jeudi, 05 novembre 2020
TAGADA JONES
http://www.tagadajones.com
Une super rencontre, avant le nouveau confinement, avec
Niko
Jones. Leader du groupe Tagada Jones, patron de Rage Tour, il est un des
piliers du rock metal en France. Le groupe sort « A feu et à
Sang »,
un nouvel album énergique, et toujours des textes au vitriol. C'est dans
les
studios de la station de radio Rstlss que j'ai pu échanger avec un mec
vraiment
très sympa.
Salut
Niko. Bon Tagada Jones c'est plus de 70 concerts par
an et je parle même pas des apparitions sur les concerts des potes, du
Bal des
Enragés, et le suivi des groupes qui tournent pour Rage Tour, bon tu
carbures à
quoi !!
Salut. Alors je vais répondre assez succinctement. A
l'âge
de 5 ans j'étais un enfant hyper actif et la solution qui a été trouvée,
c'était que je fasse du judo. Donc j'ai fait beaucoup de judo en étant
jeune.
Et maintenant j'ai toujours cette énergie, qui est une énergie positive.
C'est
notre ADN donc t'as pas envie de t'arrêter, et quand tu prends du plaisir,
t'es
pas fatigué. J'essaie d'avoir une hygiène de vie assez clean, même si pas
mal
de gens pourront ne pas la qualifier de clean (rires), mais dans
le milieu dans
lequel on est, je pense que je suis assez clean. Et puis je m'entretiens,
je
continue à faire du judo. Et à faire attention à ce que je mange. Ca fait
25
ans que je chante pour l'écologie, 25 ans que je mange bio et plus
sainement.
Je pense que ce qui nous anime c'est l'envie, le plaisir, et le partage
avec le
public. On a de plus en plus de retour. Tagada Jones devient de plus en
plus
gros et connu donc comme nous on vit pour le public, et que c'est le
public qui
nous nourrit, donc forcément, on est de plus en plus sur la route.
Comment trouvez-vous
le
temps de composer, d'écrire et de répéter alors que vous êtes quasiment
tout le
temps sur la route ?
On n'a jamais trop galéré donc je me retrouve assez
vite en
mode composition. les morceaux et les textes sortent relativement bien.
Pendant
les tournées, je vais composer un petit peu. Souvent je fais le squelette
des
morceaux et ensuite on se met ensemble avec le groupe et on finit de le
construire.
Ca vient comment les idées ? Tu notes dans un petit
carnet,
t'as tout dans la tête ?
Oui je note. Des fois avec mon téléphone, ou même sur
un
bout de feuille. Des fois je conduis le camion et j'ai une idée de mélodie
et
je l'enregistre sur mon dictaphone, et des fois ça se trouve être un
morceau.
C'est rigolo que ça puisse venir d'un petit truc enregistré comme ça vite
fait
en conduisant.
Et ensuite vous travaillez ensemble
?
De mon côté j'amène l'idée de base de la rythmique
guitare
plus la voix. Quelquefois c'est des idées de batterie. Mais maintenant, on
trouve mieux que j'en mette le moins possible, comme ça ça n'influe pas
sur ce
que peuvent apporter les autres tu vois. Plus j'en donne et plus ils se
sentent
obligés de rester dans ce que j'ai apporté. Tandis que maintenant,
j'apporte
juste ce qu'il faut pour qu’eux apportent d'autres idées différentes. Et
qu'ils
puissent aussi apporter de leur personnalité dans les morceaux.
Généralement les groupes partent d'un
riff pour écrire et
composer, toi tu peux partir juste d'un texte ?
Oui. Ca dépend des fois, mais sur cet album il y a des
morceaux qui sont partis de textes et la musique est venue après.
On va parler de ce nouvel album, « A
Feu et à Sang".
C'est le digne successeur de « La Peste et le Choléra » ?
Oui je pense. La seule différence avec « La Peste
et le
Choléra », c'est qu'on a essayé d'aller plus loin dans chaque titre.
Chaque titre a une idée différente et Tagada est un groupe qui prône les
différences et qu'on n'a pas de carcan dans la musique. On n'en a jamais
eu et
on a toujours défendu ça. On a des influences metal, punk, rock, un peu
electro,
et sur ce nouvel album on a même quelques petites idées qui tireraient
même
vers le hip hop, dans la façon de placer la voix. Du moins sur un titre.
