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Ecrit par Yann Charles |
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samedi, 30 octobre 2021
PARLOR
https://www.facebook.com/PARLORTHEBAND/
Rencontre avec les joyeux fous furieux du groupe Parlor. Ils nous
parlent de leur dernier EP, « Comments ». Une musique qu'ils
qualifient de "Chaotique Hardcore" et des thèmes qui touchent tout
le monde. Le tout dans un esprit potache. Donc autant dire que l'on
ne s'ennuie pas avec eux.
Pouvez-vous présenter le groupe et pourquoi ce nom,
Parlor ?
A : Ah ah. Forcément. Quand on s'est rencontrés, on avait
d'autres formations et on faisait des dates ensemble. On avait tous
des passions communes pour Converge ou Breach, et on s'est retrouvés
autour d'un projet qu'on voulait faire. Et donc le terme de Parlor,
c'est très littéral en fait, et ça peut désigner un parloir. C'est
aussi un thème qu'on avait repris sur notre premier EP où on parlait
des livres qui se vendaient sous le manteau en Allemagne de l'Est,
et donc des messages que tu faisais passer comme ça, à demi-mot.
Donc Parlor c'est ça, c'est faire passer des messages discrètement.
Difficile de définir votre musique si ce n'est que c'est quand
même bien violent. Mélange de punk hardcore ?
A : Si on doit définir, c'est la lourdeur. Voilà ce que c'est.
On en parlait un petit peu avant et les gens nous disent qu'on fait
de la noise. Mais la noise c'est un petit peu fourre-tout.
En fait on s'est tous mis d'accord dès le départ sur le terme
"Chaotique Hardcore" car on a vraiment commencé avec ce qui nous
reliait tous les quatre et qu'on n'avait pas dans nos projets à
côté. On voulait aller à fond sur des structures complètement
alambiquées, de la disto en permanence, comme peuvent le faire
Converge ou Breach ou Botch, enfin des groupes comme ça.
Une sorte d'anarchie musicale ?
B : Oui, c'est ça. Et la démarche punk également. Les premiers
titres qu'on a enregistrés, on avait quatre micros dans un studio.
On faisait ça en une heure et il y avait ce côté Do It Yourself
poussé à fond. On ne pensait pas qu'on en arriverait là, à faire des
albums, et qu'on continuerait à jouer.
C'est quand même un peu moins violent que les albums précédents,
c'est une évolution du groupe, ou c'est juste pour cet album ?
B : Non non, c'est une évolution du groupe. Clairement. On va
vers quelque chose de plus contrasté. Non pas qu'on ait fait le tour
de la violence musicale, mais on tend plutôt vers cette tendance. On
est plus dans une recherche de partir de la violence pour retomber
sur des trucs plus doux. On a aussi, je pense, nos influences post
rock qui reviennent. Et vu qu'on se prend moins la tête sur
l'évolution du groupe, donc on n'hésite pas à aller vers d'autres
chemins.
Du coup moins "Chaotique" ?
A : Oui, moins chaotique. Mais on y gagne en efficacité pour
aller droit au but. Et on se rend compte, maintenant, qu'il y avait
pas mal de fioritures et on perdait pas mal en visibilité dans notre
musique ou dans nos messages. On s'est dit pourquoi on n'irait pas
plus à l'essentiel en passant par des territoires plus contrastés,
voir plus calmes, et ne pas être à 200 à l'heure tout le temps.
Voilà, une évolution concrète.
B : Tu ne vas pas dire que l'on va devenir pop ou quoi que ce soit ?
(Rires) On n'est pas non plus en train de lisser notre
musique.
Cet EP est une sorte de teaser pour l'album à venir en 2022 ou
bien est-ce le pont entre les albums précédents et ce nouvel élan
du groupe ?
A : C'est une bonne remarque. On ne s'est pas trop posé la
question. Mais je pense que c'est ça. On a déjà commencé à bosser
sur l'album qui paraîtra chez Atone Records. On a déjà quatre
titres. C'est une continuité, mais il y a aussi de nouvelles choses.
Mais j'aime bien ce terme de pont. Même si c'est quelque chose qu'on
n'a pas fait consciemment. Ça s'est fait naturellement. C'est ça qui
est agréable, sans trop intellectualiser tout ça. Mais comme le dit
Boris, on ne va pas faire de la K Pop tout de suite. (Rires)
Heu, même après s'il te plaît …
A : (Rires) Si si, au moment où vous vous y attendrez
le moins. (Rires) Mais sinon pour en revenir à ta question,
j'aime bien ce terme de pont.
B : On n'a pas dix chansons derrière nous pour qu'on se dise "ça
sera pour la suite". Toutes les chansons qu'on a faites sont pour
cet album.
