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Ecrit par Yann Charles |
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vendredi, 08 octobre 2021
NO
ONE IS INNOCENT
http://www.nooneisinnocent.net/
Rencontre avec Kemar, Popy et Shanka de No One Is Innocent à
l'occasion de la sortie de leur dixième album, «
Ennemis ». Un excellent opus, digne successeur de «
Frankenstein », où l’on retrouve la
force, l'énergie et toute la fougue d'un des groupes piliers
de la scène rock française. Une rencontre avec
des surprises. Un très bon moment avec des mecs vraiment
sympa.
Salut à vous. Tout
d'abord, comment allez-vous ? Vous avez réussi à
échapper à ce virus ?
P : Salut. Non, personne ne l'a eu. On est passé entre les
mailles.
K : peut-être qu'on l'a eu mais qu'on ne s'en est pas rendu
compte.
S : Ah je ne sais pas. Car celui-là quand tu l'as
généralement, tu le sais. Mais apparemment, on a
réussi à y échapper oui.
Avant de parler du nouvel
album, « Ennemis », un petit mot sur la
tournée qui se profile en début
d'année prochaine, le Big 4 Français avec Ultra
Vomit, Tagada Jones et Mass Hysteria ?
K : Le gros 4 !
Vous aviez ça
en tête depuis longtemps de vous retrouver ensemble sur une
scène ?
K : Oui c'est ça. Ça faisait
déjà quelque temps, même beaucoup de
temps qu'on en parlait.
C'est le concert
à Paris « Rage Tour fait le Zénith
» qui a déclenché ça ?
Non. L'idée est là depuis bien plus longtemps que
ça, mais ça a toujours été
difficile à mettre en place à cause des
tournées et des actualités de chacun.
P : C'est qu'il faut que ça s'organise. Qu'on puisse avoir
des dates disponibles tous ensemble dans nos agendas et c'est pas
facile. Mais c'est vrai qu'on en parle depuis des années.
Finalement, le rock
français a son public, et c'est peut-être la
solution que ces concerts en co-lead ?
K : Pour faire du monde ? Non. Je ne pense pas que les quatre groupes
aient besoin de ça pour faire du monde. Après,
c'est vrai que chacun d'entre nous ne fait pas cinq mille personnes
à chaque fois. Mais bon, est ce que tu es plus heureux parce
que tu fais cinq mille personnes ? Pas nécessairement.
P : C'est plus le fun de pouvoir se retrouver et de jouer tous
ensemble. Cela créé une dynamique autour de ce
projet.
K : Oui c'est ça. C'est un peu le retour aux affaires (rires).
À partir de fin janvier, l'année prochaine, cela
sera un peu décanté. Comment mieux
redémarrer qu'avec des groupes français qui se
réunissent pour recommencer à faire vivre le rock.
P : On a déjà fait des concerts ensemble. Disons
qu'on a déjà joué ensemble, mais
à deux ou trois, tandis que là, on sera quatre
groupes, avec Mass Hysteria en plus. Et pour nous, ce sont des
soirées très particulières
à chaque fois.
On revient sur le nouvel
album, « Ennemis ». Trente ans d'existence, et on
peut dire trente ans de résistance même. Dix
albums et toujours cette même rage de combattre
l'inégalité, les violences policières,
et maintenant cette mainmise sur le pouvoir par des castes comme vous
le dites. Franchement, ce n'est pas lassant de voir que les choses
n'évoluent pas, ou si peu ?
K : C'est une bonne question. Alors ça pourrait …
Mais avant tout notre métier, c'est de faire de la musique.
Ce que je veux dire, c'est que s'il n'y a pas de musique, il n'y a pas
de textes.
S : En même temps, les choses évoluent. Tu prends
Big Brother par exemple. Il y a vingt ans, c'était une sorte
d'entité supra nationale tandis que maintenant, avec
l'évolution, les gens sont devenus leur propre Big Brother.
Donc l'évolution, elle est là.
P : Bon et c'est vrai que dernièrement, il y a eu de la
matière !!