On a
été au bout du bout à chaque fois sur chaque morceau. Et les premiers
retours
que j'ai sur cet album, c'est qu'il est hyper varié.
L'album commence à 200 à l'heure, sur les
rythmes, mais
aussi sur les textes avec « A Feu et à Sang » et « Nous
avons la
Rage », toujours au combat malheureusement ?
Oui c'est ça, toujours au combat. La plupart des choses
qui
anime mon écriture ce sont souvent des réactions à chaud sur des
évènements,
sur des coups de colère que je peux avoir. C'est dur d'écrire sur des
choses
très positives avec la musique que l'on fait. Ce n'est pas en parfaite
adéquation. C'est pour ça que les thèmes sont souvent un peu durs, et que,
comme tu dis, ça va à 200 à l'heure. C'est notre ADN en fait, donc il n'y
a pas
de raisons de le refouler.
Tu crois que cette crise va entraîner des
changements
énormes ? On disait pendant le confinement qu'il y aurait un après, mais
bon
finalement on dirait que les gens se complaignent dans ce système …
A notre niveau oui. Il y a beaucoup de choses qui
changent
car on ne peut plus faire de concerts et nous, je parle dans le monde de
la
musique en général, on va subir de plein fouet tout ça. Pourquoi, on ne
sait
pas, mais le résultat est là. Je ne vois pas trop quellle différence il y
a à
se coller dans les métros ou être dans une salle. Tu mets un masque, que
ce
soit dans les transports ou ailleurs. Moi, je ferais un peu plus confiance
aux
Hommes, à la conscience collective. Quelqu'un qui se sait fragile, il n'y
va
pas, et celui qui se sent d'y aller, il y va avec son masque et en faisant
attention. Si tu sais que tu risques de contaminer les autres, tu n'y vas
pas …
Enfin, je pense qu'il faut un peu faire confiance aux gens. Ce n'est pas
comme
si nous étions confinés totalement. Si on est confiné total, là, je
comprendrais, il y a une action et on la respecte. Mais à partir du moment
où
l'on est pas confiné pour certaines choses, là j'ai du mal à comprendre.
C'est
comme arrêter les bars à 21 heures, je ne vois pas l'intérêt non plus. Les
gens
viendront plus tôt et au contraire seront plus nombreux. Mais pour en
revenir
aux changements, oui, je pense que cela va changer des choses. Pour les
concerts, on ne voulait pas, et moi le premier, faire de concerts en mode
assis, mais je pense qu'on va quand même le faire. Je ne dis pas que l'on
va en
faire beaucoup, mais on en fera. Les concerts au Trianon prévus en
novembre, on
a sondé notre public et je pense qu'on les fera dans cette formule.
Certains ne
viendront pas car ils ne veulent pas voir Tagada assis, ce que je
comprends,
mais d'autres seront là pour partager avec nous cette sortie d'album. (NDLR:
Les
deux dates de novembre sont reportées au mois de mai 2021)
Vous
dénoncez ce qu'on fait à notre planète sur les « 4
Eléments », « L'Addition », peut être plus que
précédemment,
c'est pareil, toujours le combat ? L'impression que là aussi, rien ne
bouge
vraiment, ou pas assez vite peut être ?
Ah, je pense que chez les jeunes il y a une grosse
prise de
conscience. Et c'est un bon point positif. Sur les « 4
Eléments », je
montre qu'on arrive au bout de ce qu'on peut demander à notre planète. Que
l'on
a dépassé une certaine limite. Et aujourd'hui on le paye : des incendies
monstrueux comme jamais, la fonte des glaces qui s'accélère, le permafrost
qui
lui aussi se réchauffe, il faut être complètement stupide pour dire qu'on
ne le
voit pas. Alors, c'est bien d'un côté que les plus jeunes s'en rendent
compte
et se mobilisent pour aller contre ça, et ça permettra peut-être de
stopper
toutes ces actions néfastes pour la planète. Mais on a sûrement dépassé
les limites,
et il y a y avoir des choses irréversibles.
Sur « La Peste et le Choléra »
on avait la chanson
« Pas de futur », et maintenant « La Nouvelle
génération »,
on a quand même l'espoir que ceux qui arrivent vont arranger les choses
enfin ?
Oui. Il faut toujours donner de l'espoir. Tagada Jones
n'a
jamais été un groupe complètement noir, même dans « Pas de
Futur ».
