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EN TERRE DE BLUES (USA) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
samedi, 08 février 2020
 

En Terre de Blues 2020 EN TERRE DE BLUES
NEW ORLEANS – VICKSBURG – MEMPHIS – CLARKSDALE – NEW ORLEANS (USA)   
Du 28 janvier au 8 février 2020

https://visitmississippi.org/
http://msbluestrail.org/

Rendez-vous en Terre de Blues pour notre périple annuel avec comme toujours de nouvelles têtes et de nouvelles découvertes et avec toutefois une première mauvaise surprise puisque les provinciaux qui devaient nous retrouver à l’arrivée aux USA ont été perturbés par les grèves en France … Pour les premiers, cela se terminera par quatre heures de retard à l’arrivée sur La Nouvelle Orléans, pour les seconds ce sera un retard de 24 heures et une première journée perdue qu’il faudra rattraper sur le programme … Du coup on oublie la première soirée en ville pour récupérer tout ce qui est récupérable mais on s’offre quand même un premier apéritif à l’hôtel pour faire connaissance ! Le voyage a été long et compliqué et il est déjà minuit quand nous allons profiter du sommeil du juste …    

Samedi 25 janvier :

Pas de retard à l’allumage ce matin et les sept heures de décalage nous amènent au petit déjeuner sur les coups de 6 heures 30 pour un départ matinal avec au programme une longue journée de route. On emprunte l’Interstate 10 pour traverser la Louisiane et se diriger vers Lettsworth en traversant le bayou, Baton Rouge et Atchafalaya Basin … Deux grosses heures de route et nous voilà enfin dans la ville natale de Buddy Guy où deux markers lui sont dédiés, le premier à côté de la voie ferrée et de la maison qui figure sur son dernier album en date, « The Blues Is Alive And Well », le second en plein milieu de la campagne, à l’endroit où il a vu le jour. L’émotion est palpable car nous avons quelques fans dans le groupe et les photos défilent bon train avant que nous ne nous décidions à prendre la route pour Natchez qui sera notre prochaine étape pour le déjeuner.

C’est traditionnellement au Fat Mama’s Tamales que nous nous arrêtons pour goûter aux Po Boys, Boudins et autres spécialités de cet établissement multiplement récompensés par divers Awards gastronomiques et nous allons faire un tour ensuite sur les bords du Mississippi histoire de tremper les mains dans le Big Muddy, un moment là aussi rituel, autant pour les non-initiés que pour ceux qui y ont déjà goûté. Nous venons de quitter la Louisiane pour deux semaines et tout de suite l’ambiance se réchauffe, d’autant plus que le ciel est plus que clément, que la température douce et que nous posons enfin nos roues sur la Highway 61 ! Que la force du Blues soit avec nous …

Quelques arrêts markers en cours de route, à Fayette d’abord pour saluer la mémoire de Charles Evers qui a longtemps œuvré aux côtés de BB King pour la promotion du blues, puis à Port Gibson pour découvrir la toute nouvelles stèle consacrée à la formidable Lil Green, Queen Of The Blues, et nous filerons bientôt vers Vicksburg où, après l’installation à l’hôtel, nous irons retrouver nos amis de Vicksburg Blues Society pour un concert et une jam à Margaritaville, un nom qui ne s’invente pas … Plein de belles choses en prévision pour notre première véritable soirée américaine avec pour commencer des retrouvailles avec des amis qui nous sont chers !

Chose promise, chose due, on retrouve donc Shirley Waring et nombre de personnes croisées l’an dernier chez Michel’s Record Shop pour un grand moment de convivialité durent lequel Sam Joyner, le pianiste représentant Vicksburg Blues Society à l’International Blues Challenge en solo duo anime la soirée. Les retrouvailles sont chaleureuses, d’autant plus que la presse et la télé locale sont venues pour réaliser diverses interviews et que Sam Joyner va nous réjouir en invitant à ses côtés Greg et Cécile Perfetti, nos représentants Français de La Bedoune qui seront eux aussi à Memphis dans quelques jours, mais aussi les amis musiciens français venus les accompagner dans ce road trip et plus généralement les soutenir, Jerry T. des Black Alligators et Behgam de Rock & Girolles. Un immense moment ponctué par un instant de pur bonheur lorsque Cécile nous interprétera un titre a-capella devant un public ému qui ne peut s’empêcher de la comparer à Bonnie Raitt.

