samedi, 09 janvier 2021
DELUGE
https://www.facebook.com/delugebandofficial/
Rencontre
en face à face, elles ont été rare ces derniers temps, avec FT, du
groupe Déluge. Une signature chez Metal Blade, un très bon album au
titre intrigant « Ægo Templo », il n'en fallait pas plus pour
découvrir qui est ce groupe français.
Salut
FT. Peux-tu nous présenter le groupe Déluge et tout d'abord pourquoi
ce nom ?
Salut.
C'est venu après les premières compositions. C'est la première fois que
je fais un projet de bout en bout et je voulais mettre mes tripes dans
ce projet. Je parle de projet car à la base, cela n'avait pas de nom.
J'ai commencé à composer la démo et très rapidement l'album. J'ai très
vite eu cinq titres sans trop savoir quoi en faire. Et je me suis tourné
vers mes potes qui constituent maintenant la famille Déluge. Je voulais
un déluge d'émotions, un déluge d'intensité, un déluge de guitares. Et à
force d'utiliser ce terme "Déluge", on s'est dit que finalement ça
ferait un bon nom de groupe. Ca correspond bien à ce que je recherchais.
On voulait aussi utiliser les différents états de l'eau pour représenter
différentes émotions. Donc tout poussait à utiliser ce nom-là.
Il
y a dans votre présentation une phrase qui dit "l'énergie primitive du
Black-Metal" ? Tu peux nous en dire plus ?
Le
Black Metal , je l'ai découvert assez tard. Je n'ai pas fait partie de
ses fans de la première heure. J'étais plus dans d'autres styles. Et
puis j'ai été sensible à la virulence de cette musique. C'est une
musique qui a une énergie et il se passe quelque chose et j'ai mis un
peu de temps avant de le comprendre. Et je crois aussi qu'il y a
beaucoup de double lecture dans beaucoup de Black Metal. Par exemple
Rammstein. Tu as une écoute adolescent pour la musique, le rythme, et
quand on grandit, quand on mûrit, on comprend qu'il y a beaucoup de sens
derrière. C'est engagé, politisé, il y a une double lecture. C'est un
petit peu simple de dire qu'on est un groupe de Black Metal. Je préfère
dire qu'on est inspiré de l'énergie du Black Metal. Bon, comme il
fallait bien mettre une étiquette sur le style de musique que l'on fait,
c'est ce qu'on a fait, même si c'est toujours difficile de se définir
vraiment. Mais je ne pense pas qu'on ait été un pur groupe de Black
Metal.
Du
coup, comment tu définis votre musique ? Car elle est riche on
retrouve pas mal de choses ?
On
est encore en train de chercher. J'avais demandé à Valnoir qui a fait
notre pochette et fait notre imagerie ce qu'il en pensait, car c'est un
peu une encyclopédie du Black Metal, et on est vraiment une musique
inspirée du Black Metal, mais qui ratisse quand même assez large. Le
premier album avait du relief, mais était un peu monolithique. Je ne dis
pas que ça part dans tous les sens, mais on voulait quelque chose de
très large et très riche.
Pourquoi
ce titre, « Ægo Templo » ? Quelles en sont les
significations ? Faut-il que l'on cherche tout seul ?
J'aime
bien quand les gens se débrouillent tout seul (Rires). Mais je
vais aider un peu. Dans les paroles, l'imagerie, la musique, on utilise
du symbolisme et des métaphores. Le fond et la forme sont beaucoup liés
et indissociables que ce que l'on peut penser. On raconte quelque chose
qui est fort pour nous. Dans les paroles, dans les écritures. On
explique certes, mais comme c'est assez large et métaphorique, chaque
personne peut s'y retrouver. « Ægo Templo » veut dire
« Je suis le temple » et il y a aussi un parallèle avec le
Temple de l'égo. Sur le premier album, il y avait un côté urgence sur ce
que j'avais à dire sur cette phase de ma vie. Pour ce deuxième album, on
a voulu construire quelque chose et il n'y avait pas cette urgence
d'écrire, donc plus de temps pour la réflexion. Il y a une symbolique de
construction de soi.
C'est
pour ça que vous avez mis cinq ans entre les deux albums ?
Pour
le premier album, j'ai quand même dû travailler deux ou trois ans
dessus. Ensuite, je voulais beaucoup tourner sur ce premier album et
attendre d'avoir quelque chose de concret à raconter pour le second. Je
ne voulais pas faire un « Aether » numéro 2. Je voulais autre
chose. D'autres groupes le font, je ne critique pas, mais moi, ce n'est
pas ma vision. Financièrement,
et pour tourner cela aurait été intéressant peut-être, mais ce n'est pas
ce que je recherchais. Aujourd'hui je suis fier d'avoir laissé ce temps
là pour arriver à cela. Par contre le troisième arrivera plus
rapidement.