Il n'y a pas un plan de carrière particulier ?
B : Non non. Les chansons que l'on a pour « Comments » sont
forcément différentes de celles que l'on avait pour « Softly ». Et
donc pour la suite, il y aura également autre chose de différent
aussi.
Y : Et puis ça allait de pair avec une rencontre marquante avec
Francis Caste qui a produit « Comments ». Il a mis son grain, sa
patte, et il nous a aidé dans la composition. Et le dialogue avec
lui a beaucoup fait pour aller vers d'autres styles musicaux. Faire
un pont comme tu disais.
Quels thèmes vous abordez sur cet album ?
A : C'est surtout celui d'internet et des réseaux sociaux et
notre rapport à tout ça. On enfonce des portes ouvertes car on n'est
pas les premiers à en parler, c'est un peu trop simple. Mais c'est
simplement un constat qu'on a fait en écrivant là-dessus. Alors on
n'est personne pour faire un essai sociologique là-dessus, mais
c'est quelque chose qui nous touche tous et qui change et chamboule
nos vies même. J'aime bien ce mot d'aliéné pour parler de ce sujet
aussi car on marche un peu sur la tête avec tout ça. Par exemple, tu
prends le métro et tu as une armée de zombies scotchés à leur
téléphone en train de jouer, de regarder des photos de chats, bref
n'importe quoi. Et donc on veut dénoncer ça, mais autant le faire
avec humour. Regarder ce qui nous entoure et faire des blagues un
peu potaches là-dessus.
C'est paradoxal que se moquer de ça alors que tu en as besoin
quand même ?
A : C'est exactement ce qu'on est en train de faire aujourd'hui
avec ces rencontres pour des interviews, qui seront ensuite diffusés
par Internet.
B : Ce qu'on s'est dit au début de Parlor, c'est d'avoir un projet
qui nous ressemble. On a tous un humour un peu con, potache, alors
autant être un peu honnête et ne pas vouloir jouer des gros méchants
que nous ne sommes pas. Et cela ne nous empêche pas d'avoir des
messages, de critiquer certaines choses, mais avec de l'humour.
A : Si tu écoutes Parlor sans connaître, si tu ne vas pas sur les
réseaux sociaux, on n'est pas non plus Ultra Vomit. On a quand même
un côté violent dans la musique, mais beaucoup dans les textes.
B : Et puis on a intégré des samples justement pour pouvoir intégrer
des petites blagues. Sur scène, on lance des espèces de cornes de
brume, des petits "Olé". On intègre ça un peu plus sur scène, pour
garder quand même un côté décalé.
Y : Ça se rapproche un peu de la scène grindcore des années 90. Tu
as un côté un peu hommage à Sylvester Stalline. Mais le propos reste
sérieux. On n'est pas des grands méchants Black Metalleux. On
n'essaie pas de jouer un rôle.
Vous aviez un rythme élevé dans les sorties
d'album. La pandémie vous a-t-elle coupé dans vos plans de
progression de sorties, de concerts et d'enregistrements, ou bien
c'est le plan qui était prévu ?
B : La tournée promotionnelle de l'album précédent n'a pas pu se
faire. Du coup, on a essayé d'avancer, de travailler avec plus
d'intensité pour cet EP. C'est de là qu'est né « Comments ».
A : C'est ça. Ça nous a donné du temps pour nous concentrer sur ce
que l'on voulait faire.
B : On en a profité pour faire un clip ultra débile à la maison.
Cette période bizarre vous a-t-elle permis de travailler
différemment de ce que vous faisiez avant ?
Y : Oui oui. Personnellement, j'ai eu beaucoup plus de temps
pour moi, pour créer et travailler mon instrument. C'est vrai
qu'avec le recul, j'ai pu faire plein de choses pour Parlor. C'était
assez bénéfique, malgré la frustration de ne pas jouer. On a avancé
à fond.
B : Et il y a un état d'esprit qui s'est posé, car avec la pandémie,
on ne savait pas ce qui allait se passer après. On ne savait pas ce
qu'on allait devenir. Mais on avait quand même la volonté
d'enregistrer cet album.
C'est la pandémie qui a créé « Comments » ou bien vous aviez déjà
de la matière pour le faire ?
B : On avait en projet de le faire.
A : Il y a certaines chansons qu'on avait déjà commencé à jouer en
live, pour les tester, voir comment cela passait. Depuis, elles ont
pris une autre forme sur l'album.