La nuit sera paisible après tant de bonnes choses sur une première journée intense … et demain soir, nous serons au complet puisque Thomas Doucet & The G Lights viennent enfin de toucher le sol américain !

Dimanche 26 janvier :

Après une bonne nuit de sommeil, nous revoilà sur les routes du Mississippi avec au programme une longue remontée vers le Delta et au passage quelques étapes majeures sur la fameuse Route du Blues. Comment mieux commencer que par une première halte à Rolling Fork, la ville natale de Muddy Waters où trône fièrement son marker mais aussi une reconstitution d’une maison typique de l’époque avec sous le front porch un modèle des premiers Diddley Bow sommaire au possible. La halte est émouvante et nous faisons un petit tour en ville avant de poursuivre notre périple.

Belzoni est une ville importante et on y trouve pas moins de trois markers, avec pour commencer celui du Turner’s Drug Shop et celui de Denise Lasalle mais aussi celui qui commémore la naissance de Pinetop Perkins, accolé à un Musée du Blues et des Droits Civiques. Encore un bel endroit qui aura su attirer toute notre attention.

Direction Greenwood maintenant pour un déjeuner au Crystal Grill, un restaurant prisé de la ville où les Blancs finissent de déjeuner vers 13 heures avant d’être remplacés par les Noirs, dans une ambiance immédiatement plus chaleureuse. Un bon repas en bonne compagnie et il sera bientôt temps de filer vers la tombe de Robert Johnson, étape incontournables puisque nous avons dans le groupe des voyageurs qui viennent dans le Delta pour la première fois.  

On pousse un peu plus loin vers Money, lieu hautement symbolique puisque l’on y commémore l’assassinat d’Emmett Till, un jeune gamin de 14 ans accusé d’avoir manqué de respect à la femme d’un commerçant local. L’épicerie est tombée en ruine mais ses restes ont été indiqués, tout comme l’histoire des odieux personnages qui, après avoir été acquittés par un tribunal blanc, sont allé raconter leur méfait en détail à une certaine presse people déjà friande de ce genre de saloperies en 1955. Drôle d’endroit que ce hameau où trois croix du genre KKK vous accueillent à l’entrée du pâté de maison, un peu comme un défi !

On va ensuite se remettre de nos émotions en montant vers Avalon où nous allons regarder les derniers souvenirs de Mississippi John Hurt. Un café-épicerie délabré, un piano éventré et brûlé à l’extérieur, le marker de la Mississippi Blues Trail dédié à l’artiste et quelques chiens locaux bien heures d’attraper quelques caresses de la part de gens étranges qui s’intéressent à une vieille bicoque en ruine … Autant de choses qui prêtent à penser que si l’on ne fait rien, dans quelques années les traces des Pères du Blues auront définitivement cessé d’exister !

Il est temps de filer vers Oxford où nous ferons étape pour la nuit, avec si l’occasion se présente, quelques découvertes ou même quelques rencontres …

Lundi 27 janvier :

Après les retrouvailles avec Thomas Doucet & The G Lights arrivés tardivement hier en toute fin de soirée et une bonne nuit de sommeil, nous voilà déjà sur la route pour rejoindre Tupelo, la ville natale d’Elvis Presley, avec au programme la visite du musée qui lui est consacré et quelques hauts lieux attachés à son histoire comme sa maison natale, le Johnnie’s Drive In où il avait l’habitude de manger ses burgers quand il était enfant ou encore le Tupelo Hardware où sa mère a fini par le convaincre d’acheter une guitare au lieu d’une arme à feu, un choix qui a sans doute fini de déterminer le cours de sa vie, et quelle vie ! 

