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Ecrit par Yann Charles |
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jeudi, 14 avril 2022
MANIGANCE
http://www.manigance.org
Rencontre avec Carine et François de Manigance à l'occasion de la
sortie du nouvel album du groupe, « Le bal des ombres ». Manigance
est une des références du Power Metal made in France, et c'est
désormais avec une chanteuse que le groupe va reprendre la route,
pour le plus grand plaisir de leurs fans. Ils nous parlent du
renouveau du groupe.
Avant de parler de votre nouvel album, « Le bal des
ombres », on peut faire un petit rappel de qui est Manigance ?
François : Ah, alors qui est Manigance ? Nous sommes un groupe
du Béarn qui a au moins vingt ans d'âge. On a débuté fin 90, début
des années 2000. On a fait sept albums avec ce dernier.
Musicalement, on est resté sur du metal en Français avec des maisons
de disques françaises et japonaises. On a fait trois grosses
tournées. Au niveau musiciens, il y a eu quelques changements de
line up. Une même équipe pendant une quinzaine d'années et ensuite
des changements. Avec en dernier donc, l'arrivée de Carine au chant
et de Lionel à la guitare. Moi, je suis là depuis le début, mais
maintenant, c'est une nouvelle équipe. On est toujours dans cette
lignée de metal français, trash et prog.
On décrit le groupe comme "Power Prog Metal Mélodique" ? On
aurait pu dire Heavy aussi ?
François : On est clairement sur du heavy, surtout maintenant
qu'il n'y a plus de claviers, on a un son plus brut.
C'est dû à quoi, une nouvelle production, un nouveau son ?
François : Oui. C'est surtout dû à l'arrivée de Carine et à un
changement de direction musicale. On a changé l'accordage des
guitares. On est passé un peu plus bas, avec des sons plus rentre
dedans. C'est l'album le plus heavy que l'on ait produit jusqu'à
présent.
Vous chantez en Français, comme quelques autres groupes comme
Sortilège avec qui vous partagerez la scène de l'Élysée
Montmartre, il y a aussi le retour de Titan. Finalement, vous êtes
presque les derniers défenseurs du chant en Français pour votre
style de musique ?
François : Les derniers, je ne sais pas. Mais j'ai quand même
l'impression que pas mal de groupes reviennent vers le Français.
Peut-être que les gens ont une envie d'écouter autre chose que de
l'Anglais. Enfin, c'est l'impression que j'ai. Par exemple chez
Verycords chez qui on est, il y a beaucoup de groupes qui chantent
en Français. Ce que je sais, c'est qu'il y a un engouement du public
pour les groupes qui chantent en Français.
Vous regrettez qu'il n'y ait pas plus de groupes dans votre style
musical qui chantent en Français ?
François : C'est un peu une nouveauté. Ou plutôt c'est une
boucle. Ça revient. Il y a eu un temps où les groupes chantaient en
Français, puis ça s'est calmé et maintenant, on dirait bien que ça
revient.
Carine : Après, chanter en Français nous permet d'être plus précis
dans ce que l'on veut exprimer. Pour le public français, on est
moins dans le superficiel. On est obligé d'être plus précis, plus
pointu même. C'est un atout la maîtrise de la langue.
Beaucoup de groupes chantent en Anglais pour mieux s'exporter ...
François : Effectivement en ce qui concerne le Japon. Nous, on
est dans une maison de disques qui ne fait que du Français. C'est ça
qui les intéresse. Mais on réfléchit à faire une version en Anglais
également de cet album. Pour justement pouvoir mieux s'exporter. On
a fait des essais avec Carine, ça fonctionne bien, et vraiment, on
réfléchit à faire une version anglaise. Par contre, s'il y a une
version anglaise, elle ne sera pas distribuée au Japon.
Carine : C'est l'idée de pouvoir s'exporter en Europe. Quand on a
fait notre dernière tournée européenne, on s'est rendu compte que
pour certains pays, le Français était un gros frein. Même la
sonorité et la mélodie de la langue posaient des problèmes pour le
public. Alors on ne lâchera pas le Français, ça restera notre
langue, mais effectivement, on réfléchit à chanter aussi en Anglais.
Ça aiderait bien pour pouvoir tourner en Europe ... Et ailleurs.
« Le bal des ombres » est votre septième album, où nous
emmenez-vous avec ce nouvel opus ?
Carine : Loin. On t'emmène très loin.
François : Pour la partie musique, j'ai revu les structures des
morceaux et je pense que l'on est sur quelque chose de plus moderne
que ce qu'on a fait jusque-là. On a raccourci les parties musicales
en essayant d'être plus concis dans ce qu'on voulait exprimer. Une
musique plus efficace et qui va plus à l'essentiel. Tout en
préservant la priorité à la mélodie. Ce qui est la marque de
fabrique du groupe. Les morceaux de cinq ou six minutes, ce n'est
plus vraiment notre truc. On préfère se concentrer sur des formats
quatre minutes ou quatre minutes trente. L'arrivée de Lionel et de
Carine a amené du sang neuf, une vision plus moderne du heavy et
dans l'interprétation des compositions. Je pense qu'on est dans
l'air du temps de ce qui se fait en heavy metal.
