dimanche, 28 mars 2021
DEMANDE
A LA POUSSIERE
https://www.facebook.com/DALPdoom/
Rencontre
avec Krys, chanteur d'un groupe au nom atypique, Demande à la Poussière.
Une musique à la croisée du black, du doom et du sludge, avec un chant
en français. Un univers très noir, des sonorités terreuses, il n'en
fallait pas plus pour avoir envie d'en savoir plus sur eux. Et
l'occasion de la sortie de leur second album en cette fin mars en a été
l'opportunité.
Salut, pouvez-vous vous présenter, et pourquoi ce nom de Demande à la
Poussière ? Ca a un rapport avec le roman « Demande à la
Poussière » de John Fante ou rien à voir ?
Salut.
Oui ça a totalement à voir avec ce roman. Pour le premier album, on
discutait de livres et de pas mal de choses, et on a extrait des textes
justement de ce livre, « Demande à la Poussière », et c'est
devenu logique pour nous d'appeler le groupe avec ce nom-là. On a trouvé
l'image très poétique et cela correspond bien à ce que l'on véhicule au
niveau musical.
La
plupart des groupes ont un nom généralement assez court, mais là …
Demande à la Poussière ! Bon y aussi Regarde les Hommes Tomber …
C'est pas gênant ?
On
n'est pas infographistes, donc nous ça ne nous gêne pas (Rires).
Non, c'est notre identité donc non ce n'est pas gênant d'avoir un nom
long. Nous on n'y voit pas de problème. On a un logo visuel où il n'y a
que les premières lettres de chaque mot. Et ça marche bien aussi.
Comment
vous êtes-vous rencontrés?
On
se connaît tous depuis au moins une quinzaine d'années, voir pour
certains une vingtaine. On avait tous des groupes, et on avait envie de
créer un projet. On n'avait pas la volonté de faire le groupe dans la
structure qu'il a actuellement, mais ça s'est comme ça, intuitivement,
par amitié, par connexion.
Dès
le début vous avez décidé que vous chanteriez en Français, ou vous
vous êtes posé la question ?
Non.
On ne s'est pas du tout posé la question. On a chanté en Français tout
de suite. Comme on avait une nom de groupe lié à la littérature, il nous
paraissait logique de continuer en Français et de pouvoir user, utiliser
tout le vocabulaire français afin d'avoir toute la poésie que notre
langue peut nous apporter.
En
Anglais, les textes n'auraient pas eu la même force, ou la même poésie
?
Disons
qu'en Anglais il y a moins de vocabulaire et tout est un peu plus
réducteur car il n'y a pas la finesse qu'offre la langue française pour
choisir des mots ou des expressions. Les images ne sont pas exprimées de
la même manière. On n'a pas la même approche de manière grammaticale.
Comment
définissez-vous votre musique ?
A
la base, on la définit comme du doom et du sludge avec des influences
black. Plus sludge je dirais car il y a une recherche de sons
organiques. Des sonorités qui ne sont pas très tight mais plutôt des
instruments qui respirent, qui sonnent presque acoustiques. On sent les
amplis souffrir. On n'est pas Gojira. On n'est pas dans une production
qui est vraiment tight. Donc voilà on est sludge avec des influences
black.
C'est
un univers très noir dans lequel vous nous embarquez, musicalement et
dans les textes, quels thèmes abordez-vous sur cet album ?
Effectivement,
on aborde des thèmes très durs qui sont des thèmes sur la complexité de
ce que l'on peut vivre actuellement. Comment atteindre nos rêves ?
Surtout que l'on est freiné par nos passés, par des éléments que l'on ne
maîtrise pas. On avance dans la vie, mais on a toujours notre petit
singe sur l'épaule qui fait qu'on s'enlise et que l'on n'avance pas
comme on le voudrait. On parle de mélancolie, de ce que l'on aurait
voulu être. Tous les textes sont basés sur l'humain et la compréhension
de nos sentiments au travers du prisme de l'humain.
