dimanche, 01 septembre 2002
Salut, pouvez-vous me présenter rapidement le groupe ?
Michaël : Michaël… guitares et basse.
Simon : Simon… chant, guitares, séquences, mixage, et tout
ce qui fait du son (une table, une flûte, un tambourin...). J'écris
les textes, et on travaille les musiques et les arrangements tous
les deux.
Simon tu as été chanteur
polyphonique corse, DJ hip-hop … Tu peux m'en dire plus
sur tes débuts ?
En ce qui concerne le chant polyphonique, je n'ai jamais fait
partie d'une formation installée, mais c'est comme ça que j'ai
commencé à chanter. Mes débuts en musique remontent au lycée à
Ajaccio. On avait monté un groupe de rap avec un ami (Syl20 B
de Triphaze, une formation techno parisienne). J'étais le DJ,
donc je m'occupais de la musique et des scratchs. C'est là que
j'ai appris comment fonctionne une chanson, les différents instruments,
la structure, les boites a rythme, le sampling, les boucles, etc.
On a fait pas mal de concerts à l'époque, dont certains assez
gros (première partie de Solaar : 2000 personnes), et puis une
fois le bac en poche, chacun est parti de son coté. Entre temps
mes oreilles s'étaient ouvertes en grand, et je m'étais mis à
la guitare et au chant. L'environnement s'y prêtait, j'ai donc
chanté beaucoup de chansons corses dès le début, ce qui est plutôt
une bonne école, pour le souffle, la puissance de la voix, etc.
Plus tard j'ai rencontré Michaël à Sophia-Antipolis, on était
dans la même école, et il habitait juste en face de chez moi.
Entre deux apéros, on jouait de la gratte ensemble… Puis
on a monté un groupe. On a fait quelques petits concerts, c'était
bien sympa, même si on faisait surtout des reprises… la
fin des études approchant, l'histoire devait se répéter, et nous
nous sommes séparés par la force des choses.
Ensuite, tu es parti
à San Francisco, une ville que j'adore ! Qu'est ce que tu y as
fait pendant un an ?
C'était un stage de fin d'études au départ, puis je suis resté
pour bosser, dans l'informatique. J'y ai fait ce qu'on fait dans
la vie courante, rien d'extraordinaire, à part peut-être quelques
voyages sympas. Mais le plus gros bénéfice que j'en ai tiré, c'est
le virus du nomadisme. Depuis, je ne tiens plus en place…
je ne conçois plus ma vie dans un endroit fixe… par exemple,
je limite la quantité de mes possessions au volume de ma voiture.
Le retour a été difficile
?… La chanson " San Francisco " t'es venue comment ?
Non le retour n'a pas été difficile, je suis rentré par choix.
Le titre " San Francisco " s'est en quelque sorte imposé à moi.
J'étais en France depuis peu, et je faisais encore un aller-retour
par mois à San Francisco. Il fallait que je fasse une chanson
qui s'appelle comme ça. Comme un hommage. L'homonymie avec le
tube de Maxime Le Forestier ne m'a jamais gênée, premièrement
parce qu'il y a un paquet de chansons qui portent ce titre, et
deuxièmement parce que j'étais personnellement impliqué. Je voulais
parler de cet élan que je ressentais, qui me pousse aujourd'hui
à bouger tout le temps, à aller chercher " une autre vie, d'autres
secrets "… C'est donc avant tout une ode au départ, à travers
les images d'une ville qui m'est chère, et que je considère comme
un " chez moi ". " San Francisco " est la première chanson sur
laquelle Michaël et moi avons travaillé ensemble. C'est un peu
le morceau fondateur du groupe…
Changement de continent,
tu as composé une chanson qui s'appelle " Le Sud " dans laquelle
tu reprend partiellement le refrain de Nino Ferrer … C'est
un clin d'œil ?
Oui bien sûr, mais à contre-pied. J'aurais très bien pu faire
un hommage à la beauté du Sud, c'est une région que j'aime beaucoup,
un autre de mes " chez moi ". Mais le moment où je l'ai écrit
(peu après les élections présidentielles) a conditionné la tournure
du morceau. Depuis le premier tour je voulais parler de ce qui
s'était passé, et qui était vraiment prononcé en PACA. Mais je
voulais faire une critique vive, sincère et réfléchie. Donc j'ai
attendu un peu que ça mûrisse. Je venais de passer l'hiver dans
les Alpes, alors quand je suis rentré il y a quelques détails
qui m'ont frappé, comme la lumière vive, ou les femmes habillées
n'importe comment dans la rue. J'ai mélangé toutes ces impressions
… Michaël a tout de suite accroché sur les ébauches du texte,
et m'a poussé à le finir… Sans ça je ne suis pas sûr que
j'aurais terminé le morceau, je trouvais le refrain un peu gonflé
quand même ;-)
Les textes de Chair
Chant Corps sont particulièrement travaillés. On a l'impression
que vous cherchez à vous démarquer de la chanson française actuelle
?