Quels thèmes développez-vous ?
Carine : J'ai commencé à écrire les paroles un peu avant le
confinement. Mes inspirations sont donc autour des moments que l'on
a vécu durant toute cette période. J'exprime beaucoup des colères et
des injustices que j'ai ressenti à ce moment. Mes colères exacerbées
par ces situations d'enfermements pour lesquelles personne n'était
vraiment préparé. Sinon, j'aborde aussi des thèmes plus classiques
comme la situation climatique, par ce virus. J'ai essayé de ramener
à ce que l'humain peut ressentir. Comment il vit tout ça dans son
esprit. Des situations pour les couples qui ont rencontré des
difficultés. J'ai fait beaucoup de parallèles entre la vie normale
et ces situations très difficiles à vivre parfois. Voilà les thèmes
principaux. J'ai parlé également de la violence conjugale, la
violence faite aux femmes. Des thèmes actuels de société. La chanson
« Éternité » par exemple m'a été inspirée par l'incendie de Notre
Dame. J'ai fait un parallèle entre l'effondrement de la flèche et
l'effondrement d'une relation amoureuse. Cette image de cette
cathédrale en feu, de ce symbole d'éternité et de monument immuable
m'a totalement bouleversée. Comme beaucoup de gens en France, mais
aussi à travers le monde.
Vous sortez un album tous quatre ans environ, la
pandémie a-t-elle freiné votre plan pour cet album ?
François : Non, je ne suis pas certain que cela ait été un
frein. Il a fallu qu'on remonte une équipe pour remplacer les gens
qui sont partis et qui étaient à des postes clé dans le groupe.
Donc, ça a pris du temps. Mais cela nous a permis de nous trouver
déjà, de nous connaître et de nous organiser et de faire les choses
correctement, en prenant notre temps.
Carine : On a eu deux options. Soit sortir l'album durant cette
période, soit le décaler en fin d'année pour pouvoir avoir le vinyle
disponible en même temps. Mais cela n'a pas été la cas. Du coup, on
a choisi de sortir la version CD et numérique en premier et on
attendra pour les vinyles. Le souci est que si nous avions attendu
tous les supports, on aurait perdu presque une année et cela nous
aurait pénalisé pour les concerts. C'est pour ça qu'on a préféré
sortir l'album en mars pour pouvoir aller sur scène et profiter
peut-être des festivals avec un nouvel album à présenter.
François : De toute façon, la majorité des groupes sortent un album
pour pouvoir le défendre et le jouer sur scène. Là, ce n'était pas
possible donc on a préféré attendre d'être sûr de pouvoir jouer en
live, sur scène.
D'un autre côté, est ce qu'elle vous a permis de le travailler
plus profondément dans vos arrangements, vos compositions ?
Carine : Oui c'est sûr. Comme disait François, on avait besoin
de se connaître, d'apprendre à travailler ensemble, de comprendre
nos fonctionnements, d'identifier nos périmètres d'action. Du coup,
ça a été une expérience très riche, car on a eu plus de temps que
prévu pour tout ça. Et puis notre seule bouffée d'air a été la
musique, sinon, on était obligé de rester chez nous. On y a consacré
beaucoup plus de temps que ce qu'on aurait pu le faire en temps
normal. Et je pense que pour nous, ça a été une opportunité, surtout
avec ce changement de line up.
Vous vous êtes découverts les uns et les autres ?
François : Sur les compos oui. Carine et Lionel n'avaient jamais
composé pour Manigance, donc ça a permis d'avoir plus de temps pour
faire des essais, divers essais, et que chacun puisse proposer des
idées différentes.
Carine : Je suis autour du groupe depuis une vingtaine d'année, donc
on se connaît très bien humainement. On est amis. Mais, on n'avait
pas travaillé ensemble dans la musique. Donc, c'est une autre étape,
une autre page à écrire, et c'est très intéressant. Il y a une vraie
cohésion autour de ce projet. On s'est, tous les cinq, extrêmement
engagés et investis dans cet album, parce qu'on a eu le temps de se
l'approprier.
On va forcément parler de la voix de Carine, qu'est-ce qu'elle a
apporté au groupe, aux chansons du groupe, et du coup avez-vous
changé vos écritures et vos compositions pour vous adaptez à elle
?
