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Ecrit par Fred Delforge |
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samedi, 08 février 2020
En Terre de Blues 2020
EN
TERRE DE BLUES
NEW ORLEANS –
VICKSBURG – MEMPHIS – CLARKSDALE – NEW
ORLEANS (USA)
Du 28 janvier au 8
février 2020
https://visitmississippi.org/
http://msbluestrail.org/
Rendez-vous en Terre de Blues pour notre périple annuel avec
comme toujours de nouvelles têtes et de nouvelles
découvertes et avec toutefois une première
mauvaise surprise puisque les provinciaux qui devaient nous retrouver
à l’arrivée aux USA ont
été perturbés par les
grèves en France … Pour les premiers, cela se
terminera par quatre heures de retard à
l’arrivée sur La Nouvelle Orléans, pour
les seconds ce sera un retard de 24 heures et une première
journée perdue qu’il faudra rattraper sur le
programme … Du coup on oublie la première
soirée en ville pour récupérer tout ce
qui est récupérable mais on s’offre
quand même un premier apéritif à
l’hôtel pour faire connaissance ! Le voyage a
été long et compliqué et il est
déjà minuit quand nous allons profiter du sommeil
du juste …
Samedi 25 janvier :
Pas de retard à l’allumage ce matin et les sept
heures de décalage nous amènent au petit
déjeuner sur les coups de 6 heures 30 pour un
départ matinal avec au programme une longue
journée de route. On emprunte l’Interstate 10 pour
traverser la Louisiane et se diriger vers Lettsworth en traversant le
bayou, Baton Rouge et Atchafalaya Basin … Deux grosses
heures de route et nous voilà enfin dans la ville natale de
Buddy Guy où deux markers lui sont
dédiés, le premier à
côté de la voie ferrée et de la maison
qui figure sur son dernier album en date, « The Blues Is
Alive And Well », le second en plein milieu de la campagne,
à l’endroit où il a vu le jour.
L’émotion est palpable car nous avons quelques
fans dans le groupe et les photos défilent bon train avant
que nous ne nous décidions à prendre la route
pour Natchez qui sera notre prochaine étape pour le
déjeuner.
C’est traditionnellement au Fat Mama’s Tamales que
nous nous arrêtons pour goûter aux Po Boys, Boudins
et autres spécialités de cet
établissement multiplement récompensés
par divers Awards gastronomiques et nous allons faire un tour ensuite
sur les bords du Mississippi histoire de tremper les mains dans le Big
Muddy, un moment là aussi rituel, autant pour les
non-initiés que pour ceux qui y ont
déjà goûté. Nous venons de
quitter la Louisiane pour deux semaines et tout de suite
l’ambiance se réchauffe, d’autant plus
que le ciel est plus que clément, que la
température douce et que nous posons enfin nos roues sur la
Highway 61 ! Que la force du Blues soit avec nous …
Quelques arrêts markers en cours de route, à
Fayette d’abord pour saluer la mémoire de Charles
Evers qui a longtemps œuvré aux
côtés de BB King pour la promotion du blues, puis
à Port Gibson pour découvrir la toute nouvelles
stèle consacrée à la formidable Lil
Green, Queen Of The Blues, et nous filerons bientôt vers
Vicksburg où, après l’installation
à l’hôtel, nous irons retrouver nos amis
de Vicksburg Blues Society pour un concert et une jam à
Margaritaville, un nom qui ne s’invente pas …
Plein de belles choses en prévision pour notre
première véritable soirée
américaine avec pour commencer des retrouvailles avec des
amis qui nous sont chers !
Chose promise, chose due, on retrouve donc Shirley Waring et nombre de
personnes croisées l’an dernier chez
Michel’s Record Shop pour un grand moment de
convivialité durent lequel Sam Joyner, le pianiste
représentant Vicksburg Blues Society à
l’International Blues Challenge en solo duo anime la
soirée. Les retrouvailles sont chaleureuses,
d’autant plus que la presse et la télé
locale sont venues pour réaliser diverses interviews et que
Sam Joyner va nous réjouir en invitant à ses
côtés Greg et Cécile Perfetti, nos
représentants Français de La Bedoune qui seront
eux aussi à Memphis dans quelques jours, mais aussi les amis
musiciens français venus les accompagner dans ce road trip
et plus généralement les soutenir, Jerry T. des
Black Alligators et Behgam de Rock & Girolles. Un immense
moment ponctué par un instant de pur bonheur lorsque
Cécile nous interprétera un titre a-capella
devant un public ému qui ne peut
s’empêcher de la comparer à Bonnie Raitt.
