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Ecrit par Yann Charles |
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samedi, 05 mars 2022
DARCY
https://www.facebook.com/darcymusic
Avec « Machines de Guerre », leur excellent dernier album (voir
la chronique), Darcy a frappé très fort. Un album qui
fera date et qui fait passer le groupe dans une autre dimension.
Quand en plus, on connaît leur fougue sur scène, on se dit que la
relève des grands groupes de rock français engagés est là et bien
là. C'est avec Irvin que nous avons parlé de ce nouvel opus.
Salut Irvin. Petit rappel pour commencer sur qui
est Darcy ?
Salut. Alors Darcy est un groupe de rock français qui tend vers
le punk, et on est basés à Rennes.
Vous sortez un album qui sent la poudre, « Machines de Guerre »,
vers quoi nous emmenez-vous ?
Ah, et bien vers du bon rock. On aime le terme de rock français.
Les gens n'aiment pas trop les étiquettes aujourd'hui dans la
musique, mais nous, ça nous convient très bien de nous appeler rock
français, car c'est vraiment ce qui nous définit le mieux. Ce qui ne
veut pas dire que cet album ne parte pas dans des styles un peu
différents comme le metal, le punk bien sûr, le grunge. On n'est pas
fermés à tous les styles. Mais rock français est vraiment ce qui
nous définit le mieux.
Je sais que généralement les derniers albums sont toujours les
plus aboutis, forcément, mais celui-là est vraiment particulier,
avec un gros travail sur le son …
Oui. Tu n'es pas le premier à nous le dire. On a beaucoup eu ce
genre de réflexion. On a travaillé énormément la technique et notre
manière de composer. On a acheté du matériel et on est allé dans un
studio professionnel, ce qui n'était pas le cas pour « Tigre ». On
est allé dans le studio de Niko de Tagada Jones, à Rennes, et on a
bossé avec Mazarin qui est l'ingé-son de No One Is Innocent. Donc
tout ça fait qu'on a bien pris le temps de travailler le son du bébé
!
Cet album est le fruit de vos expériences des albums précédents
et de beaucoup de scènes, qu'avez-vous apporté par rapport à vos
précédentes productions ?
Déjà, ce ne sont pas les mêmes qui ont composé. Le premier
album, c'est Clément et moi, qui est le batteur de Darcy, qui
l'avions écrit à deux. Pour celui-là, musicalement, je l'ai laissé à
mon guitariste qui s'appelle Vincent, et c'est lui qui a composé
l'album à 90% chez lui, car il a un home-studio. On peut dire que
c'est un bébé Covid car il l'a fait tout seul. Et de mon côté, j'ai
composé les voix. C'est vraiment un album différent de « Tigre ».
C'est la pandémie qui vous a encore plus énervé, car tu te lâches
bien sur les paroles ?
Ouais. On était en forme (Rires). Les paroles ont été
écrites avant et pendant la pandémie. Donc, forcément, il y a un
petit peu des deux qui se ressent. Mais oui, l'essence de Darcy a
toujours été la colère, et sur celui-là encore plus.
Et puis juste avant les élections, ça pourrait presque faire
l'objet d'un autre album ?
C'est marrant que tu dises ça car en ce moment, on est en train
de composer notre troisième album. Et je peux dire qu'il est déjà
bien entamé. On en est déjà au moins à 75% de composé. Ça fait sens
à ce que tu dis.
On ajoute encore un autre ennemi en plus de Marine ?
Oui. Mais des ennemis, on en a plein. Quand tu entends Valérie
Pécresse parler comme Zemmour, elle fait partie de la liste pour
nous maintenant. Tant qu'on aura des ennemis, Darcy sera toujours
là.
Est-ce que cette pandémie, finalement, n'a pas été un bien, je
parle pour le travail du son que vous avez pu approfondir ?
Oui, c'est vrai. Et nous, on fait partie de ces rares groupes
qui ont eu la chance de pas mal tourner malgré tout. On a eu la
chance de faire pas mal de dates en 2020 et 2021. On a pu jouer dans
peut-être le seul festival rock qu'il y a eu en France, et la
pandémie ne nous a pas vraiment gênés, car on n'est pas le genre de
groupe qui ne va rien faire parce qu'on doit rester enfermé chez
soi. On est plutôt du genre à se dire "tu nous enfermes, ben, on va
travailler encore plus". On s'est envoyé énormément de sons, de
mails, de démos, de maquettes et de nouveaux textes. Et on a composé
cet album totalement de cette manière, à distance, chacun chez soi.
