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EUROPEAN BLUES CHALLENGE 2022 À MALMÖ (SUEDE)
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Ecrit par Fred Delforge |
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dimanche, 05 juin 2022
EBC 2022
EUROPEAN BLUES CHALLENGE
MALMÖ LIVE – MALMÖ (SUEDE)
Du 2 au 4 juin 2022
http://www.europeanbluesunion.com/
http://www.ebc2022.eu
C’est après deux annulations en 2020 et en 2021 et une retard à
l’allumage en 2022 que nous retrouvons enfin les amis de l’European
Blues Union pour ce qui va être la dixième édition de l’European
Blues Challenge, digne successeur de la dernière en date qui avait
accueilli les fans de blues de tout le vieux continent et d’ailleurs
en plein milieu de l’Atlantique, à Ponta Delgada, aux Açores. Cette
année la destination est certes moins exotique puisqu’elle nous
conduit jusqu’à Malmö, en Suède, une ville qui ne manque pas de
charme et qui offre la possibilité de tout organiser au même
endroit, à Malmö Live, tout en logeant au sein même du complexe qui
offre un excellent hôtel particulièrement confortable. Arrivés la
veille du début des festivités, nous pensions pouvoir profiter d’une
journée de détente, c’était sans compter sur une livraison des
bagages retardée de deux jours qui nous forcera à renouveler
sommairement notre garde-robe …
Jeudi 2 juin :
C’est sur les coups de 18 heures que le public arrive pour retirer
les bracelets qui accompagneront l’événement durant trois jours et
c’est accueilli par la musique de Brian Kramer, qui expose également
des dessins dans le hall, qu’il va enfin pouvoir célébrer des
retrouvailles que certains attendaient depuis plus de trois ans.
Autant dire que les accolades et les embrassades vont bon train, ce
qui ne perturbe en rien le musicien qui a trouvé son public et qui
lance tranquillement la jam pour le plus grand bonheur des chalands
qui le découvrent en sirotant une bière, un verre de vin ou encore
un café. Coté salle, ça s’agite un peu avant l’ouverture et à défaut
de pouvoir vraiment profiter visuellement de la prestation de Brian
Kramer, au moins aura-t-on tout le loisir de l’entendre proposer un
blues de fort belle facture !
Il est 20 heures quand Thorbjørn Risager entre en scène et
immédiatement, c’est un véritable feu d’artifice qui se déclenche
dans la salle, le Danois venu en voisin pour cette soirée de
préouverture de l’European Blues Challenge affichant non seulement
une forme olympique mais aussi et surtout un véritable plaisir
d’être là, le tout complété par un sourire rayonnant qui fait
plaisir à voir. Côté musique, on assiste comme toujours à un gros
show proposé par un virtuose qui se produit depuis plus de vingt ans
et qui affiche un gros millier de concerts à son compteur personnel,
de quoi garantir une prestation efficace certes, mais jamais
routinière puisque Risager et consorts ont à cœur de réserver à
chaque fois à leur public une petite surprise, une attention
particulière … C’est donc avec la banane que chacun ressortira de la
salle avec la sensation d’avoir vécu un grand moment annonciateur
d’un très bel European Blues Challenge !
Difficile de se quitter de la sorte, c’est donc une autre jam
session qui nous attend, animée par Mingel cette fois, mais avec
toujours en toile de fond le passage de Brian Kramer qui se fera un
plaisir de participer aux débats. La route a été longue pour la
plupart des spectateurs et c’est sans se faire prier que les uns et
les autres rejoindront rapidement leurs pénates afin de prendre un
peu de repos en attendant deux journées qui promettent d’être
intenses et riches en émotions.
Vendredi 3 juin :
La journée filera bon train entre les réunions de l’European Blues
Union et les activités liées à l’organisation de l’évènement et
c’est dès 17h30 que nous nous retrouverons dans la salle pour cette
première véritable journée de Challenge. Après une rapide
présentation des organisateurs et une courte allocution de Davide
Grandi, Président de l’European Blues Union, les deux présentateurs
de la soirée, Virginia Pihlblad et Johan Lundén, vont venir
expliquer le déroulement de ces deux grandes soirées dédiées au
blues européen et lancer officiellement la 10ème édition de
l’European Blues Challenge.