B : En fait notre objectif était de tourner. Il y a eu tout ce
mouvement de grève vers la fin décembre 2019 qui nous a fait annuler
plusieurs dates. On avait des trucs vraiment sympas qui devaient se
faire. Et après, la pandémie a anéanti cette tournée que l'on devait
faire avec Twenty Second. Mais bon, on n'est pas les seuls. C'était
juste de la frustration de ne pas pouvoir défendre sur scène un
album qu'on avait mis un peu de temps à sortir. Après, comme l'a dit
Arthur, ça nous a donné la volonté de nous concentrer sur un disque
plus court, plus compact … Finalement, ça a été bénéfique.
Cet EP, vous l'avez composé pour la scène ou pas spécialement ?
A : Non pas spécialement. Il y avait la liberté d'expérimenter
des choses, de nouveaux sons, sans forcément penser à la scène. On
les a fait avec Francis Caste, et après on s'est dit qu'il faudra
voir comment on peut ou pas les adapter pour la scène. Mais on était
parti avec une optique studio uniquement. Maintenant c'est génial,
tout a l'air de se débloquer, mais au moment où on est entré en
studio, on n’avait aucune certitude sur l'avenir.
B : Il se trouve que les morceaux passent bien sur scène, donc on
n'a pas vraiment besoin de les retravailler.
C'est ça la signature Francis Caste. Un travail de son en studio,
mais qui fait qu’il peut s'adapter au live sans problème de
nouveaux arrangements ? En fait pourquoi ce choix de Francis Caste
et que vous a-t-il apporté pour cet EP ?
B : Au-delà du son, il nous a beaucoup aidé à gagner en
simplicité et en efficacité dans les compositions.
Y : On avait tendance à accumuler les parties, et là-dessus, il nous
a beaucoup aidé à simplifier effectivement.
B : Ensuite, pourquoi Francis ? On cherchait à faire un album
produit qui changeait de ce qu'on avait fait avant. C'est surtout ça
que l'on recherchait. Et du coup, ça nous a amené en travaillant
avec lui en résidence, à ce qu'il nous fasse des focus sur l'essence
même des compos. Retirer ce qui était superflu, car on avait
tendance à en mettre un peu trop. Il nous a aidé à structurer
l'ensemble. Et ensuite il a ajouté sa production et son son de
folie.
Y : C'est ça. Il fait sonner tout de manière incroyable. On n'est
pas arrivé comme un énième groupe qui voulait la signature Francis
Caste sur son album, mais il a vraiment pris le temps de travailler
avec nous, de nous conseiller. On est très petit vis-à-vis des
autres groupes avec qui il a travaillé, mais il a pris le temps de
comprendre ce que l'on faisait, comment on fonctionnait, et même la
portée de « Comments ». Et il nous a amené vers des choses
auxquelles nous n'avions pas pensé.
B : C'est l'intelligence de Francis. C'est un mec qui est à l'écoute
et il arrive à avoir un pas d'avance sur toi par rapport à ce que
toi tu as envie de faire. Il te dit "Tiens, tu devrais essayer ça",
et souvent il tape juste.
G : Il n'est pas que producteur. Il a été réalisateur. Il a été en
résidence avec nous. Il m'a fait bosser ma frappe. Il nous a épaulé
et accompagné et on lui en est très reconnaissants.
L'album prévu en 2022 a-t-il les mêmes thèmes ou bien allez-vous
explorer d'autres sujets ?
G : On a déjà des pistes. On va essayer de garder une espèce de
tronc commun afin de rester cohérent sur un album. On est en train
de réfléchir à faire ça. On va traiter des habitudes. Bonnes ou
mauvaises. De tout ce qui peut être addiction, mais pas que la
drogue. Je pense aux addictions amoureuses, ou à l'argent par
exemple. On continue à se concentrer sur « Comments », mais on a
déjà deux ou trois chansons. On va garder quand même notre esprit
potache. Après, on ne va pas faire des trucs sur des zombies ou sur
des châteaux-forts, mais on va faire des chansons sur des sujets
qu'on connaît.
Ah question avant de passer aux questions rituelles : sur votre
présentation, il y a écrit "Parlor répand ses abjectes
déflagrations", c'est quoi tout ça ?
(Rires) Ça c'est Boris …
B : En fait, on veut parler de déflagrations sonores. Sur « Softly »
et « Zamizdat », nos précédents albums, on avait un son plus
distendu, plus sale, et c'est ce qu'on répandait un peu au départ.
Et depuis, vous êtes devenu plus propres ?
G: (Rires) Disons qu'avant on avait quelque chose d'un
peu boueux, maintenant, on a quelque chose d'un peu plus poli. On
voulait moins se répandre partout et structurer un peu plus notre
musique.
Question rituelle pour terminer : comme vous êtes quatre, ce
sera donc quatre mots pour définir le groupe ?
A : Irrévérencieux.
Y : Lourd.
B : Gluant.
G : Sincère.
Merci à vous pour cette interview.
Merci à toi.
Propos recueillis par Yann Charles
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