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BLUES HEAVEN FESTIVAL (DANEMARK) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 03 novembre 2019
 

Blues Heaven 2019 BLUES HEAVEN FESTIVAL
ARENA NORD – FREDERIKSHAVN (DANEMARK)
Les 1 & 2 novembre 2019

http://www.bluesheaven.dk/

Devenu un de nos classiques automnal, le Blues Heaven Festival nous entraine une fois de plus à Frederikshavn, au Danemark, dans le Jutland du Nord, pour une nouvelle édition plus sobre que celle de l’an dernier mais tout aussi attirante puisque ce n’est pas moins d’une quinzaine de pointures du blues qui sont à l’affiche ! Pas de chance par contre, il a fallu se lever de bonne heure car les rotations aériennes en Amsterdam et Aalborg ont été réduites à deux par jour et que pour être à l’heure pour cette grand-messe, il fallait partir de Roissy à 7 heures ce matin. Le temps de s’installer dans la salle de presse et de saluer les nombreux amis venus des quatre coins du monde on démarre la soirée en fanfare avec d’entrée de jeu une belle pointure …

Vendredi 1er novembre :

C’est en effet Curtis Salgado qui va lancer le bal de cette nouvelle édition du Blues Heaven Festival et c’est en très grande forme que celui qui fonda jadis les Nighthawks va venir ce soir nous déposer une grosse dose de soul blues avec, cocorico, pas moins de deux musiciens français dans son band où l’on reconnait non seulement Damien Cornélis aux claviers mais aussi Fabrice Bessouat à la batterie. Le public est séduit d’entrée de jeu et si, comme souvent, l’Arena Nord n’est pas encore totalement garnie, c’est une salle déjà conséquente qui accueille ce sacré personnage qui ne ménage pas ses ardeurs quand il est question de chanter le blues. La section de cuivres dans laquelle on reconnait notre ami Jimmy Carpenter au saxophone est un véritable plus qui finit de nous faire plonger dans une couleur très proche de celle de Memphis et de la Stax et que ce soit côté rythmique ou côté guitares et claviers, c’est du bonheur à l’état brut qui déboule sur Frederikshavn ce soir !    

On change rapidement de salle pour retrouver Chris Cain Band sur la seconde scène et très rapidement le guitariste multi-nominé aux Blues Music Awards va prendre la partie à son compte et nous entrainer dans un bon blues dont il a le secret. Natif de San José, Californie, le chanteur et guitariste a forcément de fortes aptitudes pour le blues de la West Coast mais pas seulement puisqu’il va à son tour se lancer dans quelques morceaux très empreints de soul pour nous offrir à l’arrivé un show à la fois riche et varié mais aussi et surtout très contemporain, ce qui n’est pas pour déplaire à un public qui y trouve forcément son compte. Si la soirée avait dû s’arrêter là, nous n’aurions déjà pas eu à regretter d’avoir fait le déplacement mais fort heureusement il n’en est rien et bien d’autres surprises nous attendent pour la suite !

A commencer par Shemekia Copeland qui, comme à son habitude, va venir atomiser la main stage de sa voix formidable, de sa présence éblouissante et de son charisme à toute épreuve ! Epaulée à la perfection par un groupe dans lequel on retrouve Arthur Neilson à la guitare lead, la plantureuse chanteuse nominée à maintes reprises aux Grammy Awards va nous proposer un show à la fois humain et engagé, un véritable concert de blues dans lequel elle évoquera son père bien entendu, la naissance de son enfant mais aussi les problèmes récurrents de racisme aux Etats Unis. Musicalement très aboutie, artistiquement parfaite, la prestation de la délicieuse Shemekia Copeland laissera forcément des traces sur une assistance qui non seulement se régale de ses notes mais qui en prime boit ses paroles avec une certaine forme de religiosité. L’expérience grandissant au fil des années, Shemekia devient une des personnalités les plus intéressantes de la scène blues mondiale !

On quitte un moment la main stage pour rejoindre la cafétéria où une petite scène acoustique offre des concerts aux gens qui se restaurent. Pour l’heure, c’est le pianiste hispano-anglais Mike Sanchez qui nous propose une prestation en solo puis en trio avec contrebasse et harmonica autour de quelques pièces de blues, de boogie woogie et même de rock’n’roll. De quoi occuper une assistance qui profite de quelques-instants de répit sans pour autant se priver de musique, et pas la plus mauvaise en plus car si le show de Shemekia Copeland mobilise la majeure partie du public, la prestation de Mike Sanchez n’en est pas moins bien accueillie par un nombreux public qui ne boude pas son plaisir d’être en face de ce grand artiste !     

