|
|
|
|
|
BLUES HEAVEN FESTIVAL (DANEMARK)
|
|
|
|
|
Ecrit par Fred Delforge |
|
|
samedi, 13 novembre 2021
Blues Heaven 2021
BLUES HEAVEN FESTIVAL
ARENA NORD – FREDERIKSHAVN (DANEMARK)
Les 12 & 13 novembre 2021
http://www.bluesheaven.dk/
C’est notre rendez-vous blues incontournable depuis des années et
s’il a fallu faire l’impasse sur l’édition 2020 à la dernière minute
en raison des contraintes sanitaires insoutenables pour
l’organisation, c’est avec une joie non feinte que l’on retrouve
cette petite ville du Jutland du Nord pour ce qui sera une fois
encore, c’est certain, le plus grand événement blues de l’année 2021
en Europe. Pour faire face à la reprise de la pandémie, le Danemark
a rétabli il y a quelques jours seulement le Coronapass et quand
bien même les rotations aériennes entre Paris et Aalborg sont très
limitées, rien n’y fera, c’est la fleur au fusil et avec une journée
d’avance que nous nous installerons à Frederikshavn au beau milieu
d’une foule bigarrée venue des différents coins de l’Europe. Reste
maintenant à savoir si la totalité des artistes programmée aura
réussi à faire le voyage, autant dire que les échanges sont à la
fois amicaux et teintés d’inquiétude dans la salle de presse où l’on
retrouve les amis de longue date …
Il n’y a pas foule dans l’Arena Nord quand Peter Astrup vient
présenter Paul Benjamin qui sera cette fois encore le Maitre de
Cérémonie du Festival, et pourtant c’est déjà avec une grosse
pointure internationale que l’on passe aux choses sérieuses puisque
c’est Monster Mike Welch qui a la charge de l’ouverture des
festivités. Débarquant en quartet avec l’ami Fabrice Bessouat à la
batterie, le chanteur et guitariste ne va pas retenir ses coups et
c’est en nous emmenant avec talent vers un bon gros blues dont il a
le secret qu’il donnera tous les arguments aux spectateurs présents
pour démontrer aux absents qu’ils ont eu tort de ne pas se presser.
Rarement une entrée en matière n’avait été aussi réussie et l’on se
félicite déjà d’avoir fait le choix de venir de bonne heure !
On change de scène pour assister à la prestation de Kirk Fletcher et
on retrouve Fabrice Bessouat derrière les fûts, ce dernier
accompagnant comme à son habitude le bluesman américain qui a posé
ses valises en Europe depuis un certain temps. Inamovible et
toujours aussi heureux d’être là, Kriss Jefferson tient solidement
la basse et c’est soutenue par un clavier que cette équipe de choc
va une fois encore nous offrir un bon blues teinté de rock et mâtiné
d’accents venus de différents horizons comme Chicago, le Texas ou
encore l’Angleterre. Rejoint à l’occasion par les Bender Brass,
Jimmy Carpenter et Mark Earley aux saxophones et Doug Woolverton à
la trompette, Kirk Fletcher n’aura pas le moindre mal à tenir la
dragée haute à un public qui ne boude pas son plaisir et qui bouge à
l’unisson. Si ce n’est pas encore la foule des grands soirs, l’Arena
Nord affiche maintenant une assistance plus conséquente … Le
festival et son affiche alléchante méritent bien ça
!
C’est en face d’un public qui dine que Gaye Adegbalola va se
produire ce soir, sur ce que l’on appelle ici la scène Café, et
c’est toujours avec la même foi et le même engagement que celle dont
les parents étaient des proches de Martin Luther King va venir nous
proposer son blues qui, même s’il sort parfois un peu des sentiers
battus pour aller regarder du côté du folk. Arrivée à l’âge de
raison auquel on ne peut plus en théorie lire les aventures de
Tintin, la blueswoman originaire de Virginie n’a rien perdu de sa
superbe et elle nous régalera une fois encore de ses discours plein
de sens et de ses notes pleines de nuances. Rencontrée pour la
première fois il y a quatorze ans lors du festival Blues-sur-Seine,
Gaye Adegbalola reste une personne à la fois attachante et charmeuse
que nous avons eu plaisir à retrouver ce soir.