Carine : Alors, j'ai beaucoup de chance, car c'est la première
fois de ma vie de chanteuse que j'ai des chansons sur-mesure. De la
fine dentelle, de la haute couture !! Sinon, oui, on a adapté les
mélodies, les couplets à ma tessiture de voix. Et pour moi, c'est un
luxe absolu. Comme disait François, ça a permis de descendre
certains morceaux en tonalité et c'est ce qui donne ce côté plus
heavy, plus dur, plus brut. C'était une orientation vers laquelle le
groupe voulait aller. La voix féminine, c'était un parti-pris.
C'était un gros changement après le départ de Didier qui avait une
identité vocale forte. C'était un peu compliqué de le remplacer par
un garçon. Il y aurait toujours eu une comparaison. Est-ce qu'il
aurait chanté comme Didier ? Est-ce que ce ne serait pas qu'une
simple copie de ce qui se faisait avant ? Le chant féminin, c'était
vraiment un parti pris pour un vrai changement.
Est-ce que c'est un album composé pour la scène, ou pas
spécialement ?
François : J'y ai réfléchi. Et il y a pas mal de passages qui
s'adaptent bien à la scène. On a privilégié des passages musicaux
plutôt que de longs solos. On avait eu un retour de la tournée avec
Myrath et ça a influencé les compos.
Forcément, vous vous languissez de retrouver votre public sur
scène, mais que sera donc la set list ? Et puis Carine, il va
falloir que tu adaptes ta voix aux anciennes compositions ?
Carine : C'est vrai qu'il y a un très lourd héritage. Déjà sur
la tournée avec Myrath, je chantais des chansons qui n'avaient pas
été écrites pour moi. On a soutenu l'album « Machination » et les
chansons n'étaient pas de moi. La set list contenait déjà les titres
des anciens albums de Manigance. Pour cette fois, on va rajouter des
nouveaux morceaux, mais moi, je trouve ça super. Je m'éclate et j'ai
hâte de vivre ça et de proposer mes mots au public et de voir les
réactions.
François : Les anciens morceaux seront présents, bien sûr, mais on
va privilégier quand même les nouveaux titres, car on veut un peu
tourner la page aussi. Mais on va le faire progressivement. Que ce
soit pour nous et pour le public. C'est un exercice au niveau des
guitares, car elles ne sont pas accordées pareilles. Mais voilà,
l'idée est de tourner la page sur ce qu'on a fait en 2018 et avoir
de nouvelles chansons.
Carine : Que les gens ne revoient pas le même concert. Il faut qu'on
ait quelque chose de nouveau à proposer.
L'an prochain, on vous retrouvera avec Rhapsody Of Fire et
Nightmare, vous vous languissez de pouvoir partir en tournée ?
François : Oh oui. On aurait dû repartir avant, mais bien
entendu, ça a été repoussé. Il y aura en plus Phantom Elite, un
groupe hollandais, et sur les quatre groupes, il y en aura trois
avec des chanteuses, si je ne dis pas de bêtises. Et ça, c'est bien
pour nous, car on va se retrouver sur des dates avec des groupes qui
seront dans ce que l'on fait, avec cette ambiance metal et des
chanteuses qui ont de la voix. C'est vraiment une belle aventure qui
se présente devant nous. On aurait voulu faire toute la tournée,
mais ça aurait été un peu compliqué. Donc on a la chance de pouvoir
faire les dates françaises, et ça, c'est très bien.
Carine : En fait les reports sont surtout dus au fait que Rhapsody
Of Fire ne pouvait pas faire la tournée européenne dans sa
globalité. Du coup, ne faire que quelques dates n'aurait pas été
rentable pour eux. Ils ont donc attendu de pouvoir remonter une
tournée dans sa totalité.
On arrive aux dernières questions rituelles chez nous ...
Carine : Déjà ? (Rires)
Eh oui (Rires). Pouvez-vous définir Manigance en deux ou
trois mots ?
François : C'est bon ça. On a l'impression de passer un
entretien d'embauche (Rires). Je dirais sur le côté Humain,
c'est un vrai groupe comme on en a connu dans les années 90. On est
tous ensembles et on vit le projet tous ensemble. Donc je dirais
humainement très lié.
Carine : Moi, je dirais Renouveau. Avec les bonnes ondes qu'on
arrive à dégager, on a créé une musique qui nous convient à tous. Et
qu'on a tous envie de défendre. Et Renouveau, également, car on
tient compte de ce qui s'est fait avant pour continuer l'aventure.
Et dernière question, quel est le dernier morceau ou dernier
album que vous avez écouté ?
Carine : Pour moi, c'est le dernier Kissin Dynamite, « Not The
End Of The Road ». J'adore !
François : Pour moi, c'est le dernier album de DGM, « Tragic
Separation ». Très très bon.
Carine : Ah oui. Excellent album. On devrait faire quelques dates
avec eux d'ailleurs.
Merci beaucoup pour cette interview.
Carine: ça a été un plaisir. Merci à toi.
Propos recueillis par Yann Charles
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