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Ecrit par Yann Charles |
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jeudi, 21 avril 2022
DEFICIENCY
http://deficiency.fr
https://www.facebook.com/deficiencymetal
Rencontre avec Laurent, le chanteur/guitariste du groupe Deficiency
qui nous revient avec un nouveau concept-album, « Warenta », dans
lequel il est question de superstitions et de malédictions dans le
milieu des mines de Lorraine. On a voulu en savoir un peu plus.
Salut Laurent. On va parler tout de suite de votre
dernier album, « Warenta ». Où nous entraînez-vous avec ce nouvel
opus ?
Salut. C'est un nouveau concept album, comme on en a pris
l'habitude d'en faire. Et pour ce dernier album, on est dans un
bassin minier lorrain en l'occurrence, dans les années 40, et on est
dans une étrange histoire de malédictions qui s'attaquent au peuple
du charbon. C'est tout cet univers industriel avec ce peuple, ses
croyances, ses superstitions. C'est là qu'on vous entraîne avec ce
nouveau disque.
Ce sont des histoires toutes inventées ou certaines sont-elles
tirées de légendes urbaines ?
Pour tout te dire, il y a une grande part de faits réels dans ce
concept. Ce sont des histoires et des légendes que l'on nous
racontait quand on était enfant. On s’est rappelé ces histoires on,
a creusé un petit peu tout ça et on s'est rendu compte qu'il n’y
avait pas de documentation par la presse locale qui à l'époque a
couvert l'événement. On a même retrouvé des enquêtes de police
faites pour ces événements. Et cela nous a permis d'avoir un peu de
matière pour raconter cette histoire.
Comment vous est venue l'idée d'aborder ces histoires de mines ?
On avait commencé à travailler sur d'autres concepts avant, mais
on n'arrivait pas à aboutir à quelque chose de satisfaisant. Et
cette idée-là nous trottait dans la tête depuis un certain temps. Du
coup, on l'a ressortie des placards pour la creuser plus
sérieusement. Et on a travaillé ça en 2019 et 2020 pour la
concrétiser.
Vous avez toujours fait des concept-albums, c'est pour pouvoir
aller plus en profondeur dans vos histoires ?
Oui. C'est aussi une manière de raconter. On a des histoires qui
ont un début et une fin avec des cheminements et des péripéties. On
peut dépeindre plus profondément des personnages, des lieux ou des
faits. Et ça nous permet d'avoir plus de marge de manœuvre dans
l'écriture. Et ça permet de proposer une œuvre, le mot est peut-être
mal choisi, ou plutôt quelque chose de complet, que ce soit au
niveau musical ou visuel, quelque chose d'abouti, un peu à l'image
de ce que l'on peut proposer dans un roman ou dans un film. C'est
une idée que l'on a depuis le début et on a toujours travaillé dans
le concept-album. Donc ça nous paraissait évident de reproduire ou
de se relancer sur ce genre de travail.
Je trouve cet album à la fois plus violent musicalement, c'est
peut-être la production ou c'est vous qui êtes montés en puissance
?
Oui tu trouves ? Après, c'est ton ressenti. Il y a effectivement
des passages peut-être un peu plus hargneux, chose qu'on n’avait
peut-être pas beaucoup fait par le passé et qui peut donner cette
impression d'agressivité supplémentaire.
Oui, c'est plus agressif que violent en fait.
Mais c'est toujours compensé par d'autres moments où on va
ralentir le tempo en proposant des ambiances un peu plus
lancinantes, ou bien un autre travail de structures. C'est peut-être
l'impression qui se dégage quand tu as fini l'heure d'écoute. Mais
si tu creuses un peu plus, si tu cherches dans le détail, tu
trouveras des choses qu'on n'a pas faites dans le passé.
Les riffs et l'atmosphère sont plus lourds, pesants, et pourtant,
il y a toujours une recherche mélodique.
C'est vrai que ça ressort assez. J'ai toujours eu cette approche
en tant que chanteur que de proposer des accroches mélodiques
importantes, mais là, c'est vrai que le travail sur les refrains ou
les pré-refrains a été plus important. Et le fait de pouvoir
identifier chaque titre à son refrain ou à sa mélodie a été très
important pour nous.
La pandémie vous a-t-elle permis de travailler plus en profondeur
cet album, peut-être plus que les précédents ?