Alors
paradoxalement vous avez des paroles en Français mais vous vous
exprimez principalement en Anglais sur votre page Facebook ?
Oui
c'est vrai. Tout ce qui est parole sera toujours en Français. Par contre
on vise l'international. Aujourd'hui on est sur un label, Metal Blade,
qui a une retombée internationale et qui distribue un peu partout dans
le monde, donc comme on a des fans aux États Unis, en Allemagne et en
Europe, forcément on s'exprime en Anglais pour pouvoir communiquer avec
tout le monde.
Plus
sérieusement, c'est plus facile d'exprimer en Français cet univers
noir dans lequel vous nous entrainez ?
Absolument.
Je ne pense pas qu'on aurait pu aller aussi loin dans la finesse et la
subtilité des écritures. C'est notre langue maternelle, la langue de
l'émotion, et ce ne serait pas aussi simple en Anglais. La langue
française est belle, pleine de richesses, pleine de nuances et surtout
pour tout l'aspect métaphorique et symbolique que l'on met dans les
textes, c'est beaucoup plus facile. Et on est sensible à la musicalité
de la langue française.
Quels
thèmes abordez-vous sur cet album ?
On
ne reste jamais bien loin de la thématique de l'eau. Ce qui est nouveau
c'est la thématique de la construction et de la reconstruction.
« Aether » était quelque chose de très brut comme je te l'ai
dit tout à l'heure, sans être intellectualisé. On a eu d'autres épreuves
dans nos vies entre les deux albums et il a fallu trouver une énergie,
quelque chose au fond de nous qui était différent de ce qu'on avait pour
faire « Aether ». Il nous manquait quelque chose. Quelque
chose avec des tripes et « Déluge » nous a fait du bien.
Et on apporte ces thèmes-là de la construction, du développement de soi.
Les
textes c'est toi ?
Non,
les textes c'est Maxime sur le deuxième album. J'ai abordé quelques
thèmes dans « Opprobre » car c'est une piste très personnelle.
Sinon, tout le reste c'est Maxime. Et un second Maxime, qui fait les
chants clairs, a écrit un morceau aussi.
C'est
une manière d'exorciser des peurs ou des angoisses ?
Peurs
et angoisses peut être pas. C'est juste un besoin de s'exprimer. On
n'est pas très bavards. Je réponds aux questions quand on me les pose (Rires),
mais on ne parle pas trop. Ou plutôt on ne se dit pas forcément des
choses aussi profondes.
Sur
le premier album, le son semblait plus brut, sur cet album il semble
un peu plus fluide, c'est l'apport de nouveaux instruments ?
Oui.
Il y a eu un travail incroyable de Thibault sur la production qui a
passé des semaines entières à tout calibrer. On voulait quelque chose de
beaucoup plus proche des instruments. On a enregistré des vraies
batteries dans une room dédiée à ça. Sur le premier album on avait une
production un peu à l'américaine, brut. Là on est très frenchy dans
l'approche, très naturel. On nous entend jouer. La production du chant
aussi est incroyable. Un superbe travail de Thibault.
Mis
à part « Gloire au Silence », tous vos morceaux commencent
dans une sorte de zénitude, de douceur avec ces vagues, puis d'un
coup, ça explose musicalement tel un tsunami.
(Rires)
Sur le séquençage de l'album on a dû prendre des décisions. On essaie
d'alterner toujours ça. Là on l'a enrichi car il y a d'autres choses,
mais historiquement, il y a toujours ce calme et ces envolées assez
brutales. Et ensuite on fait retomber un peu la sauce. On ne veut pas
bourrer tout le temps. Et là avec « Fratres » qui prépare à
« Gloire au Silence », c'est typique de ce qu'on recherche.
Cette
eau ou ces vagues sont le lien entre chaque chansons ?
Oui
carrément. L'eau est le lien pour tout. Et les différents états de l'eau
te permettent différentes émotions.
C'est
un concept album scénarisé ?
Ce
n'est pas vraiment un concept album. Comme le premier c'est un album
avec un fil conducteur. C'est clair que ce n'est pas non plus un
enchaînement de titres anodins, tout est réfléchi. Mais je ne dirais pas
que c'est un concept album. Il y a une thématique forte. C'est un album
qui a un sens, mais je l'ai construit comme une histoire qu'on a envie
de redécouvrir. Et on peut avoir envie d'écouter tel titre un jour, un
autre une autre fois.
Je
sais que vous aimez la scène, l'album a été composé pour la scène ?
