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LA PHAZE pdf print E-mail
Ecrit par Yann Charles  
jeudi, 29 octobre 2020
 

LA PHAZE

https://www.facebook.com/laphaze/

Après presque huit ans d'absence, le groupe de pungle La Phaze est de retour avec « Visible(s) » (voir la chronique ici), un album puissant aux textes acérés. Une rencontre téléphonique avec Damny qui nous parle de ce come back et surtout du plaisir d'être de nouveau sur le devant de la scène, même si le contexte ne s'y prête pas beaucoup !

Déjà avant toute chose, ça fait plaisir de vous retrouver enfin !!!
Merci merci !! On est super content de ce genre de message. Que notre retour fasse plaisir aux gens, c'est une super récompense. Très honnêtement. Sans promo (Rires). C'est sincère. Ca a été un peu laborieux, mais voilà, on est de retour.

Oui, car depuis 2012, quelques rares apparitions et tentatives de retour vers 2017/2018, et cette fois 2020, le vrai come back. Que s'est-il passé durant cette période ?
Alors le groupe s'est arrêté effectivement en 2012 car on était saturé, un besoin de prendre l'air. Trop de tournées, on était épuisés. Chacun a fait des choses à droite à gauche, que ce soit dans la musique ou dans la vie tout simplement. Et on s'est revu Arnaud et moi fin 2017. Je l'ai contacté, on s'est fait une grosse bouffe, on a discuté et on s'est retrouvés ensuite en 2018, tous les deux, comme au début si tu veux. Un peu comme des gamins qui se retrouvent à jouer ensemble. On a beaucoup discuté, échangé, rigolé, et accessoirement on a fait de la musique. Et les automatismes sont revenus très vite. Les deux premiers morceaux du nouvel album datent de ce moment-là. C'est ce qui a amorcé la suite. On s'est dit "soit la sauce prend, et on verra ce qu'on fait, soit ça prend pas et on ne remet pas le couvert".

Qu'est qui a déclenché ce retour, cette envie de revenir sur scène ? Vous aviez un manque de scène ?
Je pense que oui. En faisant une métaphore, ça nous manquait de remonter sur cette vieille moto qu'était La Phaze. Et moi, j'avais retrouvé l'excitation d'écrire. J'ai eu un très gros décrochage, mais je restais investi, même sans le groupe, politiquement, socialement et à titre personnel. Et aux dernières élections présidentielles, j'ai eu vraiment un gros décrochage. Ca ne m'intéressait plus. Et à un moment donné, je me suis dit que ce qui pouvait être intéressant c'est de parler du quotidien, de voir ce que les gens vivent. Et je suis revenu dans cet état d'esprit. Et ça a ravivé l'envie.

Tu as retrouvé le feu sacré ?
Oui c'est ça. Et le fait de se revoir avec Arnaud et de retrouver la même intensité à faire les choses ensembles, tout est revenu à partir de là. C'est un album qui s'est fait facilement dans l'envie de faire tu vois, mais difficile dans l'élaboration pour des raisons personnelles. Entre 2018 et la sortie, j'ai eu des gros problèmes de santé, de vie, mais ça m'a aussi donné beaucoup d'inspiration pour cet album.

Est-ce que cette (longue) période vous a inspiré des titres pour « Visibles(s) » ?
Oui. Mais sur ce disque on n'est pas dans la nostalgie tu vois. On n'est pas dans le "c'était mieux avant". C'est un album de résilience et de reconstruction. Un disque de come back comme tu l'as dit, mais au sens profond du terme. On ne regarde pas dans le rétro, on est vraiment porté sur la suite.

Musicalement, je dirais que « Visible(s) », le nouvel album, est un ragga punk énervé, c'est comme ça que tu le définirais ?
C'est pas mal du tout comme définition. C'est la tienne, mais j'aime beaucoup. Je n'avais pas pensé à ça, mais ça illustre bien l'album oui.

Musicalement je trouve que vous retournez à vos racines avec plus d'electro, drum’n’bass, et toujours ce jungle qui vous caractérise. Mais peut-être un peu moins rock, même si « Tabasse » et « Cogne » envoient bien. Quelle(s) évolution(s) y a-t-il eu entre vos premiers album et celui-ci ?
Oui oui, c'est vrai. Complètement. C'était un postulat de départ où on s'est dit qu'on mettrait beaucoup plus d'électronique. On revient à nos premières amours. Il est assez proche, dans l'esprit, des deux premiers albums.