On entre directement dans le vif du sujet avec le premier des
vingt-groupes du Challenge, les Slovaques de Her Memories qui se
présentent en trio et nous proposent un blues aux couleurs bien
rock, une musique bien dosée et portée par un chanteur guitariste
qui ne cherche pas ses marques et qui assure directement le coup
avec beaucoup d’efficacité. Très à leur aise sur le slow blues puis
sur le funky blues qui arrivent ensuite, les trois jeunes musiciens
vont frapper fort d’entrée de jeu et montrer quelques très belles
facettes de tout le talent dont ils disposent. Si le reste de la
soirée est du même calibre, les public ne va pas s’ennuyer un seul
instant !
Reloaded Norway arrive comme son nom l’indique de Norvège et attaque
directement avec un gros blues très intelligemment servi par une
chanteuse à la voix puissante, soutenue qui plus est par des chœurs.
Avec ses deux guitares et ses claviers, le sextet remplit
parfaitement l’espace scénique et s’efforce lui aussi de montrer
plusieurs facettes de sa personnalité, glissant dans le blues lent
avec des intonations qui ne sont pas sans faire penser à Janis
Joplin ou offrant à sa frontwoman un titre quasiment a-capella avec
pour seul accompagnement une basse redondante et une guitare slide
qui pleure à ses côtés. La communauté norvégienne, comme toujours
très présente dans la salle, accompagne le mouvement et tapant dans
ses mains et finit de rendre le moment intense avant un final bien
plus explosif. Un set original et réussi.
Avec quarante année d’expérience sur les routes du blues, Marius
Dobra peut se targuer de ne plus être un amateur et c’est en
compagnie de son solide Blues Band qu’il représente l’Autriche,
proposant un show qui, à l’image du pianiste du quartet, se révèle à
la fois bondissant et changeant. La guitare élégante se permet de
miser autant sur les notes que sur les silences et si Marius Dobra
s’amuse de temps à autres à chanter sans micro, ce n’est que pour
mieux démontrer que sa voix de bluesman ne manque jamais de
puissance et de relief. Et pour mieux finir d’enfoncer le clou,
c’est pied au plancher que les Autrichiens mettront un terme à une
vingtaine de minutes une fois encore très diversifiée. Les premières
bonnes impressions de la soirée se confirment avec un troisième
groupe qui aura lui aussi largement fait le job !
L’Espagne s’offre une groupe de gros calibre avec Mingo, Sampa &
Bárez Bros et c’est bille en tête que le quartet s’embarque dans un
bon gros blues bien musclé, porté par une guitare pleine de
subtilité tenue par Pablo Sanpa et par Mingo Balaguer, un
chanteur/harmoniciste très expérimenté qui n’en fait ni trop, ni
trop peu. Plein de charisme et jamais avare de la moindre facétie,
le groupe nous propose un blues de très belle facture et parvient à
emballer un public qui répond à l’unisson à cette formation
multigénérationnelle qui a su trouver la formule magique de la blue
note sans perdre une seule once de son feeling et de sa spontanéité.
Malmö Live s’emballe en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire
et c’est carrément bon signe pour la suite d’une soirée qui nous
réserve encore plein de belles surprises avec quelques belles
pointures à venir. Ajoutez le plaisir de se retrouver après deux
années de pénitence et vous aurez compris que le gros show des
Espagnols n’a pas manqué de faire son effet !
On remonte très vite vers la Belgique qui nous envoie cette année
une belle pointure nationale avec le Steven Troch Band, solide
formation emmenée par son leader à la fois chanteur et harmoniciste.
Proposant un blues assez classique dans lequel il met beaucoup de
charisme et de personnalité, Steven Troch s’impose comme un des très
bons bluesmen de la scène du Benelux et c’est un show à la fois
efficace et bien rodé qu’il va nous servir, bien secondé par son
guitariste Matt T Mahony qui va assurer le coup haut la main malgré
une corde cassée dès le premier morceau, une belle preuve de
professionnalisme et de capacité d’adaptation. On notera encore la
solidité de la section rythmique avec Liesbeth Sprangers à la basse
et Bernd Coene à la batterie qui vont parfaitement habiller les
compositions d’un frontman à qui il ne faut pas en promettre. La
classe !