Pas
tout à fait. C'est une bonne question. Je me la suis posée assez
tardivement en fait. Il s'avère que l'on veut être un groupe Live, ce
qui n'est pas forcément le cas de tous les groupes dans le Black Metal.
Il y en a qui ne veulent pas tourner, et ne faire que des albums. Nous,
ce n'est pas le cas. Nous on veut tourner car on adore. Bon, pour
l'instant c'est un peu compromis. Mais je ne compose pas en me disant
"Ca sur scène ça va être chouette". C'est un travail qui se fait après.
L'impulsion créative elle est là. On écrit dans un salon, dans un
studio, et on descend des accords, on construit les structures. Et c'est
par la suite qu'on adapte des titres pour le live. Mais à la base, je
construits d'abord des chansons avant de les penser live.
Visuellement
les covers se ressemblent, c'est votre identité ?
Absolument.
C'est une suggestion qui a été faite par Valnoir. C'est lui qui nous a
fait les deux covers. Je n'étais pas forcément pour car je ne voulais
être pris au piège d'une certaine identité, mais comme elles
correspondent complètement au groupe. Et c'est très cohérent.
Et
cette couleur bleue, ça a une signification particulière ?
Pas
spécialement. C'est juste le lien à l'eau.
Tu
dis avoir voulu conserver l'essence de notre musique ?
Oui.
Ca a été la grosse difficulté de la construction du deuxième album. Je
voulais ouvrir le spectre, mais je ne voulais pas me perdre. Quand on
commence à rajouter du chant clair, du piano, du saxophone, on pourrait
très vite partir dans tous les sens. Et aujourd'hui, ce n'est pas le
cas. C'est exactement le deuxième album que je cherchais à faire. Et
j'en suis super content. On s'est posé beaucoup de questions. On s'est
laissé beaucoup de temps. L'essence de la musique qu'était la mélancolie
très présente sur le premier comme la tristesse et la douleur. Mais la
mélancolie est un sentiment qui peut parfois être doux et joyeux. On
peut être mélancolique et se rappeler de bons moments. C'est un
sentiment que j'aime beaucoup. Et c'est cette essence qu'on ne voulait
surtout pas perdre.
Quelles
sont les références, musicales, littéraires, qui vous ont inspirées ?
Je
lis énormément de romans philosophiques. Beaucoup de philosophes, de
toutes les époques. Cela m'inspire beaucoup. Le développement personnel,
les accords toltèques. Des conceptions différentes de la vie. J'ai 35
ans, trois sociétés derrière moi, je suis papa depuis deux ans et demi
et on passe les épreuves de la vie. Et si on ne réfléchit pas, on passe
ces étapes sans trop se remettre en question. Pour les influences
musicales, on essaie au maximum de pas trop en avoir, histoire de bien
rester dans ce que l'on veut faire nous. On pourrait peut-être penser à
du Alcest que j'aime beaucoup, mais j'essaie de pas trop m'en
rapprocher. Par contre je n'écoute plus beaucoup de metal, sauf des
choses plus extrêmes, beaucoup plus techniques.
Vous
avez sorti « Opprobre » comme premier extrait et clip de cet
album. Pourquoi ce titre ? C'est celui qui représente le mieux cet
album ?
Alors
pas du tout. C'est un bon single. Toutes les influences sont un peu
présentes dans ce morceau, mais tous les morceaux ont des choses à
raconter. Il fallait en choisir un. Ce qui est paradoxal, c'est que ça a
été un des premiers morceaux composés, et il se retrouve être une des
premières piste que l'on diffuse. On en a discuté avec le label. Le
format du titre était intéressant, car les autres morceaux sont un peu
plus longs.
Vous
avez écrit « Opprobre » et « Vers » en premier,
pourtant « Vers » est le dernier morceau de l'album. Est-ce
que ce « Vers » est une ouverture vers autre chose ?
Ce
n'est pas le jeu de mot du titre, mais concrètement c'est ça oui. C'est
le morceau qui rassemble un peu toutes les pierres de l'album. C'est un
peu la conclusion … Et une fenêtre ouverte. Et c'est un morceau très
très puissant que l'on aime beaucoup avec un final vraiment top.
Les
dernières questions rituelles : est-ce que tu peux définir le groupe
en deux ou trois mots ?
Sincérité.
Émotion. Énergie. C'est beau ça non ? (Rires)
Et
pour terminer: quel est le dernier album ou le dernier morceaux que tu
as écouté ?
Alors
dernière écoute, c'est l'album ce matin. Histoire de bien l'avoir en
tête. Mais après je suis passé sur High-Vis, groupe de post-punk
anglais. Un très bon album, « No Sense No Feeling ».
Merci
FT pour cette interview.
Merci
à toi.
Propos
recueillis par Yann Charles
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