Direction stage 2 où nous attend l’ovni du festival, un groupe brésilien qui se fait appeler Blues Beatles et qui, comme son nom l’indique, propose des reprises des Fab Four en sextet et arrangées à la sauce blues. Tous chaussés de Converse rouges, les six garçons dans le vent brûlant du Brésil vont ainsi nous interpréter quelques-uns des plus grands succès de leurs idoles en les arrosant d’une grosse dose de piano et d’au moins autant de saxophone. Si le résultat est quelque peu surprenant, il n’en reste pas moins que le public apprécie d’entendre des chansons qu’il connait souvent par cœur et qu’il peut reprendre à l’unisson, une recette qui marche carrément bien puisqu’elle est en prime initiée par des musiciens de talent et agrémentée d’une grosse dose de charisme, essentiellement de la part du bassiste qui n’en finit plus d’aller titiller ses complices de jeu pour les pousser à se bouger et à faire le show ! Et quand bien même on s’est un peu éloigné des frontières habituelles du blues, il n’en reste pas moins que le moment aura été plutôt agréable …   

On repasse par la scène acoustique où l’on retrouve avec plaisir Curtis Salgado accompagné du guitariste Alan Hager qui viennent nous interpréter quelques standards du blues de fort belle manière, une prestation appréciée puisque l’on y remarque pas mal d’amateurs de blues qui ont fait le choix de délaisser les Blues Beatles et de ne pas se presser pour aller retrouver Kenny Wayne Shepherd sur la main stage … Un peu de calme avant la tempête diront les mauvaises langues, et pourtant qu’elle est belle cette prestation du duo que nous devrons abandonner pour aller assister aux trois premiers morceaux du guitariste originaire de Shreveport, Louisiane.

Emmené par son guitariste leader, le Kenny Shepherd Band s’appuie sur la voix du chanteur Noah Hunt qui a toutefois la bienséance de régulièrement s’effacer pour que le boss puisse faire son show, et accessoirement la star. Considéré comme un des nouveaux génies du blues, le guitariste a tapé le bœuf avec les plus grands dès son plus jeune âge grâce à un papa DJ sur une radio locale puis a commencé à faire les premières parties de groupes comme The Rolling Stones ou encore The Eagles, rien que ça. Disciple avoué de Stevie Ray Vaughan, un de plus, mais aussi de Slash, ce grand amateur de belles voitures cultive son côté le plus rock’n’roll et si le son qu’il propose est tendu et puissant, ce n’est que pour mieux lui permettre de dépenser un trop plein d’énergie qui le hante au quotidien. C’est donc fidèle à sa tradition de bad boy que le gendre de Mel Gibson, qui l’a quand même fait grand-père à trois reprises, va nous en envoyer quelques-unes dans les gencives pour mieux venir mettre un terme à cette première soirée sur les coups de une heure du matin. Et quand bien même une partie du public a jeté l’éponge avant la fin, ceux qui sont restés jusqu’au bout du concert de Kenny Wayne Shepherd repartiront avec un excellent souvenir de sa prestation, et peut-être quelques acouphènes aussi …

L’heure du repos a sonnée et nous allons très vite nous remettre de nos émotions et surtout d’une première journée qui aura duré près de 24 heures … Il est évident qu’après tant de belles et bonnes choses, il n’y aura pas besoin de nous bercer bien longtemps avant que nous ne profitions du sommeil du juste !  D’autant que la journée de demain s’annonce elle aussi trépidante …

Samedi 2 novembre 2019 :

On repart après une bonne journée de détente avec un des poids lourds de la scène blues internationale, Joe Louis Walker, qui ouvre les festivités sur la mainstage dès 17 heures avec un quartet dans lequel on trouve Kenny "Blues Boss" Wayne aux claviers. Chanteur inspiré, guitariste émérite, le Californien va nous entrainer dans un blues plein de jus et de subtilité, une musique qu’il ponctue très intelligemment de quelques gimmicks qui marchent forcément sur un public qui a rapidement répondu présent, et ce malgré l’heure un peu précoce. Aucune faiblesse dans le jeu, aucun temps mort de la part d’une section rythmique efficace et avenante avec laquelle nous avions partagé le vol entre Amsterdam et Aalborg hier matin, c’est un show très synthétique et très réussi, sans le moindre débordement, que nous aura présenté un Joe Louis Walker venu sur scène comme il se présente à la ville, le retard d’acheminement subi par sa valise ne lui ayant pas permis de se changer … Par chance, l’élégant Kenny "Blues Boss" Wayne, victime de la même infortune, aura l’opportunité de sauter dans un des costumes de Paul Benjamin que ce dernier aura la gentillesse de lui prêter ! L’esprit du blues …