Dans
la présentation on trouve : "Des sonorités primitives et
terreuses au détour desquelles l’oreille peut, parfois, entrevoir
quelques rares éclats de lumière surgissant de l’obscurité". Heu faut
bien chercher pour trouver la lumière ?
Il
y en a un peu si tu regardes bien. Si tu veux que toute cette noirceur
contraste un peu, il faut qu'il y ait, de temps en temps, un petit peu
de mélodie, un peu d'harmonie voir quelques petits passages un peu
épiques ou plus légers plutôt. Je suis d'accord avec toi, la lumière, il
faut aller la chercher. Mais
de temps en temps, on peut l'apercevoir.
Surtout
que pour le second album on trouve : "Composé avec l’idée de capturer
une teinte encore plus sombre que l’album éponyme" !
Oui,
mais là on est plus dans l'idée de capturer une teinte, une couleur
sonore très noire. En fait le premier album a été composé d'un jet sur
une idée. Le second a été composé plus sur la durée, et on a travaillé
tout de suite sur le son, sur une recherche de sonorités qui ne trichent
pas, qui nous correspondent mieux. Notre musique se veut également un
peu cinématographique. Globalement, on veut donner des images aux gens.
Qu'elles plaisent ou pas. On n'est pas dans la joyeuseté. On est dans
des sentiments réels et forts comme la tristesse, la douleur, la
mélancolie. C'est ce que nous avions envie d'expulser de façon
cathartique. On est vraiment dans cette optique-là.
C'est
pour ça que vous avez un son lourd, pesant, pour nous faire plonger
encore plus dans les profondeurs de l'âme ?
C'est
ça. C'est une belle image les profondeurs de l'âme. On est dans un grand
questionnement qui est peut-être un peu délicat. Mais c'est ce que cet
album doit suggérer : le questionnement.
L'album
est scénarisé ?
Non.
Alors oui, on a mis les titres dans un certain ordre pour avoir un sens.
Mais je dirais que l'album est cohérent mais pas scénarisé.
Cet
album fait il suite à votre premier album ? Ou juste des thèmes
récurrents que vous aimez aborder ?
C'est
un prolongement. On ne l'a pas réfléchi comme une suite. C'est une
évolution logique du groupe. On garde nos thématiques car elles sont à
la base de la création du groupe. On continue d'avancer dans la
direction qu'on a choisie.
Quelles évolutions justement il y a par
rapport à votre premier album ?
Disons
que les approches ont été différentes. Dans le premier album on s'est
inspiré du bouquin de John Fante. On a repris des phrases du livre et
donc on n'a pas beaucoup écrit de textes. Pour le second album tout est
écrit. Donc on a un travail d'écriture, de recherche plus important.
Mais malgré tout, cela est arrivé en second plan car il fallait que les
mots correspondent à la musicalité du groupe. On a donc créé la musique
avant les textes pour que justement les mots correspondent pleinement à
notre musique.
Vous
travaillez comment ?
On
a commencé à composer fin 2019. Puis au printemps 2020, on s'est tous
pris la pandémie dans la gueule. Donc on s'est mis à télétravailler,
comme tout le monde, et on a apporté des idées chacun de son côté. On a
tout centralisé au Lower Tones Place Studio d’Edgar, notre guitariste,
qui est aussi notre producteur. Et on a tout synthétisé là-bas. On a
beaucoup produit, beaucoup composé, et on a cherché une couleur qui nous
plaisait et qui nous correspondait. On a essayé de rester cohérents en
termes de sons et de compositions. Il y a eu une phase qu'on n'avait pas
eu sur le premier album, c'est toute une recherche de sons qu'on a
appelé "l'époque laboratoire" où on a testé beaucoup de pédales,
d'effets. On a vraiment cherché à faire ressortir notre émotion au
travers de notre musique.