Les visites à Tupelo ont cela de sympathique que nous y rencontrons toujours des personnes intéressantes qui ont connu le King ou sa famille et qui nous en parlent avec passion. Cette année, nous aurons en outre l’honneur et le privilège d’être accueillis par le Maire de la ville, Jason Shelton, et par la représentante de l’Office du Tourisme, Jennie Bradford, tous deux enchantés de venir à la rencontre des formations françaises concurrentes à l’International Blues Challenge. Un grand moment de partage et un bel encouragement pour la suite de l’aventure.

Il est maintenant temps de prendre la route pour rejoindre Memphis avec quand même au programme deux arrêts obligatoires auprès de deux markers importants, celui de Willie Mitchell à Ashland et celui de Rufus Thomas à Cayce, les villes où ces deux grands noms qui ont fait rayonner Soulsville ont vu le jour … La route est belle et l’arrivée sur la cité du Blues se fait de plus en plus dense avec les employés qui quittent leurs bureaux pour regagner leur domicile … Nous entrons dans le Tennessee et nous arrivons en ville, les chosent changent, et ce n’est pas fini !

Quoi de mieux pour finir de souder le groupe que de se retrouver tous ensemble autour d’une grande table, et au Blues City Café s’il vous plait ! C’est l’occasion d’expliquer à chacun le déroulement des événements de la semaine à venir et de commencer à en prendre plein les yeux autour des néons de Beale Street … La rue est encore calme mais il y a fort à parier que les choses vont très vite changer dès demain après-midi. 

Du 28 janvier au 1er février :

International Blues Challenge à Memphis … à découvrir [ICI]

Dimanche 2 février :

Pour se remettre de la semaine passée à l’International Blues Challenge, quoi de mieux que d’aller à notre rendez-vous traditionnel de la Peace Baptist Church où nous sommes comme toujours accueillis par des sourires et de franches poignées de mains. Durant deux heures, la messe sera partagée entre grands moments de musique gospel et sermons avec en fin de matinée une interprétation débridée et émouvante du « Bring It Home To Me » proposée par La Bedoune accompagnée des G Lights. Encore un grand moment de complicité et de partage avec des gens que nous apprécions tout particulièrement et à qui nous rendons visite chaque année depuis une décennie … Ce sera également l’occasion d’apprendre la disparition du Reverend Nathaniel Cooper qui s’est éteint l’été dernier à l’âge de 82 ans et avec lequel nous avions réussi à établir une relation privilégiée.

Il est temps ensuite de filer vers la Highway 61 pour rejoindre Clarksdale avec en cours de route quelques haltes majeures auprès des markers de la Mississippi Blues Trail dédiés à Son House mais aussi à Memphis Minnie qui repose juste à côté de la stèle qui lui est dévolue. On file ensuite vers la Gateway To The Blues et son musée mais aussi vers le Hollywood Café, malheureusement fermé à notre arrivée. Le temps de se restaurer dans un fast food et nous voilà bientôt arrivés dans cet endroit incroyable qu’est le Shack Up Inn, non sans être passé au Crossroads au moment où le soleil était en train de décliner, ce qui donne au lieu un cachet tout particulier.

Pas grand-chose à faire le dimanche soir à Clarksdale et après un petit détour par la scène du Shack Up Inn où les Français se seront fait remarquer, il sera temps d’aller prendre un peu de repos, non sans être allé faire une halte dans un restaurant mexicain local. Le programme de demain étant chargé, c’est vers une bonne nuit de sommeil que tout le monde se dirigera très vite …   

Lundi 3 février :

Le temps de faire une rapide visite dans et autour du Shack Up Inn et de s’attarder un peu sur les divers objets hétéroclites qui en font un des endroits les plus originaux de la région mais aussi sur le champ de coton qui donne cet aspect si chaleureux aux shacks et nous voilà déjà sur la route qui va nous emmener à Indianola où nous avons notre premier rendez-vous. Le programme de la journée est riche en découvertes et en rencontres et nous n’aurons malheureusement pas le temps de nous arrêter dans des endroits typiques comme les tombes de Sonny Boy Williamson et de Charley Patton ou encore Dockery Farms ou Parchman mais ce n’est que partie remise, et en plus le jeu en vaut la chandelle !