C’est au tour du Ripoff Raskolnikov Band de venir représenter la
Hongrie et c’est une belle entrée en matière que le quartet s’offre
avec un blues bien ficelé qui met particulièrement bien en avant la
grosse voix bien rugueuse de son leader et guitariste. Restant dans
le même registre, les Hongrois essaieront de capitaliser sur cette
particularité vocale intéressante, très bien soutenue par un piano
très présent qui ajoute encore un peu au charme parfois légèrement
jazzy d’un groupe auquel on reprochera quand même de se produire
assis, ce qui enlève forcément au côté visuel du show. C’est donc
dans une ambiance entre piano bar et club de blues élégant avec
quelques effets psychédéliques et un final plus endiablé que l’on
profitera de la vingtaine de minutes d’une prestation proposée par
Ripoff Raskolnikov, un artiste qui suit sa voie avec constance et
élégance. Le public a visiblement apprécié.
Début de show un peu délicate pour le Jake Green Band venu se
produire en voisin depuis le Danemark puisqu’une des cymbales a
décidé de ne pas rester en place sous les coups de boutoir assénés
par le bucheron qui officie à la batterie. Quelques secondes
suffiront à résoudre le problème et c’est avec un blues très
fortement teinté de rock que les Danois vont venir poser leur
empreinte en terre amie, usant eux aussi d’une voix très puissante
et bien rugueuse et d’une rythmique en béton sur laquelle Jake Green
pose des guitares énervées. Efficace également dans le slow blues,
le trio va nous prouver par l’exemple que les Vikings ont non
seulement du talent mais aussi de l’élégance, ce dont nous ne
doutions d’ailleurs pas un seul instant tant la scène du Nord de
l’Europe se montre capable de nous séduire régulièrement à chacune
de nos visites dans ces contrées froides dans le sol mais chaudes
dans les cœurs !
On repart vers un pays que l’on connait bien puisque les Bluesy
Threesome nous arrivent de Croatie et qu’ils sont bien décidés à ne
pas se contenter de faire de la figuration, portés par la superbe et
performante chanteuse Antonija Kihalić. Efficace dans les blues
énergiques et musclés, subtil et élégant dans les blues lents, le
quartet s’appuie sur une très belle complicité et affiche une
cohésion de tous les instants, osant à l’occasion s’aventurer vers
le rock mais avec toujours la même sincérité et surtout la même
efficacité. L’assistance appréciera la démonstration du guitariste
qui se paie le luxe d’un solo avec la guitare derrière la tête, un
gimmick toujours très apprécié par un public en mal de sensations
fortes et c’est en conservant sa tonalité rock que Bluesy Threesome
nous emmènera jusqu’au bout d’une expérience parfois un peu en
dehors du cadre stricto sensu du blues mais toujours très agréable à
entendre. Bravo !
C’est un groupe très attendu qui se présente maintenant puisque
Justina Lee Brown Band vient se produire sous les couleurs de la
Suisse avec une musique venant du blues bien entendu, mais aussi du
Nigeria dont la chanteuse est originaire. Lancée avec un « Sweet
Home » dans lequel la jeune femme rend hommage à l’Afrique mais
aussi à l’Europe et à tous les autres continents, la prestation du
sextet va mettre l’accent sur des percussions posées avec un soin
tout particulier et mettre en valeur les couleurs les plus
originales d’un blues qui se veut universel. Accompagné d’un
discours positif et porté par une voix exceptionnelle, le set
proposé par Justina Lee Brown va très vite atteindre le cœur d’une
assistance qui apprécie autant le charisme et les trémolos de la
diva que les instrumentations offertes par un groupe qui ne démérite
pas un seul instant, quand bien même sa frontwoman prend une grande
partie de la lumière quand elle est sur scène. On reste une fois
encore à un très haut niveau de qualité sur ce 10ème European Blues
Challenge !