Et après vous être retrouvés en studio, vous avez modifié, je
veux dire en profondeur, voire même abandonné certains morceaux ?
Très peu en fait. On a beaucoup joué les morceaux qu'on avait
composés et on en a beaucoup adapté pendant toutes ces séances de
répète. Et quand on est arrivé en studio, ça a été extrêmement
rapide. Je crois qu'on est resté douze jours en studio pour
enregistrer quatorze titres. C'est un très beau record. Donc comme
on a pu beaucoup répéter avant, on n'a quasiment rien changé en
studio.
Douze jours pour quatorze titres, les séances devaient être bien
intenses ?
J'avoue que c'était sport et qu'on a fini en sueur. Mais c'est
rentré dedans et on en est très content.
Du coup, le fait d'avoir été obligé de travailler différemment
va-t-il vous inciter à continuer à travailler comme ça dans le
futur, avec un rythme de travail plus posé ?
En fait, on est entre les deux. On a continué à travailler comme
ça avec Marco, qui est à la basse, et qui s'est mis lui aussi à
composer. Mais, cette fois-ci, il ne fallait pas envoyer les
morceaux totalement finis, mais surtout envoyer des riffs. Les riffs
de guitare sont le squelette des morceaux. Donc chacun envoie ses
riffs sur notre groupe commun. On les écoute, et en répète, on
travaille à quatre dessus. C'est une nouvelle manière de travailler
comme ça, le troisième album sera encore différent des deux
précédents. Avec la patte de chacun, ce qui est une première pour
Darcy.
Ça te vexe si je vous dis que vous êtes les enfants
de Tagada Jones et de No One Is Innocent ?
Pas du tout. Au contraire, c'est quelque chose qui nous fait
plaisir. Ce sont des groupes qu'on écoute depuis qu'on a 15 ou 16
ans. Comme je dis souvent, avant on faisait des kilomètres pour
aller les voir, maintenant, on fait des kilomètres pour jouer avec
eux. Donc, c'est un bel héritage pour nous. On pense vraiment être
les héritiers de cette scène rock.
Il y a une belle scène de groupes enragés français qui arrivent,
non ? Je pense à vous, les Pogo Car Crash Control et pas mal
d'autres. Ils n'ont pas peur de vous voir tous arriver ?
(Rires) Non, bien au contraire. Ils nous disent qu'ils
sont les grands frères. Ils nous appellent "les petits frères du
rock". Ils sont surtout contents que leurs voix continuent de porter
des nouveaux groupes, car on n'est pas très nombreux à être des
groupes de rock engagés aujourd'hui en France. Mis à part toute
cette génération qui a vingt ou trente ans de carrière. Mais
aujourd'hui, tu prends les Pogo, ils ne sont pas engagés
politiquement, mais ils sont engagés et enragés musicalement dans
les riffs de guitares (Rires). Mais au niveau des textes, ce
n'est pas le même credo que l'on a choisi. Darcy fait peut-être
parti de ces rares derniers héritiers du rock français engagé.
Kemar qui vient sur un morceau, c'est un peu comme s'il était à
la maison avec vous ?
Oui, c'est exactement ça (Rires). Je peux te dire que
quand il est venu dans le studio, il était comme à la maison. Son
petit journal, il a pris un petit verre … Mais plus sérieusement, No
One, ça commence à être une belle histoire entre nous car c'est
grâce à eux qu'on a fait nos premières scènes professionnelles. Ce
sont eux qui nous ont porté pendant les premières parties pendant
longtemps. Ils nous ont donné de la force en parlant de nous sur les
réseaux sociaux. Ils ont été les premiers à faire un duo avec nous.
Donc, ça nous paraissait évident de faire un titre officiel
ensemble. Le premier était plus un single pour faire du bruit sur
Marine. Mais là, c'est différent car on avait envie de faire un duo
sur un album et un titre qui parle du live. Ce n'est pas forcément
un morceau engagé, mais c'est un titre qui parle de la rage qu'on a
quand on rencontre les gens en concert et qu'on est sur scène à tout
défoncer.
Alors c'est une chanson, « Viens chercher le pogo », que je ne
peux pas cautionner. Avez-vous pensé à nous, pauvres photographes
? On va se faire défoncer nous !
(Rires) Ah ben oui. Mais là, il faut mettre des
genouillères, des coudières, des casques les gars ! Maintenant pour
aller dans les concerts de Darcy, faut venir comme si vous alliez
dans une manif ! Mettez un casque et marquez "Presse" derrière !