Non. Par rapport à d'autres groupes, nous, tout était déjà prêt
au moment de la pandémie. Mars 2020, on aurait dû commencer
l'enregistrement de l'album. Mais forcément ça a été reporté. Mais
tout était déjà prêt depuis novembre je crois, et donc la pandémie
n'a eu aucun effet ou aucun impact sur la composition des titres. En
revanche, on a profité de ce temps pour parfaire l'enregistrement et
la production, pour travailler la sortie de l'album, mais en ce qui
concerne le gros de l'album, tout était déjà bouclé.
Comment vous avez travaillé pour cet album ? Ensemble, à distance
? Comment s'est déroulé le processus de création ?
Sur notre précédent album, « The Dawn Of Consciousness », on
n'avait pas la possibilité géographique de travailler tous ensemble.
Notre ancien batteur, Tom, était à 400 kilomètres, donc c'était
compliqué. Pour tout te dire, on a dû répéter quatre fois avant la
sortie de l'album précédent. Mais maintenant, Ben, notre nouveau
batteur qui a intégré le groupe en 2018, habite à cinq minutes de
chez moi. Donc c'est beaucoup plus simple. (Rires) On a pu
beaucoup répéter et pu passer beaucoup de temps, lui a la batterie
et moi à la guitare et au chant, pour remettre en place les
structures, travailler les breaks et les enchaînements. On a pu se
voir, nous, entre deux répétitions à quatre. On a mis beaucoup plus
à profit cette collaboration et cette complicité, ce qui fait que le
travail me semble plus abouti qu'il ne l'a été par le passé sur
certaines productions.
Je ne te demande pas si cet album a été taillé pour la scène,
c'est une évidence ?
J'espère oui (Rires). J'espère qu'on va pouvoir le
reproduire sur scène aussi énergiquement que d'habitude. On
travaille pour. C'est le but. On ne compose pas forcément les
morceaux en nous demandant ce que ça donnerait sur scène, mais on se
dit par exemple que tel titre donnerait bien à tel moment du set. On
va pouvoir facilement les intégrer dans notre set list et les
mélanger avec nos anciens titres.
Sans dévoiler la ou les sets list, qu'allons-nous
retrouver sur scène ? Uniquement ce nouvel opus ou bien d'autres
morceaux des albums précédents ?
Non, non. On n'a pas encore cette ambition ni cette volonté de
reproduire en live notre concept album. On va dire qu'on a un
répertoire qui nous permet de jongler au gré des albums et des
productions sur quelque chose d'efficace et sur un set, on va
mélanger les titres, ça c'est sûr. Mais bien sûr, on va en jouer des
nouveaux aussi.
Il y a un invité musical de marque, Björn 'Speed' Strid de
Soilwork, sur le titre « I Am The Misfortuned Herald ». Comment
cela s'est passé pour l'avoir sur votre album ?
Soilwork est un groupe, et spécifiquement son chanteur Björn
Strid, que je respecte infiniment. Ce sont des artistes qui
m'influencent dans la manière d'emmener un chant et de le poser, ou
de construire un résonnement autour du chant sur un titre. Et quand
est venue l'idée d'intégrer un invité au chant, j'ai tout de suite
pensé à lui. En me disant, "on tente le coup". On l'a contacté par
mail, et il a répondu par la positive. Comme c'est une période
pendant laquelle il ne pouvait pas tourner avec Soilwork et ils
avaient sorti leur dernier EP. Donc il avait un peu de temps devant
lui. Il a rapidement accepté. Et tout s'est fait très naturellement.
Forcément, vous avez travaillé à distance ?
Oui. Pour tout te dire, ce morceau-là, je l'avais déjà
entièrement fini en studio au niveau du chant, car, à la base, il
n'y avait pas de guest prévu dessus. Mais vu qu'on avait un peu de
temps avec la pandémie, on s'est dit pourquoi ne pas essayer
d'intégrer un invité sur ce morceau. On s'est porté sur ce titre-là,
car il était peut-être un peu plus prog, et sa voix pouvait
carrément coller sur le morceau. Et on ne s'est pas trompé. Ça l'a
fait.
Vous avez tiré deux clips de cet album, « I Am The Misfortuned
Herald » et « A Fire Asleep », c'était prévu ou bien est-ce
qu'avec la pandémie, vous avez fait ces clips pour faire patienter
en attendant la sortie ?
Non. Ce n'est pas une histoire de pandémie, car on avait déjà
dans l'idée de sortir deux clips, voire même trois, avant la sortie
de l'album. On n'a pas réussi à en sortir trois dans de bonnes
conditions, donc le troisième et le quatrième vont arriver dans les
semaines à venir. Comme ça, ça nous permet d'échelonner la promotion
de l'album avant et après. On a fait des vidéos pour soutenir
l'album. Chose que nous n'avions jamais faite avant. On évolue avec
notre temps. (Rires)
Et puis ça conforte votre présence sur les réseaux sociaux ?
