The Crown, et on quitte ensuite Indianola pour rejoindre Dockery Farms, un lieu lui aussi très imprégné de l’histoire du blues puisqu’il pourrait bien être celui où cette musique a vu le jour. Le visiteur y découvre les anciens bâtiments avec en particulier l’usine de traitement du coton et les différents endroits de stockage, mais c’est le site dans son ensemble qui impressionne, d’autant plus qu’il est envahi par la musique de Charley Patton que quelques hauts parleurs savamment disposés distillent pour le chaland. Valentin et Matéo y découvriront une fois encore quelques aspects forts de l’histoire du blues et des conditions de vie à l’époque des sharecroppers mais on sent bien que leur attention est surtout attirée vers Clarksdale où ils vont découvrir ce soir le lieu de leur stage. On rejoindra donc très vite la ville avec quand même un passage par Merigold et le Po’ Monkey’s, véritable juke joint historique aujourd’hui à l’abandon, et un rapide détour par le centre de cette Mecque du blues pour que chacun puisse commencer à prendre en compte le nombre de lieux importants dont elle regorge.

Il sera temps ensuite de prendre nos quartiers pour quatre jours au Shack Up Inn et de retrouver l’équipe qui va animer le stage mais aussi de rencontrer les premiers participants à ce workshop qui s’annonce grandiose. Matéo et Valentin ouvrent grand les yeux en découvrant les lieux et en particulier leurs shacks, les cabanes à la décoration vintage dans lesquelles ils vont dormir ces prochaines nuits, et c’est après avoir fait succinctement la connaissance de ceux qui seront leurs professeurs ces prochains jours et profité du BBQ proposé par Pinetop Perkins Foundation qu’ils attendront leur tour pour la jam du soir. Commencée par les professeurs qui forment un band de luxe où l’on compte entre autres Lisa Biales, Bob Margolin, Bob Stroger, Billy Branch, Victor Wainwright, Johnny Burgin et Lee Williams, cette première jam session de l’édition 2022 du Workshop verra se succéder les différents stagiaires par petits groupes homogènes, nos deux Français faisant forte impression dans le second groupe avec Matéo qui aura droit comme tout le monde à son solo de basse. Le courant passe parfaitement entre tous les jeunes et c’est une seconde fois qu’ils se retrouveront sur la scène du Hopson Commissary pour le final. Quelle première soirée !

C’est la tête pleines d’images et de notes que nous nous retrouverons autour du piano du Gunny Shack pour débriefer à la suite de cette première expérience et c’est rapidement vers un peu de sommeil que nos jeunes partiront, certains d’ores et déjà que cette aventure musicale sera un grand moment pour tout le monde !

Mercredi 22 juin :

Après un petit déjeuner dans le centre de Clarksdale, nous accompagnons nos jeunes musiciens vers ce qui sera le théâtre de leurs cours pour les prochains jours. Matéo s’installe dans la salle à la décoration chargée du Shack Up Inn et fait face à ses trois professeurs, Terrence Grayson, Heather Crosse et le légendaire Bob Stroger qui, à presque 92 ans, a joué avec le gratin de la scène blues mondiale, de Jimmy Rogers à Eddie Taylor en passant par Louisiana Red, Mississippi Heat et bien entendu Pinetop Perkins. Valentin pose pour sa part ses guitares dans le Hopson Commissary et se mélange aux autres guitaristes pour recevoir les conseils et bons tuyaux de Johnny Burgin, discrètement assisté d’une autre légende du blues, le Steady Rollin’ Bob Margolin qui a, entre autres, été le sideman de Muddy Waters. Pendant cette première session de cours de plus de deux heures, les deux élèves invités à la suite d’un échange entre Pinetop Perkins Foundation, l’European Blues Union et France Blues auront tout le loisir d’appréhender une autre manière de concevoir le blues mais aussi de recevoir des conseils personnalisés pour parfaire leur propre style. Dehors, le thermomètre affiche 100°F (38°C) et personne ne se fera prier pour être à l’heure afin que les différentes photos de groupes soient prises en un temps record !

Le lunch aux accents mexicains terminé, tous les élèves regagneront leur lieu de formation pour deux heures de plus, un temps précieux que nous mettrons à profit pour aller découvrir Tutwiler, les fresques de sa gare et la tombe d’Aleck Rice Miller, plus connu sous le nom de Sonny Boy Williamson II. Il ne restera plus ensuite qu’à aller tous ensemble découvrir le Delta Blues Museum et sa riche collection dans laquelle on remarque par exemple le fauteuil du Wade’s Barber Shop, ou encore les restes de la maison de Muddy Waters, emportée par une tornade et reconstruite à l’intérieur du musée, non sans que Billy Gibbons en ait prélevé une planche pour se faire une guitare. Un rapide tour dans Clarksdale et un diner au Abe’s Bar-B-Q pour faire découvrir à nos amis ce temple de la soul food situé juste à côté du fameux Crossroads et nous n’aurons plus qu’à aller nous préparer pour la jam du soir.