K : Il y a toujours de la matière. Après, on ne
peut pas non plus être le supermarché de
l'engagement. Et ne parler que de ça. Mais je le
répète, avant tout, on est un groupe qui fait de
la musique.
J'insiste un peu sur les
paroles, mais j'ai l'impression que vous vous lâchez encore
plus sur les paroles, peut-être plus que sur «
Frankenstein » qui était
déjà bien virulent. Là, je pense
à « Consanguin en uniforme » par
exemple. Finalement, pas de dialogue correct possible, il faut employer
des mots plus forts, voire plus violents ?
K : Non pas spécialement. Je pense que certains
événements ont été
vachement plus violents. Tu vois si on avait sorti l'album dans six
mois, on aurait reparlé de Massoud et remis le couvert sur
les talibans. Je pense qu'il y a aussi eu une grosse perte
d'écriture pendant toute cette frustration qu'ont
été ces confinements. Tu te retrouves
scotché chez toi et la vie n'est plus la même. Et
ça créé une sorte d'enfermement dans
ton cerveau qui devient encore plus bouillant que d'habitude. Et quand
tu recommences à écrire, forcément
cette frustration ressort dans tes mots.
Cette
pandémie, c'est un break involontaire qui vous a fait du
bien ? Je parle d'un point de vue artistique ?
K : Artistiquement parlant oui. Car on a eu plus de temps pour bosser.
On a fini notre tournée fin 2019 et on était
rempli de bonnes vibes des lives, donc quand le confinement est
arrivé, on n'était pas en perdition et en
frustration à se dire qu'on n'allait plus jouer. Nous, on
était totalement focalisés sur notre album.
Très obsessionnel comme on peut l'être sur
scène. Et donc, on n'a pas trop souffert de ça.
Par contre, comme je te le disais, le fait de rester dans une bulle
comme cette période l'a provoquée, ça
a rendu les mots un peu plus durs.
Même le son
semble plus dur. Musicalement, même si ça reste du
No One, je trouve un changement de son, peut être plus brut,
moins raffiné, quasiment du son live …
K : Oui c'est ça, on est à
côté de toi !!
P : Oui, c'était vraiment l'intention.
S : On a refait nos premiers concerts cet été
depuis un bon bout de temps, et en regardant une vidéo de je
ne sais plus quel concert, j'ai eu un doute, et je me demandais si ils
avaient mis le son de l'album sur les images. Mais non,
c'était le son du live. Et je pense que c'est la
première fois que le son de l'album est aussi
fidèle au son qu'on peut avoir en live. Il y a
très peu de travail d'adaptation des sons pour le jeu en
live. On a fait le truc et c'est pareil qu'en concert.
Vous avez pu plus bosser
sur le son, plus de recherches ou pas forcément, car vous
aviez déjà trouvé une
sonorité ou plutôt une couleur musicale pour cet
album ?
S : On est allé plus loin dans le détail. On a
plus poussé nos recherches sur des sons de guitares qui
sortent de l'ordinaire, sur des riffs qui accrochent encore plus.
K : Plus de recherches également sur les rythmiques. Les
mélodies.
Oui, par exemple, il y a
ce petit break musical avec « Armistice » ?
Ça repose un peu avant d'envoyer « Les
Hyènes » ? Je ne me souviens pas d'un album avec
un break instrumental. Du coup, je me suis dit "ils vieillissent, ils
ont besoin d'un break pendant leur concert" ?
S : (rires)
Non non. On ne la jouera pas en live. (rires) En fait, on
a eu le temps de se permettre ça.
K : Oui. Ça va aussi avec l'évolution de chacun
musicalement. Shanka d'un coup se met à la viole de gambe.
Ça lui a ouvert des portes musicales qu'il n'avait
peut-être pas avant. Il y a un démarrage de
démo qui plane entre « Planet Caravan »
et Ennio Morricone.
Comment écris-tu ?
Je veux dire, tu te poses ou c’est sur des coups de
montée en pression. Un peu comme Niko Jones qui me disait
dans une interview qu'il écrivait des fois
immédiatement sur un truc qui le dérangeait ?