On arrive donc à Indianola où Robert Terrell nous attend pour une grande visite du B.B. King Museum mais aussi pour une découverte des travaux qui vont agrandir le complexe d’ici l’automne. Au programme, un mémorial autour de la tombe du légendaire Bluesman mais aussi un nouveau hall d’expositions dans lequel son tour bus historique sera exposé pour le plus grand bonheur de ses fans. En attendant, on visite une nouvelle fois le musée tel qu’il existe et on se régale de toutes les belles choses qui y sont présentées autour d’une conception scénographique exceptionnelle. Véritable réussite artistique et humaine, le B.B. King Museum & Delta Interpretive Center est un de ces endroits qui à lui seul mérite un voyage dans le Delta !

Etape elle aussi traditionnelle sur la Route du Blues, c’est au Blue Biscuit que nous déjeunerons avant de reprendre la route de Clarksdale … L’endroit est typique, avec là aussi un décorum très particulier, voire même un peu kitsch, et si les plats sont un peu long à être servis, ils n’en restent pas moins excellents pour qui n’est pas encore lassé de la soul food après quelques jours passés dans le Deep South. Et comme toujours dans la région, plus les cartes et les tables sont grasses, plus l’endroit est fréquenté par les locaux, ce qui confirme qu’il ne faut pas passer à côté sans s’y arrêter. 

C’est un double mythe qui nous attend en cette fin d’après-midi puisque nous avons rendez-vous avec Roger Stolle chez Cat Head, un lieu incontournable de Clarksdale, avec un personnage exceptionnel, un photographe de légende entré à plusieurs titres au Blues Hall Of Fame, l’immense Dick Waterman qui a accompagné des artistes comme Son House, Buddy Guy, B.B. King, Muddy Waters, Lightnin’ Hopkins ou encore The Rolling Stones tout autour du monde. Simple et attentionné, il s’entretiendra avec nous un long moment et nous racontera quelques anecdotes croustillantes à faire craquer tout photographe qui se respecte. Un grand moment de plus en plus difficile à provoquer puisqu’à bientôt 85 ans, Dick Waterman se fait de plus en plus rare sur les routes du blues.

Clarksdale est une ville où il y a de la musique chaque jour et il y a ce soir plusieurs concerts, nous commencerons donc par nous rendre pour l’apéritif à Hopson Commissary pour y écouter Tony Boyd, un artiste solo qui nous séduira avec son folk blues et ses interprétations bien léchées de ses propres compositions mais aussi de quelques belles reprises. Une guitare, un harmonica et beaucoup de feeling, il n’en faudra pas beaucoup plus pour que nous soyons en jambes pour la soirée !

On se déplace ensuite vers le Shack Up Inn et on y retrouve Anthony « Big A » Sherrod & Allstars qui se produisent dans le Gin au milieu de quelques vestiges d’avions et autres décorations … Proposant un set de pur Delta Blues en compagnie de ses invités, « Big A » sortira le meilleur de ses morceaux devant un public de connaisseurs qui appréciera l’instant. Un petit tour de l’artiste au milieu du public pour mieux en capter l’énergie et voilà encore un de ces moments riches et chaleureux comme on peut en vivre dans cette ville qui est littéralement devenue le cœur du blues.  

Le temps d’aller se restaurer et de faire quelques vidéos avec les groupes français et il faudra déjà se résoudre à rejoindre nos lits pour prendre une dernière bouffée de sommeil au milieu des champs de coton. La route sera longue demain et il faut se remettre en condition pour la suite de notre périple qui s’annonce là encore très chargée en émotions !
 