En seulement une journée de cours, les jeunes musiciens ont commencé à prendre leurs repères et à se rassembler autour de groupes de travail assez équilibrés et ça se ressent sur la qualité de la jam qui est plus homogène ce soir. On retrouvera à l’occasion les permanents et certains des professeurs sur scène, et c’est dans une ambiance bon enfant que cette seconde soirée de musique au Hopson Commissary se déroulera, avec certes certaines individualités qui cherchent à se mettre clairement en avant, mais aussi avec nombre de musiciens qui ont compris que le fait de jouer est un partage que les artistes ont entre eux avant de l’offrir à leur public. A ce petit jeu, les Frenchy ne font pas mauvaise figure et on remarque que nombre de leurs compagnons de stage viennent les voir pour leur demander de jouer avec eux, un signe encourageant pour la suite puisque les différents line up et le déroulé de la soirée finale de vendredi au Ground Zero Blues Club vont rapidement commencer à se dessiner.  

C’est très vite devenu une tradition, c’est tous ensemble que nous aurons ensuite notre debriefing du soir autour du piano du Gunny Shack avant de s’accorder un peu de temps pour récupérer d’une journée encore bien chargée !

Jeudi 23 juin :

On retrouve ce matin le charme cozy du Yazoo Pass pour offrir un vrai petit déjeuner à nos deux stagiaires qui vont bien en avoir besoin car la journée promet encore d’être intense. Cinq heures d’enseignement et de pratique en commun sont en effet au programme, avec pour les bassistes une rencontre avec les batteurs durant l’après-midi pour travailler de concert les structures rythmiques qui permettront à leurs amis guitaristes de poser leurs jolis riffs et leur élégants solos dessus. Dans la Rich House, Billy Branch fait travailler ses élèves pour qu’ils préparent une surprise pour la jam du soir et la matinée file bon train jusqu’à ce que tout le monde ses retrouve dans le Commissary pour le lunch autour d’une assiette de pâtes à la sauce Alfredo et d’une salade verte, un véritable plaisir pour nos organismes quelque peu en mal de verdure depuis quelques jours.

Durant l’après-midi, nous laisserons les jeunes profiter pleinement de leur stage et nous nous offrirons une escapade jusqu’à Glendora où se trouve le musée dédié tout particulièrement à Emmett Till mais aussi aux droits civiques. ETHIC, l’acronyme d’Emmett Till Historic Intrepid Center, regorge de panneaux explicatifs sur les conditions de vie des populations noires dans la région, depuis l’esclavage jusqu’à nos jours, et c’est en compagnie d’une arrière petite nièce de Sonny Boy Williamson II que nous en faisons la visite. Fort sympathique, elle échange copieusement avec nous et continue de s’émouvoir de l’histoire de ce jeune gamin de 14 ans lâchement assassiné, s’arrêtant un long moment devant la reconstitution de son cercueil ouvert où l’on découvre son visage atrocement mutilé, sa mère ayant souhaité que le monde entier puisse voir à quel point la folie des hommes était destructrice. Après avoir quitté ce superbe musée, nous parcourrons les quelques centaines de mètres qui nous sépare de Black Bayou, où le corps de l’adolescent a été retrouvé flottant dans le Tallahatchie River, à proximité d’un pont aujourd’hui envahi par les ronces et totalement inutilisé.

Il est temps désormais de remonter vers le Shack Up Inn où nous retrouverons Valentin assis aux côtés de Bob Margolin pour un échange particulier durant lequel, sous l’œil de la caméra d’Audrey, la vidéaste du Pinetop Perkins Foundation Workshop, les deux guitaristes jouent et échangent librement sur le blues. Un grand moment pour notre jeune ami qui va pouvoir encore recevoir quelques bons tuyaux qu’il pourra réutiliser plus tard pendant la jam mais aussi tout au long de sa vie de musicien que Bob Margolin prédit comme étant longue et fructueuse. Pendant ce temps, la plupart des stagiaires assiste à la projection du film « Sidemen – Long Road To Glory » en attendant le diner du soir, un jambalaya offert par un des board members de la fondation. De quoi reprendre des forces en attendant la jam du soir qui va quelque peu tarder à démarrer car aujourd’hui nous avons droit à des invités.