La nuit sera paisible après tant de bonnes choses sur une
première journée intense … et demain
soir, nous serons au complet puisque Thomas Doucet & The G
Lights viennent enfin de toucher le sol américain !
Dimanche 26 janvier :
Après une bonne nuit de sommeil, nous revoilà sur
les routes du Mississippi avec au programme une longue
remontée vers le Delta et au passage quelques
étapes majeures sur la fameuse Route du Blues. Comment mieux
commencer que par une première halte à Rolling
Fork, la ville natale de Muddy Waters où trône
fièrement son marker mais aussi une reconstitution
d’une maison typique de l’époque avec
sous le front porch un modèle des premiers Diddley Bow
sommaire au possible. La halte est émouvante et nous faisons
un petit tour en ville avant de poursuivre notre périple.
Belzoni est une ville importante et on y trouve pas moins de trois
markers, avec pour commencer celui du Turner’s Drug Shop et
celui de Denise Lasalle mais aussi celui qui commémore la
naissance de Pinetop Perkins, accolé à un
Musée du Blues et des Droits Civiques. Encore un bel endroit
qui aura su attirer toute notre attention.
Direction Greenwood maintenant pour un déjeuner au Crystal
Grill, un restaurant prisé de la ville où les
Blancs finissent de déjeuner vers 13 heures avant
d’être remplacés par les Noirs, dans une
ambiance immédiatement plus chaleureuse. Un bon repas en
bonne compagnie et il sera bientôt temps de filer vers la
tombe de Robert Johnson, étape incontournables puisque nous
avons dans le groupe des voyageurs qui viennent dans le Delta pour la
première fois.
On pousse un peu plus loin vers Money, lieu hautement symbolique
puisque l’on y commémore l’assassinat
d’Emmett Till, un jeune gamin de 14 ans accusé
d’avoir manqué de respect à la femme
d’un commerçant local.
L’épicerie est tombée en ruine mais ses
restes ont été indiqués, tout comme
l’histoire des odieux personnages qui, après avoir
été acquittés par un tribunal blanc,
sont allé raconter leur méfait en
détail à une certaine presse people
déjà friande de ce genre de saloperies en 1955.
Drôle d’endroit que ce hameau où trois
croix du genre KKK vous accueillent à
l’entrée du pâté de maison,
un peu comme un défi !
On va ensuite se remettre de nos émotions en montant vers
Avalon où nous allons regarder les derniers souvenirs de
Mississippi John Hurt. Un café-épicerie
délabré, un piano éventré
et brûlé à
l’extérieur, le marker de la Mississippi Blues
Trail dédié à l’artiste et
quelques chiens locaux bien heures d’attraper quelques
caresses de la part de gens étranges qui
s’intéressent à une vieille bicoque en
ruine … Autant de choses qui prêtent à
penser que si l’on ne fait rien, dans quelques
années les traces des Pères du Blues auront
définitivement cessé d’exister !
Il est temps de filer vers Oxford où nous ferons
étape pour la nuit, avec si l’occasion se
présente, quelques découvertes ou même
quelques rencontres …
Lundi 27 janvier :
Après les retrouvailles avec Thomas Doucet & The G
Lights arrivés tardivement hier en toute fin de
soirée et une bonne nuit de sommeil, nous voilà
déjà sur la route pour rejoindre Tupelo, la ville
natale d’Elvis Presley, avec au programme la visite du
musée qui lui est consacré et quelques hauts
lieux attachés à son histoire comme sa maison
natale, le Johnnie’s Drive In où il avait
l’habitude de manger ses burgers quand il était
enfant ou encore le Tupelo Hardware où sa mère a
fini par le convaincre d’acheter une guitare au lieu
d’une arme à feu, un choix qui a sans doute fini
de déterminer le cours de sa vie, et quelle vie !