K : J'écris avec mon pote Emmanuel De Arriba. On a ce truc
dans No One qui existe depuis toujours, c'est que c'est la musique qui
doit raconter une histoire avant que les mots ne soient mis dessus.
C'est pour ça que les textes de « Forces du
désordre » tu ne peux pas les plaquer sur
« Polit Blitzkrieg » ou sur « Doberman
». Chaque morceau, chaque texte a été
écrit spécialement pour chaque musique parce que
quand on travaille entre nous, la compo elle grimpe, elle avance, elle
prend forme et je sais que quelquefois, je suis un peu en retrait, mais
je me nourris de ce qu'il se passe. Des mouvements du morceau, de
l'harmonie, des cassures et à un moment donné, je
ressens quelque chose et là, c'est parti pour le texte.
Et vous, Popy et Shanka,
à travers vos compos, à travers l'avancement d'un
morceau, vous arrivez à savoir l'idée qu'il va
avoir ou c'est toujours une surprise ?
S : A un moment donné tu as un paysage sonore qui va
évoquer des choses aux gens suivant les genres. Et si tu
n'es pas dans la tête de Kemar, tu ne peux pas anticiper ce
qu'il va vouloir dire et écrire. Des fois, on fait un
instrumental et on se dit que ça ne va pas l'inspirer, et
là, il te dit "Oh, c'est génial ça. De
quoi je vais pouvoir parler sur ce morceau".
K : Et moi des fois je leur dis "Bon vous en êtes
où sur cet instru" alors que eux l'avaient quasiment
abandonné. Et des fois, l'instru est mortel, mais je
n'arrive pas à mettre quelque chose dessus. Alors je sais de
quoi j'ai envie de parler, mais je n'arrive pas à
démarrer. Et pourtant je sais qu'il faut que j'arrive
à écrire là-dessus car le morceau est
super bon.
Pourtant,
après tant d'années de complicité....
S : C'est impalpable.
P : Et des fois c'est un peu chopé au vol. Il pose un jet de
chant sorti de nulle part, et ces mots de yaourt vont inspirer un
thème. Ça peut aussi se passer comme
ça.
K : C'est inexplicable. Ou alors oui, ce qui est explicable, c'est que
j'ai des idées de thèmes. Et à un
moment donné, tu cogites dans ta tête sur ce que
tu peux raconter là dessus car j'ai vraiment envie d'en
parler, mais dans les faits, je n'ai encore rien dit.
Kemar, trente ans
d'existence et la voix qui n'a quasiment pas bougé, c'est
quoi le truc, tu as un vocoder ?
K : (rires)
Elle est peut-être un peu moins "vener" qu'avant. On parlait
de l'album « Utopia » avant, et sur «
Utopia », déjà c'était des
paroles en Anglais, et je me cherchais encore. C'est simplement
à partir de « Révolution.com
» que je commence à avoir confiance en moi. Mais
sinon, non, je n'ai pas de truc particulier.
S : Je ne comprends pas. Je ne comprends pas cette personne (il regarde
Kemar). Je ne sais pas qui c'est (rires).
Je ne sais pas comment il fait. (rires)
Est-ce que cet album
n'est pas sorti un peu trop tôt ? Car il va y avoir les
élections l'année prochaine et entre Marine et
maintenant Zemmour et tous les autres partis, franchement l'avenir
n'est pas vraiment rassurant ? Ça va sûrement
donner beaucoup de textes à venir ?
P : Alors on l'a déjà
décalé de 6 mois !!
K : Mais Zemmour, on l'avait déjà dans le viseur.
P : Oui, mais bon, à un moment t'as vraiment envie que
ça sorte. Façon, il se passe toujours quelque
chose. Et puis on a des dates qui sont déjà
prévues. C'est dingue, car les présidentielles,
c'est dans huit mois seulement.
Le terme qui revient
souvent sur No One c'est combat rock. Je suppose que ça
résume ce nouvel album ?
S : C'est ça. C'est l'ADN !
