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Ecrit par Yann Charles |
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jeudi, 12 mai 2022
PENSEES NOCTURNES
https://penseesnocturnes.bandcamp.com/
https://www.facebook.com/PNRecords
Rencontre avec un groupe véritablement inclassable, Pensées
Nocturnes. La meilleure définition est "Déglingué Black Metal". Et
lorsque vous aurez écouté leurs albums, dont le dernier, « Douce
Fanges », qui nous plonge dans une vieille France mal famée et
totalement délurée, vous comprendrez mieux … Ou pas.
Salut. Peux-tu présenter Pensées Nocturnes ?
Alors Pensées Nocturnes était un projet solo que j'ai commencé
en 2009 et qui a évolué en groupe à partir de 2017. Toujours avec la
même démarche de s'abstenir de ce qui se fait usuellement, avec
toujours cette envie de faire évoluer la musique ou le concept. Même
si après ce nouvel album, on a une base et des caractéristiques
propres au groupe. Même si notre musique évolue, on a une patte qui
se retrouve dans tous ces disques.
Pourquoi être passé de solo à plusieurs ? Tu étais en manque
d'inspiration, tu avais besoin de sang neuf ou d'idées neuves pour
te pousser ?
Sans dire que j'avais fait le tour de la chose en solo, j'avais
besoin d'aller vers d'autres chemins musicaux. Et donner vie à ce
projet sur scène, permettait d'explorer de nouvelles pistes, pour
pouvoir aller de l'avant et ne pas déboussoler les auditeurs. C'est
la première chose. La seconde chose était que j'avais besoin de
prouver que ce que j'avais fait n'était pas uniquement jouable
derrière un ordinateur, mais pouvait être organique et pouvait
prendre forme sur une scène. Voilà, pouvoir prouver aux détracteurs
qu'on pouvait en faire des concerts.
Comment définis-tu votre musique. Je sais que c'est une question
que les musiciens n'aiment pas trop, mais parfois, on arrive plus
ou moins à mettre un nom sur un style, mais là ... Inclassable ?
Oui, c'est un peu l'idée. C'était éviter de se mettre une
étiquette et de rentrer dans une case. C'est pour ça que moi, je le
définis plutôt comme du "Déglingué Black Metal ", car les racines
restent quand même du black metal. Mais aussi déglingué, car on a
aucun respect pour les styles que l'on veut nous imposer, même dans
ce style de musique. Alors du coup, on le triture dans tous les
sens. Ça ne veut peut-être pas dire grand-chose, mais ça ne peut pas
rentrer dans une case.
Comment t'est venue cette idée de bidouiller des morceaux
initialement éloignés du black voir même du metal pour les
transformer à votre sauce ?
La plupart des morceaux sont des chansons que j'apprécie. Je ne
suis pas un auditeur de black metal pur et dur. J'ai quand même pas
mal d'influences diverses, et c'est souvent pour rendre hommage à
des artistes ou des groupes qu'on apprécie. Et c'est un challenge de
voir ce qu'on pourrait faire d'une chanson, d'un morceau. L'idée
étant au final de déformer, mais en ayant quand même un produit qui
tienne la route. L'idée n'est pas d'amuser la galerie en mélangeant
un peu tout, mais d'arriver avec ce mélange d'en faire quelque chose
de cohérent.
Vous êtes allés chercher de vieilles chansons qui finalement
pourraient être très actuelles avec des textes très
révolutionnaires pour l'époque ?
Tu fais référence aux chants révolutionnaires. Oui, l'idée n'est
pas non plus d'être hors du temps, même si en termes d'image et de
concept, on essaie de se porter hors du temps contemporain avec
quand même pas mal de pistes ou de clins d'œil qui nous ramènent à
l'actualité.
Présente-nous ce nouvel album, « Douce Fange », tout d'abord
est-ce un album scénarisé ?
Pas vraiment. Même si l'album dans sa globalité a été pensé avec
un début et une fin, mais tu peux écouter les chansons sans
véritablement d'ordre. Mais on conseille quand même de l'écouter
dans l'ordre, c'est peut-être plus facile pour atteindre ce que l'on
a voulu mettre en place.
Cet album est la suite de vos albums précédents ?
Il ne fait pas suite dans le concept, mais ça reste une suite en
termes d'idées de ce qu'est Pensées Nocturnes. En fait le groupe
évolue, notre style aussi et on est plus dans une démarche
d'agrémenter au fur et à mesure avec de nouvelles idées musicales
qui fonctionnent, plutôt que de tout révolutionner en changeant de
concept. En fait chaque album est une suite logique dans le sens où
on conserve ce qui a bien fonctionné et on y apporte de nouveaux
éléments.
Qu'est-ce qui t'a attiré dans les bas-fonds de cette Vieille
France ?
La Vieille France a toujours fait partie de Pensées Nocturnes.
Et chaque album met en avant un aspect différent du groupe. L'album
précédent s'appuyait vraiment sur le cirque et les vieilles fêtes
foraines. Et sur cet album, « Douce Fange », on a voulu mettre en
avant l'aspect France, car on a toujours chanté en Français, et on
le revendique. Mais surtout, on a voulu mettre en avant ce côté
ancien et le début du vingtième siècle. Ce n'est pas quelque chose
de nouveau chez nous, mais là, on a voulu vraiment se concentrer sur
le côté musette, accordéon, vieille France, vieux Paris un peu mal
famé.
