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Ecrit par Yann Charles |
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jeudi, 01 juillet 2021
NINA
ATTAL
https://ninaattal.com/
C'est juste avant son concert au New Morning à Paris que
j'ai rencontré Nina Attal pour parler de son nouvel album,
« Pieces of Soul ». Un retour aux sources pour elle
sur ce nouvel opus qui sonne plus blues et rock, en gardant quand
même quelques couleurs soul. Une Nina Attal qui se
dévoile un peu plus avec des textes également
plus intimes. Une Nina ravie qui attend avec impatience de pouvoir
repartir sur les routes ...
Salut Nina. Bon, on ne te
présente plus, tu fais maintenant partie du paysage blues
soul féminin français. J'étais en
interview il n'y a pas longtemps et on t'a cité comme
référence, ça fait plaisir ?
Salut. Ah oui, ça fait vraiment plaisir. (Rires)
Avant de parler de ton
nouvel album, ça fait dix ans maintenant que tu existes en
tant que Nina Attal, quel regard poses-tu sur ces dix années
de carrière ?
Ça fait plus maintenant. 2009 c'était le Tremplin
Blues sur Seine, et pour moi le début. Ça fait
douze ans. Je suis très fière de ces douze ans.
Il y a pas mal de choses qui se sont passées. Il y a eu
quatre albums, deux EP, et plein de concerts. Je ne les compte
même plus. Mais ce qui me plaît le plus, c'est de
me voir évoluer depuis ces débuts et voir
évoluer les choses autour de moi. Et plus je
mûris, plus je suis moi-même. Et c'est
très rassurant.
Tu penses que tu t'es
trouvée ?
Avec ce dernier album, je pense oui. C'est le premier album que
j'écris vraiment toute seule. Dans le passé,
c'était souvent à quatre mains avec mes
compagnons de route. Et là, pour être un peu
vulgaire, je me suis mis un coup de pied au cul et je me suis dit qu'il
fallait que je donne un peu plus de moi. J'ai passé des mois
à écrire cet album. Alors forcément,
ce sont des moments où on se trouve et où on
livre plus de choses personnelles.
Tu avais besoin de passer
à autre chose après « Jump ».
Un retour aux sources ? Retour à un son plus brut, plus
simple ?
Oui complètement. J'avais besoin d'émancipation
musicale, familiale, dans ma vie de femme et dans ma vie d'artiste.
C'était une notion très importante pour moi.
Tu avais besoin d'un
retour vers tes racines musicales ?
Pour tout te dire, j'ai eu plein de chamboulements dans ma vie et je
suis partie faire un road trip dans l'Ouest américain.
J'avais besoin de me ressourcer, de faire le point sur moi et sur mes
choix de vie. Et je n'étais capable de le faire qu'en
étant loin, au milieu de la nature. C'est un peu
cliché, mais ça fait du bien. Là-bas,
je me suis reconnectée avec moi-même et
à la musique de mes débuts et à ce que
j'aimais quand j'étais gamine. Ce pourquoi j'ai fait de la
musique. Le blues, le rock des années 70. Et tout
ça m'a influencé. C'est pour ça que
j'ai passé des mois à composer avec ma guitare.
Et cela m'a permis de revenir à quelque chose d'essentiel,
de plus brut. Pour la tournée je suis revenue en formule
quintet. Basse, batterie, guitares, claviers … Plus de
fioritures, de choristes, de cuivres.
Tu t'étais un
peu égarée sur tes albums
précédents ?
Non pas égarée. Mais peut-être
qu'inconsciemment, je me cachais derrière des choses parce
que ce n'était pas le bon moment pour moi. Et maintenant,
c'est vraiment moi et je ne me cache plus derrière quoi que
ce soit.
D'où le nom
« Pieces of Soul », ton nouvel album ?
Oui c'est ça. C'est tout ce que tu as pu faire dans ta vie
en tant que femme, qu'artiste. Les choses que tu regrettes, ou les
choses que tu aurais pu faire différemment. C'est un peu une
revue de tout ça. Les choses qui font que tu es toi
aujourd'hui. Et je suis fière de ça.
On parle de blues bien
sûr pour toi, même si « Pieces of Soul
» est quand même axée sur la soul ?
C'est toujours un débat épineux pour moi. Ma
musique de prédilection, c'est le blues. J'écoute
ça depuis que je suis gamine. Ce qui me tient beaucoup
à cœur, c'est de défendre cette
musique, car ce n'est pas la musique que tout le monde
écoute. Par contre ce qui ne m'intéresse pas,
c'est de faire des shuffles et des slow blues. Je ne veux pas refaire
du BB King en moins bien. Par contre, faire évoluer cette
musique et la teinter d'autres choses, d'autres sonorités,
et faire que grâce à ça d'autres
personnes vont pouvoir découvrir le blues, c'est mon combat
et c'est ce que j'ai envie de défendre.