C’est donc avec une trentaine de minutes de retard que la jam du soir va démarrer, avec pour commencer quelques titres où Kingfish prendra le lead avec à ses côtés rien de moins que Bob Margolin, Bob Stroger, Billy Branch, Victor Wainwright et Ian Harper. Un très bon lancement donc puisque Billy Davis s’installera ensuite au chant pour quelques morceaux avant que les jeunes démarrent enfin leurs prestations. Billy Branch en profitera pour nous dévoiler enfin sa surprise avec tous les harmonicistes réunis pour un « Stormy Monday » plein d’humour, de théâtralité et d’harmonies vocales. Les groupes se sont formés de manière plus ou moins définitive et nos deux Frenchy ont fait le choix de la mixité avec à leurs côtés trois charmantes demoiselles, deux à la guitare et une à la batterie, mais aussi ce soir un harmoniciste et Ben Levin au piano. Trois morceaux interprétés en commun, dont un avec Valentin au chant, le tout sous le regard attentif de Kingfish mais aussi de Fernando Jones, qui avait déjà eu le jeune guitariste français parmi ses élèves lors de son stage, le Fernando Jones Blues Camp, qui avait eu lieu en ligne en 2020.

Minuit a sonné que nous nous retrouvons pour un rapide compte-rendu de la journée. Les regards sont fatigués mais il y a dans les yeux de Matéo et Valentin cette petite étincelle qui en dit long sur leur plaisir d’être ici. Demain sera un grand jour, mais d’ici là la nuit va être courte …       

Vendredi 24 juin :

C’est parti pour la dernière journée de stage qui va se révéler assez chargée puisqu’après la matinée de travail et le dernier repas pris en commun dans le Commissary, les stagiaires, répartis en différents groupes, vont commencer à mettre en place leur prestation du soir … Les line up sont établis, les morceaux choisis, et chacun n’a plus qu’à les travailler de son côté bien entendu, mais aussi avec ses compagnons du jour puisque des répétitions s’organisent de part et d’autre d’un Shack Up Inn qui résonne de toute part. L’ambiance est donc assez sérieuse, et même si les jeunes semblent un peu tendus, ils n’en restent pas moins rieurs et plaisantent ensemble. Cette édition a réussi à créer des liens entre les participants mais aussi avec les professeurs et les échanges de contacts vont bon train. Pendant ce temps, nous nous échappons pour faire quelques emplettes chez Cat Head, la librairie musicale blues de référence à Clarksdale mais aussi dans tous les États Unis. C’est toujours un plaisir de retrouver Roger Stolle avec qui nous aurons encore un long moment d’échange aujourd’hui !

Nous arriverons finalement au Ground Zero Blues Club sur les coups de 17 heures pour être certains de trouver une bonne place dans la salle et pour permettre aux jeunes de trouver leurs marques avant le début du show deux heures plus tard. Chacun des participants a revêtu ses habits de lumière et semble prêt pour une grosse soirée qui va commencer en fanfare avec les professeurs réunis sur scène pour quelques titres qui nous permettront de profiter du talent de Lisa Biales, Bob Margolin, Bob Stroger, Victor Wainwright et de tous les autres. Puis les premiers groupes viendront et il faudra attendre encore un moment avant de voir nous petits protégés arriver pour deux fois quatre titres chacun. Après une première prestation où il prendra brillamment la guitare et la cigar box aux côtés de Bob Margolin, Valentin rejoindra le groupe où il retrouvera Matéo à la basse et les deux jeunes guitaristes et chanteuses parmi lesquelles Alyssa Galvan qui nous offrira une magnifique version du « Voodoo Woman » de Koko Taylor.

Matéo se produira une fois de plus en compagnie de tous les bassistes réunis autour de Bob Stroger et la soirée continuera le laisser les bons temps rouler pour une assistance au sein de laquelle on remarque entre autres Deak Harp ou encore Watermelon Slim. Minuit vient de sonner et le Pinetop Perkins Workshop devrait normalement s’achever, c’est sans compter sur la présence de Kingfish qui viendra s’installer sur scène pour deux titres en compagnie de quelques stagiaires plutôt chanceux parmi lesquels un Valentin rayonnant de plaisir qui ne manquera pas de venir s’installer à ses côtés pour l’ultime morceau de la soirée. Il retrouvera Kingfish à Cahors dans une grosse quinzaine de jours et il y a fort à parier que les deux guitaristes se reverront là-bas ! Il est désormais temps de saluer les participants, les professeurs et les organisateurs qui ont réalisé un travail formidable pour que ce Workshop revive de fort belle manière après deux années d’annulation pour cause de pandémie. Rendez-vous est d’ores et déjà pris pour une prochaine édition qui devrait se dérouler du 13 au 16 juin 2023 ! A vos tablettes …

Le traditionnel débriefing se fera une dernière fois dans le Gunny Shack et si les yeux de nos jeunes musiciens pétillent de bonheur, on les sent quand même un peu tristes de quitter le Shack Up Inn et leurs nouveaux amis demain matin. Il restera quand même à Matéo et Valentin une dernière journée pour découvrir la région ensemble et ils ne se priveront pas d’en profiter !               

