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BLUESFEST EUTIN (ALLEMAGNE)
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Ecrit par Fred Delforge |
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samedi, 21 mai 2022
Eutin 2022
BLUESFEST EUTIN
SEGENHÖRN – EUTIN (ALLEMAGNE)
Du 19 au 22 mai 2022
http://www.bluesfest-eutin.de
Arriver à Eutin est toujours une sorte de parcours du combattant et
cette année n’aura pas dérogé à la tradition avec une annulation de
vol à la dernière minute, un re-routing apparemment plus direct et
un retard qui finalement amputera la première journée de nos
retrouvailles après deux années de vaches maigres, annulation pour
cause de pandémie oblige. La traditionnelle Marktplatz qui accueille
habituellement le Bluesfest est en travaux et c’est cette fois un
peu plus loin, à Segenhörn, que nous nous retrouvons pour un
événement un peu plus excentré et un peu plus condensé qui fera
toutefois le plein malgré un gros épisode pluvieux en début de
soirée et un temps somme toute assez maussade. Mais comment bouder
son plaisir quand on est à même de retrouver les amis venus
spécialement de Pologne, de Lettonie ou encore de Norvège pour
assister à la fête ?
Les problèmes de timing nous feront donc manquer Muddy What?, la
formation qui représentait Blues Baltica à Memphis il y a une
dizaine de jours, et nous n’arriverons sur place que pour les
ultimes morceaux de Sakis Dovolis Trio, formation grecque qui évolue
dans un blues rock sauvage et racé qui nous gratifiera de quelques
reprises de Jimi Hendrix et de Stevie Ray Vaughan. Bien accompagné
par Fotis Dovolis à la basse et Nick Kalivas à la batterie, Sakis
Dovolis a tout du guitar hero capable de briller sur scène sans
toutefois en faire des caisses, ce qui est suffisamment rare pour
être souligné ! Autant dire que si le reste de la programmation est
du même calibre, nous n’allons pas nous ennuyer un instant ce
week-end !
La nuit commence à tomber sur Eutin et The Claudettes, formation
emmenée par Johnny Iguana au piano, fait son entrée sur scène. Si le
nom du groupe amusera forcément les Français, il faut bien
reconnaitre que ces Américains n’ont pas grand-chose à voir avec les
jeunes dames court-vêtues qui accompagnaient jadis le héros de toute
une jeunesse. Emmenés par leur chanteuse à la voix suave et colorée,
The Claudettes vont profiter du temps qui leur est imparti,
quasiment deux heures, pour nous emmener dans un répertoire assez
vaste où le piano blues teinté de boogie se mélange au blues plus
classique mais aussi au jazz, à la soul et au rock’n’roll. Jamais à
court d’inspiration, le groupe va nous offrir un set à la fois
musclé, rafraichissant et sensuel. Une belle initiative qui nous met
du baume au cœur pour la suite du festival, d’autant plus que la
météo semble décidée à nous laisser un peu de répit ! Pourvu que ça
dure …
Vendredi 20 mai :
Quartier libre toute la matinée en attendant le début des concerts,
un temps que nous mettrons à profit pour sceller les retrouvailles
avec les amis du blues européen et pour faire le tour des nouvelles
installations du festival, plus restreintes que d’habitude certes,
mais toujours conçues avec goût et ingéniosité !
On reprend la journée là où on l’avait laissée hier puisque c’est
encore le pianiste Johnny Iguana et son batteur Michael Caskey qui
s’y collent, sans leur chanteuse cette fois, mais dans un répertoire
qui ressemble peu ou prou à celui de la veille. S’inspirant des
prestations du grand Otis Spann, le duo va nous emmener dans des
instrumentaux qui regardent vers la soul vintage et le jazz mais
aussi vers le rock et nous proposer un set en deux parties qui, s’il
ne déchainera pas un public qui reste sagement assis sur les bancs,
ne le laissera pas non plus indifférent si l’on en croit les
applaudissements nourris qui ponctuent chacun des morceaux.
Musiciens virtuoses et expérimentés, Johnny Iguana et Michael Caskey
auront avantageusement réussi à lancer cette seconde journée de
festival qui, pour le moment, se révèle très agréable et
ensoleillée. On observe backstage le ballet des groupes appelés à se
produire ensuite et cela se révèle plutôt prometteur !