Vous vous retrouvez au début quasiment ?
Quasiment. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de groupes qui font de longues pauses comme ça. Huit ans quand même (Rires). Mais pour nous c'est quelque chose d'assez salvateur. Ca nous a permis de nous réinventer, de se redonner une nouvelle chance, un peu comme un vieux couple. (Rires)

On sent beaucoup de fraîcheur dans cet album, c'est un retour revigorant pour vous deux. Je ne parle pas pour Louis le troisième élément ?
Absolument. Pour parler du petit jeune (rires), il apporte aussi une nouvelle fraîcheur dans l'histoire. Quand on a décidé de refaire le groupe, j'avais dans l'esprit d'avoir du sang neuf. J'ai rien inventé, c'est un truc de vieux pirates ça. Tous les mecs ou les groupes, quand ils prennent un peu d'âge, ont besoin de prendre des mecs un peu plus jeunes, histoire de mettre de la fraîcheur, de la nouveauté dans leur musique. Et il s'avère que Louis était un fan du groupe, qui m'a écrit quand le groupe s'est arrêté, et qui ne nous avait jamais vu en concert. C'est ça l'anecdote qui est un peu folle. Son message m'avait interpelé, et pendant cette pause de huit ans, comme c'est un mec brillant, je l'avais gardé dans un coin de ma tête. Et quand on a parlé avec Arnaud de prendre quelqu'un d'autre, c'est à lui que j'ai pensé. Arnaud ne le connaissait pas. La rencontre s'est faite et ça a matché. Et pour nous c'est très revigorant. Ca vient sûrement du fait d'avoir été confronté à d'autres choses. Moi, par exemple, je n'habite plus en France, et ça m'a permis de découvrir d'autres choses. Et ça nous a permis de nous renouveler.

Vous abordez des sujets que vous aviez déjà traités sur les albums précédents, c'est pas un peu désespérant de se dire que finalement rien n'a changé, c'est triste comme constat ?
Ta question est judicieuse. Il y a des jours où, effectivement, tu as les bras qui tombent. Non seulement rien ne change, mais tout va de pire en pire. C'est ça qui est désespérant. Mais ce qu'il y a quand même dans nos combats, qu'ils soient rock ou humains, cette envie de ne pas sombrer dans le désespoir. C'est de rester dans une dynamique où tout n'est pas perdu. Et qu'il y a toujours la possibilité, à un moment donné, d'avoir un groupuscule de personnes qui fait naître de nouvelles idées, sans entrer dans les grandes formules. C'est, par exemple, ce que j'ai aimé avec les Gilets Jaunes. Ca part de nulle part, mais il peut y avoir une dynamique qui renverse une idée prédominante. Bon, sur les gilets jaunes, il y a beaucoup de choses à dire, mais moi, c'est cette idée-là qui m'intéresse. C'est l'idée que tout espoir n'est pas vain.

Tu as écrit sur les nouvelles technologies, les réseaux, finalement on est de moins en moins en contact réel, c'est aussi ça le danger ?
Dans l'usage qu'on nous a imposé, oui, cela en est un. Par exemple, ma copine qui travaille dans le milieu du handicap chez les jeunes enfants, dans le milieu orthophoniste, s'aperçoit que les gamins ont de plus en plus de problèmes de langage à cause des tablettes. Et on le voit nous-même. Si tu passes ta journée dessus, connecté sur tes applications, tu n'as plus de contact avec l'extérieur, ni avec tes potes, ni ta famille. Pour le moment, je trouve que l'usage qu'on en fait est nocif pour notre psychisme. Même les gens qui ont créé tout ça le disent. Ca créé beaucoup d'individualisme, de repli sur soi. Et c'est pas ça l'idée du genre humain. On est fait pour les contacts réels, les discussions, le partage social.

On revient sur l'album. Comment avez-vous travaillé pour cet album ? Car vous n'êtes pas vraiment voisins tous les trois ? Toi, tu l'as dit, tu es en Espagne, Louis est en Angleterre, et Arnaud est en Bretagne je crois, si j'ai bien retenu la leçon ?
Oui tu as très bien retenue ta leçon car Arnaud est à Nantes qui est, comme tout le monde le sait, la capitale de la Bretagne. (Rires)