Découverts en République Tchèque en 2019 lors du 1er Czech Blues
Challenge, WBand se produit désormais en quartet et sans la
chanteuse qui menait le bal à l’époque. Le groupe n’en reste pas
moins solide et concentré sur une musique qui n’est pas forcément la
plus originale que l’on puisse trouver sur la scène blues européenne
mais qui est jouée avec passion et plaisir. Une paire de guitares
qui ne se la raconte pas, préférant assurer l’efficacité et la
sincérité, une voix qui n’a pas grand-chose à se reprocher et enfin
une rythmique qui assure le coup à chaque instant, il n’en faut pas
plus à ces Tchèques pour emmener le public de Malmö vers un set
d’une vingtaine de minutes marqué par quelques blues bien envoyés et
par un trait de blues rock pas désagréable du tout, et quand bien
même WBand n’est pas le groupe qui a reçu la plus belle ovation de
la part de la salle ce soir, il n’en reste pas moins qu’il affiche
un très bon niveau digne de figurer sur la même affiche que tous
ceux qui l’auront précédé ce soir. Que demander de mieux pour que la
fête soit réussie ?
C’est en duo que se présentent ce soir les Allemands de Muddy What?
et c’est avec un début de set avec Ina à la mandoline et Fabian au
dobro qu’ils vont commencer à marquer les esprits, le second
s’offrant un couplet en chantant dans le micro de son résonnateur …
Remarqués lors du German Blues Challenge en septembre dernier,
qu’ils avaient d’ailleurs remporté haut la main, les Muddy What ?
vont délivrer ce soir un set complètement modifié en raison de
l’absence de leur batteur, oubliant forcément la partie électrique
de leur show durant laquelle Ina fait traditionnellement la
démonstration d’un jeu de guitare qu’elle emprunte à Stevie Ray
Vaughan et à Jimi Hendrix. Pas de problème toutefois, les deux
complices ne manqueront absolument pas leur rendez-vous avec
l’Europe et proposeront quelque chose de différent certes, mais de
très belle qualité et finalement peut-être encore plus réjouissant
que leur prestation habituelle, qui est déjà d’excellente facture.
Muddy What?, c’est un peu le double effet Kiss Cool avec une grosse
baffe en électrique et une seconde en acoustique ! Un groupe à
découvrir de toute urgence si ce n’est déjà fait …
On termine cette première soirée de Challenge avec Othello Trio,
formation roumaine qui s’appuie sur un pianiste qui évolue entre
boogie, blues et accents jazzy, démarrant son set avec un « Bad Bad
Whiskey » avant de mieux revisiter le « Come On In My Kitchen » de
Robert Johnson dans une version aussi inattendue que charmante avec
ses accents entre rock progressif oriental et piano classique. Le
King of the Delta Blues a du se retourner dans ses trois tombes à la
fois tant la relecture est à la fois surprenante et emballante !
Première formation à enfin se produire pour un titre dans sa langue
maternelle, Othello Trio créera une fois encore la surprise en
mélangeant blues, chanson et musique classique pour un titre
original, « Tralala », que le public reprendra en chœur sur le
refrain, et c’est sur une relecture plus attendue de « Everyday I
Have The Blues » que les Roumains refermeront une première journée
de concours qui aura tenu toutes ses promesses !
Nul doute que la nuit portera conseil au jury qui reviendra dès
demain pour une nouvelle journée de blues, de musique et de
convivialité ... En attendant, tout le monde part rapidement
profiter du sommeil du juste après plus de six heures de musique qui
feront dire à certain que nous assistons là au plus beau festival
d'Europe ! Et ils sont loin d'avoir tort ...
Samedi 4 juin :
La journée a une fois encore été bien chargée avec d’une part
l’Assemblée Générale de l’European Blues Union qui entérine
l’arrivée d’un nouvel administrateur, le Roumain Andrei Popa, mais
aussi avec le Blues Market qui a rassemblé pendant plus de deux
heures les professionnels et les aficionados du blues européen
autour de tables où chacun présentait ses activités, que ce soit un
festival, une blues society, un artiste ou encore un agent. Un très
grand moment de convivialité, comme à chaque fois que les amis du
blues du vieux continent se retrouvent, et cette année était
particulièrement attendue et donc réussie.