Bon, inutile de le dire mais je suppose que vous travaillez vos
chansons pour la scène, c'est presque dans vos gènes non ?
A 100%. Tout est pensé pour le live. On pense bien sûr à
l'écoute. Mais dès qu'on a un riff, on se demande comment va réagir
le public. Et si ça fonctionne tout de suite en live, c'est un
morceau qu'on va garder. Les titres de l'album ont été beaucoup
testés sur les festivals qu'on a eu la chance de faire en 2020 et
2021 et on a quasiment tout gardé.
Il y a des interludes dans l'album. C'est parce que vous êtes
fatigués et que vous avez besoin de boire une bière ?
(Rires) Ça pourrait oui. On avait envie de quelque chose
de plus abouti et plus produit sur cet album-là, car ce n'est pas un
album concept, mais quand on appelle un album « Machines de Guerre
», il y a une tension autre que des guitares de rock et des mots
durs. Donc on a eu envie de faire des interludes electro, et le
calme avant la tempête, ça fait du bien parfois.
Tu l'as dit plus tôt, vous avez fait beaucoup de concerts en
première partie de groupes comme No One ou autres piliers de la
scène française, quelles expériences en retenez-vous ?
Beaucoup de bénéfices. Il faut apprendre. Et au final ces
expériences nous ont appris à changer notre manière de nous
représenter sur scène. Quand tu as vu bosser les No One, Mass
Hysteria, Luke, Tagada Jones, tu te rends compte que ce n'est pas
comme quand on jouait dans les cafés, tu vois. On a travaillé. On a
compris qu'il fallait qu'on fasse quelque chose de plus
professionnel. On a vu les forces qu'il fallait en tirer, mais aussi
les choses qu'il fallait moins faire si on voulait avoir notre
propre patte. Mais c'est vrai que tout ce qu'on fait et tout ce
qu'on est maintenant vient de ces expériences-là.
Pour les textes, je vais prendre deux exemples, car j'ai eu la
chance de les rencontrer les deux. Kemar, lui, écrit ses textes en
se posant. Tandis que Niko me disait qu'un texte pouvait lui venir
comme ça, d'un coup de rage dans la voiture, sur un truc qu'il a
vu ou entendu, et il écrit immédiatement, à chaud. Toi, tu es
plutôt comment quand tu écris tes textes ?
C'est drôle que tu me parles de ça, car sur « Tigre », c'était
totalement à la manière de Niko, bien que je ne savais pas qu'il lui
arrivait d'écrire comme ça. Moi, quand je lis un truc ou que je vois
un reportage à la télé qui me fait péter un câble, j'écris un texte
tout de suite, en quinze ou vingt minutes. Si au bout des vingt
minutes, il n'était pas écrit, je considérais que c'était un mauvais
texte. Parce que je voulais l'énergie première, l'énervement ou la
rage premiers. C'est pour ça qu'ils ne sont pas forcément bien
construits avec des pieds, des allitérations. C'est vraiment du
texte brut. Pour le second album, j'ai travaillé différemment. Pas à
la manière de Kemar, mais c'était plus des phrases. Quand quelque
chose m'énervait, je n'écrivais qu'une seule phrase, un peu à la
manière d'un punchline, et j'y revenais quelques jours plus tard et
je me demandais ce qu'il s'était passé dans ma tête pour que ça
m'énerve à ce point-là. Et là, je me pose, et j'écris autour de
cette phrase. C'est un peu un "entre deux" de leurs méthodes.
On a des questions rituelles pour terminer nos interviews :
peux-tu définir le groupe Darcy en deux ou trois mots ?
Le chant de la colère. J'ai toujours résumé Darcy comme ça.
Et pour finir, quel est le dernier morceau ou le dernier album
que tu as écouté ?
Alors, c'était dans ma voiture … Je me demande si je ne me suis
pas remis « A feu et à sang » de Tagada Jones. Ah non, alors j'étais
sur la radio, et j'ai laissé passer le dernier morceau de Placebo
qui est moins dégueulasse que je ne l'imaginais. J'ai vraiment
apprécié. Des accords mineurs, un texte assez dur sur la paranoïa.
J'ai trouvé ça bien senti. Pour un groupe qui n'avait rien sorti en
dix ans, j'ai trouvé pas mal du tout.
Merci beaucoup pour cette interview, et on vous retrouve bientôt
sur scène.
Merci, à toi pour l'interview, c'était cool.
Propos recueillis par Yann Charles
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