Simon : Les textes sont d'une importance capitale pour nous. Il
nous fallait absolument deux éléments que beaucoup de gens semblent
négliger : de la poésie et du sens. J'ai d'ailleurs du mal à concevoir
qu'on puisse écrire des chansons sans ces deux composantes…
Michaël : Pourtant certains y arrivent très bien ! :-)
Simon : Oui mais ils s'entraînent ! :-) Sérieusement, je trouve
dommage que les 3/4 de la production actuelle se cantonne à des
textes au ras des pâquerettes… et là je ne parle pas des
Pop Stars et compagnie, qui n'existent même pas. Je parle bien
de ce qu'on appelle la " nouvelle scène française ", et qui pour
une bonne partie n'est autre que de la variet' déguisée. Ce que
je ne sais pas, c'est si ces gens-là sont vraiment nuls, ou s'ils
se plient aux contraintes des maisons de disques, notamment pour
les singles radio. Mais bon, dans tout ça il y en a quand même
certains, on peut citer Eiffel, Dolly (il y en a quelques autres,
heureusement !), qui font des bons textes et de la bonne musique,
et qui arrivent aussi à passer à la radio…
Michaël tu vis à Grenoble,
Simon à Sophia Antipolis … Ce n'est pas très évident de
faire un groupe dans ces conditions. Vous procédez comment ?
Michaël : On passe des heures au téléphone, on s'envoie des dizaines
de mails tous les jours, et on s'échange les fichiers son par
internet.
Simon : Par exemple, j'ai une idée de morceau, avec une ligne
d'accords et un début de texte … j'enregistre ça à l'arrache
en une prise acoustique, et j'envoie ça à Mick en mp3. Là il me
dit si ça le branche, il me donne des directions, des idées…
Ensuite je fais une structure sur PC avec les logiciels qui vont
bien et on commence à travailler la-dessus tous les deux…
On s'envoie des wav, des mp3…
Michaël : C'est assez facile en fait, et c'est une façon de composer
qui donne une grande liberté : le morceau est conçu sans les limites
liées au nombre d'instruments ou de musiciens.
Simon : C'est très proche du travail en studio finalement, mais
dès la naissance du morceau, et sans avoir de formation live en
tête.
Et la scène ?
Simon : Pas de scène dans l'immédiat, mais on commence à y réfléchir
sérieusement. Dans un premier temps ce sera probablement juste
nous deux en sets semi-acoustiques, avec des séquences…
Michaël : …quelque chose de facile à mettre en place, vu
qu'on aura pas le temps de répéter énormément. Mais ce ne sera
pas avant cet hiver, et ça devrait se limiter à la région Rhône-Alpes.
Simon : De toutes façons, tôt ou tard on sera bien obligés de
monter un vrai groupe de scène. Et d'ailleurs, à ce moment là
il faudra que je me fixe quelque part…
Des projets plus particuliers
?
Simon : Bah… devenir rock stars ! :-) A plus court terme,
on va retoucher le son de l'album, pour que ce soit diffusable
en radio. Après ça on va commencer à contacter des labels pour
essayer d'en faire quelque chose, de cet album ! :-) L'idéal serait
de pouvoir le réenregistrer en studio… ou en tous cas avec
du matos pro. Et puis il va falloir qu'on se remette à écrire
aussi !
Michaël : à côté de ça, je joue dans le groupe Malmonde (NDLR
: groupe métal chroniqué sur Zicazic) et on s'apprête à sortir
un mini-album. L'enregistrement est terminé, il devrait voir le
jour en octobre…
Vous pensez quoi de
l'échange de mp3, de la copie de CD, etc. ?
Simon : " Information wants to be free " disait-on au début du
web. Je crois que ça s'applique aussi à la musique. Mais il faut
faire attention à ne pas (trop) léser les artistes. Là ou il y
a problème, c'est que certains vont se faire une fierté d'acheter
le dernier Red-Hot, et à coté de ça ils vont faire une copie du
dernier Eiffel. Le truc c'est que 10000 ventes de plus ou de moins
pour des stars internationales comme les Red Hot, c'est invisible,
alors que pour Eiffel ça peut changer beaucoup de choses (c'est
le nombre de ventes de leur premier album). Donc il suffit de
faire un échange, ça coûte le même prix, et comme ça on file un
coup de pouce à un groupe français qui le mérite.
Michaël : Il faut quand même préciser que nous n'encourageons
pas le piratage… Mais nous savons qu'il est inévitable,
alors autant qu'il soit fait intelligemment : donnez votre argent
à ceux qui en ont besoin !
Avant de terminer, vous
pouvez nous dire quelles sont vos plus grosses influences ? Vous
écoutez quoi habituellement ?
Simon : J'écoute assez peu de musique depuis un an, par manque
de temps… du Jeff Buckley, du Brel, Eiffel, Noir Dez, Ben
Harper, The Strokes, Miossec, un peu de rock californien…
Michaël : Moi par contre, j'en écoute énormément ! Beaucoup de
métal, c'est par là que j'ai commencé à m'intéresser à la musique
et j'y trouve toujours mon compte. Je m'ouvre aussi progressivement
à tout ce qui est blues, jazz… J'aime tout ce qui est instrumental
et complexe. Côté français, j'apprécie n'importe quel groupe qui
a quelque chose à dire et qui le dit bien ! J'écoutais l'autre
jour l'album " Les oiseaux de passage ", hommage à George Brassens
(NDLR album sur lequel figure entre autres un titre de Subway),
et c'est flagrant comme certains groupes prennent toute leur dimension
quand on leur met des vrais textes entre les mains !
Autre chose à déclarer
?
Rien de spécial, merci à toi de nous donner cette occasion de
nous exprimer…
Merci à vous surtout
et bonne chance pour la suite …
(Propos recueillis par Fred
DELFORGE pour Zicazic.com début septembre 2002)
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