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INTERNATIONAL BLUES CHALLENGE à MEMPHIS (USA) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
lundi, 03 février 2020
 

IBC 2020 INTERNATIONAL BLUES CHALLENGE
BEALE STREET – MEMPHIS (USA)
Du 28 janvier au 1er février 2020


http://www.blues.org   

On met entre parenthèses notre périple touristique « En Terre de Blues » qui nous a fait passer par de grands lieux du genre (voir ici) pour rejoindre Memphis où nous attend le 36ème International Blues Challenge durant lequel nos deux représentants français, La Bedoune en duo et Thomas Doucet & The G Lights, vous se retrouver au beau milieu d’un quart de millier de formations pour montrer de quoi ils sont capables. Si ici il y a un vainqueur dans chacune des catégories, c’est chacun des participants qui sort gagnant d’une réunion où il peut se faire repérer et surtout faire des rencontres importantes pour la suite de son parcours musical. Il faut dire qu’il y a du beau monde sur Beale Street et que la plupart des programmateurs du monde entier y viennent chaque année pour faire leur marché !

Mardi 28 janvier :

En attendant le début du Challenge, quoi de mieux que d’aller faire les boutiques pour faires les dernières courses musicales ? Cordes, baguettes et autres accessoires se trouvent facilement dans les faubourgs de la ville, tout comme les vinyles collectors et autres objets cultes, alors on en profite avant d’aller faire un tour du côté de chez Stax pour y retrouver nos amis de Stax Music Academy tandis que les groupes visitent le fameux musée attaché aux anciens studios. Un grand moment quand on sait que certains sont de véritables fans de soul et qu’il y a de quoi se faire plaisir à l’intérieur ! Et quoi de mieux en sortant que d’aller déjeuner au Four Ways, le meilleur restaurant de Soul Food de la ville, celui-là même où Martin Luther King a pris son dernier repas avant de se faire assassiner au Motel Lorraine …

Il est temps maintenant de passer aux choses sérieuses avec l’entrée en lice des premières formations. On commence donc au Club 152 avec les Croates de Bluzy Threesome qui nous sortent une reprise de « Helter Shelter » bien sauvage en plein milieu de leur set ... Voilà un groupe très rock dans l’âme avec un guitar hero pas désagréable du tout pour une entrée en matière qui réveille bien ! On continue très vite avec Bad Temper Joe de Blues Baltica en Allemagne, un artiste qui nous régale de sa grosse voix chaude et de son Weissenborn élégant au possible ... Ça fait du bien après la tornade croate qui a précédé !

Place maintenant aux Polonais de Two Timer que l’on avait déjà vus à l’International Blues Challenge en 2015 mais aussi au Buis Blues Festival en 2017 et au Eutin BluesFest au printemps dernier. Le groupe va nous offrir ce soir une belle prestation astucieusement saupoudrée d’un bel harmonica plein de charme et si ce n’est pas la formation la plus originale de ce début de soirée, elle aura contribué à nous faire patienter agréablement jusqu’au passage de notre premier représentant national.

On en arrive donc à nos Frenchys qui vont surprendre leur monde en nous sortant en plein cœur de leur set une cover de « I’ve Been Loving You So Long » qui réussira même à faire danser quelques spectateurs dans le Club 152, où ils disputeront d’ailleurs leurs deux quarts de finale. Salués par une belle salve d’applaudissements après avoir également placé deux de leurs compositions, Thomas Doucet & The G Lights auront réussi haut la main leur entrée dans Memphis !

On passe maintenant au one man band Italien, Black Snake Moan, qui va lui aussi réussir à tirer son épingle du jeu avec une prestation un peu tendue mais pas inintéressante du tout. C’est le moment où nous choisissons de changer de club pour rejoindre le Blues City Café, le restaurant pour commencer, mais aussi la salle un peu plus tard ! C’est l’occasion d’entendre quelques groupes pendant le diner, avec entre autre les Italiens de Superdownhome ou encore l’Anglaise Kyla Brox, gagnante de l’European Blues Challenge au printemps dernier qui se produit non pas en groupe mais accompagnée cette année par Danny Blomeley pour un duo plein de sensibilité.