On retourne très vite dans la salle principale où nous attend un des
gros morceaux de la soirée puisque John Primer s’apprête à monter
sur scène. En tournée en Europe, cet as du Chicago Blues a fait les
belles heures des concerts et des festivals français et ce n’est pas
fini, fort heureusement. C’est remonté à bloc qu’il nous séduira ce
soir avec une musique qui ne pêche à aucun moment, une musique
plaisir dans laquelle la guitare est admirable, le chant
exceptionnel et la cohésion parfaite avec Steve Bell qui fait
virevolter ses harmonicas pour le plus grand plaisir d’une
assistance littéralement sous le charme. Difficile de résister à
l’appel du Chicago Blues quand il est lancé par un ancien sideman de
pointures comme Muddy Waters, Willie Dixon et autres Magic Slim,
alors on laisse juste le charme agir et on profite de l’instant,
d’autant plus lorsqu’il est magnifié par l’entrée en piste des
Bender Brass. Qui a parlé de moment d’anthologie ?
Retour vers la scène Café où devait se produire le pianiste Philippe
Lejeune, mais en lieu et place c’est un trio totalement inattendu
emmené par Bruce Katz que l’on trouve pour une prestation
intéressante qui retient l’attention d’une assistance qui a déserté
le set de John Primer … Emmené par un Bruce Katz des grands soirs,
le trio aura visiblement été très apprécié par un public qui est là
à la base pour se restaurer tout en se divertissant. Le pari a été
réussi !
On regagne ensuite très vite la plus petite des deux scènes où va se
produire un groupe transalpin, Groove City, qui en compagnie de la
chanteuse Daria Biancardi rend hommage à la reine de la soul, Aretha
Franklin. Portée par une section de cuivres très homogène et par un
guitariste bien présent, la diva aux faux airs de Nana Mouskouri va
nous faire la démonstration de ses capacités vocales, superbement
accompagnée il faut le reconnaitre par une paire de choristes qui
fait plus que le job et par un groupe où chacun donne de la voix
quand arrivent les refrains. La fatigue commence à se faire pesante
et le public profite de la prestation des Italiens pour se refaire
une santé au bar ou au buffet mais Groove City ne déméritera pas en
emmènera son monde jusqu’au bout d’un set bien envoyé ! En voilà qui
ne regretteront pas d’avoir fait le voyage, même si Daria Biancardi
chambre un peu l’assistance sur le côté climatique peu avenant du
Danemark en novembre …
On ne peut que déplorer l’absence de RJ Mischo qui a dû déclarer
forfait à la toute dernière minute, visiblement pour des ennuis liés
à la pandémie, mais c’est avec beaucoup de plaisir que l’on rejoint
la scène principale pour le clou de la soirée et la venue tant
attendue de Lil’ Ed & The Blues Imperials. Le sourire
omniprésent, Lil’ Ed n’a pas besoin de nous expliquer bien longtemps
pourquoi il a été maintes fois récompensé aux Blues Music Awards, il
suffit qu’il se mette à jouer pour que tout le monde tombe
immédiatement d’accord et pour que le Chicago Blues devienne
immédiatement la règle indiscutable de cette fin de première journée
de festival. Comme à l’accoutumée, les Blues Imperials sont à la
hauteur de leur frontman et c’est avec un mélange de sidération et
de délectation que l’on se prend de plein fouet un gros show dans la
veine de ce qui se fait de mieux dans le genre, et ce n’est rien de
le dire.
Le cru 2021 du Blues Heaven Festival s’annonce déjà comme
exceptionnel et nous sommes loin d’avoir tout entendu puisque la
journée de demain promet d’être mémorable. Il fait environ 8° quand
nous quittons la salle, quand on vous dit que les conditions sont
plus que correctes dans cette région côtière où les ferrys
rejoignent directement la Suède et la Norvège ...