On commence cette seconde journée de challenge avec le groupe du
pays hôte, Ore Island Penitentiary Band, que nous avions déjà eu la
chance de découvrir lorsqu’ils avaient remporté le Swedish Blues
Challenge en 2019. Toujours aussi barré, le sextet développe un
blues sombre et oppressant avec à sa tête un chanteur un poil
excentrique qui n’est pas sans faire penser à Screamin’ Jay Hawkins.
Guitare, sax, contrebasse piano ou harmonica , le reste de la
formation accompagne le mouvement avec méthode et savoir-faire,
produisant une musique qui peut parfois déranger mais qui, au bout
de la route, réussit à convaincre grâce à un très grand talent
d’interprétation et surtout à une présence scénique qui permet à ces
Suédois de sortir du lot. Vous ajoutez l’art à la manière et vous
obtenez un groupe qui n’a pas pour habitude de passer inaperçu,
c’est le moins que l’on puisse dire, avec ses petits côtés jazzy et
ses relents qui ne sont pas sans faire penser aux cabarets
d’antan.
Il est Italien mais réside depuis longtemps en Bulgarie où il a
fondé le Billy Tempesta Blues Trio et c’est sous les couleurs de son
pays d’adoption qu’il se produit ce soir, proposant des compositions
issues de son album « Sofia » et dédiant son concert à tous les
musiciens qui ont un irrépressible besoin de s’offrir une nouvelle
guitare avant de se lancer dans un titre chanté en langue
transalpine dans lequel il est question de « Black Cat Bone ».
Guitariste inspiré et chanteur plus qu’honorable, Marcello Tempesta
n’hésitera pas un seul instant à se lancer dans un morceau teinté
d’humour machiste pas forcément très apprécié par la gent féminine
présente dans la salle, quand bien même musicalement cela tient la
route. Restant dans son trip jusqu’au bout de son set, le trio
bulgare finira par un pamphlet contre les téléphones et les réseaux
sociaux puis par une histoire de dentiste et c’est en laissant
derrière lui un souvenir modéré et surtout une salle partagée entre
ceux qui ont apprécié et les autres qu’il regagnera les loges. On
retiendra un songwriting étonnant et plein d’humour, même s’il n’est
pas forcément toujours de très bon goût.
On prend maintenant la direction du soleil avec The Lazytrains, le
quartet qui représente la Grèce et qui vient nous proposer un blues
teinté de rock et interprété par Maria Ioannidou, une chanteuse qui
a de la présence et du coffre. Glissant de temps à autre vers une
soul quelque peu mâtinée de jazz, le groupe se perd un tantinet sur
les routes du blues mais n’en reste pas moins intéressant avec des
pièces originales qui remuent, même si le public montre des
difficultés à véritablement se réveiller en ce début de soirée.
Dommage car avec un peu plus d’entrain de la part de la salle, The
Lazytrains auraient réussi à véritablement s’approprier la vingtaine
de minutes qui leur était dévolue ce soir, quand bien même ils
montrent encore quelques difficultés à trouver un son qui leur
ressemble vraiment. A revoir sur scène dans une prestation plus
longue pour véritablement se faire une idée.
On part maintenant vers le Royaume Uni avec The Achievers, un
quintet énergique avec ses deux guitares et son harmoniciste qui ne
manque pas de vigueur. Parti à une vitesse supersonique sur un
premier titre très rock’n’roll, le groupe va bientôt lever le pied
et nous dévoiler un slow blues qui ne manque pas de relief et qui se
teinte, tout comme son premier brûlot, de couleurs qui nous
entrainent vers Liverpool mais aussi vers la Californie avec
quelques intonations pas désagréables du tout. Parfaitement
coordonnés, The Achievers vont mettre un point d’honneur à nous
offrir des harmonies vocales très intéressantes, avec un travail
tout particulier sur les chœurs. S’excusant de devoir assumer les
conséquences du Brexit, le quintet finira de nous emmener vers des
mélodies que l’on pourrait parfois comparer à un savant mélange des
Beatles et des Red Hot Chili Peppers, des références assez éloignées
du blues pour un résultat lui aussi parfois assez borderline mais
jamais dénué de bonnes choses. Energique et entrainant sont les deux
maîtres-mots de ces bouillonnants britanniques !