Alors là, t'es parti dans un truc, un débat, une sacrée polémique !! (Rires) Donc vous avez bossé comment, vous vous êtes envoyé les bandes, par visio, ou vous avez réussi à vous retrouver ?
Alors, en 2018, on a pas mal fait d'ébauches Arnaud et moi. Et on travaillait ensemble à chaque fois que je venais en France pour faire des concerts. Je restais une semaine. On bossait les répétitions, on partageait de nouvelles idées. Et le week end, on partait en concert. C'était ça notre rythme. Ensuite, j'ai eu mon accident en 2018, et là j'ai été immobilisé pendant un an avec rééducation, et à ce moment-là, on a travaillé à distance en s'envoyant pas mal de fichiers. Louis est venu au fur et à mesure apporter un petit coup de pouce. C'est là qu'on s'est aperçu toutes les capacités qu'il avait d'apporter quelque chose au projet. Pour la suite, il sera beaucoup plus impliqué dans les projets. Je le considère un peu comme mon couteau suisse, quand j'ai besoin d’idées de sons, il va vite, il comprend vite. Mais les compos, ça reste Arnaud et moi. Ensuite je centralise tout chez moi, car j'ai mon studio à domicile.

Et pour les textes c'est toi uniquement ?
Les textes oui, ça a toujours été moi dans le groupe. C'est une responsabilité car c'est une vision, mais il faut quand même qu'elle corresponde à la vision de tout le monde. Mais ça n'a jamais été un monopole. Si quelqu'un avait voulu écrire, il n'y aurait eu aucun problème. Mais c'est moi qui écris les textes.

S’il y avait un titre qui était plus représentatif de cet album, ce serait lequel ? « Avoir 20 ans » ?
Je pense que c'est celui-là effectivement. Tu as bien résumé. Il est représentatif car il réunit les couleurs du groupe. Au niveau du message c'est du La Phaze. Oui je pense qu'il est bien représentatif de notre esprit.

Le clip était sorti il y a deux ans, mais à l'écoute, ça aurait pu être un titre de La Phaze d'avant la coupure ?
Oui, c'est vrai. Si ce n'est le texte car à l'époque on était plus jeunes, mais dans l'engagement c'est tout à fait ça. Je pense que c'est une chanson qui est un peu intemporelle car dans vingt ans, ce sera la même chose. Globalement dans cette chanson, je me positionne un peu comme le gamin que j'étais à l'époque. Et je ne suis pas dans l'optique de dire "Voilà, j'ai 40 ans passés, et les gamins de maintenant ce qu'ils écoutent c'est de la merde par rapport à ce qu'on écoutait nous". Ce qui est souvent le cas maintenant. J'ai pas mal de gens autour de moi qui pensent ça. Voire même peut être que moi aussi ça m'arrive de penser "c'était mieux avant". On a un peu tendance à se prendre pour le daron, ce qui est complètement débile, mais c'est comme ça.

Sur le titre « Cogne » tu partages le micro avec Niko de Tagada Jones. Il y a toujours eu une certaine complicité entre vous et Tagada Jones, et entre toi et Niko ?
Oui. Niko et moi on s'adore depuis toujours.

C'est presque le même style, si ce n'est la musique qui diffère légèrement … Une forte présence sur scène, une voix qui se ressemble un peu … Tu pourrais même chanter du Tagada Jones ?
Tu es en train de dire qu'on est des gens de petite taille (Rires). Mais oui c'est vrai. C'est arrivé des fois, lorsqu'on passe une bonne soirée de se chambrer. C'est arrivé de nous imiter un peu (Rires). Niko a une énergie que j'adore. C'est un mec entier, très authentique, qui est une machine de guerre au niveau du boulot, au niveau des idées. Il a monté Rage Tour. C'est quelqu'un que j'aime beaucoup.

S'il fallait un mec invité sur ce nouvel album, c'est Niko qui devait être là, et il est venu ?
Ah oui, c'était une évidence. Au départ, j'avais pensé lui proposer « Tabasse » et puis, on n'a pas fait très original car on a fait « Cogne » (Rires). Sur « Tabasse », il y avait déjà pas mal de textes, et j'avais déjà bien ficelé ce que je voulais faire au niveau du chant et de la voix, donc je ne lui aurais pas laissé la place tu vois. Donc, du coup, on a bossé un autre titre, une chanson sur mesure pour nous deux ensemble, et on a fait « Cogne ».