Les visites à Tupelo ont cela de sympathique que nous y
rencontrons toujours des personnes intéressantes qui ont
connu le King ou sa famille et qui nous en parlent avec passion. Cette
année, nous aurons en outre l’honneur et le
privilège d’être accueillis par le Maire
de la ville, Jason Shelton, et par la représentante de
l’Office du Tourisme, Jennie Bradford, tous deux
enchantés de venir à la rencontre des formations
françaises concurrentes à
l’International Blues Challenge. Un grand moment de partage
et un bel encouragement pour la suite de l’aventure.
Il est maintenant temps de prendre la route pour rejoindre Memphis avec
quand même au programme deux arrêts obligatoires
auprès de deux markers importants, celui de Willie Mitchell
à Ashland et celui de Rufus Thomas à Cayce, les
villes où ces deux grands noms qui ont fait rayonner
Soulsville ont vu le jour … La route est belle et
l’arrivée sur la cité du Blues se fait
de plus en plus dense avec les employés qui quittent leurs
bureaux pour regagner leur domicile … Nous entrons dans le
Tennessee et nous arrivons en ville, les chosent changent, et ce
n’est pas fini !
Quoi de mieux pour finir de souder le groupe que de se retrouver tous
ensemble autour d’une grande table, et au Blues City
Café s’il vous plait ! C’est
l’occasion d’expliquer à chacun le
déroulement des événements de la
semaine à venir et de commencer à en prendre
plein les yeux autour des néons de Beale Street …
La rue est encore calme mais il y a fort à parier que les
choses vont très vite changer dès demain
après-midi.
Du 28 janvier au 1er
février :
International Blues Challenge à Memphis …
à découvrir [ICI]
Dimanche 2
février :
Pour se remettre de la semaine passée à
l’International Blues Challenge, quoi de mieux que
d’aller
à notre rendez-vous traditionnel de la Peace Baptist Church
où nous sommes comme toujours accueillis par des sourires et
de
franches poignées de mains. Durant deux heures, la messe
sera
partagée entre grands moments de musique gospel et sermons
avec
en fin de matinée une interprétation
débridée et émouvante du «
Bring It Home To
Me » proposée par La Bedoune
accompagnée des G
Lights. Encore un grand moment de complicité et de partage
avec
des gens que nous apprécions tout
particulièrement et
à qui nous rendons visite chaque année depuis une
décennie … Ce sera également
l’occasion
d’apprendre la disparition du Reverend Nathaniel Cooper qui
s’est éteint l’été
dernier à
l’âge de 82 ans et avec lequel nous avions
réussi
à établir une relation
privilégiée.
Il est temps ensuite de filer vers la Highway 61 pour rejoindre
Clarksdale avec en cours de route quelques haltes majeures
auprès des markers de la Mississippi Blues Trail
dédiés à Son House mais aussi
à Memphis
Minnie qui repose juste à côté de la
stèle
qui lui est dévolue. On file ensuite vers la Gateway To The
Blues et son musée mais aussi vers le Hollywood
Café,
malheureusement fermé à notre arrivée.
Le temps de
se restaurer dans un fast food et nous voilà
bientôt
arrivés dans cet endroit incroyable qu’est le
Shack Up
Inn, non sans être passé au Crossroads au moment
où
le soleil était en train de décliner, ce qui
donne au
lieu un cachet tout particulier.
Pas grand-chose à faire le dimanche soir à
Clarksdale et
après un petit détour par la scène du
Shack Up Inn
où les Français se seront fait remarquer, il sera
temps
d’aller prendre un peu de repos, non sans être
allé
faire une halte dans un restaurant mexicain local. Le programme de
demain étant chargé, c’est vers une
bonne nuit de
sommeil que tout le monde se dirigera très vite
…
Lundi 3
février :
Le temps de faire une rapide visite dans et autour du Shack Up Inn et
de s’attarder un peu sur les divers objets
hétéroclites qui en font un des endroits les plus
originaux de la région mais aussi sur le champ de coton qui
donne cet aspect si chaleureux aux shacks et nous voilà
déjà sur la route qui va nous emmener
à Indianola où nous avons notre premier
rendez-vous. Le programme de la journée est riche en
découvertes et en rencontres et nous n’aurons
malheureusement pas le temps de nous arrêter dans des
endroits typiques comme les tombes de Sonny Boy Williamson et de
Charley Patton ou encore Dockery Farms ou Parchman mais ce
n’est que partie remise, et en plus le jeu en vaut la
chandelle !