Il n’est pas encore 17 heures mais il fait déjà nuit noire quand
nous retrouvons l’Arena Nord pour une seconde soirée de festival qui
ne va pas manquer de relief puisque quelques belles pointures sont
encore invitées à faire briller le blues sur ces terres nordiques où
il est tout particulièrement apprécié. Paul Benjamin nous gratifie
d’une rapide présentation et ce sont les Kokomo Kings qui entrent
directement dans le vif du sujet. Composé de musiciens venus de
Suède et du Danemark, le groupe nous entraine sur les rives du Big
Muddy pour nous faire découvrir une musique qui sait se teinter de
boogie, de rock et même de swing pour un résultat qui ne laisse pas
indifférent. Comme hier, le public tarde un peu à arriver mais ceux
qui ont fait l’effort d’être à l’heure ne le regretteront pas grâce
à une entrée en matière plus que réussie. Un bon groupe qui dispose
d’une belle fanbase et qui ne se prive pas un instant de lui en
donner pour son compte !
On traverse maintenant l’Arena pour rejoindre la scène principale où
va se produire Nora Jean Wallace, la chanteuse de Greenwood qui a
pris ses marques dans le Chicago Blues sans pour autant oublier les
racines de son Delta d’origine. Souvent comparée à Koko Taylor qui
se reconnaissait elle-même dans sa cadette, la diva va laisser le
soin à son band de proposer deux morceaux chantés par son guitariste
Dan Carelli avant de venir déverser son aura sur une assistance
instantanément sous le charme. Une voix en or massif, un charisme de
tous les instants et plein de petites attentions en direction des
photographes, des spectateurs anonymes et de son groupe finissent de
la faire entrer dans la cour des très grandes dames du blues. Autant
dire que l’on n’en perd pas une miette et que l’assistance, bien
plus nombreuse pour ce second concert de la soirée, est visiblement
comblée de voir cette très belle artiste se produire dans des
conditions aussi confortables. A n’en point douter, le nom de Nora
Jean Wallace restera longtemps gravé dans les mémoires du Blues
Heaven Festival !
Retour vers la scène annexe qui accueille avec un peu de retard la
chanteuse Kat Riggins qui vient nous offrir une belle dose de blues,
de soul et de rhythm’n’blues en compagnie de son band mais aussi du
guitariste Kai Strauss. Le set est déroulé avec beaucoup d’entrain
et la jeune diva use autant de sa voix que de son charisme pour
charmer une assistance qui n’a pas de mal à plier sous le poids des
belles mélodies qui lui sont proposées. On entre en plein blues
revival avec une formation capable de séduire les jeunes et les
moins jeunes et ça fonctionne plutôt bien si l’on en juge par le
nombre de mines réjouies et de téléphones levés au ciel pour filmer
ou photographier l’instant. Un blues de bonne facture joué avec le
cœur et l’âme, on n’en demandait pas plus pour passer un bon moment
à écouter Kat Riggins.
Direction le Café et sa petite scène pour assister à quelques
minutes de la prestation des Jelly Roll Men qui ne ménagent pas
leurs efforts pour convaincre les dîneurs de la bonne teneur de leur
blues. A grand renforts de classiques comme « Got My Mojo Working »
et autres, ces jeunes gens venus du froid parviendront à réchauffer
un public qui n’en attendait pas moins d’eux, même s’il règne une
température plus que convenable dans la salle.
