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EMEL MATHLOUTHI au CAFE DE LA DANSE (75)
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Ecrit par Fred Hamelin |
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jeudi, 28 novembre 2019
BENARES
– EMEL MATHLOUTHI
CAFE DE LA DANSE
– PARIS (75)
Le 29 octobre 2019
https://emelmathlouthi.com/
https://benaresblog.wordpress.com/
Remerciements à Marie-Anne d'Azimuth Productions
Retour au Café de la Danse en cette fin octobre frisquette,
pour, une fois n'est pas coutume, de l'electro-pop, style musical qui
n'est pas outre mesure ma tasse de thé, mais cela s'est fait
surtout pour la rencontre d'un personnage dont la très belle
voix résonne encore, un petit mois après. Emel
Mathlouthi, c'est avant tout la voix de jasmin,
égérie du printemps arabe et de la
révolution tunisienne. Née dans une
cité de la banlieue de Tunis, d'un père
intellectuel et universitaire, elle se retrouve vite tenue à
l’écart musicalement en raison de ses
idées progressistes, notamment quand elle reprend des
chansons de Bob Dylan ou de Joan Baez ou qu'elle décide
d’adapter dès 2005 les poèmes du
Palestinien Mahmoud Darwich. Révélée
en France en 2006 lors du prix RMC-Moyen-Orient, elle décide
de gagner la France en 2007, grâce à une bourse de
la Cité des Arts.
Et le 23 décembre 2010, Emel Mathlouthi donne un concert
à Sfax. A peine une semaine plus tôt, Mohammed
Bouazizi s’est immolé par le feu à Sidi
Bouzid, dans le centre de la Tunisie, déclenchant la
révolution tunisienne. Au grand désarroi des
organisateurs du concert, l’artiste décide
d’interpréter ses chansons engagées
plutôt que le répertoire imposé de
chansons traditionnelles. Et Emel Mathlouthi dédie son
concert au martyr de Sidi Bouzid. Son acte courageux et sa
participation le mois suivant aux manifestations à Tunis,
où elle entonne « Kelmti Horra » (My
Word Is Free) a capella, ont fait sortir la chanteuse du
réseau underground où elle était
jusque-là confinée. Emel Mathlouthi annoncera un
nouvel album « Everywhere We Looked Was Burning »,
son troisième, sorti le 27 septembre dernier, ainsi qu'un
unique concert parisien dans un Café de la Danse, pour
l'occasion, bondé.
C'est un trio pop rock, Bénarès, qui aura la
tâche heureuse (d'où le grand sourire de leur
chanteuse, Sané Bakari) d'ouvrir et de chauffer les
planches. Dotés d'une vaste culture musicale folk, soul,
blues, les gènes du groupe sont
imprégnés d'influences divergentes et c'est de
leur symbiose que naît l'inspiration ... La musique fait le
lien. Des teintes originales émergent de leurs compositions
pop tantôt jazzy et tantôt orientale qui signent
leur identité. Leur esprit multiculturel tout en nuances
marque leurs textes soigneusement écrits,
interprétés en Anglais, quelquefois
ponctués de dialecte tunisien. Avec plus de 200 concerts
à son actif, Bénarès a
déposé son empreinte, en France comme
à l'étranger. Des douces ballades comme
« Bledi » ou « Souad »
conquièrent leur public par une présence
scénique, une énergie et un charisme sans pareil.
C'est une madone drapée de rouge dans une
atmosphère éthérée et
noyée par les fumigènes aux tons ocres qui
apparaîtra sur scène pour une prestation hors du
temps. Arrangements et voix se mêlent pour former une
invitation non pas au voyage plat, mais à la
déambulation. Emel Mathlouthi, nourrie de poésie,
accompagne ses chansons par la danse et une présence
scénique époustouflante. Tantôt
déchirée et torturée, tantôt
aimante et passionnée, elle ne laisse pas
indifférent et puise sa musique dans les bruits du monde ;
force tellurique comme sur le morceau « Footsteps »
; rythme de moloch mécanique sur « Womb
» ; cœur humain qui tressaute de peur sur le
morceau « Merrouh », chanson inspirée
par l'exode syrien ; ressac marin sur « Does Anybody Sleep ?
». Et toujours ces saccades electros qui posent une nappe
agitée sur laquelle la voix de la chanteuse plane, murmure,
et inspire. Des beats puissants, sorte de trip-hop lancinant aux
mélodies charpentées. Et cette voix, quelle voix
! Aussi pure et gagnant en octave, qu'il est difficile de rivaliser !
Au fil des années, Emel Mathlouthi a continué
à conjuguer ses messages personnels et ceux plus universels
au sein d’une musique en constante évolution, plus
electro certes qu'à ses débuts, mais qui laisse
une large place aux cordes et un parti-pris de chanter majoritairement
désormais en Anglais, comme en témoigne
« Rescuer » ; pour évoquer la vie, la
nature, et les quatre éléments primaires qui en
font sa force : la terre, l’eau, l’air et le feu.
Avec sa poésie et sa voix aussi puissante
qu’envoûtante, Emel Mathlouthi crée un
moment hors du temps, une ambiance unique qui nous captive
dès les premières notes et pendant les cinq
minutes qui suivent. Elle en appelle à
l’éveil de nos sens, et son cri du cœur
ne laisse pas indifférent.
Fred Hamelin –
novembre 2019
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