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Ecrit par Yann Charles |
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dimanche, 10 avril 2022
JACOB
https://www.jaypeejaypar.com
https://www.facebook.com/jaypeejaypar/
Une rencontre avec Jaypee, chanteur et leader du groupe Jaypee &
the Cannibal Orgasmic Band, mais raccourci en JaCob, qui nous
présente « Metamorphosis » (lire
la chronique ici), son nouvel album. Comment et pourquoi
passe-t-on d'un One Man Band à un groupe ? Qu'est-ce que cela a
changé dans sa manière d'appréhender la musique, il nous explique
tout ça dans cet entretien fort sympathique.
Salut Jaypee. On va commencer comme d'habitude par
une petite présentation du groupe si tu veux bien.
Salut. Alors, nous sommes cinq membres dans JaCob, qui veut dire
Jaypee & the Cannibal Orgasmic Band. Moi c'est Jaypee, chant et
guitare, Remy à la batterie, Marie au violoncelle, Fred à
l'harmonica et la guitare électrique, et Jean à la basse.
Vous avez réduit le nom Jaypee & the Cannibal Orgasmic Band
en JaCob car c'est le mec qui faisait les affiches qui gueulait ?
Non, non. (Rires) On a joué sur l'acronyme JaCob, et on
trouvait que ça ne sonnait pas trop mal. Et du coup, on a laissé
comme ça. En fait, c'est la continuité de ce que je faisais moi en
One Man Band. Mais pour l'enregistrement de cet album, je voulais de
vrais musiciens, être dans un vrai studio. Et comme tout s'est bien
passé, on a décidé de continuer pour faire des concerts.
Bon, on va parler musique. Pas facile de vraiment définir un
style ? On part du blues vers un folk trash, garage, metal … Bref
dis-nous donc.
C'est un peu de tout ça en même temps. On va dire blues rock
folk, avec une ombre de metal qui flotte au-dessus de tout ça. Car
le metal a pas mal construit ma vie de musicien. Il y a un peu
d'Americana, dark country, western moderne. J'ai trouvé ce terme, il
n'y a pas longtemps.
Au début, tu étais dans des sphères plutôt metal, qu'est ce qui
t'a poussé vers ce style de musique et pourquoi en One Man Band ?
En fait cela a coïncidé avec mon arrivée à Lyon. Je viens de
Poitiers à la base. J'avais l'habitude de jouer en groupe avec des
mecs que je connais depuis qu'on a quinze ans. Et je n'avais pas
envie de refaire un groupe avec des gens que je ne connaissais pas
forcément. Du coup, j'ai redécouvert tout ce côté blues moderne avec
des gens comme Bjorn Berge, William Elliot Whitmore par exemple.
C'était, il y a une quinzaine d'années. Je voulais me lancer
là-dedans. Redécouvrir également la guitare acoustique. Au début, je
faisais des morceaux où je chantais pour m'accompagner à la guitare
alors que maintenant, c'est devenu le contraire.
Et donc maintenant pourquoi tu es revenu à une formule groupe ?
Tout simplement parce que j'étais un peu limité dans les
arrangements que je voulais faire sur l'album en solo et en
home-studio. Ça s'entend pas mal surtout sur des batteries
virtuelles sur certains morceaux où ce n'est pas vraiment très joli.
Là, on a enregistré en studio, au Studio Magneto à Lyon. J'avais
envie de rajouter des instruments sur les morceaux pour les enrichir
pour l'album. Je ne voulais pas que ce soient des instruments
virtuels ni que ce soient des instruments que je ne maîtrise pas.
Alors je me suis dit autant faire appel à des vrais musiciens qui
maîtrisent parfaitement leurs instruments et que ce soit le plus
authentique possible.
Tu as pris une équipe plutôt blues, avec par exemple Fred
Brousse, qui lui vient de là, qui vient du blues (oui facile),
c'est pour mieux vous ancrer dans cette musique ?
Alors oui, Fred, c'est THE bluesman du groupe. Le spécialiste du
blues. Mais je suis assez content car cela l'a sorti un peu de sa
zone de confort sur cet album-là. Et c'est assez intéressant que ce
soit un petit peu plus dark folk, un peu sale, dans lequel il ajoute
sa petite touche blues. C'est un espace de grand écart entre des
styles différents qui au final se marient plutôt bien. Rémi, lui,
est batteur de groupes de rock celtique. Marie joue du violoncelle
dans un groupe de rock énervé féminin. Elle peut faire des choses
très belles, très classiques, mais également très rock. C'est très
intéressant pour ça. Et Jean qui est très bon à la basse.