On laisse filer le groupe néerlandais le temps de payer l’addition et on se retrouve devant la scène avec La Bedoune, notre duo français qui va lui aussi faire forte impression, quand bien même on regrettera que Greg soit installé derrière Cécile et non à ses côtés, ce qui pêche un peu au niveau visuel et qui perturbe un peu la communication qui habituellement se fait au regard. Il n’en reste pas moins que La Bedoune aura su toucher un public touché par ses compositions mais aussi par la manière de les présenter. Encore une belle entrée en matière pour cette formation qui a reçu un accueil plus que chaleureux !    

Mercredi 29 janvier :

On part ce matin dans une longue journée marathon qui va nous entrainer du côté du Blues Hall Of Fame pour répondre à une interview de Blues Magazine qui a décidé de faire un parallèle entre les différents échelons du soutien apporté au blues en général en posant des questions à Barbara Newman, Présidente de The Blues Foundation, à Pertti Nurmi, Vice-Président de l’European Blues Union, et à votre serviteur pour son rôle de Président de France Blues. L’occasion d’échanger sur un sujet qui nous est cher et de donner un peu plus d’informations à une communauté qui ne connait pas ou ne se rend pas forcément compte de l’importance du maillage qui existe au niveau mondial …

Le temps d’assister à une lecture / dédicace du livre « Weeds Like Us » de Janiva Magness et de jeter un œil aux souvenirs de Martin Luther King devant le Motel Lorraine où il a été assassiné et nous voilà déjà au Central BBQ pour un déjeuner rapide avant que les groupes ne partent remplir leurs premiers devoirs en assistant à la rencontre d’orientation qui leur donnera tous les détails de l’aventure qu’ils vont vivre cette semaine.

Une heure trente à tuer, c’est juste le temps qu’il faut pour se rendre au Sun Studio et mettre ses pas dans ceux des grands artistes qui ont enregistré là-bas, à commencer par Elvis Presley bien entendu, mais sans oublier bien entendu les Johnny Cash, Jerry Lee Lewis et autres Carl Perkins avec lesquels il avait formé le fameux Million Dollar Quartet … Les souvenirs se bousculent une fois de plus et on lit sur le visage des visiteurs le plaisir de (re-)découvrir ces objets et ces histoires qui ont contribué à la légende de Sam Phillips, des musiques américaines et du rock’n’roll !

Direction le Peabody où nous attend un autre grand moment de la journée avec non pas la fameuse relève des canards qui attire toujours autant de badauds mais bel et bien avec une réunion de travail entre les représentants de l’European Blues Union et Rick Booth d’Intrepid Artists avec lequel nous allons essayer de creuser autour de différentes pistes permettant aux musiciens européens de venir jouer et tourner aux USA de façon décente et légale. Il en ressortira que si les choses sont extrêmement compliquée en raison de la lourdeur des formalités administratives du côté américain, les choses pourraient à terme évoluer dans le bon sens avec une solide collaboration sur le sujet entre les différents niveaux internationaux du blues. Affaire à suivre donc !

On attaque maintenant la partie musicale et le premier quart de finale du Challenge avec Moose And The Bulletproof Blues Band de Jersey Shore Jazz And Blues Foundation qui démarre au Club 152 et qui nous assourdit un peu avec un son beaucoup trop fort ... Ce n’est pas forcément le groupe le plus intéressant de la terre et il envoie ses douze-mesures avec un soliste qui essaie d’être un peu trop démonstratif et quand bien même l’orgue Hammond est un plus, le soundcheck approximatif ne le met pas du tout en valeur. Dommage ! Le niveau monte d’un cran avec Chris Canas Band de Detroit Blues Society qui souffre là encore d’un son très fort et plutôt mauvais … La dualité voix masculine / voix féminine est un atout indiscutable et après deux morceaux un peu décevants, le combo du Michigan va finalement nous délivrer une fin de set de belle facture qui finira de le réconcilier avec une assistance restée un peu sur sa faim durant les premières minutes.

On en arrive déjà à Thomas Doucet & The G Lights qui vont nous surprendre avec une prestation endiablée qui va monter crescendo au fur et à mesure que la vingtaine de minutes qui leur est accordée va passer. La rythmique tient son rôle au millimètre près, l’orgue Hammond nous fait monter dans de très hautes strates et le saxophone est lui aussi un argument de poids et c’est avec l’art et la manière que nos Frenchys vont venir démontrer à un public séduit qu’il est possible de proposer un bon soul-blues sans forcément avoir de guitare dans un groupe. Les compositions ne laissent pas le public indifférent, loin s’en faut, la reprise de Sam Cooke va produire là encore son petit effet, et s’il n’est pas évident de venir jouer de la soul à Memphis quand on n’est pas des gars du cru, les Nantais s’en sortiront finalement haut la main avec en prime une très belle réaction du public !   