Concrètement, ma manière de jouer de la guitare,
c'est du blues pur et dur. Je prends l'exemple de John Mayer. C'est de
la pop, peut-être des choses un peu "cul cul", mais le gars,
il joue du blues qu'il a ramené dans un univers pop. C'est
ce qui fait que des gens ont peut-être découvert
le blues grâce à lui.
Pour « Pieces Of Soul
», on retrouve aussi un son plus rock, presque
psyché parfois. Avec des sonorités à
la Kravitz par exemple, des références aux sons
de guitares des seventies ?
Ce sont mes inspirations Kravitz et le rock
psychédélique des années 70. Mais
c'est beaucoup la scène qui m'a finalement poussé
vers le rock. On a fait des arrangements qui tendent vers le rock, car
c'est une musique énergique, une musique de live.
Autant pour les autres
albums je me disais que les titres avaient été
composés pour la scène, autant sur
celui-là, je me dis que certains morceaux ont
été écrits pour rester en studio, peut
être trop intimes pour être joué pendant
les concerts ?
Cet album, je ne l'ai pas du tout écrit pour la
scène ou en pensant à la scène, car
j'ai fait ça pour les albums
précédents. Voilà. Mais je savais que
les morceaux allaient prendre vie en les jouant en live. Dans le
processus de création de cet album, j'ai écrit
tous les morceaux toute seule, guitare/voix. Et tout ce qui ne
fonctionnait pas, je l’ai jeté. Ce sont les
confinements qui m'ont poussé à faire
ça. Et une fois qu'on est sorti de ces confinements, on
s'est retrouvé avec les musiciens, et c'est là
qu'on a donné vie aux morceaux. En les jouant ensemble.
Avant même d'être enregistrés en studio,
les morceaux avaient déjà
été joués live. On ne laissera aucun
morceau de côté. On jouera tous les morceaux de
cet album.
Comment as-tu
travaillé cet album musicalement ? Vous vous êtes
envoyé les fichiers audio, ou bien vous avez quand
même réussi à vous réunir
avec les autres musiciens ?
Je leur envoyais les guitares/voix. Les morceaux étaient
déjà faits. J'ai eu l'aide de Gunnar Ellwanger (Gunwood) pour les
paroles. J'avais mes mélodies, tous mes thèmes et
quelques phrases clés dans les morceaux, mais lui a vraiment
mis en forme les textes en Anglais. J'ai envoyé des fichiers
aux musiciens pendant le confinement, et ils ont posé la
basse ou la batterie, mais je ne voulais pas aller trop loin, car je
voulais vraiment qu'on se voit et qu'on joue les titres ensembles et
voir ce qui sortait spontanément de tout ça. Si
ça n'était pas allé
spontanément dans la bonne direction, cela voulait dire que
j'avais mal écrit mes chansons. Et du coup, ça
m'a vraiment aidé à faire sonner comme je le
voulais ou comme je l'entendais dans ma tête.
Cet album, tu as
commencé à l'écrire avant le
confinement. Du coup, le fait d'être confiné t'as
fait réfléchir autrement, voir les choses
autrement ?
Ça m'a permis de me poser. Ce qui n'était pas le
cas depuis dix ans où on est sur la route. Tu sais, on est
des addictifs. Tant qu'on ne nous force pas à nous
arrêter, on continue. Et le covid nous a forcés
à prendre du temps. Et le temps est ce qu'on a de plus
précieux. Et prendre ce temps a été la
clé pour cet album. Si à chaque album, on peut
avoir du temps comme ça, je serais heureuse. Je pense que
j'ai trouvé un mécanisme d'écriture
qui me convient bien. C'est important.
Tous les textes sont de
toi ?
Non les textes, c'est Gunnar Ellwanger. Moi, j'ai écrit
toutes les mélodies, tous les thèmes, car les
chansons sont hyper personnelles. Il a su mettre en poésie
tout ce que je voulais exprimer sur l'album.
J'allais y arriver. Quels
sont les thèmes que tu abordes dans cet album ?
C'est un album hyper introspectif lié au voyage que j'ai
fait. C'est très personnel, mais tous les textes peuvent
faire écho à tout le monde. Car chacun a plus ou
moins vécu ça dans sa vie. L'album parle aussi
beaucoup de solitude. Apprendre à la gérer et
à l'aimer. Se remettre en question sur les erreurs que l'on
a pu faire. Ou sur les gens qu'on a pu blesser. Ça parle
d'émancipation, de prendre son envol, faire les choses par
soi-même. J'habite dans un pays étranger et je
suis très fusionnelle avec ma famille et ça a
été une grosse étape de ma vie que de
m'éloigner de tout ça. Savoir prendre cette
décision. Quelles parts de responsabilité tu as
dans tes échecs ? Qu'ils soient amoureux ou dans les
amitiés, le travail. L'album parle de tout ça. Tu
as toujours une envie d'être parfait dans ce que tu fais, et
du coup, il faut apprendre à vivre et à s'aimer
avec ses failles.
A mon avis, c'est
peut-être ton album le plus personnel, celui où tu
te dévoiles le plus dans son contenu et dans les textes. Je
ne vais pas parler de maturité, mais bon, quand
même ?