Ça t'a permis de trouver un équilibre entre le blues soft et le
metal plus hard ?
Non, car je pense que j'avais déjà ça. Par contre cela a permis
de le sublimer et d'accentuer peut-être cet écart qu'il pouvait y
avoir. Le but étant d'essayer de rester sur le fil, un peu comme un
équilibriste, avec un côté vraiment rock et un côté plus profond,
plus soft. Et ce sont les instruments qui équilibrent tout ça, un
peu comme la barre de l'équilibriste. C'est ce que j'ai cherché à
faire.
Le fait d'avoir plus de musiciens apporte forcément plus de poids
à la musique ?
Complètement. Dans des compositions comme « I'm Coming For You
», on a lâché les chevaux et on est dans quelque chose de vraiment
énergique. Et dans des morceaux comme « Lonesome Bastard » ou « Rain
», le violoncelle exprime quelque chose de plus mélancolique. Donc
oui, cela accentue les écarts et les différences de sensibilité
qu'il peut y avoir entre chaque morceau. Comme tu dis ça apporte du
poids et de la profondeur. C'est ce que je voulais faire avec « Meet
Me Again », mais là, on a vraiment appuyé dessus.
On va parler de votre album « Metamorphosis ». Ce titre, c'est ta
propre évolution ?
C'est tout simplement la transformation du One Man Band en
groupe. Comme je le disais tout à l'heure, on grandit, on grossit.
On sort un peu d'un état larvaire de « Meet Me Again » pour se
transformer. On déploie nos ailes avec JaCob. On élargit le spectre
musical et on donne plus de profondeur à tout ça. « Metarmorphosis
», c'est cette transformation imagée.
Quels thèmes développes-tu dans cet album ?
Ce sont des thèmes spontanés qui viennent comme ça. Ce sont des
thèmes peut être plus imagés que ce que je faisais avant. On parle
de ressenti du quotidien, de convivialité, de solitude, de ce qu'on
a tous plus ou moins expérimenté en 2020. Mais, pour moi par
exemple, ce n'était pas mal vécu. C'est « Lonesome Bastard » qui
parle de ça. La solitude ça peut être cool si tu n'es pas confiné
dans un petit appartement. Si tu as un extérieur, tu peux toujours
profiter un peu. Faire un BBQ s'il fait beau, ce n'était pas
désagréable. Mais, au bout d'un moment, tu te rends compte que c'est
un peu lourd, même si tu aimes bien rester tout seul.
Oui, on sent bien ce besoin de copains, de convivialité …
C'est ça. Sur « Another Summer Day In France », on parle d'un
quotidien d'été avec de la bouffe, de l'apéro, de la convivialité,
du partage entre amis.
On a l'impression d'évoluer dans le bluesgrass du fin fond des
campagnes américaines, mais avec une touche bien de chez nous ?
Voilà, c'est ça. C'est exactement ça. Je viens de la campagne
poitevine, et je revendique ce côté rural. Je ne suis pas du tout un
urbain. J'aime ce côté campagne française.
La pochette de l'album ressemble à une cover de groupe de dark ou
de black metal, c'est pour bien montrer que c'est une musique
plutôt noire ?
Il y a de ça effectivement. C'est un petit clin d'œil à ce
spectre metal qui plane au-dessus de cet album qui est présent sans
vraiment l'être. Et puis je voulais également exprimer un petit côté
surréaliste à la Max Ernst que j'aime beaucoup. C'est un artiste
indonésien qui s'appelle Yakin, alias "mmmoaaa", avec qui j'ai
discuté sur Internet, car j'aime bien son boulot. Il a bien capté la
teneur de l'album et chaque élément sur la pochette correspond à un
morceau. La pochette est une espèce de résumé graphique de l'album.
Bon, il faut quand même que je te pose la question, quelles sont
tes influences, car on peut se retrouver dans tellement de styles
? De Leonard Cohen au psychobilly, il y a un sacré monde quand
même !!
