|
|
|
|
|
GERMAN BLUES CHALLENGE à EUTIN (ALLEMAGNE)
|
|
|
|
|
Ecrit par Fred Delforge |
|
|
dimanche, 03 octobre 2021
German Challenge
GERMAN BLUES CHALLENGE
MARKTPLATZ – EUTIN (ALLEMAGNE)
Les 1er et 2 octobre 2021
https://www.baltic-blues.de/
Difficile d’imaginer le plaisir que cela représente de se retrouver
sur la Marktplatz d’Eutin pour un événement musical après plus d’un
an et demi d’abstinence, pandémie oblige, et si ce n’est pas pour
les quatre journées de festival comme c’est le cas d’habitude pour
le BluesFest, c’est cette fois pour le German Blues Challenge,
concours de référence qui désignera la formation appelée à
représenter l’Allemagne lors des prochains rendez-vous
internationaux.
Vendredi 1er octobre :
Tous les amis du blues européen n’ont pas fait le déplacement mais
c’est avec le sourire et sans masque que l’on retrouve nous
compagnons de route allemands et même norvégiens pour une première
soirée de présentation, mini-festival en quelque sorte puisque deux
formations, la première issue de la scène germanique et la seconde
étasunienne, vont se produire ce soir en plein air devant un public
nombreux et motivé. Exit la grande scène du BluesFest, c’est cette
fois une petite structure gonflable qui accueilles les groupes, ce
qui donne un petit cachet pas désagréable du tout à une place où
l’on retrouve divers camelots vendant qui des grillades, qui du vin,
qui des pâtisseries …
On commence donc avec le Kalle Reuter Band, un duo guitare batterie
qui va venir nous charmer avec son frontman de 22 ans qui envoie
avec une aisance impressionnante des standards piochés autant chez
Tony Joe White et chez Robert Johnson que chez George Benson ou chez
Prince. Accompagné par un batteur virtuose et tout sourire, Kalle
Reuter n’aura aucun mal à se mettre l’assistance dans la poche,
d’autant plus qu’il parle la langue et qu’il parvient à installer un
échange avec un public qui apprécie ses relectures faites avec
toujours beaucoup de personnalité et de savoir-faire, des versions
totalement réappropriées que le jeune homme agrémente d’une pointe
de folk blues, de rock ou même d’Americana.
En deux sets, le Kalle Reuter Band remportera la mise haut la main
et proposera même au public quelques surprises puisqu’après un solo
de batterie ébouriffant, le duo invitera un ami de l’organisation,
Jens, à le rejoindre à l’harmonica pour un « Further On Up The Road
» riche à souhait puis pour un unique titre en rappel. Voilà une
soirée qui a bien commencé, d’autant plus que les quelques
gouttelettes essuyées en début de soirée n’ont pas eu de suite !
Le temps de changer de plateau et on accueille déjà le gros morceau
de la soirée, l’américaine Sugar Queen et son band néerlandais qui
vont venir nous régaler de leur blues dans la plus pure lignée de
celui de Chicago, avec toutefois quelques détours du côté de la soul
voire même du gospel. Imposante, Sugar Queen possède une superbe
voix et c’est avec un coffre impressionnant qu’elle en fait profiter
l’assistance, superbement secondée par un groupe où l’on remarque un
guitariste plein de sensibilité, un pianiste au toucher très riche
et une section rythmique de choc qui imprime un tempo à la fois
solide et efficace.
De shuffles en blues plus lents, Sugar Queen va nous offrir ce soir
une prestation de deux heures avec à la clef les titres de son
nouvel album, « Better Days », mais aussi des adaptations toujours
très recherchées qui combleront un public sous le charme qui n’en
finit plus d’acclamer la diva et qui en redemande une fois le set
terminé. La chanteuse tiendra enfin à remercier l’assistance dans sa
langue et fera traduire son message par Nick, le chef d’orchestre de
l’événement, avec en retour un tonnerre d’applaudissements qui n’en
finira plus de gronder sur la Marktplatz.