Peu après 18 heures, ce sont les Polonais de Dark Leaves qui vont
cette fois s’installer sur la scène du Bluesfest Eutin pour nous
servir une musique qui a un pied dans le folk psychédélique et
l’autre dans un blues qui ne se laisse pas dicter ses codes. Emmené
par une chanteuse à la voix pleine de soul, la formation originaire
de Cracovie s’appuie sur des instruments comme le résonnateur, le
banjo, la mandoline ou encore l’harmonica et a intelligemment
remplacé son batteur par un percussionniste qui apportes des
couleurs originales à une musique qui sait tantôt être très
introspective, tantôt plus entrainante avec des cachets qui partent
directement vers le rock. Si la maitrise des musiciens est
irréprochable, le feeling n’est pas en reste et c’est un groupe qui
se fait plaisir qui se produit devant un public forcément conquis
qui n’en perd pas une miette et qui s’essaie même à l’occasion à
quelques pas de danse. La Pologne nous réserve de temps à autres de
bonnes surprises et ces Dark Leaves en sont assurément une !
Dernière formation de la soirée, The Bluesanovas ne sont pas des
inconnus puisqu’ils avaient remporté le German Blues Challenge en
2019 et qu’ils nous avaient déjà emballés lors de l’édition 2021 du
même Challenge où ils assuraient la tête d’affiche en fin de soirée.
Proposant un blues moderne teinté de rock et de boogie mais très
respectueux des traditions, le groupe porté par son charismatique
chanteur Melvin Schultz va faire montre de toute sa maestria devant
une assistance qui a sorti les parapluies puisque la pluie s’est
invitée pour la fin de soirée et qu’elle n’en finit plus de prendre
du volume, ne freinant pas les ardeurs des sept centaines de
spectateurs qui resteront jusqu’au bout des deux heures de concert.
Pas démontés pour autant, The Bluesanovas vont mettre les petits
plats dans les grands et nous faire monter dans les tours avec un
blues qui ne se pose pas de question et qui se laisse aller à ses
inspirations, même les plus folles. Toujours très en verve, les
musiciens brillent de manière collective mais ne renoncent pas pour
autant à quelques excursions en solitaire qui font de leur
prestation un moment de grande classe idéal pour finir la journée.
Et cerise sur le gâteau, nous apprendrons en cours de soirée que le
quintet a été retenu pour faire la première partie des six dates
qu’Eric Clapton donnera prochainement en Allemagne, une sorte de
consécration pour un groupe qui depuis quelques années est devenu un
incontournable de la scène germanique, et plus
encore.
Voilà encore une belle journée qui aura laissé de superbes souvenirs
et pendant que les plus courageux partent vers la jam à quelques
centaines de mètres de là, nous choisissons de rentrer directement à
la base pour préparer la journée de demain !
Samedi 21 mai :
Le retour vers Segenhörn est une fois encore marqué par de grosses
averses et si la bonne humeur persiste au niveau de l’organisation
et des partenaires, on lit quand même une pointe d’inquiétude sur
les visages des uns et des autres, le fait d’avoir une météo
clémente s’avérant être un plus non négligeable pour tout le monde.
On apprend qui plus est que les Norvégiens de Soft City sont coincés
dans l’avion et qu’il aura fallu jouer des coudes pour les remplacer
par leurs compatriotes Nave & The Ghost Collectors initialement
programmés demain …
Il n’est que 13 heures quand le premier groupe de cette troisième
journée de festival se présente sur scène et immédiatement, Sons
& Preachers va convaincre une assistance grâce à une musique qui
se positionne entre blues, funk, rock et prog. Originaire de Kiel,
le quartet vient donc en voisin et nous séduit grâce un pianiste
chanteur aux racines indonésiennes qui apporte des couleurs très
intéressantes à une musique qui se promène de Dr John jusqu’à Deep
Purple, c’est dire si l’éventail est large. Plus effacée, l’autre
chanteuse du groupe n’en est pas moins intéressante à écouter et
c’est portés par un guitariste éloquent et un batteur efficace que
ces Sons & Preachers vont nous faire partager leurs émotions et
leur passion pour une musique qui ne manque ni de saveur, ni de
finesse. Une très belle entrée en matière qui mettra directement
dans le bain un public nombreux et motivé, comme toujours à Eutin
!