Bon, on entre dans
l'utopie. Kemar, si d'un coup tout allait bien, tu écrirais
quoi, du Vianney ?
K : (rires)
C'est bon ça !! Meilleure question de la journée
! (rires)
S : Non non. Si tout va bien, on en a déjà
parlé. On va uniquement faire des chansons
engagées sur des problèmes résolus !! (rires) Des
chansons sur le Mur de Berlin, la Chute de l'Empire romain. (rires)
Dans les souvenirs de
scène, il y a le Hellfest 2019. Même si je sais
que vous vous donnez autant devant trois cents personnes que trente
mille, ça reste un grand moment pour vous ? Popy, je t'ai
vu, tu avais les jambes qui tremblaient.
P : Ah oui, le 2019 c'était énorme.
K : Je dirais juste que c'était un moment de
grâce. Quarante cinq minutes de grâce, de bonheur.
On planait. Et quelle joie. On savait qu'on était attendu.
Et jouer en journée, c'est vraiment cool.
S : Et puis c'est exceptionnel car on est quand même un pays
qui soutient moyennement ses groupes de rock par rapport à
d'autres pays. Tu pourrais jouer devant dix mille qui boivent des
bières, mais non, tout le monde est là et tu
joues devant cinquante mille. Et là, tu te dis que c'est
cool !
K : On a déjà eu un peu ces
sensations-là quand on a fait AC/DC. C'était
magique. Et deux ans après, il y a Aubert qui nous invite
deux soirs de suite au Stade de France pour jouer avant les Insus. Je
me souviens, on monte sur scène, c'est
crépuscule, et vingt minutes après, c'est la
nuit, et là le moment devient magique. Alors
après, c'est vrai qu'au Hellfest, on a
l'adrénaline au taquet. Et puis c'est génial ce
qu'a fait Ben de faire une journée scène
française.
P : C'est un peu l'esprit du Gros 4. On aime ces moments de partage
avec le public.
S : On a un public rock en France. On a la chance d'avoir des gens qui
viennent aux concerts. Il existe ce public.
Allez dernière
question : quel est le dernier morceau, ou le dernier album que vous
avez écouté ?
S : Pour moi c'est le dernier album de The Bronx. C'est le meilleur
groupe de rock de Californie, soit disant. Et c'est pas faux ! Ils
viennent de sortir un nouvel album et c'est vraiment très
bien.
P : Alors moi, si je ne fais pas de tri. Le dernier album que j'ai
écouté, c'est Olivia Rodrigo. C'est une chanteuse
américaine. En fait, je suis curieux et je suis
allé voir le Top 10 Monde sur Spotify. Et j'entends de la
gratte sur un single, mais c'est un peu Disney. Et quand
même, j'écoute l'album, et il y a des trucs
à la Weezer, des grattes pas dégueux et produit
avec des sons de batterie acoustique et en même temps des
versions entrecoupées de production très 2021
avec la voix en avant et franchement, je vais peut être
regretter de le dire publiquement et devant mes copains, mais j'ai
halluciné sur quelques morceaux. J'ai trouvé
ça vraiment cool.
K : C'est celle découverte par Disney ? J'ai vu un portrait
d'elle à la télé, mais j'avais
l'impression que c'était quiche !
P : C'est pour ça que j'aurais peut-être honte
…
K : Non non. C'est intéressant ce que tu dis, car
derrière ça, il y a de la production.
P : Ca m'a juste surpris de voir un morceau comme ça dans le
Top 10 Monde. C'est un morceau avec de la gratte, et rien que pour
ça, j'ai salué le geste. (rires) Bon
après il y a vraiment des morceaux Disney, mais sur quelques
titres, c'est pas trop mal.
K : Pour moi, c'est le dernier Gojira. Il n'y a pas tout que j'aime,
mais il y a des trucs vraiment bien quand même.
S : Voilà, No One ce sont des mecs qui écoutent
Gojira, The Bronx et Olivia Rodrigo … (rires)
Merci à vous
P : Merci à toi Yann, c'était cool.
K : Yes, merci à toi.
Propos recueillis par
Yann Charles
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