Est-ce
que quand vous composez vous pensez à la scène ou c'est avant tout ce
que vous voulez exprimer qui prime, sans trop vous préoccupez de
savoir ce que ça donnera live ?
Non
car il y a des morceaux qui ne s'y prêtent pas, ou du moins mal. On a
composé et balancé tout ce qu'on avait, sans titres. Maintenant, on est
en train de penser à la scène et on se rend compte qu'il y a des
morceaux qui ne fonctionneront pas. Mais fort de toutes les dates qu'on
a eu avant, on connaît les effets de certains riffs mais on a quand même
rajouté çà et là des riffs pour pouvoir headbanger ou bouger sur
certains titres. Des titres fédérateurs.
Vous
avez sorti « Éréthisme » comme premier extrait. C'est le
titre qui représente le mieux cet album ?
Disons
que oui, il représente très bien l'album. Il est en miroir du second
extrait qu'on a sorti, « Quiétude hostile », du nom de
l'album. Ces deux titres sont un peu entremêlés. Et cela donne la
couleur de ce qu'il va se passer.
Sur
« Expiravit » on trouve du saxo si mon oreille ne m'a pas
fait défaut ? C'est étonnant sur ce style de musique.
Non
pourquoi ? (Rires). Quel groupe de metal n'a pas son saxo ? (Rires).
Pour la petite histoire, nous avons joué fin 2019 avec un groupe
ukrainien qui s'appelle White Ward et qui joue un black metal
d'avant-garde, incluant du jazz, et ils ont un saxophoniste qui
s'appelle Dima Dudko. On l'avait contacté pour qu'il fasse quelque chose
avec nous durant cette date. Ca s'est très bien passé. Et donc quand on
a composé l'album et qu'on s'est retrouvé avec un titre un peu
atmosphérique, on a immédiatement pensé à lui et on lui a demandé si il
voulait poser un truc dessus. Il nous a fait l'honneur d'enregistrer une
piste sur notre morceau. Et on aime beaucoup le résultat.
Oui.
Ca donne un cachet, une couleur particulière à la chanson.
Il
a une patte. Sa partie de saxo, je la trouve vraiment très très juste
dans le sens où elle apporte une tension vraiment particulière. Merci
encore à lui.
En
parlant de tension, on se sent comment juste après la sortie de cet
album ?
Je
pense comme tous les musiciens, impatient. Impatient d'avoir des
retours des gens qui vont l'écouter et qui ont déjà acheté le
premier album. Impatient d'avoir l'opportunité d'en parler.
On
arrive aux dernières questions : est-ce que vous pouvez définir le
groupe en deux ou trois mots ?
Alors
je dirais: Terreux. Mélancolique. Sombre.
Quel
est le dernier album ou morceau que tu as écouté ?
On
a écouté le groupe Skum et aussi, est ce que tu connais, Bethlehem ?
De
nom uniquement.
Pareil.
Et bien je me suis pris une torgnole … J'ai appris que le chanteur qui
chantait sur cet album n'a plus chanté depuis. Et quand tu entends
comment il chante, tu comprends. Mais je me suis vraiment pris une
grosse claque. Quand tu écoutes des tas de choses comme moi. J'ai une
discipline d'écoute en fait. J'essaie tous les jours d'aller fureter à
droite et à gauche pour écouter, découvrir des choses nouvelles, mais
aussi anciennes. Et j'aime bien discuter avec les gens de ce que j'ai
écouté. Et c'est justement un gars avec qui je discute de temps en temps
qui m'a dit d'aller jeter une oreille dessus. Et depuis j'ai dû écouter
cet album au moins une trentaine de fois.
Merci
beaucoup pour cette interview. Et j'espère bientôt sur une scène. Dès
que ça aura repris.
Merci.
Oui il faut que ça reprenne. Et merci à toi de faire le relais de la
scène musicale. Et c'était vraiment sympa d'échanger sur tout ça.
Propos
recueillis par Yann Charles
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