On croise Barbara Newman venue présenter la Blues Foundation à l’assistance et on file très vite vers le premier étage du Jerry Lee Lewis’ 12 Bar où l’on retrouve dans une ambiance cosy Louis & The Geezer de Cascade Blues Association, un duo acoustique avec guitare et Weissenborn qui nous transporte du côté du Delta pour quelques belles démonstrations de slide, avec en prime un bel harmonica ... Bienvenue dans un univers où si la lumière est quasiment inexistante, l’atmosphère va se montrer chaleureuse !

Vient ensuite Superdownhome, le duo italien qui continue dans un style sale et bourré de slide, un véritable délice avec en cours de route un coup de « Shake Your Money Maker » bien balancé ! La cigar box est puissante et chaude et ça fait du bien par où ça passe, et quand on entre dans le blues psychédélique, c’est encore meilleur ! On poursuit bientôt avec Coyote & Cole de Topeka Blues Society pour un blues tout ce qu’il y a de plus classique mais plutôt bien senti avec sa dualité électrique et acoustique assez sympathique ! Un peu d’harmonica assez sommaire pour habiller les parties les plus acoustiques comme cette reprise du « Dealing With The Devil » de James Cotton et le tour sera joué, et plutôt bien en plus !

On en arrive à la prestation La Bedoune qui va nous sortir ce soir le grand jeu, les deux complices ayant réussi à se placer côte à côte et à trouver leurs marques pour donner à leur musique toute sa teneur et toute sa dimension. Très à l’aise, Cécile se met le public dans la poche en échangeant avec lui et c’est portée par la guitare et la grosse caisse de Greg qu’elle vient nous régaler de son toucher de basse fretless plutôt subtil et d’une voix que l’on comparera de temps en temps à celle de Wanda Jackson. Les compositions bien ficelées font mouche sur un public qui en saisit la teneur et la richesse et c’est avec un final a-capela sur le « Love Me Good » de Nina Simone que La Bedoune finira de faire plier un club qui n’en attendait pas moins !

Le temps de passer de club en club, de rencontrer nombre d’amis présents en ville et enfin de se restaurer et c’en sera déjà fini de cette première soirée d’un Challenge qui s’annonce très prometteur avec de très bons groupes en lice …

Jeudi 30 janvier :

On s’accorde une petite matinée de détente pour se remettre des émotions des uns et des autres et chacun vaque à ses propres occupations avec le Civil Rights Museum pour les uns, un peu de shopping pour les autres … Un détour par le Cozy Corner le midi pour profiter de ce lieu unique où l’on déguste d’excellents ribs et des wings qui ne sont pas moins superbes et il est bientôt temps de rejoindre les différentes Master Classes parmi lesquelles celles organisées autour de Bobby Rush pour ce qui concerne la gestion d’une carrière d’artiste ou encore de Bob Margolin pour ce qui est de la pratique de la guitare électrique. On notera qu’au même moment, des artistes comme Doug McLeod, Victor Wainwright, Bob Corritore ou encore Shakura S’Aida donnent également quelques Master Classes sur la guitare acoustique, le piano, l’harmonica et le chant. Autant dire que la Blues Foundation a mis les petits plats dans les grands pour gâter les concurrents !

Un peu de détente sur Beale Street en attendant le début de la compétition nous permet de retrouver ou de croiser quelques amis musiciens et fans ou professionnels de Blues et c’est très rapidement que l’on file vers le Jerry Lee Lewis’ 12 Bar Club pour y retrouver Joe Fingas de Blues Society Of Northwest Florida, un pianiste de boogie qui a de la bouteille et qui nous sert un set à la Dr John avec plein de feeling et une voix un peu usée qui colle parfaitement à l’ambiance du club. On se retrouve du côté de New Orleans avec un cachet old school des plus sympathiques et ça nous met bien en jambe pour la suite de la soirée, d’autant plus que Joe Fingas finit debout à capella face au public.

Veronica Lewis feat. Mike Walch de Boston Blues Society lui succèdent et on découvre un duo avec une jeune pianiste et un batteur qui n’apporte pas grand-chose malheureusement car la batterie n’est pas sonorisée et qu’elle est trop forte, au point de pratiquement couvrir le piano et la voix. Le boogie du duo n’en reste pas moins agréable, quand bien même l’originalité n’est pas vraiment au rendez-vous.