Il est temps maintenant de se quitter pour aller reprendre des
forces avant une journée de challenge qui s’annonce longue et
chargée d’émotions ! La journée a été longue, avec un voyage vers le
Nord de l’Allemagne et la Baltique qui n’est jamais sans surprise,
surtout en cette période perturbée où les avions ont parfois du mal
à retrouver leur rythme normal …
Samedi 2 octobre :
La journée file tranquillement entre les retrouvailles avec les
amis, l’arrivée des groupes du challenge et les premiers échanges
avec un jury au sein duquel on retrouve des têtes connues avec entre
autres Georg Schroeter et Marc Breitfelder, gagnants de
l’International Blues Challenge à Memphis à Memphis en 2011, ou
encore notre ami norvégien Trond Johnsen, fidèle compagnon de nos
virées en Europe mais aussi aux USA où on le retrouve régulièrement.
Ajoutez quelques éminents représentants allemands et votre serviteur
et voilà une belle édition du German Blues Challenge qui se profile
à l’horizon.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, ce sont les Bluesanovas qui
vont ouvrir la soirée avec leur blues à l’ancienne, mais joué de
manière très contemporaine. Quintet emmené par un chanteur qui a du
coffre et de la puissance, The Bluesanovas vont donner le ton d’une
soirée qui ne manquera pas d’être placée sous le signe des grands
noms du blues, et c’est sur fond de contrebasse, de guitare, de
piano et d’orgue Hammond que ces Allemands à la hargne certaine et
au blues bien pendu vont nous amener bon train vers un challenge
qui, si on se réfère aux soundchecks de l’après-midi, s’annonce
relevé. Quelques détours vers les trois King pour se mettre en jambe
et on quitte déjà le groupe, que l’on retrouvera en toute fin de
soirée pour un second set.
La première formation n’est pas inconnues puisque c’est Michael van
Merwyk & The Jookbox Zoo qui ouvrent le bal, le frontman s’étant
déjà produit à trois reprises à l’IBC, en groupe mais aussi en solo.
La guitare élégante, le slide racé et la voix assurée, Michael van
Merwyk fait le show et assure sans grand problème, l’expérience
aidant, et c’est très bien accompagné par une paire rythmique de
qualité qu’il nous fera profiter d’un bon blues pas forcément très
original, bien que, mais très réussi et fort bien servi. Quelques
petits soucis techniques perturberont le début de la prestation mais
tout rentrera très vite dans l’ordre et c’est en entrant pleinement
dans son rôle de storyteller que le bluesman ira jusqu’au bout des
choses, avec brio et talent.
On profite du changement de plateau pour remettre deux German Blues
Awards et on accueille bientôt le second concurrent de la soirée,
Bad Temper Joe, un chanteur et guitariste qui vient tenter sa chance
armé de ses résonateurs. Une voix qui gratte juste ce qu’il faut, un
jeu de slide qui fait plaisir à entendre et un certain charisme qui
pousse l’artiste à se promener sur scène quand il ne chante pas, Bad
Temper Joe ne se laisse pas impressionner par l’enjeu et met tout
son poids dans la balance pour tenter de la faire pencher de son
côté, quand bien même le fait d’être en solo n’est pas forcément un
avantage dans ce genre de rendez-vous. Le public, nombreux ce soir
encore, reste motivé et répond carrément bien à l’invitation d’un
bluesman qui aura su faire le job de belle manière.
Deux German Blues Awards plus tard, c’est au Michael Oertel Band
d’investir la scène pour une nouvelle prestation qui entre plus dans
des caractéristiques blues rock, pas désagréable du tout soit dit en
passant. Power trio bien en place, le Michael Oertel Band va
démarrer de manière un peu poussive avant de tranquillement monter
dans les tours et de prendre du volume mais aussi de la vitesse pour
en arriver à un final apocalyptique dans lequel les relents
psychédéliques sont de plus en plus présents, ce qui n’est pas pour
déplaire à un public qui apprécie l’audace et la vigueur d’un groupe
qui compense ses petits défauts vocaux par un gros travail sur les
chœurs. Maltraitant sa guitare sur le dernier morceau, le frontman
finira d’emmener son groupe vers une démonstration pleine de
qualité, peut-être encore un peu jeune mais d’ores et déjà très
prometteuse.