Tu sais, j'ai une fille de 18 ans et il faut leur donner de l'espoir. Ce
sont
eux qui vont reprendre les rênes de tout ça et qui vont essayer de faire
changer les choses car nous, on rame comme des damnés. Mais la prise de
conscience des jeunes est bien là donc j'espère qu'ils réussiront là où
nous on
a échoué.
Avec « La Biche et le
Charognard » vous revenez
sur ce thème des prédateurs ?
Je traite deux choses en même temps sur ce sujet. On a
vu
avec la période du confinement que les violences conjugales avaient
augmenté,
ça c'est la première chose. Et puis surtout de l'inaction et la passivité
des
gens. On peut tous être témoins de ça. Il y a des signaux d'alerte, et je
pense
que beaucoup de gens les voient, mais ne font rien. C'est aussi ça que je
veux
dénoncer sur cette chanson. Des prédateurs, il y en aura toujours, donc
c'est à
nous d’agir plus.
Je me trompe peut-être, mais je trouve
qu'il y a des textes
peut être plus légers, avec de l'ironie, ce que vous ne faisiez pas
avant. Ca
veut dire que tu as évolué dans la manière d'écrire ?
Il y a de ça oui. Il y a peut-être un côté
effectivement
plus rigolo qu'on n'avait pas avant, en tous cas, qui n'est pas dans l'ADN
du
groupe. Mais par contre dans la vie de tous les jours, on est quand même
des
bons rigolos, bon vivants, et même pendant les concerts, c'est toujours
bon
enfant, même si on dénonce des choses graves. Mais ce n'est pas pour ça
qu'on
ne doit pas passer du bon temps avec les gens qui viennent nous écouter.
Et
c'est vrai qu'on ne retrouvait pas ça dans nos albums. On a donc essayé de
remédier à ça avec celui-là. Au moins sur deux ou trois titres.
Changement de ton et même de son sur
« Magnitude 13 »
?
On a essayé plein de choses différentes. Je te l'ai dit
tout
à l'heure, on est allé jusqu'au bout de chaque chose. Souvent on me pose
la
question : "Qu'est ce qui est punk dans les années 2020 ?". Je
réponds "Faire ce que tu as envie de faire et aller au bout de tes idées".
Et donc c'est ce qu'on a fait en poussant tous les titres jusqu'au bout.
Comme
on ne se donne pas de limites, et s’il sonne comme ça, c'est qu'on a
vraiment
voulu aller vers ça. Avant, on se mettait peut être des barrières
fictives,
mais, indirectement, on s'arrêtait quand même. Mais sur cet album on a
dépassé
ça.
Pour quatorze titres sur cet album, vous
en avez écrit
combien ?
On en a fait vingt et on en a enregistré dix-sept. Ce
qui
veut dire qu'il y en a trois qu'on a abandonné en cours de route, et trois
autres
qui sont enregistrés et mixés. Qu'on sortira peut être. Tu as toujours
besoin
d'inédits, pour faire quelques surprises. Donc on en a trois en stock (Rires).
Pour le clip « Nous avons la
Rage », vous avez
fait appel à vos fans, mais pourquoi tout le monde en blanc ?
C'était la période. On a lancé pendant le premier
confinement, donc on était dans les hôpitaux, et donc on était dans cette
idée,
dans ce concept. Et comme on mettait tout le monde dans une même image, si
tu
as trop de choses différentes, genre un avec un fond rouge, l'autre jaune,
l'autre avec des végétaux, visuellement ça aurait été très compliqué à
gérer.
Et il y a aussi le réalisateur qui devait traiter les images, leur donner
un
liant, ça aurait été ingérable. Mais c'était un sacré challenge de faire
ça, et
c'était plutôt sympa que tant de gens aient répondu.
L'album va sortir en France mais aussi à
l'international.
Chanter en Français est un avantage ou un inconvénient quand on part
ailleurs ?