On arrive donc à Indianola où Robert Terrell nous
attend pour une grande visite du B.B. King Museum mais aussi pour une
découverte des travaux qui vont agrandir le complexe
d’ici l’automne. Au programme, un
mémorial autour de la tombe du légendaire
Bluesman mais aussi un nouveau hall d’expositions dans lequel
son tour bus historique sera exposé pour le plus grand
bonheur de ses fans. En attendant, on visite une nouvelle fois le
musée tel qu’il existe et on se régale
de toutes les belles choses qui y sont présentées
autour d’une conception scénographique
exceptionnelle. Véritable réussite artistique et
humaine, le B.B. King Museum & Delta Interpretive Center est un
de ces endroits qui à lui seul mérite un voyage
dans le Delta !
Etape elle aussi traditionnelle sur la Route du Blues, c’est
au Blue Biscuit que nous déjeunerons avant de reprendre la
route de Clarksdale … L’endroit est typique, avec
là aussi un décorum très particulier,
voire même un peu kitsch, et si les plats sont un peu long
à être servis, ils n’en restent pas
moins excellents pour qui n’est pas encore lassé
de la soul food après quelques jours passés dans
le Deep South. Et comme toujours dans la région, plus les
cartes et les tables sont grasses, plus l’endroit est
fréquenté par les locaux, ce qui confirme
qu’il ne faut pas passer à
côté sans s’y
arrêter.
C’est un double mythe qui nous attend en cette fin
d’après-midi puisque nous avons rendez-vous avec
Roger Stolle chez Cat Head, un lieu incontournable de Clarksdale, avec
un personnage exceptionnel, un photographe de légende
entré à plusieurs titres au Blues Hall Of Fame,
l’immense Dick Waterman qui a accompagné des
artistes comme Son House, Buddy Guy, B.B. King, Muddy Waters,
Lightnin’ Hopkins ou encore The Rolling Stones tout autour du
monde. Simple et attentionné, il s’entretiendra
avec nous un long moment et nous racontera quelques anecdotes
croustillantes à faire craquer tout photographe qui se
respecte. Un grand moment de plus en plus difficile à
provoquer puisqu’à bientôt 85 ans, Dick
Waterman se fait de plus en plus rare sur les routes du blues.
Clarksdale est une ville où il y a de la musique chaque jour
et il y a ce soir plusieurs concerts, nous commencerons donc par nous
rendre pour l’apéritif à Hopson
Commissary pour y écouter Tony Boyd, un artiste solo qui
nous séduira avec son folk blues et ses
interprétations bien léchées de ses
propres compositions mais aussi de quelques belles reprises. Une
guitare, un harmonica et beaucoup de feeling, il n’en faudra
pas beaucoup plus pour que nous soyons en jambes pour la
soirée !
On se déplace ensuite vers le Shack Up Inn et on y retrouve
Anthony « Big A » Sherrod & Allstars qui se
produisent dans le Gin au milieu de quelques vestiges
d’avions et autres décorations …
Proposant un set de pur Delta Blues en compagnie de ses
invités, « Big A » sortira le meilleur
de ses morceaux devant un public de connaisseurs qui
appréciera l’instant. Un petit tour de
l’artiste au milieu du public pour mieux en capter
l’énergie et voilà encore un de ces
moments riches et chaleureux comme on peut en vivre dans cette ville
qui est littéralement devenue le cœur du
blues.
Le temps d’aller se restaurer et de faire quelques
vidéos avec les groupes français et il faudra
déjà se résoudre à
rejoindre nos lits pour prendre une dernière
bouffée de sommeil au milieu des champs de coton. La route
sera longue demain et il faut se remettre en condition pour la suite de
notre périple qui s’annonce là encore
très chargée en émotions !