Le dernier album que l'on sort est forcément le plus mature
puisqu'on prend de la bouteille (Rires).
Après, ce mot veut dire un peu tout et n'importe quoi. Je
dirais que c'est, peut-être, l'album le plus accompli.
Les solos de guitare,
c'est toi ?
Oui. Sauf sur « Daughter » où c'est
Bassam Bellman. Mais sinon, oui, c'est tout moi. Comme je te disais
auparavant, s'aimer avec ses failles. Donc tant pis si tu fais un pain
sur scène, j'ai besoin de ce retour à la guitare.
Et puis c'est ça le blues. C'est ce qui sort de tes tripes.
Et j'avais besoin de revenir à ces bases-là. Sur
scène il y a toujours ces côtés funky,
qui sont festifs parce que ça me tient à
cœur.
Ça ne doit pas
être évident de faire les set lists de tes
concerts ?
Ça va. On a trouvé un bon compromis. Mais je
pense que les gens vont être contents de me retrouver
à jouer ce pour quoi j'ai commencé la musique.
C'est ça l'essentiel.
On pourrait te retrouver
toute seule avec cet album en acoustique ?
Oui, je pense. Ça pourrait être envisageable. Il y
a pas mal de guitares acoustiques, plus que par le passé. Tu
sais, je suis une grande fan de la folk américaine genre
America ou les Eagles, et cela m'a influencé pour l'album
aussi. Et surtout, c'est ce que j'écoutais quand je
conduisais pendant mon road trip à travers les paysages
américains. Oui, cela pourrait vraiment se faire en
acoustique.
Peux-tu nous parler de ce
projet « Pieces of Wood » ?
Alors l'actualité en dehors de l'album et des concerts cet
été, c'est ce projet « Pieces of Wood
». Avec mon label Zamora, on a lancé ce programme
d'interview/conversation avec des guitaristes français que
j'ai invité. Je les accueille et je leur pose des questions.
On les a reçus chez un luthier mythique, Guitar Garage
à Pigalle, que tous les musiciens guitaristes connaissent.
Donc c'est un épisode, un guitariste. C'est l'occasion de
parler de leur parcours, leurs expériences, de leur rapport
avec leur instrument …
Tous styles de
guitaristes ?
Oui oui. Justement, c'est ce qui est intéressant et
important pour nous. Et ce qui ressort de ces conversations avec tous
ces guitaristes, qui ont tous des parcours différents et
atypiques, c'est que c'est très émouvant de les
écouter parler de tout ça. Les conversations sont
entrecoupées de passages musicaux qui illustrent leurs
propos. Il y a eu des moments de franche rigolade, des moments
où on a versé notre petite larme, c'est vraiment
touchant. Et surtout, on a cette passion commune pour la guitare et je
pense que cela va se ressentir dans les vidéos.
Qui va-t-on retrouver ?
Ah je ne sais pas si je peux te le dire. Ça reste secret. Ce
sera à découvrir au fur et à mesure.
Allez, au moins un ?
Alors le premier épisode, ce sera Pascal Danaë, le
guitariste de Delgres. C'est très touchant, car cela
caractérise ce pourquoi on fait de la musique.
C'est-à-dire le partage, les rencontres, la passion commune
pour un instrument ou pour un style de musique. En tout cas, j'ai
été très touchée en les
interviewant et cela va vraiment se ressentir dans les
vidéos. Les épisodes vont sortir petit
à petit.
Et on va pouvoir les
retrouver à quel endroit ?
Sur ma chaîne YouTube. Des petites vidéos de 10/15
minutes. On a pris vraiment beaucoup de plaisir à les
tourner. Voilà ce que sont ces « Pieces of Wood
».
Je t'avais
déjà posé cette question lors de notre
dernière interview, mais tu pourrais définir la
nouvelle Nina Attal ?
Oh c'est dur ça. Je dirais un retour aux sources,
défendre la musique live, organique, jouée par
des vrais musiciens. C'est un de mes combats. Et puis le blues, le
retour à l'époque où
j'écoutais Stevie Ray dans ma chambre et je relevais les
solos. Nina Attal, aujourd'hui, c'est ça.
Dernière
question: Quel est le dernier morceau ou le dernier album que tu as
écouté ?
Alors c'est mon chouchou. C'est John Mayer. Il a sorti un nouveau titre
que je n'aime pas spécialement, mais que j'écoute
en boucle, car je n'ai plus aucune objectivité envers ce
mec-là, car je l'aime trop. Et même si ce n'est
pas bon, je l'écoute quand même chez moi (Rires). Sinon j'ai
redécouvert un groupe que j'écoutais quand
j'étais ado, Little Feat. Un album de 1975 ou 76 (« The Last Record
Album » NDLR), avec une chanson qui s'appelle
« Long Distance Love ». Si vous ne connaissez pas,
allez écouter, c'est un super morceau.
Merci Nina.
Merci à toi Yann.
Propos recueillis par
Yann Charles
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