Mardi 4 février :

On quitte Clarksdale pour s’enfoncer dans le Deep South et c’est à Merigold que nous marquerons notre premier arrêt, près du Po Monkey’s qui années après années, mois après mois, est en train d’irrémédiablement se délabrer … Une calamité puisque ce juke joint perdu au milieu de nulle part était un des plus actifs de la région et qu’au décès de son propriétaire, il a été laissé à l’abandon malgré l’engagement des bluesmen locaux de continuer à la faire vivre … 

On continue vers Cleveland où l’on fait une brève pause au Grammy Museum Of Mississippi, grande bâtisse blanche rendant hommage aux grandes stars de la musique récompensées par ces fameux Awards en forme de phonographes avant de filer vers Leland où le Highway 61 Blues Museum est malheureusement fermé pour travaux. Pas de chance car nous espérions bien y retrouver l’ami Pat Thomas avec qui les rencontres sont toujours pleines de complicité … Ce sera pour une prochaine fois, c’est certain !

La route est longue jusqu’à Jackson et nous décidons de repasser par Rolling Fork pour y déjeuner et pour jeter un nouveau coup d’œil au Marker de Muddy Waters et à la cabane qui est posée juste à côté avant de passer par Bentonia où, outre quelques markers supplémentaires, nous allons rencontrer une nouvelle fois Jimmy « Duck » Holmes. On sent que quelque chose a changé quand on se gare devant le Blue Front Café qui est orné de tout un tas de T-Shirts multicolores accrochés au front porch. Jimmy est assis devant et fume paisiblement, il nous reconnait et nous salue chaleureusement mais déjà une voix nous invite à passer à l’intérieur …   

C’est une télé qui crache à fort volume les chansons du propriétaire des lieux qui nous accueille et une femme blanche plutôt sympathique qui nous dit que l’on peut tout photographier, acheter à boire et même à manger puisque la cuisine est en service … Côté souvenirs, outre les T-Shirts et les albums, on trouve maintenant des balais, les fameux « brooms » de la chanson « Dust My Broom » … On nous murmure même à l’oreille que pour une centaine de Dollars, Jimmy serait prêt à nous « offrir » un mini concert ! En lieu et place, le vieux bluesman décrochera sa guitare et c’est quelques explications techniques qu’il prodiguera à notre compagnon de route Jerry T. qui, une fois encore, n’en manquera pas une bouchée …

Il est bientôt temps de se quitter pour gagner Jackson et, chemin faisant, on pense à cette belle rencontre tout en regrettant quand même que la partie business l’ait maintenant emporté sur la partie artistique … C’est malheureusement de plus en plus fréquent dans notre nouveau monde fait d’égoïsme et d’égocentrisme où chacun pense plus à ses propres intérêts qu’au partage et à la convivialité !
 
Mercredi 5 février :

Que faire quand on a une journée toute entière à passer à Jackson, Mississippi ? Si l’agglomération compte près de 600.000 habitants, il n’en reste pas moins que les attractions sont peu nombreuses, que la pauvreté a gagné une partie importante de la population et que les endroits jadis les plus réputés de la ville sont aujourd’hui dans un état de délabrement qui fait peine à voir. On commencera donc par se rendre chez Malaco Records pour nous y entretenir avec les responsables des célèbres studios d’enregistrement qui ont vu passer les plus grands artistes du blues, du gospel et de la soul et pour y remarquer quelques disques de diamant et autres Grammy Awards ! 

La ville regorge de Markers de la Mississippi Blues Trail, c’est sans doute sa dernière richesse, et c’est en nous promenant que nous irons faire un tour auprès des diverses stèles parmi lesquelles celles de The Queen Of Hearts, de Bobby Rush, de Summers Hotels & Subway Lounge ou encore d’Otis Spann & Little Johnnie Jones, autant de lieux et de personnes qui ont eu une significations importante dans l’histoire des musiques noires américaines et qui sont aujourd’hui commémorés de façon simple mais belle et bien réelle et visible. Pas étonnant que l’on y croise régulièrement divers amateurs de blues à la recherche de ces trophées dont ils font littéralement la collection.  