Ça a toujours été très difficile pour moi de dire, c'est plus ça
ou ça. Au niveau de la voix, beaucoup de gens me disent qu'il y a du
Leonard Cohen ou de Tom Waits. Musicalement, on le rapproche du
projet dark folk/blues « Me And That Man » de Nergal, le chanteur de
Behemoth. On retrouve un petit peu de tout ça. J'essaie de mélanger
le tout pour que ce ne soit pas trop incompréhensible et de
développer ce petit côté OVNI sans trop me prendre la tête en me
disant ce morceau ressemble à ci, ou à celui-là, à ça. Les morceaux
viennent comme ils viennent. Le processus de création est assez
bizarre. Je peux mettre dix minutes à faire un morceau comme deux
ans par exemple. Je laisse voguer l'inspiration. Même si beaucoup de
choses partent à la poubelle.
Tu pars plutôt des textes ou de la musique ?
Je pars vraiment des deux. On a beaucoup travaillé les textes
avec Rico, qui est le directeur artistique et qui est un des
ingé-son du studio. On a beaucoup travaillé sur les tournures de
phrase, sur la prononciation, il a été pas mal mon coach vocal sur
cet album. Tout ça pour essayer d'être le plus crédible possible car
je parle bien Anglais, mais ce n'est pas ma langue maternelle, donc
il peut très vite y avoir des tournures un peu lourdes, de mauvaises
prononciations. Et c'était très intéressant de faire ce boulot avec
eux. On a bien bossé là-dessus, et on a passé de très bons moments
d'ailleurs.
Vous avez travaillé comment ? A distance ou en présentiel ?
On a quand même réussi à se retrouver, car c'était après le
premier confinement qu'on a vraiment travaillé sur l'album. Le
second confinement était plus soft et on a pu se retrouver. On est
tous des professionnels de la musique, donc ça ne posait pas trop de
problèmes. On a réussi à se retrouver une fois par semaine, quelques
fois deux pendant cinq ou six semaines pour travailler là-dessus. Et
comme il n'y avait aucune activité professionnelle pour aucun de
nous tous, on a aussi pu se retrouver pour répéter. C'était assez
facile de trouver des créneaux pour bosser ensemble. C'est bien pour
ça. Quand on fait de la musique en distanciel, c'est compliqué, et
il faut l'avouer un peu bordélique. J'ai déjà essayé et c'est dur.
Cette phrase dans votre présentation "JaCob est peut-être la
chose non-metal la plus metal que vous pourriez écouter"
représente bien cet album ?
Oui tout à fait. C'est un pote au Texas qui joue dans un groupe
de black metal qui a dit ça. J'ai trouvé ça cool et du coup, je lui
ai un petit peu volé. (Rires) Il y a ce côté où ce n'est pas
du metal, mais des bribes de temps en temps qui font que quelqu'un
qui n'écoute pas de metal ne va pas le remarquer. Mais le métalleux
trouvera des accords dissonants par exemple, que l'on trouve
beaucoup dans le metal, même si c'est fait sans distorsion. Il y a
plein de petits trucs comme ça, au niveau de la voix également, qui
font que sans être metal, on en entend un peu quand même.
Avec ce style de musique, vous allez ratisser large dans les fans
?
Oui, peut-être. Même si le but n'est pas de bouffer à tous les
râteliers. Mais c'est vrai que plusieurs générations, en fonction de
leurs goûts, peuvent se retrouver en écoutant cet album. Mes parents
aiment bien ce que je fais … (Rires)
On arrive aux dernières questions rituelles chez nous : peux-tu
décrire le groupe en deux ou trois mots ?
Un groupe cannibale et orgasmique. (Rires) Pourquoi ces
2 mots. Tout simplement parce qu’on a envie de vous manger et d'y
prendre du plaisir ! (Rires)
Et quel est le dernier morceau ou le dernier album que vous
avez écouté ?
Alors le dernier album que j'ai écouté. C'est un groupe qui bosse
avec Agence Singularités comme moi. C'est Pensées Nocturnes. Ça a
l'air bordélique comme ça, mais qu'est-ce que c'est bon !! Je me
suis pris une bonne claque. Ce genre de musique, soit on adore, soit
on déteste. Moi, j'adore. Il fallait oser mélanger la musette et le
black metal.
Merci beaucoup pour cette interview, et à bientôt sur une scène.
Merci à toi. Avec grand plaisir.
Propos recueillis par Yann Charles
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