C’est ensuite La Bedoune qui nous sort une nouvelle fois le grand jeu avec un set encore affiné par rapport à celui d’hier. La communication est encore parfaite et le courant passe carrément bien avec un public attentif et attentionné. Il faut dire que l’association guitare, basse et percussions est parfaite et que Cécile tente même de placer quelques mots de Français pour présenter « Cecile's Blues », un superbe morceau dédié à une amie qui a récemment trouvé « the key to the highway » ... Un détour très apprécié par la cover a-capella de Nina Simone finira de plier le set avec beaucoup de savoir-faire. Les applaudissements pleuvent, c’est plutôt bon signe !

On remonte Beale Street en faisant encore quelques rencontres et on file maintenant vers le Club 152 où Cory Luetjen & The Traveling Blues Band de Triangle Blues Society envoient un bon gros soul blues teinté de rhythm’n’blues et même d’une pointe de rock et baigné de cuivres et d’orgue Hammond, le tout porté par un bassiste qui trace ses lignes au cordeau. Ça déménage grave et le club 152 encore peu garni réagit plutôt bien à cette potion énergisante dosée avec soin ! Nul doute que ces gars-là sont tombés dedans quand ils étaient petits ... la petite virée du sax dans le public en milieu de set marquera les esprits, c’est certain !

C’est Thomas Doucet & The G Lights qui s’y collent maintenant et c’est un groupe totalement détendu qui va faire le job, avec encore plus de feeling et de finesse que la veille et avec toujours cette reprise de Sam Cooke qui retourne l’assistance. Et quand bien même il n’est pas évident de succéder à la tornade qui a précédé, Thomas et consorts vont nous sortir le set qui va bien avec de belles nuances et surtout avec une passion folle qui se transmet naturellement vers un public une vague de chaleur qui va droit au cœur. Jouer de la soul à Memphis est un pari osé et c’est avec un réel talent que les Nantais le réalisent, ce qui a vraiment de quoi nous rendre fiers de nos Frenchys !

On papillonne ensuite de club en club en attendant les résultats et on découvre sur les coups de une heure du matin que l’aventure américaine s’arrêtera là pour Thomas Doucet & The G Lights qui n’ont pas été retenus pour la demi-finale … Ça continue en revanche pour La Bedoune que l’on retrouvera demain soir dans un club de Beale Street pour tenter de gagner une place samedi après-midi à l’Orpheum. Un superbe challenge à relever ! 
     
Vendredi 31 janvier :

La journée commence par un événement un peu particulier puisque c’est aujourd’hui la cérémonie de remise des Keeping The Blues Alive Awards, un moment toujours plein d’émotion qui cette année se déroulera dans le Ballroom au quinzième étage de l’hôtel Holiday Inn, une salle plus petite que d’habitude puisque les salons du Doubletree sont actuellement en travaux. Les différents récipiendaires ne manqueront pas de manifester leur plaisir et leur reconnaissance et quand bien même une fuite de climatisation provoquera une rupture d’une dalle du plafond et inondera une table, on appréciera de voir notre ami Peter Astrup du Blues Heaven Festival au Danemark ou encore le Cali Blues & Folk Festival de Colombie,  le Hal & Mal’s Blues Club de Jackson ou le Jimiway Blues Festival en Pologne être récompensés pour l’ensemble de leur œuvre. On rappellera que les Keeping The Blues Alive Awards saluent les personnalités qui œuvrent pour le Blues dans l’ombre des projecteurs et en dehors de la scène.

Après un temps de repos obligatoire pour se remettre d’une semaine intense, nous prenons la direction des Studios Ardent sur Madison pour aller retrouver nos amis croates de Sunnysiders qui sont en pleine phase de mixage de leur album à venir. Outre le plaisir d’être dans un des studios cultes où ont enregistré entre autres Booker T. and the MGs, Isaac Hayes, Led Zeppelin, Big Star, ZZ Top, Freddie King, Joe Cocker, The Fabulous Thunderbirds, Al Green, R.E.M., George Thorogood, Johnny Winter, Stevie Ray Vaughan, Lynyrd Skynyrd, BB King, Luther Allison, Bob Dylan, Smashing Pumpkins, etc., on découvre partiellement le prochain album d’un groupe que l’on affectionne tout particulièrement, album sur lequel on retrouvera quelques guests français, et non des moindres !