Direction stage 2 où va se produire un artiste des plus intéressants, le chanteur et harmoniciste new-yorkais Tad Robinson. Bien connu en Europe où il se produit régulièrement depuis de nombreuses années, Tad Robinson est un musicien à la fois généreux et brillant qui propose un blues inspiré des couleurs de Chicago, mais pas seulement puisqu’il est capable de mettre diverses influences dans des compositions qu’il conçoit avec beaucoup de soin. A la tête d’un groupe complet où l’on retrouve une section de cuivre qui compte en son sein le saxophoniste Jimmy Carpenter, le bluesman va venir mettre le Blues Heaven Festival sous son commandement et l’emmener exactement là où il le souhaite avec des morceaux tirés à quatre épingles, des blues contemporains pensés et construits en s’appuyant sur les modèles du genre mais avec en prime un petit supplément d’âme qui n’est pas pour nous déplaire. Encore un des grands moments de cette quatorzième édition qui tient décidément toutes ses promesses !

Retour vers main stage pour un des moments forts de cette seconde journée avec Thornetta Davis, la diva de Motor City qui va nous offrir un set dans lequel le blues, le rhythm’n’blues et la soul sont une véritable raison d’être. Soutenue par deux choristes, la voix de celle qui a été couronnée Reine du Blues de Detroit en 2015 va tenir toutes ses promesses et nous emmener vers de hautes sphères dans lesquelles on retrouvera des bribes empruntées à Gladys Knight, Koko Taylor, Etta James ou encore Aretha Franklin, des artistes avec la plupart desquelles elle a partagé la scène. Energique et impulsive, Thornetta Davis mène son show avec talent et dextérité et si ça bouge beaucoup sur la scène, il en est de même dans une salle qui se déhanche de plus en plus au fur et à mesure que le spectacle avance. Au jeu de la séduction, Thornetta Davis se retrouvera finalement à égalité avec Shemekia Copeland qui se produisait la veille à un créneau horaire équivalent et sur la même scène. Il faut reconnaitre que ce Blues Heaven Festival nous aura gâtés cette année avec deux artistes féminines de très grande classe !     

On passe faire un tour sur la scène acoustique où le premier des deux concerts de la soirée sera assuré par un grand nom du blues international, Ian Siegal, qui va venir en solo nous proposer une prestation totalement improvisée, sans la moindre setlist mais avec un côté spontané des plus intéressants. Passant sans aucune difficulté du folk au blues et du blues au gospel, Ian Siegal nous réjouit de son jeu de guitare très pointu et de sa voix particulièrement riche. Quelques petites allusions à un sujet qui lui est cher, la politique, et une tenue exemplaire sur scène finiront de faire de cette apparition en terre danoise une véritable réussite pour un Ian Siegal des grands soirs qui a fait plaisir à tous ses fans en leur offrant un set remarquable non seulement par son contenu mais aussi par son interprétation.

C’est un habitué du Blues Heaven Festival et malgré son âge, il est sans doute l’artiste qui a joué le plus souvent ici puisqu’il a croisé le fer avec la plupart des stars programmées lors des deux dernières éditions. Du haut de ses quatorze ans, Toby Lee ne vient pas cette fois jouer les guests mais bel et bien nous présenter un véritable show avec son propre band. Fini les solos un peu téléphonés avec les plus grands noms du blues, Toby Lee a aujourd’hui un véritable show à proposer et il le fait en quartet, avec des musiciens un peu plus âgés que lui bien entendu, mais surtout avec la véritable prestance d’un leader qui sait exactement ce qu’il veut et qui surtout comment y parvenir. Un hommage à Mike Ledbetter avec qui il avait partagé les planches ici-même l’an dernier mais aussi une belle démonstration de blues avec des détours vers différents styles qui prouvent que le jeune prodige est devenu un véritable artiste, Toby Lee ne ménagera pas ce soir ses ardeurs et quand bien même il a parfois tendance à se laisser un peu emporter vers un son très (trop) puissant, force est de constater que son blues a pris de l’envergure et que l’on n’a pas fini d’entendre parler de lui dans un futur proche. C’est du moins tout le mal qu’on lui souhaite !