Mardi 4
février :
On quitte Clarksdale pour s’enfoncer dans le Deep South et
c’est à Merigold que nous marquerons notre premier
arrêt, près du Po Monkey’s qui
années après années, mois
après mois, est en train
d’irrémédiablement se
délabrer … Une calamité puisque ce
juke joint perdu au milieu de nulle part était un des plus
actifs de la région et qu’au
décès de son propriétaire, il a
été laissé à
l’abandon malgré l’engagement des
bluesmen locaux de continuer à la faire vivre
…
On continue vers Cleveland où l’on fait une
brève pause au Grammy Museum Of Mississippi, grande
bâtisse blanche rendant hommage aux grandes stars de la
musique récompensées par ces fameux Awards en
forme de phonographes avant de filer vers Leland où le
Highway 61 Blues Museum est malheureusement fermé pour
travaux. Pas de chance car nous espérions bien y retrouver
l’ami Pat Thomas avec qui les rencontres sont toujours
pleines de complicité … Ce sera pour une
prochaine fois, c’est certain !
La route est longue jusqu’à Jackson et nous
décidons de repasser par Rolling Fork pour y
déjeuner et pour jeter un nouveau coup
d’œil au Marker de Muddy Waters et à la
cabane qui est posée juste à
côté avant de passer par Bentonia où,
outre quelques markers supplémentaires, nous allons
rencontrer une nouvelle fois Jimmy « Duck » Holmes.
On sent que quelque chose a changé quand on se gare devant
le Blue Front Café qui est orné de tout un tas de
T-Shirts multicolores accrochés au front porch. Jimmy est
assis devant et fume paisiblement, il nous reconnait et nous salue
chaleureusement mais déjà une voix nous invite
à passer à l’intérieur
…
C’est une télé qui crache à
fort volume les chansons du propriétaire des lieux qui nous
accueille et une femme blanche plutôt sympathique qui nous
dit que l’on peut tout photographier, acheter à
boire et même à manger puisque la cuisine est en
service … Côté souvenirs, outre les
T-Shirts et les albums, on trouve maintenant des balais, les fameux
« brooms » de la chanson « Dust My Broom
» … On nous murmure même à
l’oreille que pour une centaine de Dollars, Jimmy serait
prêt à nous « offrir » un mini
concert ! En lieu et place, le vieux bluesman décrochera sa
guitare et c’est quelques explications techniques
qu’il prodiguera à notre compagnon de route Jerry
T. qui, une fois encore, n’en manquera pas une
bouchée …
Il est bientôt temps de se quitter pour gagner Jackson et,
chemin faisant, on pense à cette belle rencontre tout en
regrettant quand même que la partie business l’ait
maintenant emporté sur la partie artistique …
C’est malheureusement de plus en plus fréquent
dans notre nouveau monde fait d’égoïsme
et d’égocentrisme où chacun pense plus
à ses propres intérêts qu’au
partage et à la convivialité !
Mercredi 5
février :
Que faire quand on a une journée toute entière
à passer à Jackson, Mississippi ? Si
l’agglomération compte près de 600.000
habitants, il n’en reste pas moins que les attractions sont
peu nombreuses, que la pauvreté a gagné une
partie importante de la population et que les endroits jadis les plus
réputés de la ville sont aujourd’hui
dans un état de délabrement qui fait peine
à voir. On commencera donc par se rendre chez Malaco Records
pour nous y entretenir avec les responsables des
célèbres studios d’enregistrement qui
ont vu passer les plus grands artistes du blues, du gospel et de la
soul et pour y remarquer quelques disques de diamant et autres Grammy
Awards !
La ville regorge de Markers de la Mississippi Blues Trail,
c’est sans doute sa dernière richesse, et
c’est en nous promenant que nous irons faire un tour
auprès des diverses stèles parmi lesquelles
celles de The Queen Of Hearts, de Bobby Rush, de Summers Hotels
& Subway Lounge ou encore d’Otis Spann &
Little Johnnie Jones, autant de lieux et de personnes qui ont eu une
significations importante dans l’histoire des musiques noires
américaines et qui sont aujourd’hui
commémorés de façon simple mais belle
et bien réelle et visible. Pas étonnant que
l’on y croise régulièrement divers
amateurs de blues à la recherche de ces trophées
dont ils font littéralement la
collection.