On traverse rapidement la mer du même nom pour rejoindre l’Irlande
où nous attend CrazyCow, un quartet qui s’inscrit directement dans
une veine blues rock bien tracée et pleine de jus, avec de temps à
autres quelques beaux relents pub rock qui ne sont pas pour nous
déplaire. Le public se réveille enfin et si Malmö Live n’a pas
encore réussi à se lever pour accompagner le mouvement, on sent la
salle prête à bouger dès que la première étincelle viendra mettre le
feu aux poudres. Y allant de son blues lent bien gras et bien
massif, CrazyCow enfoncera encore un peu plus le clou pour mieux
finir de poser ses bâtons de dynamite l’un après l’autre, appuyant
un peu plus sur le système d’allumage en délivrant quelques beaux
solos de guitare en plus des riffs très efficaces dont le combo a le
secret. Peut-être un peu trop puissants sur le final, les Irlandais
parviendront tout de même à conserver le bénéfice d’une prestation
bien envoyée … Un peu trop rock pour une partie du public peut-être,
mais très appréciée par l’autre !
Il est temps d’accueillir Jessie Lee & The Alchemists, les
représentants français qui vont entrer très vite dans le vif du
sujet avec un premier titre qui met parfaitement en valeur la
cohésion du groupe mais aussi les talents individuels de chacun avec
un break a-capella de toute beauté et un gros solo de guitare
d’Alexis Didier, le tout rehaussé des claviers magiques dont Laurian
Daire a le secret. Portée par une rythmique parmi les plus
performantes de l’hexagone avec Laurent Cokelaere à la basse et
Julien Audigier à la batterie, la délicieuse Jessie Lee séduit son
monde en enchainant les morceaux, passant d’un blues rock bien tendu
à un slow blues plein de délicatesse avant de partir vers une
relecture très personnelle et totalement habitée du « Come On In My
Kitchen » de Robert Johnson durant laquelle elle invitera le public
à participer avec elle pour finalement se lancer dans une véritable
explosion vocale et guitaristique qui finira de retourner le public
! Que demander de plus ?
C’est au tour de Lumberjacks, la formation finlandaise, de venir
nous servir à sa manière un blues qui ne se pose pas de question et
qui s’appuie autant sur une base classique à douze mesures que sur
des formats plus originaux avec, pourquoi pas, de temps à autres des
cachets psychédéliques voire même carrément progressifs. S’appuyant
sur trois voix complémentaires, le quartet joue la carte de la
lourdeur et ne se trompe pas de chemin, trouvant toujours un très
juste milieu entre la force et la subtilité et proposant des
compositions qui mettent bien en valeur la personnalité d’un groupe
qui a voué son existence au blues et qui n’en démord pas. Le final
aux accents néoorléanais ne passera pas inaperçu et si l’on en croit
les drapeaux finlandais qui s’agitent dans la salle, le groupe a
réussi à faire venir du public depuis Helsinki, ce qui n’est pas
forcément difficile puisque l’on est ici quasiment en voisins, mais
il faut se souvenir que c’était déjà le cas en 2019 à Ponta Delgada,
nettement moins facile d’accès ! C’est peut-être aussi un des
secrets des pays nordiques pour garder le blues en vie chez eux …
Le Luxembourg n’est pas le pays le plus grand d’Europe mais il nous
envoie cette année Ramblin’ South, un quintet dirigé par Lisa
Korshin qui nous délivre une ordonnance approuvée par une paire de
guitaristes qui ne se fait pas prier pour nous offrir des riffs
soignés qui installent le groupe dans un registre très chanson
blues. Montant petit à petit dans les tours, les Luxembourgeois
partiront finalement vers des colorations plus blues rock mais il y
a fort à parier qu’ils pâtiront à l’arrivée d’un départ un peu
poussif au moment des résultats définitifs. Dommage car on sent
qu’il y a un potentiel à travailler pour arriver à se mettre au même
niveau que les autres formations, en travaillant sur la rapidité de
la mise en place par exemple !