On repasse par les German Blues Awards et on accueille très vite
Alexander et Maximilian Blume, un duo piano / batterie qui va nous
emmener faire de grandes virées du côté du boogie woogie, et avec un
chant en Allemand sur le premier titre s’il vous plait. Délaissant
la batterie pour se consacrer au micro, Maximilian change de style
un instant et nous entraine dans des registres plus proches de ceux
des crooners avant de retrouver ses fûts puis de revenir au micro,
rendant le set quelque peu décousu, d’autant plus qu’il alterne sa
langue maternelle et celle de Robert Johnson, brouillant quelque peu
les pistes par moment au plus grand désarroi d’un public qui, au
bout de quelques aller-retours finira quand même par raccrocher les
wagons pour suivre les deux garçons dans une prestation à la fois
variée et surprenante. Reste à savoir si le show est capable de
rester homogène sur une durée plus longue que les trente minutes du
challenge, mais là n’est pas la question ce soir et c’est avec plus
que les honneurs que les deux musiciens auront rempli leur part du
contrat aujourd’hui.
Une dernière salve de German Blues Awards et nous voilà avec le
dernier candidat de la soirée, Muddy What ?, seule formation à
compter dans ses rangs une jeune femme qui évolue à la fois à la
guitare et à la mandoline, et avec un talent tout particulier auquel
le charme ne vient rien enlever, loin de là. Un chanteur parfois un
peu trop puissant mais très inventif qui à l’occasion chante dans
son résonateur, un batteur qui imprime parfaitement le tempo et un
répertoire qui passe du folk blues au delta blues et des blues lents
aux blues plus tendus, les Muddy What ? n’ont pas trop à attendre
pour se mettre le public dans la poche et pour séduire leur monde à
force de gimmicks bien entendu, mais aussi et surtout à force de
classe et de sensibilité qui font de leur blues une véritable leçon
de plaisir et de sensibilité. Et si l’on reprochera peut-être de
part et d’autre à la guitariste son petit côté Jimi Hendrix (elle
est gauchère) rencontre Stevie Ray Vaughan, au moins ne pourra-t-on
pas dire qu’elle se contente de faire une pâle copie de ces deux
grands guitaristes tant elle s’efforce d’y mettre du sien.
Encore une belle découverte !
Le temps du décompte des votes, on retrouve les Bluesanovas avec un
second set plus rock que le premier et avec un groupe plus solide
que jamais qui, porté par un guitariste explosif, va nous entrainer
dans une prestation blues rock avec des riffs empruntés plus souvent
qu’à leur tour à Chuck Berry. L’orgue Hammond a disparu et seuls
subsistent des claviers qui collent bien au paysage tandis que côté
rythmique, on passe allègrement de la basse à la contrebasse pour
proposer un très bon moment de musique, très bien construit et
proposé avec un professionnalisme qui force le respect. Un groupe à
revoir très rapidement qui nous offrira même un rappel avec deux
guests, Michael van Merwyk à la guitare slide et Georg Schroeter au
piano.
L’attente est insoutenable et Barbara et Marianne en charge de
l’annonce des résultats font durer le plaisir en remerciant l’un
après l’autre les sponsors, le jury, les groupes, pour finalement se
lancer et déclarer Muddy What ? vainqueur de cette édition 2021 du
German Blues Challenge, une formation que l’on retrouvera donc à
Memphis en janvier prochain et à Malmö pour le 10ème European Blues
Challenge en mars 2022.
Avant de se quitter, les gagnants reviendront sur scène pour une
paire de titres dont un premier à la mandoline, bientôt suivi par un
« Voodoo Child » qui colle parfaitement au jeu et à l’allure d’une
guitariste qui n’a pas fini d’illuminer les nuits blues européennes
! Il ne reste plus qu’à féliciter et surtout à remercier nos hôtes
pour cette très belle édition, avec pour objectif un retour à Eutin
en mai prochain pour le traditionnel BluesFest !
Fred Delforge – octobre 2021
|
|
|
|