On file directement vers la salle principale pour retrouver Bobby
Rush avec qui nous avons diné un peu plus tôt et après un premier
titre chanté par son bassiste, Arthur Cooper, c’est un Paul Benjamin
radieux qui accompagne son ami sur la scène, rappelant que ce
dernier à reçu deux Grammy Awards et nombre de Blues Music Awards au
cours de ses sept décennies de carrière. Toujours fringant, le jeune
homme qui vient de fêter son 88ème anniversaire le 10 novembre va
très vite nous faire monter dans les tours en invitant ses deux
plantureuses choristes parmi lesquelles on compte Miss Love, sa
compagne, et en se prêtant à leurs côtés à quelques poses plus ou
moins lascives. Mais loin de se contenter d’être un entertainer,
Bobby Rush est un chanteur aguerri doublé d’un musicien hors pair,
ce qu’il nous démontre à chaque instant à grand renfort de titres
qui magnifient littéralement l’art du blues. Et s’il fait partie des
derniers grand pionniers du blues encore en exercice, le bluesman de
Jackson, Mississippi, est loin d’être un artiste sur le retour
puisqu’il tient non seulement le rythme mais aussi la distance ! On
ne mesurera jamais assez la chance que l’on a de pouvoir écouter de
telles légendes en 2021 …
On reste dans l’énergie et la bonne humeur en retrouvant les Suédois
de Trickbag qui vont nous emmener faire un tour du côté des rythmes
colorés et épicés de New Orleans avec des influences rapportées de
modèles comme Earl King, mais aussi vers un rock garage pas piqué
des vers. Célébrant ses vingt-cinq années d’existence, le sextet
pioche allègrement dans sa discographie pour essayer de se mettre le
public dans la poche mais il faut bien avouer qu’après la déferlante
Bobby Rush, il n’est pas évident de réussir à relever le défi,
d’autant que nombreux sont ceux qui ont soit plié bagage, soit sont
partis se désaltérer au bar en attendant un final des plus
prometteurs. Il n’en reste pas moins que Trickbag a du métier et des
arguments pour briller et que Tommy Moberg, son frontman, ne va pas
se priver d’en user pour qu’au bout de la partie le groupe sorte
vainqueur, et par KO en plus s’il vous plait !
On en arrive déjà à la fin de cette édition 2021 du Blues Heaven
Festival et il faut bien reconnaître que l’ami Peter Astrup nous a
gâtés puisque c’est Rick Estrin & The Nighcats qui vont se
charger de replier l’affaire, et de fort belle manière comme
toujours avec eux. Superbement épaulé par le guitariste et
producteur de génie Kid Andersen mais aussi par les indispensables
Lorenzo Farrel aux ivoires et Derrick D’Mar Martin à la batterie, le
chanteur et harmoniciste qui a repris la tête des Nightcats au
moment du départ à la retraite de Little Charlie Baty n’en finit
plus d’emmener son groupe vers les sommets en le faisant tourner
dans le monde entier et en offrant au public un blues caviar comme
on les aime, à la fois respectueux des traditions et très actuel.
Une partie de public est malheureusement partie avant la fin mais
ceux qui sont restés n’ont pas eu à se forcer pour prendre du bon
temps car Rick Estrin a mis les petits plats dans les grands pour
nous offrir un show complet mélangeant facéties et blues de très
bonne qualité. Il faut bien reconnaitre que son jeu d’harmonica et
son phrasé si caractéristiques font de lui un des tous meilleurs
artistes du circuit.
Si au moment de se quitter la fatigue pèse un peu, comment ne pas
être ravi d’avoir passé un si bon moment tous ensemble ? S’il ne
fallait avoir qu’un seul regret, ce serait sans doute celui de
constater que le blues, d’aussi belle qualité soit-il, ne parvient
pas à déplacer les foules, quand bien même il se déroule dans une
région qui est assez attachée à ce genre musical. Bien entendu nous
avons retrouvé des amis venus de toute la Scandinavie mais aussi de
Finlande, de Bulgarie, d’Allemagne, d’Italie et même de France, mais
une telle affiche mériterait vraiment que le public afflue de toute
l’Europe pour assister à ce qui s’apparente véritablement à la
grand-messe annuelle des douze mesures … Un grand merci à nos hôtes
pour ça !
Fred Delforge – novembre 2021
|
|
|
|