Direction Farish Street maintenant, la rue historique de Jackson qui n’a rien à voir avec les tapageuses Beale à Memphis ou Bourbon à New Orleans mais qui revêt une importance toute particulière en termes de musique mais aussi de droits civiques puisque c’est dans cette rue qu’a eu lieu la procession en l’honneur de Medgar Evers, assassiné en 1963 par un suprématiste blanc, procession dirigée par Martin Luther King et réunissant plus de cinq milliers de personnes. Là encore on remarque quelque markers dédiés à H.C. Speir, à Trumpet Records ou encore The Alamo Theatre, un des souvenirs les mieux conservée de cette rue mythique.

L’endroit frôle aujourd’hui la désolation et si l’on y croise là encore les quelques markers cités précédemment, il n’y a plus vraiment âme qui vive, à part peut-être Louise Marshall's Music & Bookstore, le Crystal Palace où l'on dine en écoutant du blues ou encore Big Apple Inn où B.B. King et Bobby Blues Bland venaient jadis boire leur bière quand ils étaient en ville … On y trouve également un endroit sympathique, The Urban ‘Sip, où l’on peut déguster un excellent café dans une ambiance très cosy qui dénote un peu par rapport au côté glauque et délabré de Farish …  

On quitte bientôt le centre pour aller se rassasier de burgers et autres catfish au Big John’s Restaurant, un endroit qui baigne comme beaucoup d’autres dans son jus mais où on se régale dans une atmosphère là encore très conviviale et avec un personnel plus qu’attachant. La soul food dans tous ses états avec de la truite panée ou encore des oreilles de porc grillées et un bon moment de fun au milieu de gens particulièrement charmants qui se démènent comme de beaux diables pour faire plaisir à leurs clients … Et comme un bon moment ne saurait être parfait sans musique, c’est dans les magasins de musique des alentours que nous nous rendrons pour y essayer quelques instruments originaux !
 
Dernière surprise de la soirée, et non des moindres, c’est Eddie Cotton Jr. qui viendra nous retrouver à notre hôtel pour une longue discussion débridée et pour quelques questions qui donneront lieu à une interview dans un des prochains numéros de Blues Magazine ! L’occasion de parler avec lui de sa victoire à l’International Blues Challenge en 2015 et d’évoquer tout ce qui en a découlé. Devenu un des grands noms du blues dans le monde entier, Eddie Cotton Jr. n’en reste pas moins une personne simple et abordable avec laquelle nous avons eu un grand plaisir à échanger ce soir !

Tous les restaurants fermant à 21 heures à Jackson, c’est vers une pizzeria que nous nous dirigerons, pour mieux nous faire servir très lentement des pizzas douteuses et nous faire jeter à 22, doggy bags à la main … Le charme de la restauration « rapide » américaine !

Jeudi 6 février :

C’est aujourd’hui que nous allons rejoindre La Nouvelle Orleans mais en cours de route, nous aurons encore droit à quelques belles découvertes tout au long d’une chasse aux Markers qui nous fera découvrir ceux d’Ishmon Bracey ou encore de Little Brother Montgomery mais aussi celui de Robert Johnson dans la ville où il a vu le jour, Hazlehurst. Toujours émouvant de remettre ses pas dans ceux de ce grand bluesman et de rechercher les derniers souvenirs des lieux où il a vécu quelques moments forts de sa courte existence …

Chemin faisant, nous passerons encore par Wesson où nous nous rendrons sur les traces de Houston Stackhouse, célèbre collaborateur de Robert Nighthawk, avant de rejoindre Mc Comb où un bel hommage est rendu à Bo Diddley juste à côté d’un très beau musée du rail et d’un train colossal avec des roues de locomotives particulièrement impressionnantes. L’heure du déjeuner est arrivée et nous allons nous rassasier dans un buffet mexicain où nous serons bientôt rejoints par un sacré bonhomme qui nous invitera à le suivre jusqu’à chez lui …

On roule quelques dizaines de minutes jusque dans le ranch de Mr. Sipp et nous garons nos vans au beau milieu de ses Corvettes avant d’entrer dans sa maison où les guitares sont omniprésentes et après une rapide découverte de ses installations, c’est dans sa salle de détente que les musiciens qui participent au voyage se retrouveront pour une jam sur quelques titres. Encore un très grand moment pour tout le monde puisque c’est sur des instruments de grande classe et en compagnie du vainqueur de l’International Blues Challenge de 2014 que la jam se déroulera dans une ambiance plus que conviviale et détendue.