C'est vrai. Ce n'est pas quelque chose que l'on fait vraiment de
gaîté de cœur que d'être présent sur les réseaux, mais
malheureusement, on ne peut pas faire autrement aujourd'hui. C'est
vrai qu'il faut toujours abreuver l'auditeur et le public de news et
de contenus. Et c'est vrai qu'un vidéo clip nous permet de présenter
un morceau de l'album et visuellement quelque chose d'abouti qui
illustre le concept, les personnages qu'on évoque dans l'album.
C'est une manière de pouvoir communiquer sur cet univers visuel.
Quelles sont les évolutions, qu'elles soient musicales ou
autres, depuis vos premiers albums ?
D'un point de vue personnel, on est des musiciens un peu plus
aguerris que par le passé. On n’est plus enfermés H24 dans nos
chambres à répéter nos gammes. (Rires) La scène nous a
permis d'être plus efficaces dans la pratique de nos instruments
respectifs. On a aussi pris un peu de niveau, donc ça nous permet
d'être plus à l'aise sur certains points. Mais au-delà de ça, sur un
point de vue musical, les jalons qu'on a déjà posé sur nos
précédentes productions nous donnent envie de conserver une identité
qui nous est propre, celle où notre public nous identifie. Et en
même temps, ça nous donne envie de les développer encore plus,
d'aller plus loin dans nos évolutions musicales. Dans les refrains
par exemple, des accords extérieurs que l'on peut amener. On n'est
pas qu'un groupe de trash-mélo. Je pense, sans prétention, qu'on est
un peu plus que ça. On essaie d'apporter autre chose qu'une base
trash où on déboule à 180 du début à la fin. Ce n'est pas du tout
notre philosophie, ni cette approche-là de la musique.
Quand on regarde vos cover d'albums, il y avait toujours des
notions de destruction, voire d'apocalypse, mais celle de «
Warenta » semble plus douce visuellement, moins agressive, c'est
un choix ?
Oui oui, c'est un choix. Après tout dépend avec quels artistes
nous travaillons. Ceux des pochettes précédentes avaient cette
identité-là, très déstructurée, chaotique, postapocalyptique. C'est
quelque chose qu'il amenait dans ses idées et vis à vis des
consignes qu'on pouvait lui donner. Mais, pour cet album, l'idée
était de prendre un peu le contrepied de ça. Quelque chose de plus
simple, plus épuré, tout en étant travaillé, mais dans d'autres
tons, d'autres couleurs plus pastel pour le contraste entre la
douceur et l'aspect rude du bâti et du complexe industriel ainsi que
celui du personnage qui apporte cette ambivalence entre les rouges
un peu violents de la chevelure et la douceur du visage. C'est tout
cet aspect de contraste que l'on a voulu mettre en avant dans cette
pochette. Et également dans le livret pour ceux qui auront la joie,
le plaisir et le bonheur de posséder l'objet. Le livret décrit
vraiment le concept album avec la galerie de personnages, d'objets,
de lieux … On a voulu partir sur quelque chose de vraiment plus
doux, moins fouillé, mais tout aussi travaillé.
On arrive aux dernières questions : définir le groupe en deux ou
trois mots. La dernière fois, vous m'aviez dit : "Trash, rythme et
connerie" pour l'un et "Passion, bonne humeur, ambition" pour
l'autre. Qu'en est-il maintenant ?
Les premiers, ce n'est pas moi. (Rires) Je dirais que
les autres mots sont de moi. Alors, est ce que ça a changé ? Je
rajouterais Maturité. Deuxième mot, je dirais Plaisir, car ça reste
toujours de l'amitié et de la déconnade. Le plaisir, c'est vraiment
ce qui nous anime. Et Ambition, car il faut toujours en avoir. Mais
pas l'ambition pour de mauvaises raisons. De l'ambition pour
continuer à vouloir créer et évoluer.
Et pour terminer, quel est le dernier morceau ou le dernier album
que tu as écouté ?
Qu'est-ce que j'ai écouté récemment ? J'avoue que j'ai pas mal
réécouté notre album. Sinon oui, je me suis envoyé du Toward The
Throne.
Merci Laurent pour cette interview.
Merci à toi.
Propos recueillis par Yann Charles - Photo Christiane Tastayre
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