Direction Farish Street maintenant, la rue historique de Jackson qui
n’a rien à voir avec les tapageuses Beale
à Memphis ou Bourbon à New Orleans mais qui
revêt une importance toute particulière en termes
de musique mais aussi de droits civiques puisque c’est dans
cette rue qu’a eu lieu la procession en l’honneur
de Medgar Evers, assassiné en 1963 par un
suprématiste blanc, procession dirigée par Martin
Luther King et réunissant plus de cinq milliers de
personnes. Là encore on remarque quelque markers
dédiés à H.C. Speir, à
Trumpet Records ou encore The Alamo Theatre, un des souvenirs les mieux
conservée de cette rue mythique.
L’endroit frôle aujourd’hui la
désolation et si l’on y croise là
encore les quelques markers cités
précédemment, il n’y a plus vraiment
âme qui vive, à part peut-être Louise
Marshall's Music & Bookstore, le Crystal Palace où
l'on dine en écoutant du blues ou encore Big Apple Inn
où B.B. King et Bobby Blues Bland venaient jadis boire leur
bière quand ils étaient en ville … On
y trouve également un endroit sympathique, The Urban
‘Sip, où l’on peut déguster
un excellent café dans une ambiance très cosy qui
dénote un peu par rapport au côté
glauque et délabré de Farish
…
On quitte bientôt le centre pour aller se rassasier de
burgers et autres catfish au Big John’s Restaurant, un
endroit qui baigne comme beaucoup d’autres dans son jus mais
où on se régale dans une atmosphère
là encore très conviviale et avec un personnel
plus qu’attachant. La soul food dans tous ses
états avec de la truite panée ou encore des
oreilles de porc grillées et un bon moment de fun au milieu
de gens particulièrement charmants qui se
démènent comme de beaux diables pour faire
plaisir à leurs clients … Et comme un bon moment
ne saurait être parfait sans musique, c’est dans
les magasins de musique des alentours que nous nous rendrons pour y
essayer quelques instruments originaux !
Dernière surprise de la soirée, et non des
moindres, c’est Eddie Cotton Jr. qui viendra nous retrouver
à notre hôtel pour une longue discussion
débridée et pour quelques questions qui donneront
lieu à une interview dans un des prochains
numéros de Blues Magazine ! L’occasion de parler
avec lui de sa victoire à l’International Blues
Challenge en 2015 et d’évoquer tout ce qui en a
découlé. Devenu un des grands noms du blues dans
le monde entier, Eddie Cotton Jr. n’en reste pas moins une
personne simple et abordable avec laquelle nous avons eu un grand
plaisir à échanger ce soir !
Tous les restaurants fermant à 21 heures à
Jackson, c’est vers une pizzeria que nous nous dirigerons,
pour mieux nous faire servir très lentement des pizzas
douteuses et nous faire jeter à 22, doggy bags à
la main … Le charme de la restauration « rapide
» américaine !
Jeudi 6
février :
C’est aujourd’hui que nous allons rejoindre La
Nouvelle Orleans mais en cours de route, nous aurons encore droit
à quelques belles découvertes tout au long
d’une chasse aux Markers qui nous fera découvrir
ceux d’Ishmon Bracey ou encore de Little Brother Montgomery
mais aussi celui de Robert Johnson dans la ville où il a vu
le jour, Hazlehurst. Toujours émouvant de remettre ses pas
dans ceux de ce grand bluesman et de rechercher les derniers souvenirs
des lieux où il a vécu quelques moments forts de
sa courte existence …
Chemin faisant, nous passerons encore par Wesson où nous
nous rendrons sur les traces de Houston Stackhouse,
célèbre collaborateur de Robert Nighthawk, avant
de rejoindre Mc Comb où un bel hommage est rendu
à Bo Diddley juste à côté
d’un très beau musée du rail et
d’un train colossal avec des roues de locomotives
particulièrement impressionnantes. L’heure du
déjeuner est arrivée et nous allons nous
rassasier dans un buffet mexicain où nous serons
bientôt rejoints par un sacré bonhomme qui nous
invitera à le suivre jusqu’à chez lui
…
On roule quelques dizaines de minutes jusque dans le ranch de Mr. Sipp
et nous garons nos vans au beau milieu de ses Corvettes avant
d’entrer dans sa maison où les guitares sont
omniprésentes et après une rapide
découverte de ses installations, c’est dans sa
salle de détente que les musiciens qui participent au voyage
se retrouveront pour une jam sur quelques titres. Encore un
très grand moment pour tout le monde puisque c’est
sur des instruments de grande classe et en compagnie du vainqueur de
l’International Blues Challenge de 2014 que la jam se
déroulera dans une ambiance plus que conviviale et
détendue.