Samedi 25 juin :

C’est le jour du retour vers Memphis pour la fin de cette expérience et c’est le cœur gros mais la tête pleine d’images et de sons que nous allons rendre les clefs du Shack Up Inn, croisant à l’occasion quelques derniers stagiaires qui eux aussi vont repartir vers d’autres aventures. Pour notre part, nous choisirons d’emprunter le chemin des écoliers en allant voir « le véritable crossroads », pas celui matérialisé par les guitares mais celui situé un peu plus loin, sur la route de Tutwiler, puis en suivant la Old US 1 pour monter tranquillement vers Helena, Arkansas, la ville du King Biscuit Blues Festival qui affiche de plus en plus de faux airs de ville fantôme. Le tour en ville sera comme toujours assez bref avec toutefois, en plus de la découverte des multiples fresques murales, un passage par le River Park qui offre une vue agréable sur le Mississippi. Il sera temps ensuite de rejoindre la fameuse Route 61, la Blues Highway, pour monter jusqu’au non moins fameux Hollywood Café à Tunica où nous dégusterons une superbe soul food avec entre autres la spécialité de ce club/restaurant, les pickles frits. L’équipe de l’établissement est charmante et le repas est d’autant plus agréable que Tobias qui s’occupe de notre table ne se prive jamais d’une plaisanterie, d’un mot sympathique, ce qui fera de ce repas un très bon moment fort apprécié.

Difficile de ne pas s’arrêter ensuite à la Gateway To The Blues, qui marque habituellement l’entrée des visiteurs dans le Delta mais qui cette fois s’avèrera être le lieu de notre sortie de ce territoire à la culture musicale très riche. On y retrouve là encore une équipe agréable, il faut dire que trois visites en sept mois réussissent à tisser quelques liens, et on profite de cet arrêt pour visiter le musée qui est lié au visitors center. Regorgeant d’instruments mais aussi de documents et de panneaux explicatifs, le lieu est sans doute un des endroits les plus simples et les plus complets pour découvrir aisément les choses du blues, le néophyte y découvrant les bases de manière solide tandis que le visiteur plus expérimenté y trouve un parfait complément d’informations. La visite terminée, nous poursuivrons vers le berceau du blues où nous nous installerons pour une dernière nuit, non sans avoir salué notre ami Jay Sieleman, ancien CEO de la Blues Foundation à qui l’on doit l’instauration et la réalisation du Blues Hall Of Fame, l’occasion parfaite d’aller partager une bière ensemble chez Wiseacre, qui est devenu la brasserie la plus prisée de la ville et qui aujourd’hui encore fait le plein !  

Et comme à Memphis, tout commence et tout se finit au Blues City Café, c’est autour de copieuses entrecôtes que nous terminerons ce voyage en terre de blues avec quand même quelques émotions supplémentaires puisque Blind Mississippi Morris, que nous avions déjà eu l’occasion de rencontrer plusieurs fois lors des précédents périples, se produit dans la salle de concert liée au restaurant, y distillant un bon blues bien calibré en compagnie de son band à la fois solide et efficace. Nous irons bien entendu le saluer à l’entracte et en apprenant la présence de deux jeunes musiciens présents dans la salle, il se chargera personnellement de les inviter à monter sur scène à ses côtés pour interpréter deux morceaux, dont un « Peepin ‘N Hidin » sur lequel Valentin nous sortira le grand jeu, très bien secondé à la basse par Matéo. Très applaudis à la fin de leur prestation et unanimement salués par le public lors de leurs déplacements dans la salle, les deux jeunes gens achèveront cette grosse semaine de découverte par une jam aussi inattendue que réussie qui finira de sceller une amitié et une complicité.

Il est temps maintenant de se quitter, Valentin et ses parents poursuivant leur voyage vers Nashville puis Chicago à la rencontre d’autres musiciens tandis que Matéo s’envolera dès demain vers Atlanta, Paris et enfin Toulouse pour y retrouver sa famille et ses amis … Rendez-vous est d’ores et déjà pris pour dans une quinzaine de jours à Cahors où les deux jeunes musiciens se retrouveront pour quelques soirées, dont une où ils pourront une fois encore entrevoir Kingfish sur scène. Des retrouvailles que nous attendons tous déjà avec une certaine impatience. En attendant, le job a été fait, et bien fait en plus !     

Fred Delforge – juin 2022