Ils sont arrivés à huit depuis les Pays Bas pour nous présenter un
blues à la fois riche et puissant dans lequel les cuivres et l’orgue
Hammond prennent toute leur dimension. Harlem Lake n’est pas venu en
Suède pour faire de la figuration et il s’attache à le démontrer en
nous offrant une entrée en matière puissante pour mieux faire
redescendre l’intensité un peu plus tard avec un blues lent de toute
beauté sur lequel la voix de Janne Timmer fait mouche. Assumant
totalement un léger côté blues pop quand le ton baisse un peu, les
Néerlandais sortent le grand jeu et n’hésitent pas un seul instant à
pousser les choses jusque dans leurs derniers retranchements,
parvenant à très vite se mettre le public dans la poche avec des
compositions entre soul, blues et rhythm’n’blues, le tout saupoudré
de la petite pointe de rock’n’roll qui va bien avec. Parvenu à
trouver un très juste équilibre entre toutes ses colorations, Harlem
Lake nous offrira le show parfait auquel le seul reproche que l’on
pourrait faire sera destiné à un son beaucoup trop fort ! Il y a
fort à parier que l’on retrouvera le groupe dans le trio de tête
après un set d’une telle intensité …
Avant-dernier groupe de cette dixième édition, Peter Storm & The
Blues Society représentent le Portugal et attaquent très fort
d’entrée de jeu avec un blues rock à la fois précis et puissant.
Avec un harmoniciste qui passe aussi à l’occasion à la guitare, le
quartet ne se perd pas dans les méandres du blues et nous propose
une musique qui tient la route, façonnée à la force du poignet et
jouée avec foi et passion. Décoiffant dans les tempos rapides,
élégant dans les blues lents, le son des Lusitaniens se veut à la
fois juste et bien dosé, jamais trop violent mais jamais trop léger
non plus, Peter Storm & The Blues Society ayant réussi à trouver
non seulement leur style mais aussi et surtout une direction
générale qui va très vite les installer à un niveau fort honorable
sur la scène blues internationale. Une valeur sure à revoir dès que
possible !
Il en fallait bien un pour refermer les portes de cet European Blues
Challenge et c’est l’Italie qui s’y colle avec Betta Blues Society,
un quartet piloté par la belle Elisabetta Maulo qui se voit
accompagnée par un guitariste très expressif et par une section
rythmique avec une contrebasse. Suivant la recette éprouvée du blues
musclé qui précède un blues lent, les Transalpins nous proposent une
prestation très bien dosée durant laquelle la vocaliste aura tout le
loisir de nous régaler de sa voix très juste et très puissante,
l’association des deux conduisant le groupe vers un blues de bonne
qualité qui grimpe à l’occasion vers le rock sans pour autant
vraiment aller le tutoyer. Bien accueilli par un public qui ne se
lasse pas avec ce onzième groupe de la soirée, Betta Blues Society
cherchera à son tour la recette pour conduire tout cela vers le feu
d’artifice et avancera à son tour dans la bonne direction avec
beaucoup plus de points positifs que de lacunes. On ne tardera plus
maintenant à savoir lequel des vingt-trois groupes aura fini par
trouver la clef !
Le temps de la délibération, l’European Blues Union récompensera
trois personnalités, Marino Grandi, Peter Astrup et Philip Le Roy,
en leur remettant des Blues Behind The Scenes Awards puis il sera
temps d’appeler les trois premiers de ce 10ème European Blues
Challenge avec pour commencer la troisième place qui échoit à
l’Espagne, la seconde à la Suisse et enfin la première aux Pays-Bas,
récompensés pour la très belle prestation de Harlem Lake Band. On
notera que les Néerlandais se produiront bientôt sur divers
festivals aux quatre coins de l’Europe.
L’heure est maintenant venue de remercier nos hôtes bien entendu,
mais aussi toute une équipe d’organisation qui aura eu à cœur de
faire tout son possible pour que cette dixième édition soit un grand
succès ! Rendez-vous est d’ores et déjà pris pour la onzième édition
qui se déroulera début juin 2023 à Chorzów, en Pologne. Nous y
serons, c’est certain !
Fred Delforge – juin 2022
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