Remplaçant au pied levé Soft City, les lauréats de la Norwegian
Blues Union Cup 2021, ce sont les vainqueurs de 2019, Nave & The
Ghost Collectors, qui vont s’installer sur la scène du Bluesfest
pour une prestation qui commencera par un blues pur jus avant de
partir faire un tour du côté du rock, de l’indie rock et même du
funk voire de la pop. Véritable showman, le chanteur et harmoniciste
Nave Pundik tient efficacement son rôle d’entertainer avec à ses
côtés un bassiste très démonstratif et un guitariste relativement
discret qui, s’il ne fait pas vraiment le show visuellement parlant,
ne manque jamais l’occasion de placer un riff efficace ou encore un
solo bien pensé. En deux sets d’une heure, Nave & The
Ghost Collectors auront réussi à laisser leur empreinte sur un
festival qui en a vu d’autres mais qui sait toujours reconnaitre les
groupes à la fois valeureux et sincères, et ce n’est pas cette
reprise très personnelle du « Shout » de Tears For Fears qui viendra
nous démentir tant elle passera bien auprès d’une assistance
pourtant rompue à l’exercice du blues !
C’est peu après 18 heures que Vanessa Harbek Blues Band va venir
prendre place sur la scène qui jouit toujours des rayons du soleil,
tenaces en cette troisième journée de festival. Les effluves des
agapes des festivaliers envahissent la place, il faut dire que l’on
mange traditionnellement tôt en Allemagne, et le trio attaque
d’entrée avec un « Hideaway » qui laisse imaginer un set dédié aux
covers … Formation germanique emmenée par une chanteuse argentine,
Vanessa Harbek Blues Band laisse entrer de temps en temps des
influences latines dans un blues rock qui ne se pose pas de question
et qui s’efforce de jouer la carte de l’efficacité pour le plus
grand plaisir d’un public qui remue, applaudit et s’emballe de temps
à autres pour une musique certes hybride, mais toujours honnête et
interprétée avec le cœur. Sans jamais une minute de temps mort, le
set du trio parviendra à capter l’attention d’un public qui ne
faiblit pas malgré le passage de trois groupes pour près de six
heures de musique déjà, et c’est loin d’être terminé ! Et la reprise
du « Oye Como Va » de Santana avec ses solos individuels ne fera
qu’encore un peu plus galvaniser l’assistance
…
La clôture de cette troisième soirée de festival, la dernière en ce
qui nous concerne puisqu’il faut se résoudre à rentrer demain vers
Paris, est dédiée à un groupe particulièrement intéressant, Malone
Sibun Band, emmené par deux brillants guitaristes, l’Américain
Marcus Malone et l’Anglais Innes Sibun. Véritables virtuoses, les
deux artificiers soutenus par Kevin Jeffries à la basse et Robin
O’Keefe à la batterie vont s’en donner à cœur joie et se lancer dans
des duels de guitares sans jamais céder à la démonstration
diarrhéique, Marcus Malone s’attachant à chanter de fort belle
manière et à revisiter un répertoire commun qui ne laisse absolument
pas indifférent. Devant l’affluence, les bancs disposés face à la
scène ont été retirés et c’est un public compact qui ne perd pas une
seule bouchée d’un show qui monte en puissance assez rapidement et
qui ne souffre d’aucun temps mort, les quatre musiciens s’attachant
à mettre une grosse dose de rock dans leur blues, et réciproquement,
pour en arriver à une musique qui donne des fourmis dans les jambes
et de grosses envies de se mettre à l’air guitar pour accompagner
nos deux fines gâchettes !
Difficile de se résoudre à dire au-revoir aux amis après une telle
soirée, d’autant plus que la journée de demain promet d’être riche
en rebondissements avec les Norvégiens de Soft City, les Tchèques et
Slovaques du W Band et les Américains du Jamiah Rogers Band qui se
succèderont avant une grande jam finale emmenée comme toujours par
le pianiste Georg Schroeter et l’harmoniciste Marc Bretfeilder qui
avaient été les premiers Européens à remporter l’International Blues
Challenge en catégorie solo/duo à Memphis en 2011. Il faut pourtant
se résoudre à se quitter, mais fort heureusement pour peu de temps
puisque la plupart d’entre nous seront présents à Malmö dans une
dizaine de jours pour le 10ème European Blues Challenge. La première
importance du blues est de savoir rassembler les gens de bonne
volonté autour d’une passion commune et c’est bien ce qui fait qu’on
l’aime, sans restriction et sans a-priori. Un grand merci à nos amis
de Blues Baltica pour ces journées de bonheur !
Fred Delforge – Mai 2022
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