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THE STRANGLERS pdf print E-mail
Ecrit par Yann Charles  
mercredi, 15 septembre 2021
 

THE STRANGLERS

http://www.thestranglers.co.uk

Une rencontre exceptionnelle avec JJ Burnel, auteur-compositeur et bassiste du groupe The Stranglers. Il nous parle du tout dernier album du groupe, « Dark Matters », sorti le 10 septembre, mais surtout de son ami Dave Greenfield, clavier du groupe depuis sa création disparu pendant l'enregistrement de ce dernier opus. Un entretien plein d'émotion avec un Français à l'humour "So British". Un entretien préparé avec Alexx Schroll.

Cet album "Dark Matters" est un hommage à Dave Greenfield ?
Oui. Entre autres choses. Mais c'est surtout la continuation de huit ou neuf ans d'idées, mais forcément, c'est également devenu un hommage oui.

Est-ce que cela était une évidence de sortir cet album pour honorer sa mémoire ?
C'était la seule chose à faire. On avait enregistré huit des onze morceaux avec Dave avant sa disparition. J'ai écrit trois autres morceaux plus ou moins à son sujet. Une fois qu'il a disparu, je n'avais qu'une seule idée en tête, celle de terminer ce disque. Je ne pensais à rien d'autre. Surtout pas aux concerts ou à la suite du groupe. Je voulais juste terminer ce que l'on avait commencé avec lui.

Est-ce que l'aspect émotionnel a posé des problèmes dans la réalisation de l'album ?
Non. Au contraire. Cela a même apporté ce qu'il manquait peut-être dans certains albums des Stranglers. Ça m'a donné des idées, comme c'est moi qui écris la plupart des chansons. Ça a donné également un aspect différent aux compositions. On n'est pas reconnu pour avoir beaucoup d'émotions dans nos chansons. The Stranglers, ce sont surtout des idées, des rythmes, un mélange d'intellects et d'artistiques. Sa disparition nous a permis de changer de cap en fait. Et il y a vraiment beaucoup d'émotions dans ce disque.

Cela vous a orienté vers autres choses ?
J'ai écrit « And if you should see Dave » tout de suite après sa disparition, et ça a été notre premier numéro 1 dans les charts !

Pourriez-vous nous raconter comment est née la chanson « And if you should see Dave » , superbe hommage à ce musicien plus qu'exceptionnel ?
Je ne sais pas. Je ne peux pas l'expliquer plus que ça. C'est sorti comme ça, sans vraiment chercher. C'est vraiment de l'émotion pure. Ça venait presque tout seul, tu vois.

C'était une manière de lui parler ?
Oui, c'est ça. Une façon de lui parler. Mais c'est difficile à exprimer.

C'est une chanson qui lui ressemble totalement ?
Oui, si c'est ça que tu as ressenti, c'est une satisfaction pour moi. Merci. Car c'est ce que je voulais faire ressortir à tout prix. Quand tu as connu quelqu'un comme ami, collaborateur, complice pendant 45 ans, toute ma vie d'adulte. Tu sais, on s'est bagarré quatre fois durant tout ce temps. Et puis on s'est remis très vite. Il était spécial. Il était autiste. Il était excentrique. Dans le temps, c'est ce qu'on disait : excentrique. Et maintenant on dit autiste. C'était très dur après sa disparition. Je me suis même dit que c'était la fin du groupe, mais qu'il fallait terminer ce disque.

Quelle suite du coup pour The Stranglers ? C'est votre dernier disque ?
Tu sais, je pense toujours depuis de décennies que l'album qu'on sort est le dernier (rires). Mais c'est une technique pour vivre le moment présent à fond, sans penser au futur. Car quand on pense à l'avenir, on fait des compromis. Quand tu penses qu'il n'y aura pas d'autres albums après celui sur lequel tu travailles, tu t'investis complètement dans le projet. Et depuis le décès de Dave, j'ai appris qu'on vendait plus de billets de concerts qu'avant ! J'ai demandé à mon agent "Comment est-ce possible ?". Il pense que les gens avec la disparition de Dave, partout dans le monde, veulent venir voir The Stranglers. Je ne comprends pas. Mais vue la demande, nous allons faire une tournée en Grande-Bretagne, puis en Europe, mais avec le Brexit ça complique les choses. Et puis Dave avait beaucoup de fans et de disciples. Des gens qui adoraient ce qu'il faisait. Il avait créé son propre style. On a donc demandé à un de ces disciples, qui était déjà clavier dans un groupe de Tribute des Stranglers depuis 20 ans, de venir jouer avec nous sur cette tournée.

Ce nouveau clavier sera là pour "faire du Dave", ou il pourra avoir une part de création ?
Pour le moment, pas encore. Il va faire comme un musicien de musique classique. Il jouera exactement comme Dave. Peut-être mieux (rires), mais comme Dave sans touches personnelles.

Vous allez faire une tournée mondiale avec ce nouvel album. Est-ce que ça va être une tournée hommage, ou bien vous ne voulez pas de ça ?
Je dirais non. Mais tout le monde qui va venir va penser à Dave quand on jouera les morceaux sur lesquels il a joué. C'est-à-dire 99 % des titres des Stranglers (rires). Donc ce sera hommage, mais ce n'est pas pensé pour ça. Ce sera plutôt une célébration des Stranglers. Car il y a peu de groupes qui peuvent dire qu'ils sont là depuis plus de 45 ans. Un groupe qui a su se renouveler à chaque fois et traverser toutes les époques.

Comment avez-vous réussi à travailler en distanciel ?
La plupart des titres du disque étaient enregistrés avant le début du confinement. Mais pour peaufiner le tout, j'ai réussi à trouver un petit studio dans mon village en Écosse. Et j'ai pu faire des transferts vers notre propre studio en Angleterre.