Il reste deux heures de route pour rejoindre New Orleans et si la route
peut sembler longue et fastidieuse, elle sera quand même
agrémentée par la traversée des bayous
entre le lac Maurepas et le Lac Pontchartrain sur
l’Interstate 55, avec en prime une halte à Owl
Bayou, près de Manchac, pour y assister à un
superbe coucher de soleil près des cabanes de
pécheurs en ruine ou à l’abandon depuis
2005 et le passage de l’ouragan Katrina. Un travail de
mémoire qui nous permet d’associer la
beauté d’un instant à des souvenirs
chargés d’émotions
…
La journée a été longue et en raison
de notre arrivée tardive à
l’hôtel, nous ferons le choix de ne pas aller
trainer en ville pour mieux nous préparer pour notre
prochaine et dernière véritable
journée de voyage.
Vendredi 7
février :
On attaque la dernière journée dans La Nouvelle
Orléans et l’offre est assez
conséquente avec des lieux typiques comme le Vieux
Carré, Bourbon Street, Frenchmen Street, Toulouse, Decatur
… Si la ville est très vivante la nuit, elle
n’en reste pas moins active le jour et les touristes
grouillent à la recherche de lieux typiques, ou du moins qui
ont pu l’être il y a longtemps. On se bouscule
près du Preservation Hall, chez Marie Laveau ou dans les
autres boutiques où pullulent Gri-Gris, Vaudous et autres
Zombies et tout le monde s’en accommode, se ruant la plupart
du temps sur les souvenirs Made in China dont regorgent les
échoppes … Et le soleil radieux qui inonde
aujourd’hui la ville contribue à la
fréquentation de ces quartiers propices aux grands bains de
foule et aux déferlantes de selfies !
Une fois le grand rush touristique passé, on
s’éloignera quelque peu de la vieille ville pour
aller trainer du côté de Treme mais aussi un peu
plus loin, près de la maison de Fats Domino ou encore des
Cimetières de Lafayette où les tombes grandioses
et plus ou moins délabrées donnent un
côté mystique à la ville …
Etape incontournable de la journée, le déjeuner
au Cajun Seafood au pied de la I-10 où l’on se
régale de ces fameuses écrevisses bouillies dans
la sauce piquante, un régal, au même titre que les
nombreux plats typiques que ce restaurant aux apparences de fast food
propose. Ici, la clientèle est locale et ça se
ressent au niveau de l’authenticité !
Encore un tour dans les quartiers typiques à la recherche de
clichés originaux et même une petite halte sur
Frenchmen où un brass band blanc nous offre une
sérénade plus ou moins bien en place et il sera
bientôt temps d’aller se mettre en place pour le
grand moment de la journée, la Krewe Bohème
Parade, sorte de corso revisité à la sauce Mardi
Gras durant lequel nombre de personnes et d’associations
défilent dans les rues entre Marigny et le French Quarter.
Déguisements colorés pour les uns, tenues
(très) légères pour les autres,
quelques rares brass band noirs et beaucoup de hauts parleurs qui
distillent du rap ou de l’electro au milieu de chars
où l’on découvre tantôt des
danseuses dénudées, tantôt une
guillotine suivie par une multitude de Marie-Antoinettes, il
n’en faudra pas plus pour qu’une foule
très dense s’amuse et parte à la
collecte des petits souvenirs que les paradeurs distribuent bien
volontiers …
Samedi 8
février :
Il est temps de préparer les valises pour le grand retour
vers la France et c’est en traversant une dernière
fois Nola pour se rendre vers l’aéroport que
l’on se rappellera les bons moments passés durant
cette quinzaine de jours en Terre de Blues … Un grand merci
à tous ceux qui ont permis à ce qui
n’était au départ qu’un
simple voyage de devenir un véritable grand moment de
rencontre et de partage avec des gens formidables !
Fred Delforge
– février 2020
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