C’est maintenant au tour des Fabulous Thunderbirds de venir prendre place sur main stage mais avant le début du concert, c’est un cérémonial traditionnel qui se déroule devant le public puisque Kim Wilson, chanteur et harmoniciste mais aussi seul rescapé du groupe originel, va laisser l’empreinte de sa main dans le plâtre pour aller faire grossir le Blues Hall Of Fame initié par le festival il y a quelques années. Place ensuite à la musique avec un set virevoltant que le groupe va venir proposer avec l’art et la manière, se jetant corps et âme dans une version explosive de « My Babe » avant de dérouler une setlist qui fera honneur à plus ou moins tous les classiques du groupe, et dieu sait s’il y en a. Le Blues Heaven Festival vit là encore un de ses grands moments et c’est une salle littéralement subjuguée qui accompagne les Fabulous Thunderbirds tout au long d’une prestation sans le moindre temps mort et surtout sans le moindre accroc, la mécanique bien huilée roulant avec une facilité déconcertante sur les routes du blues depuis maintenant quarante-cinq ans. Pas étonnant de voir que les fans ont fait le déplacement et qu’ils sont en bonne place devant une scène qui leur envoie un lot de très bonnes vibrations.

On délaissera un moment les Fabulous Thunderbirds pour traverser le couloir et se rendre vers l’acoustic stage où se produit Kenny "Blues Boss" Wayne dans une configuration intimiste piano et chant, même si une chaise vide à côté du piano laisse entrevoir l’arrivée d’un invité plus tard. Le charisme de l’artiste mais aussi et surtout son talent produisent un effet intéressant sur un public qui reste assis, presque religieusement, et qui se régale des belles notes et de la belle voix de celui qui appartient d’ores et déjà à la légende du blues tant il a su fédérer les amateurs derrière lui. Resté trop brièvement en face du pianiste, nous n’aurons pas le loisir d’apprécier pleinement l’étendue de son savoir-faire mais nous aurons tout de même droit à une version épatante de « Kansas City » qui nous restera en mémoire jusqu’à la fin de la soirée ! 
 
Le dernier concert de la soirée aura lieu sur stage 2 et c’est Nick Moss Band qui va s’y coller avec à l’harmonica l’excellent Dennis Gruenling qui sera rejoint un peu plus tard par son homologue néerlandais Big Pete. En attendant, ça joue fort et bien et le band se plait à nous proposer des titres de son dernier effort en date, « Lucky Guy », sorti récemment chez Alligator Records. Lancé à l’Américaine, avec les musiciens qui entrent un par un sur scène, le show va très rapidement atteindre son rythme de croisière et ne plus redescendre d’un pied, emmené qu’il est par non pas un mais deux pilotes pour le moins expérimentés. Sobre et efficace pour Nick Moss, plus sophistiqué pour Dennis Gruenling, le line up a de la gueule et du son et c’est en se repassant les solos que les deux artistes, superbement secondés par une rythmique de luxe et un pianiste discret mais efficace, vont nous emmener jusque vers les dernières lueurs d’un Blues Heaven Festival qui, décidément, aura tenu haut la main son rang de grand d’Europe ! Finir d’aussi belle manière n’est pas chose facile, d’autant que le gros de la foule a commencé à déserter l’Arena Nord peu avant les douze coups de minuit, saison des citrouilles oblige ! 
    
C’est avec un petit pincement au cœur que l’on quitte les amis et le staff du festival, d’autant plus que ceux qui restent auront droit demain à deux événements, le premier au Freddy’s Bar ou se produira le Nick Moss Band aux alentours de midi et le second du côté de l’église où un énorme gospel est annoncé en milieu d’après-midi. Autant dire que la fête se terminera en beauté, quand bien même ce sera sans nous. Un grand merci à Peter Astrup qui une fois encore a déployé des trésors d’ingéniosité et de convivialité pour que tout se passe bien, et rendez-vous les 6 et 7 novembre 2020 pour une 15ème édition qui sera une fois encore exceptionnelle. Et pour information, les places sont d’ores et déjà en vente à prix hyper réduit jusqu’au 1er janvier puis à prix réduit jusqu’au 1er mai. Ensuite, ce sera plein tarif, avouez que ce serait bête de payer plus cher pour la même chose, d’autant plus qu’une expédition comme celle-là, ça se prépare à l’avance !

Fred Delforge – novembre 2019