On repasse à autre chose, vous avez signé avec le Label At(h)ome qui a un catalogue très rock et metal, comment cela s'est-il fait ? Il n'y a qu’eux qui vous voulaient ?
(Rires) C'est ce que je dis des fois (Rires). Mais c'est pas tout à fait faux, car les labels aujourd'hui c'est compliqué et je pense que ça va l'être encore plus d'ici quelques temps. Honnêtement, c'était une histoire de bon sens. At(h)ome, on les connaît depuis longtemps. A l'époque, j'avais fait un disque solo, et ils étaient super branchés pour le sortir, mais finalement ça ne s'est pas fait et notre manager les a contactés, car on ne voulait plus travailler avec de plus grosses structures, et ils ont répondu tout de suite. Et on était super contents car rapport au catalogue qu'ils ont, on s'est dit que c'était logique pour nous d'être sur ce label en France.

On arrive aux dernières questions … La première, on a dû te la poser des dizaines de fois, mais bon, est ce que tu peux définir La Phaze ou le nouveau La Phaze en deux ou trois mots ?
Et bien figure toi que pas tant que ça en fait. On m'a souvent demandé pourquoi La Phaze ? Alors je te dirais en trois mots : Energie, pas la radio (Rires), ou plutôt énergique. Authenticité, ça quelque chose qui nous caractérise. Je le dis même après vingt ans d'existence du groupe, on a fait de choix parfois de ce qui était à contre-sens de ce qu'on aurait pu se mettre dans les poches pour te parler franchement. On a refusé certaines synchros avec notre musique parce que cela ne correspondait pas à notre éthique. Notamment Burger King par exemple. On fait des choix qui avec le recul me font dire qu'on a respecté notre trajectoire et notre engagement. Donc voilà pourquoi Authentique en second mot. Et pour le troisième mot, je dirais Curieux. On est des gens curieux. Comme tu le disais, il y a une grande fraîcheur dans ce disque car notre plus grand challenge est de ne pas faire un truc qui sente le renfermé, ou le réchauffé. Je vais prendre un exemple. Pendant cette période de creux, je me suis retrouvé à jouer sur une scène où il y avait Asian Dub Foundation qu'on avait croisé quelques fois sur la route. Et là, je les voyais, c'était en 2015 ou 2016, et, à cette époque, je ne pensais même pas remonter le groupe, mais je me suis dit "voilà tout ce que ne faut pas faire". Et j'ai vu un vieux groupe, qui avait un son hyper daté et, pour moi, c'est presque de la fainéantise en tant qu'artiste. La musique évolue beaucoup, et nous, on a cherché à redynamiser notre groupe, en restant propre des valeurs qui ont fait notre groupe. Mais pas proposer du réchauffé.

Et dernière question plus personnelle : quel est le dernier morceau ou le dernier album que tu as écouté ?
Pour être honnête, j'écoute rarement un album, j'écoute plutôt des morceaux sur internet. Récemment, bon tu vas ta foutre de ma gueule, mais je me suis retapé pas mal de morceaux de Van Halen. Je me suis dit que le mec était quand même génial !! Il y a un avant et un après ce mec-là. Après dans les choses plus récentes, j'ai écouté le dernier son d'un groupe américain qui s'appelle Prayers. Je les suis depuis quelques années, et même si je suis moins fan de ce qu'ils font maintenant. C'est la scène électronique, dark wave, un peu goth mais rock. Influence Depeche Mode mais version 2020 avec tatouages et cuir.

Merci beaucoup pour cette interview, et je le redis, c'est cool de vous retrouver. Et j'espère bientôt sur une scène même si cela semble mal barré.
Merci beaucoup à toi. Mais bon je ne suis pas sûr qu'on ait de bonnes nouvelles effectivement. Ca fait chier parce que c'est toute cette chose nécessaire que l'on appelle les concerts, la musique, la culture, même si j'aime pas bien ce terme car ça fait quelque chose d'inaccessible, ce truc qui fait que les gens se réunissent et ça met vachement en péril tout ça. On risque de perde ce qui fait la vie quoi. On n'est pas fait juste pour se nourrir, travailler et respirer. On a besoin de tout ça pour vivre, voilà. Le fait d'aller jouer en concert avec le groupe, bon pas en ce moment, ce n'est pas tant pour se représenter sur une scène, mais plutôt le fait d'aller voir des gens, de partager quelque chose. C'est ce qu’il a de plus important pour nous. C'est notre essence. Et je parle pas d'argent. Se sentir revivre, pas derrière des masques. Mais malheureusement ce n'est pas pour tout de suite.

Encore merci.
On croise les doigts. Et j'espère à très bientôt également.

Propos recueillis par Yann Charles