Beaucoup de changements de rythmes et de voix dans
vos morceaux, des instruments divers et variés, c'est pour leur
donner plus de puissance, mais sur scène, ça peut partir très vite
dans tous les sens ?
C'est intéressant ce que tu viens de dire. Moi, ce qui m'agace
un peu, c'est quand on a quelque chose de binaire : content, triste,
black metal dépressif avec un morceau de dix minutes avec un truc
qui tourne en rond. Nous, notre objectif, c'est que le morceau soit
vivant et qu'il soit vraiment représentatif de ce que l'on peut
vivre avec beaucoup de dynamique, que ce soit en termes de volume et
de puissance. On veut faire des choses qui ne soient pas du tout
linéaires avec beaucoup de répétitions, mais au contraire quelque
chose de très organique. Je pense qu'il y a plusieurs lectures
possibles de Pensées Nocturnes. Celle à la maison, en chaussons, où
tu peux écouter en détails les albums, les instruments, les
mélodies, et ça peut concerner une partie de l'auditoire qui a envie
de rentrer dans tous ces détails. Et puis, il y a une autre partie
de l'auditoire qui n'a pas envie de se prendre la tête, qui a plus
envie de boire une bonne bière, des fois un peu chaude, et se mettre
devant une scène ou devant un pit et là, nous, on a un vrai travail
de réécriture des morceaux pour qu'on les adapte sur scène, et les
rendre jouables en vrai, sans utiliser de samplers et appuyer sur
"Play". Mais le but est d'avoir de vrais instruments et de jouer de
vraies notes en live. Encore une fois, on veut quelque chose
d'organique et de vivant, pas du tout millimétré, mais qui bave un
petit peu avec un côté quand même plus jazzy que techno. Et cette
démarche-là fait que l'on simplifie les morceaux pour les rendre
jouables et ça permet d'apprécier encore plus ces compos-là.
En fait, initialement, tu ne composes pas pour la scène ?
Non, car au départ, ça reste un projet solo donc la démarche n'a
pas trop évolué, même si après le projet a pris vie sur scène. Quand
je compose pour moi, chez moi, je ne prends absolument pas en compte
cette contrainte du live. On prend toute la liberté possible en
utilisant peut-être des instruments que l'on ne retrouvera pas par
la suite. Ce n'est que par la suite qu'on a la démarche de modifier
ces morceaux pour pouvoir les jouer sur scène. Donc, non, les
morceaux ne sont pas composés en pensant scène.
Quels thèmes abordez-vous dans cet album ?
Ce sont des choses plus ou moins amusantes, plus ou moins
réelles, il y a des références à la scène metal actuelle avec des
clins d'œil à plusieurs groupes. Des thèmes un peu plus farfelus
comme des gérontophiles qui arpentent les bals de mamies, des
sérials killers peu ragoûtants. L'idée étant de mettre en
concomitance des choses qui s'opposent violemment. Comme ce morceau
qui décrit une scène de torture d'une victime avec des termes de
gastronomie.
Beaucoup de dérision ?
Oui. Ce qui rajoute à la violence des thèmes et des propos. On
n'est pas dans le binaire à la Cannibal Corpse. On cherche le plus
noir possible, mais on met ça en lumière avec des thèmes plus
légers. On reste quand même assez violents au niveau des textes. On
est quand même dans du black metal.
Quelles évolutions, qu'elles soient musicales ou au niveau de
l'écriture, notez-vous depuis les premiers albums ?
Je pense qu'il y a plus de maîtrise à tous les niveaux, que ce
soit en termes de compositions, d'écriture, en termes d'influences,
car je n'écoute plus du tout ce que j'écoutais il y a quinze ans.
Dans l'entourage aussi il y a eu de l'évolution, car on garde les
gens avec qui cela fonctionne bien. Que ce soit en termes de sons,
de studio ou de graphismes. C'est sûr qu'entre le premier album et
celui-ci, il n'y a pas photo en termes d'avancées, de productions,
de maîtrise et de complexité même.
On peut parler de la pochette de cet album vraiment très
particulière ? Qui a eu l'idée de ces visuels ?
L'artwork a été réalisé par Came Roy de Rat qui est l'auteur des
quatre dernières couvertures de Pensées Nocturnes. On se connaît
bien et on a l'habitude de travailler ensemble. Nos méthodes de
travail fonctionnent très bien, et cela ressemble à une sorte de
ping-pong. Je lance les premières idées. Il triture ça de son côté,
moi, je rajoute des choses ou je les modifie. En fait, c'est un
échange permanent pendant plusieurs semaines pour arriver à un
résultat qui nous convient tous les deux. Je dirais que la
créativité est plus chez lui que chez moi, mais je lui donne pas mal
de pistes. Et je suis toujours surpris du résultat. En ce qui
concerne le reste du livret, c'est beaucoup lui.
On a des questions rituelles pour finir les interviews. Peux-tu
définir le groupe en deux ou trois mots ?
Je ne vais pas être très original et je reviendrais sur ce que
j'ai dit avant : Black Metal Déglingué, je pense que c'est vraiment
ça qui nous définit le mieux.
Et dernière question, quel est le dernier morceau ou le dernier
album que vous avez écouté ?
Alors, ça va être hyper ridicule ce que je vais dire : j'ai
écouté un live de Deluxe. Musique bien colorée. Donc pas grand-chose
à voir avec du black metal. (Rires)
Merci beaucoup pour cette interview.
Merci à toi.
Propos recueillis par Yann Charles
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