Il reste deux heures de route pour rejoindre New Orleans et si la route peut sembler longue et fastidieuse, elle sera quand même agrémentée par la traversée des bayous entre le lac Maurepas et le Lac Pontchartrain sur l’Interstate 55, avec en prime une halte à Owl Bayou, près de Manchac, pour y assister à un superbe coucher de soleil près des cabanes de pécheurs en ruine ou à l’abandon depuis 2005 et le passage de l’ouragan Katrina. Un travail de mémoire qui nous permet d’associer la beauté d’un instant à des souvenirs chargés d’émotions …         

La journée a été longue et en raison de notre arrivée tardive à l’hôtel, nous ferons le choix de ne pas aller trainer en ville pour mieux nous préparer pour notre prochaine et dernière véritable journée de voyage.

Vendredi 7 février :

On attaque la dernière journée dans La Nouvelle Orléans et l’offre est assez conséquente avec des lieux typiques comme le Vieux Carré, Bourbon Street, Frenchmen Street, Toulouse, Decatur … Si la ville est très vivante la nuit, elle n’en reste pas moins active le jour et les touristes grouillent à la recherche de lieux typiques, ou du moins qui ont pu l’être il y a longtemps. On se bouscule près du Preservation Hall, chez Marie Laveau ou dans les autres boutiques où pullulent Gri-Gris, Vaudous et autres Zombies et tout le monde s’en accommode, se ruant la plupart du temps sur les souvenirs Made in China dont regorgent les échoppes … Et le soleil radieux qui inonde aujourd’hui la ville contribue à la fréquentation de ces quartiers propices aux grands bains de foule et aux déferlantes de selfies !

Une fois le grand rush touristique passé, on s’éloignera quelque peu de la vieille ville pour aller trainer du côté de Treme mais aussi un peu plus loin, près de la maison de Fats Domino ou encore des Cimetières de Lafayette où les tombes grandioses et plus ou moins délabrées donnent un côté mystique à la ville … Etape incontournable de la journée, le déjeuner au Cajun Seafood au pied de la I-10 où l’on se régale de ces fameuses écrevisses bouillies dans la sauce piquante, un régal, au même titre que les nombreux plats typiques que ce restaurant aux apparences de fast food propose. Ici, la clientèle est locale et ça se ressent au niveau de l’authenticité !

Encore un tour dans les quartiers typiques à la recherche de clichés originaux et même une petite halte sur Frenchmen où un brass band blanc nous offre une sérénade plus ou moins bien en place et il sera bientôt temps d’aller se mettre en place pour le grand moment de la journée, la Krewe Bohème Parade, sorte de corso revisité à la sauce Mardi Gras durant lequel nombre de personnes et d’associations défilent dans les rues entre Marigny et le French Quarter.

Déguisements colorés pour les uns, tenues (très) légères pour les autres, quelques rares brass band noirs et beaucoup de hauts parleurs qui distillent du rap ou de l’electro au milieu de chars où l’on découvre tantôt des danseuses dénudées, tantôt une guillotine suivie par une multitude de Marie-Antoinettes, il n’en faudra pas plus pour qu’une foule très dense s’amuse et parte à la collecte des petits souvenirs que les paradeurs distribuent bien volontiers …

Samedi 8 février :

Il est temps de préparer les valises pour le grand retour vers la France et c’est en traversant une dernière fois Nola pour se rendre vers l’aéroport que l’on se rappellera les bons moments passés durant cette quinzaine de jours en Terre de Blues … Un grand merci à tous ceux qui ont permis à ce qui n’était au départ qu’un simple voyage de devenir un véritable grand moment de rencontre et de partage avec des gens formidables !

Fred Delforge – février 2020