Il est temps de remonter vers Beale Street pour assister aux demi-finales et quand nous arrivons au Blues Hall où va se produire ce soir La Bedoune, les jeunes du Youth Showcase viennent de finir de montrer leur talent et son très vites remplacés par Generations of Blues de Central Iowa Blues Society qui commence a-capella puis lance le show avec ses deux guitares sans trop se presser ... Le son est un peu lourd mais on se retrouve très vite dans une ambiance à la fois roots et psychédélique distillée par un black band de belle qualité au sein duquel on remarque la présence de Kent Burnside ! On regrettera juste un accordage un peu approximatif et quelques redondances qui lassent un peu à la longue mais voilà un candidat qui n’aura pas démérité.

Place à La Bedoune qui va mettre tout son poids dans la balance pour tenter de la faire pencher du bon côté avec un set encore un peu remanié, quand bien même les bases restent les mêmes. Toujours aussi expressive, Cécile s’empare de l’assistance du Blues Hall, un club beaucoup moins feutré que celui de ses quarts de finale mais tout aussi intéressant puisque le public y est un peu plus dense et plus turbulent et qu’il faut vraiment le prendre à bras le corps pour garder toute son attention. C’est donc entre moments d’écoute et explosions de liesse et d’applaudissements que nos représentants nationaux vont dérouler le meilleur de leur répertoire, faisant l’impasse ce soir sur la cover de Nina Simone mais pas sur quelques beaux effets de scène comme des sifflements et autres arrangements fort à propos. Félicités par une assistance dans laquelle on remarque divers programmateurs et autres professionnels à leur sortie de scène, Greg et Cécile auront très largement rempli leur part du contrat.

C’est la fête sur Beale Street et on y croise le gratin de la scène blues internationale avec des musiciens comme Bob Corritore, Mark Telesca, Jonn Del Toro Richardson, Mr Sipp, Shemekia Copeland, Shakura S’Aida, Bob Margolin, Russell Jackson, Janiva Magness, Jimmy Carpenter et nombre d’autres encore … Des piliers que l’on retrouvera jusqu’au bout de la nuit dans diverses jams organisées dans les clubs les plus importants de cette rue devenue une véritable Mecque pour les amateurs des douze mesures, un phénomène un peu moins vrai tout au long de l’année mais tellement évident durant l’International Blues Challenge que l’on tombe très vite amoureux de l’endroit.

Les résultats finiront par tomber et c’est avec un petit pincement au cœur que nous constaterons que l’aventure de La Bedoune s’arrête ce soir, tout comme celle d’artistes que nous affectionnons tout particulièrement comme Lil’ Red & The Rooster Band, Kyla Brox et quelques autres encore. Parmi les seize finalistes de ce cru 2020, on remarquera cette année un Allemand, deux Australiens et un Canadien …   

Samedi 1er février :

L’heure de la grande finale est arrivée et on commence dans un Orpheum déjà bien garni avec Hector Anchondo de Blues Society of Omaha pour un premier set partagé entre guitare acoustique et footstomp. Sympathique et agréable, le bluesman nous régale de ses accords subtils et sort à l’occasion un résonateur 12 cordes pour enfoncer le clou encore un peu plus loin. De la soul au blues et au folk il y a un pas qu’Hector Anchondo n’hésite pas à franchir, et plutôt bien en plus ! Le public le suit bien et en redemande même. Un signe qui trompe rarement !

Premier groupe de la journée, Johnny Wheels & The Swamp Donkeys présenté par Cascade Blues Association va nous servir un blues décomplexé envoyé par un chanteur et harmoniciste en fauteuil et soutenu par deux guitaristes dont un qui sort à l’occasion un saxophone. On ajoute un bassiste décoré comme un général de l’armée russe et un batteur régulier au possible et voilà un groupe qui n’aura pas raté le coche en proposant une prestation des plus équilibrées. La journée commence plutôt bien !

On en arrive au seul finaliste européen de l’édition 2020, Bad Temper Joe de BluesBaltica, qui nous séduit de sa belle voix chaude et de son jeu de Weissenborn plein de sensualité. Entre blues roots et glissades hawaiiennes, la musique de l’Allemand est une invitation à la méditation et parfois même à la relaxation quand l’artiste ne monte pas trop dans les tours. Un peu d’humour par-dessus pour rendre les choses encore plus agréables et nous aurons la preuve par l’exemple que le Vieux Continent s’y connaît carrément bien pour tout ce qui concerne le blues !

