dimanche, 01 juin 2003
C'est au Furia
Sound Festival, par une chaude journée d'été,
que nous sommes partis à la rencontre d'Erwan, le chanteur
de Java, qui finissait tout juste de digérer le clown qu'il
avait avalé le matin même au petit déjeuner.
Peu friand d'interviews et accablé par la température
insupportable qui règne sous la tente/loge du groupe, l'homme
à la gouaille si particulière démarrait en
pleine dérision, à la limite du foutage de gueule,
pour finir par se reprendre en main et par nous confier quelques
informations intéressantes concernant le groupe et son
nouvel album attendu pour septembre prochain
Comme quoi
la patience a du bon !
Bonjour Erwan,
peux tu nous dire comment a commencé Java ?
Et bien Java a commencé en 1974, quand je suis né.
J'ai eu une révélation car dans l'hôpital
où j'étais, j'étais à côté
d'un type qui avait été opéré d'une
accordéonite aiguë, c'est à dire qu'il avait
avalé un accordéon et que dès qu'il respirait,
il faisait " ouiiiiiiiin, ouiiiiiiiin
". Donc,
je me suis dit que l'accordéon, c'était pas mal
quand même. Et puis on était en plein dans les années
70, en pleine période baba cool, j'allais faire du nudisme
et arrivent les années 80 où il ne se passe rien,
90 toujours rien du tout et là je rencontre Fixi qui est
un accordéoniste. Il jouait du clavier avant mais il avait
décidé de jouer de l'accordéon. Il jouait
avec Yvette Horner à l'époque, en fait c'était
le guitariste électrique d'Yvette Horner et moi j'étais
pas du tout Yvette Horner et donc il m'a proposé de passer
à " La Chance Aux Chansons " pour faire du rap.
Et là j'ai dit non ! Donc on a monté le groupe en
réaction à " La Chance Aux Chansons "
et pour faire autre chose que du bastringue, quand même
avec de l'accordéon mais joué de façon rock
et rap parce que l'accordéon, c'est un instrument folklorique
que l'on trouve partout dans le monde et qui peut être joué
de plein de façons différentes. Lui, il en joue
comme des claviers, donc de façon technique, parce qu'avant
Fixi jouait du clavier avec Tony Allen qui est batteur et qui
faisait de l'afro beat. Ca te convient où on recommence
tout ?
Pas de problème,
on continue si ça t'amuse
On vous attribue une étiquette
rap musette, ce n'est pas trop pénible ?
Elle colle à la peau ! Si, c'est pénible parce qu'en
fait il n'y a pas que du rap et du musette
On fait un musette
sur le concert, c'est un morceau musette où l'on essaie
de faire danser les gens parce que les gens ne dansent pas souvent
dans les concerts de rock et que c'est plus sensuel quand les
gens dansent ensemble, donc on fait un ou deux musettes. Sinon
pour ce qui est du rap, il y a des textes qui sont rapés
mais il y a des textes chantés et aussi plein d'autres
influences comme le rock, le jazz avec la contrebasse, la batterie
qui est mélangée avec des samples
Le rap
n'est pas utilisé dans son esprit hip-hop classique mais
plutôt comme un moyen d'avoir de la chanson à textes
avec de longs textes qui racontent des histoires.
Votre style
navigue entre politique, humour et poésie
Comment
en arrive t'on là ?
Comment on en arrive entre humour, politique et poésie
? En fait quand on est plus jeune, on aime la poésie, on
s'éveille aux petites fleurs
Après on s'aperçoit
qu'il y a de la politique, donc c'est plus dur et puis la seule
façon de surmonter ce monde cynique d'hommes politiques,
c'est l'humour !
Quand on a des
bases hip-hop, comment en vient on à utiliser un accordéon
dans sa musique ?
Les bases ne sont pas hip-hop ! Le hip-hop, enfin le phrasé
rap parce que le hip-hop c'est une culture, c'est un ingrédient.
Les bases de Java, c'est plutôt de faire des chansons et
que ces chansons soient dansantes, qu'elles soient plus rythmées
que la chanson traditionnelle réaliste française
qui manque parfois de rythme. Je pense que dans la musique en
l'an 2000 en France, il y a un vent de génération
africaine qui perdure sur le monde et qui donne de la musique
différente et surtout plus rythmée et donc nous
on essaie de le mettre dans la chanson à textes qui est
facilement cérébrale pour en faire quelque chose
de plus corporel
Vous sortez
un album en septembre, quelle en est l'orientation générale
?
Erwan : Bon, et bien j'ai en face de moi Alexis, le batteur, qui
va te répondre
Alexis : Et bien pour le nouvel album, on continue la recherche
du mélange parfait, de la cohésion entre le rythme
à quatre temps et le rythme à trois temps
Plus de chansons, peut-être plus d'humour aussi !
Erwan : En fait, le premier album a été fait en
studio et celui là, on l'a fait nous même. Au lieu
de payer un enregistrement, on a pu aller au Brésil parce
que Fixi avait joué là-bas et qu'il connaissait
des musiciens. On est allé dans une baraque là-bas
et on a enregistré des percussions, des guitaristes et
plein de musiciens. C'est un pays qui est très riche musicalement,
ils sont fiers de la musique brésilienne mais en fait l'idée
de départ de Fixi quand il a monté le projet Java
il y a cinq ans, avant 1974 donc, était de retourner au
Brésil parce que c'est un pays où l'on utilise beaucoup
l'accordéon, où les gens sont tous musiciens et
connaissent le répertoire traditionnel mais en même
temps n'arrêtent pas de le mélanger avec d'autres
choses. Il n'y a pas de coupure, c'est sans cesse en ébullition
et il y avait cette idée là, qui bien sur est utopique
et qui n'existait pas en France, de reprendre des choses populaires
françaises et d'essayer de les remodeler avec quelque chose
de nouveau. L'idée, c'était de se perdre dans plein
de musiques différentes, de ne pas savoir qui on est, de
chercher une base de départ forte pour pouvoir s'ouvrir
vers l'extérieur et assimiler d'autres musiques
Quelle est la
position du groupe par rapport au web ?
Le piratage ou l'outil ? Pour l'outil, mon frère a fait
le site et il y a très peu de temps que je me suis mis
à l'internet. J'étais pas très emballé
au début mais je trouve que l'outil est bien et qu'il permet
d'avoir des échanges avec les gens qui ont vu les concerts
et qui font des critiques, qu'elles soient positives ou négatives.
Et puis après, ça permettra, enfin j'espère,
de trouver des concerts et de vendre des disques par-là
lorsqu'on aura l'indépendance financière pour pouvoir
partir de la major, enfin c'est ce qu'on espère faire à
long terme
En ce qui concerne le piratage, je sais que
le disque a été énormément piraté
mais moi ça ne me dérange pas parce qu'on ne vit
pas de nos ventes de disques. On en vivra peut être un jour
mais pour l'instant on vit grâce aux concerts et à
l'intermittence et on se dit que le jour où les disques
seront piratés et qu'il n'y aura plus d'intermittents,
alors là on sera dans la merde !
Merci Erwan !
Propos
recueillis par Fred
Delforge pour Zicazic.com - Juin 2003
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