Les idées étaient-elles apportées en vrac ou aviez-vous une ligne directrice que vous vous étiez fixée ?
Les morceaux s'accumulaient depuis 9 ans (rires). Depuis 9 ans, on n'arrête pas de jouer partout dans le monde. L'année juste avant le confinement, on a fait trois fois le tour du monde. Il y a une forte demande pour les Stranglers. Je pense que c'est parce que les gens pensent qu'on va mourir (rires). Donc ils en profitent, au cas où ce soit la dernière tournée (rires). Donc c'est difficile d'écrire dans les chambres d'hôtels. Donc je profitais des rares pauses pour composer et jusqu'à maintenant, j'ai accumulé (il sort un petit lecteur de musique de sa poche) 351 morceaux (rires). Ou des idées de morceaux que j'écris, je joue et que j'enregistre sur ce petit appareil ! Donc quand j'ai pu prendre un peu de temps pour pouvoir réfléchir, compléter les idées, et essayer de les suivre, c'est là qu'on a commencé à rassembler le matériel pour ce nouvel album.

Tout au long de votre carrière, vous avez été à chaque fois différents dans vos compositions, vos albums, mais en conservant une certaine ligne directrice ?
Ce sont toujours les mêmes gars qui font la musique, mais je me suis permis de ne pas être dicté par le commercial. Mais être dicté par ce qui m'intéressait. Parfois, on s'est cassé la gueule, mais ça fait partie de la procédure. Je suis vraiment contre les gens qui font tout pour le commercial, et qui, une fois qu'ils ont eu un succès, veulent le perpétuer. C'est malsain. Si j'ai du succès, c'est un bonus, rien de plus. Le vrai succès pour moi est de pouvoir être fier d'un morceau. Ensuite, si c'est un succès commercial, ok, cool ! Ça veut dire que je peux mettre du bacon sur la table le lendemain (rires). Mais ce n'est pas ce qui me motive.

En tant que Franco-Anglais, comment avez-vous vécu le Brexit ?
Moi mal. Je suis convaincu que c'est une grosse erreur. Mais je respecte la volonté démocratique du peuple britannique. Je pense qu'ils se sont tirés une balle dans le pied. Il y a beaucoup de choses qui devraient être réformées en Europe, mais on ne peut pas réformer si on est en dehors. Les Britanniques étaient le contre équilibre contre l'axe franco-allemand. Pour le moment, c'est assez dur. Mais, tu sais, les Britanniques ne sont jamais entièrement enterrés. Ils sont plein de ressources. Donc qui sait ?

L'artwork des Stranglers vous a souvent représentés dans différentes allégories ( « Dreamtime », « Giants », « Black and White » ...), pourquoi les statues de l'île de Pâques pour « Dark Matters » ?
Ce sont plusieurs énigmes mises ensemble. « Dark Matters », en Français, on dit « Masse Noire », les scientifiques reconnaissent que c'est 85 % de l'univers, mais on ne le voit pas. C'est ça qui soude le monde tel qu'on le connaît. Et ces matières sombres correspondent aux Stranglers. C'est un peu l'énigme des statues de l'Ile de Pâques. Tout le monde a des théories, mais personne ne sait vraiment. C'est un peu ça notre groupe aussi. Ça correspondait bien avec ma façon de voir le monde. Personne ne sait vraiment pourquoi nous sommes toujours là, mais on est là (rires). À un moment ou un autre, je vais aussi faire mon transfert. Mais pour le moment, je ne suis pas pressé (rires).

Ecoutez-vous les nouveaux représentants de l'état d'esprit du punk rock anglais, tels Idles par exemple ... ou ne vous intéressez-vous pas vraiment à ce qui sort en ce moment ?
Non non, j'écoute beaucoup de musique. Et je trouve qu'il y a encore énormément de talents qui sortent d'Angleterre. Le problème, pour moi, est que j'ai vécu en tant que gosse les 60s, 70s et 80s.  Je veux dire musicalement, j'ai vécu tout ça. Donc, je vois les cycles qui se renouvellent. Mais moi, j'ai vu les originaux. Par exemple, Amy Winehouse, une voix fantastique, mais j'ai vu Dusty Springfield et Aretha Franklin. Donc je trouve que ce sont de très bons artistes, j'adore, mais voilà ... C'est comme quand je vois qu'un groupe à cassé sa chambre d'hôtel et lancé la télévision à travers la fenêtre, j'ai déjà vu ça !!

Il n'y a plus d'originalité ?
Si, il y en a encore, heureusement, et j'aime bien ce qu'il se passe en ce moment. Certains groupes arrivent à surprendre et ça, c'est bien pour tout le monde.

Avant de finir cette interview, est ce que vous faites toujours de la Triumph ?
Absolument. Presque tous les jours. J'ai une Triumph Custom Art 1200 de 98 Ch et une Triumph Sprint 2004 de 130 Ch.

Vous avez toujours eu cette passion pour cette moto et cette marque ?
Non. J'ai commencé les Stranglers avec une Harley Davidson. J'avais une Harley de 1942 qui datait de la guerre. Je l'ai vendue pour acheter mon premier ampli ! Puis j'ai eu une Triumph qu'on m'a volée. Et il y a eu un arrêt de fabrication des Triumph, mais dès que ça a repris, je suis tout de suite retourné chez eux. Et d'ailleurs Baz Warne, le guitariste, a aussi une Triumph.

Une toute dernière question pour vous connaître : quel est le dernier album ou le dernier morceau que vous avez écouté ?
Ah. J'ai écouté un groupe suédois, Clawfinger, qui est politiquement totalement incorrect !!

Merci beaucoup pour cette interview.
Merci à toi. C'était un grand plaisir.

Propos recueillis par Yann Charles