Place à The Jose Ramirez Band de DC Blues Society Inc qui attaque directement avec une reprise d’Albert King, « I Play The Blues For You », avant de continuer avec ses propres morceaux pour un set assez démonstratif avec toutefois une belle inspiration et des parties d’orgue Hammond pas désagréables du tout, loin s’en faut ! Un petit tour dans l’Orpheum pour faire le show et voilà une prestation comme le public américain les aime. Reste à savoir si le jury y aura été sensible ...

On retrouve l’ami Felix Slim de Long Island Blues Society qui n’a rien perdu de son talent ni de son feeling et qui attaque d’entrée de jeu par un picking superbement sorti de derrière les amplis. L’harmonica ne tarde pas et Felix ajoute un peu d’humour à des accords intelligemment servis pour en arriver à une prestation rythmée et entraînante comme on les aime ! Habitué de l’International Blues Challenge, l’artiste associe l’art à la manière et s’en sort avec plus que les honneurs.

Déjà repéré lors des premiers tours, on retrouve Chris Canas Band de Detroit Blues Society qui nous balance un gros boulet de canon d’entrée de jeu et qui poursuit entre blues et rhythm’n’blues avec un bassiste charismatique au possible et toujours cette dualité de voix qui complète le chant masculin par de superbes motifs féminins. Si ça joue musicalement, la prestation visuelle est elle aussi mise en valeur et on se régale avec ce black and white band qui ne fait pas semblant de prendre du plaisir et qui le partage volontiers avec le public !

Deuxième non-étasunien à se produire cet après-midi, Aaron Pollock de Melbourne Blues Appreciation Society est un jeune homme inspiré par le blues de Robert Johnson qui nous sert un blues rural teinté de folk et qui allie avec intelligence le picking et une voix encore un peu trop claire et propre pour donner le change. Le résultat est globalement assez intéressant et l’Australien arrive même à enflammer une assistance qui semble apprécier ce folk blues frais et coloré !

On revient vers les USA avec Stillwell/France Blues Band de Kentucky Blues Society qui vient nous présenter un blues plutôt classique mais joué avec beaucoup d’inspiration et au moins autant de savoir-faire. Les deux guitares se complètent bien et chacun offre à l’autre l’opportunité de mettre en valeur des compositions qui ne manquent pas d’intérêt. Et quand la PRS et la Strat se livrent à des duels endiablés, c’est tout l’Orpheum qui se met à trembler. Un blues old school entre dobro et lap Steel et c’est une affaire rondement menée que nous aura proposé ce quartet au nom quelque peu trompeur sur sa provenance ...

Mojo Parker de River City Blues Society commence a capella avant de laisser du champ à son dobro et à sa voix puissante et chaude. Des histoires à raconter, un mojo accroché sur la sangle de la guitare et des effets qui se partagent entre la slide et les arpèges, l’artiste a un véritable potentiel vocal et guitaristique et il ne se prive pas de le faire savoir à une salle calme et attentive mais absolument pas endormie. Un tonnerre d’applaudissements finira de saluer un artiste qui sait séduire son monde et qui ne se prive pas d’user de ce don.

C’est au tour de Horojo Trio d’Ottawa Blues Society de venir montrer ses particularités avec une formation atypique clavier / chant, basse et batterie pour un set qui démarre tambour battant avec un blues mâtiné de rock. La guitare de JW Jones est comme toujours un véritable bonheur et le band canadien ne va manquer de miser dessus pour agrémenter un chant bien en place et un toucher de piano plein d’entrain. Autant dire que ça envoie très fort et que l’unique représentant canadien pour cette finale est un beau client qui nous lâchera une cover de Keb’ Mo en cours de route pour mieux enfoncer le clou. Ottawa a le blues et le montre de belle manière !

Retour aux duos avec Crooked Eye Tommy de Santa Clarita Valley Blues Society qui démarre de belle manière à la cigar box et qui nous raconte des histoires où il est question d’égoïsme et d’égocentrisme avec des titres comme « Me Me Me ». Quand on en arrive à deux guitares, le ton redevient plus propre mais le blues n’en reste pas moins bien présent avec deux complices qui ont de la bouteille et qui savent le jouer avec beaucoup d’inspiration et autant de feeling. Un final a capella avec une histoire de train qui vient vous chercher pour vous emmener dans l’au-delà et la salle est comblée et le fait savoir au travers de ses acclamations.