Un peu des deux. Ce n'est pas très gênant pour la
scène, par
contre c'est compliqué quand tu veux rentrer dans les marchés étrangers
quand
tu chantes en Français. Par contre quand tu y es, c’est différent, c'est
autre
chose. Je prends souvent l'exemple des groupes anglo-saxon, où quand tu
joues
en Angleterre ou aux États Unis, ils se fichent complètement que tu copies
ce
qu'ils font. Il faut être réaliste, en Europe, il y a beaucoup de groupes
qui
copient ce que font les groupes anglo-saxon. Les Anglais et les Américains
ne
regardent pas ça. Ils s'en fichent que tu fasses ce que leurs groupes
fétiches
font depuis des années. Après, je retourne la question : les trois quarts
du
public français ne comprend pas ce que chantent les groupes anglais. Ou
quand
Rammstein chante en allemand c'est encore pire. Donc c'est pas
rédhibitoire de
pas comprendre le texte. Et effectivement, dans ces cas-là, c'est plus la
sonorité, les mélodies et l'énergie qui priment.
Tagada Jones est un groupe de scène, ça
va être la grosse
teuf quand vous pourrez reprendre ?
Ah là ouais !!! Bien que comme on sait que ce sera en
période de Covid, donc forcément un peu moins si les gens sont assis. Du
coup,
ce sera mitigé. Nous, on sera super contents d'être là, de remonter sur
scène,
on sera vraiment heureux, et on vivra un concert qu'on n'a jamais vécu car
jouer devant des gens assis, ça nous est jamais arrivé. Ca va nous faire
bizarre, et au public aussi. On s'est beaucoup posé la question. Je n'ai
pas
trop envie de faire une tournée où on ne jouerait que devant des salles
assises.
Je ne dis pas que je ne le ferais jamais, parce que si pendant plusieurs
années, il n'y a pas d'autres solutions pour jouer, je pense qu'on le fera
quand
même. Là, pour l'instant, s'est posée uniquement la question pour deux
dates,
celles du Trianon en novembre à Paris. D'une parce qu'on a vraiment envie
de
les faire et de eux car ce sont les dates de sorties de l'album, on s'est
dit
qu'on essaierait de les faire, même en condition assis. Mais comme je t'ai
dit
tout à l'heure, je comprends très bien qu'il y ait des gens qui ne veulent
pas
venir nous voir en concert assis, mais d'autres ont envie de venir. Donc
au
final, on passera un bon moment quand même. Mais faire une longue tournée
dans
ces conditions, je le ferais à contre cœur.
Le concert au Hellfest en 2017 reste un
des plus gros et
meilleur concert que vous ayez fait, c'est ton avis aussi ?
C'est un concert énorme pour nous, ça c'est clair, car
on a
joué devant 15000 personnes qui ont chanté nos chansons du début jusqu'à
la
fin. Même les gars de la sécu nous ont dit que c'est une des plus grosses
ambiances qu'ils aient vu à la Warzone. Mais on a vécu des moments énormes
dans
des concerts intimistes. Ce n'est pas parce que c'est gigantesque que
c'est
forcément énorme. Mais là, c'était les deux. Il y avait en même temps une
certaine intimité et une proximité monumentale entre nous et le public.
Une
symbiose absolue.
Bien que le Zénith en co-lead avec No One
et Ultra Vomit
était pas mal non plus ?
Oui, c'était super. On a eu aussi le Zénith à Nantes
avec
Mass Hysteria et les Ultra Vomit, là aussi, grosse ambiance.
C'est une solution les concerts avec deux
ou trois têtes
d'affiche, en co-lead comme ça ?
Avant tout c'est un petit challenge. On joue un petit
peu
ensemble, mais on est souvent headliner sur des festivals, mais des jours
différents, et on se rend compte que lorsqu'on se met tous ensemble, le
public
suit. Des groupes qui chantent en Français et qui font du metal, on n'est
pas
beaucoup. Donc je voyais plus ça comme un challenge, mais on a tous pris
beaucoup de plaisir. C'est différent, c'est plus gros, c'est intéressant à
travailler et on a beaucoup aimé. Et on travaille sur une tournée, fin
2021,
mais bon pour l'instant, on ne sait pas comment vont évoluer les choses.
On arrive à la dernière question, mais
avant, en 2014, tu as
déclaré "Le jour où la France ira bien, on fera un album sans
revendication", ce n'est pas près d'arriver ?
(Rires) Non, je crois qu'on va pouvoir en faire
pendant des
années encore (Rires).
Dernière question rituelle : quel est le
dernier morceau ou
le dernier album que tu as écouté ?
Ah. Le tout dernier album que j'ai écouté, c'est le
live de
The Hive, « Live At Third Man Records ». Très bon !
Merci Niko
Mais de rien. Merci à toi.
Propos recueillis par Yann Charles
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