Le blues rock est à l’honneur avec Bluestone de South Florida Blues Society, un quartet de cowboys qui va faire monter le compteur dans les tours avec une musique lourde et racée qui fait du bien par où elle passe. Le groupe maîtrise son sujet et les gars se font plaisir en décochant de gros solos qui n’assomment pas du tout un public qui vient déjà de se prendre cinq heures de musique non-stop et qui en redemande ! Un petit côté SRV se dégage de certaines compos et Bluestone insiste dessus pour mieux marquer l’esprit de la salle mais aussi du jury. On verra au bout de la route si l’idée était judicieuse ...

Second artiste australien de cette finale 2020, Ray Beadle de Sydney Blues Society se présente en solo avec sa guitare et un bottleneck et vient nous servir un folk blues simple mais efficace. On sent la pression qui pèse sur les épaules du jeune homme qui essaie un peu d’humour pour se détendre mais qui cherche nerveusement dans ses poches entre les morceaux et qui a la mâchoire tellement serrée qu’elle freine un peu le timbre de sa voix, pas désagréable du tout au demeurant. Ça se détend un peu en fin de set mais on sent bien que l’artiste n’a pas livré le meilleur concert de son existence ...

The Pitbull Of Blues Band de Southwest Florida Blues Society est une formation où le bassiste n’est autre que le père du chanteur et guitariste. Complété par un batteur un poil démonstratif, le groupe sert un blues rock un poil musclé mais le fait avec beaucoup d’efficacité et de spontanéité, ce qui rend les choses encore plus fluides et surtout plus intéressantes pour tout le monde. On avance à pleine vitesse sur la route du rock avec un trio qui a du mordant et qui le fait savoir à qui veut bien l’entendre. Capable de proposer d’autres choses et en particulier un superbe blues lent, The Pitbull Of Blues Band n’a pas manqué son rendez-vous avec le public de l’Orpheum !

Dernier artiste solo de la finale, Micah Ian Kesselring de The Blues, Jazz and Folk Music Society est un one man band qui se partage entre le résonateur, la cigar box, le footstomp, l’harmonica et le chant et qui s’en sort merveilleusement bien grâce à un talent de songwritter mais aussi à un donc pour ce qui est de reprendre à sa manière les vieux standards, et en particulier ceux de Charley Patton. Séduisant dans son jeu, déluré dans son attitude, Micah Ian Kesselring incarne parfaitement cette nouvelle génération de bluesmen qui fera perdurer mais aussi évoluer le genre ! L’avenir est là, c’est certain ...

On en arrive au dernier groupe de la soirée avec Dave Weld And The Imperial Flames de Windy City Blues Society et on plonge directement dans une sorte de gros show pompeux avec un guitariste qui en fait des caisses et qui saute directement dans le public. Le chant est partagé entre une chanteuse, le guitariste et le batteur du groupe et on apprécie à leur juste valeur la présence d’un orgue Hammond et d’un sax qui apportent un peu de finesse à un déluge de guitare dans lequel la frime l’emporte très largement sur la musique !

En attendant l’annonce des résultats, c’est une jam menée par Jonn Del Toro Richardson qui nous est proposée et on y retrouve quelques pointures comme Thornetta Davis, Mr Sipp, Tony Braunagel, Terry Odabi, Shakura S’Aida, Annika Chambers, Janiva Magness, Paul Deslauriers et nombre d’autres encore pour un grand moment de partage qui roule sur la voie des grands standards pour le bonheur de chacun.

De cette édition 2020, on retiendra un palmarès décliné ainsi :

Meilleur Album autoproduit : Moonshine Society - « Sweet Thing »

Solo/Duo – seconde place : Felix Slim
Solo/Duo – première place: Hector Anchondo

Memphis Cigar Box Award : Hector Archondo

Groupe – troisième place : The Pitbull Of Blues
Groupe – seconde place: The Jose Ramirez Band
Groupe – première place : Horojo Trio

Gibson Guitarist Award : JW Jones
Lee Oskar Harmonica Player Award : Felix Slim

Il ne nous reste plus qu’à remercier nos amis de la Blues Foundation et à repartir pour la suite de notre périple « En Terre de Blues » … La semaine passée à Memphis a été riche en rencontres et en émotions, comme chaque fois, et on a déjà hâte d’y revenir pour d’autres aventures !

Fred Delforge – février 2020