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RDV DE L'ERDRE à NANTES (44) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
lundi, 02 septembre 2019
 

LES RENDEZ-VOUS DE L’ERDRE
NANTES (44)
Du 30 aout au 1er septembre 2019

http://www.rendezvouserdre.com  

Dernier grand rassemblement avant la rentrée des classes, les Rendez-Vous de l’Erdre nous accueillent une fois encore dans le cadre du Tremplin Blues du festival, un événement qui, au fil des ans, a su devenir la référence en la matière dans l’hexagone avec non seulement des candidats de très grande qualité mais aussi avec l’opportunité qui leur est offerte de se produire une heure entière devant un public nombreux, si nombreux parfois qu’il en devient impossible de circuler auprès de la scène blues installée juste à l’entrée de l’Ile de Versailles. Les retrouvailles avec les amis du jury ont été chaleureuses et intenses, comme toujours, et c’est malheureusement après la première prestation du vendredi soir que nous arriverons à bon port après avoir traversée la marée humaine qui a assisté à la prestation de Thomas Doucet & The G Lights.

Vendredi 30 aout :

C’est donc un peu déçu de ne pas avoir pu assister au concert de ceux que nous accompagnerons l’hiver prochain à l’International Blues Challenge à Memphis que nous retrouvons le reste des membres du jury qui profite de sa dernière soirée avant le grand rush en savourant un moment exceptionnel et rare en France, le gros show du Corey Denisson Band. Comment décrire un tel tourbillon de blues et de soul autrement que par l’utilisation de superlatifs ? Venu de Chicago, celui que l’on compare souvent à un grizzly est un guitariste d’une finesse extrême, disciple de Carl Weathersby mais avec un son de guitare qui s’approche d’Albert Collins, et qui plus est doté d’une voix qui n’en finit plus de nous faire monter dans les tours. Ajoutez-y une rythmique impeccable et un second guitariste qui est loin d’être manchot et vous obtenez un monstre musical, mais un de ceux que l’on est toujours prêt à essayer de dompter !

Lancé bille en tête dans une leçon magistrale de Chicago Blues qu’il ponctue en y déposant de superbes bribes de Memphis Sound et même parfois de quelques petites œillades à de grands noms de chez Stax comme Johnny Taylor, le Corey Denisson Band nous délivrera la première grosse baffe du week-end avec son leader qui n’hésite pas à aller au contact du public, au grand dam de la sécurité qui finit presque par en perdre la trace. Et quand bien même la section rythmique en fera presque un peu trop au moment de se lancer dans le cérémonial des solos individuels, c’est un concert d’une rare intensité auquel nous assisterons, avec en prime un final plus qu’audacieux puisque c’est en reprenant l’inimitable « Bohemian Rhapsody » dans une version un peu hot que les Chicagoans prendront congé d’un public littéralement sur les genoux.  

Il est temps de prendre un peu de repos en attendant les deux grosses journées à venir et après le traditionnel verre de l’amitié pris derrière la scène, c’est en remontant sagement vers l’hôtel que nous finirons de goûter à la douceur de cette première nuit nantaise en attendant la canicule que l’on nous a promis pour demain …  

Samedi 31 aout :

La canicule annoncée aujourd’hui n’est pas au rendez-vous mais qui s’en plaindra ? D’autant plus que c’est par notre traditionnelle promenade sur l’Erdre à bord de La Luce que nous commencerons notre journée avec au menu la découverte de cet affluant de la Loire, de sa faune et des superbes constructions qui ont pris place dans cet écrin de verdure. Cerise sur le gâteau pour ce cru 2019, nous serons accompagnés par une jeune clarinettiste qui agrémentera cette jolie promenade d’une heure de fort belles touches de jazz. On ne pouvait pas imaginer mieux en attendant le début des festivités d’un tremplin blues très prometteur !

C’est à 15 heures précises que le premier groupe concurrent se présentera, et on peut dire qu’on le connait bien puisque ce sont Ronan et Marko Balland qui vont être chargés de chauffer les planches. Tandem partagé entre la Bretagne et Marseille, le duo va nous emmener dans un gros blues teinté des couleurs du Mississippi que Ronan inonde de ses slides tandis qu’à ses côtés, le magicien Marko pose toutes sortes de sons tirés de ses harmonicas. Le secret de l’histoire, c’est que les harmos de cet orfèvre de l’instrument peuvent aussi bien vous jouer de l’orgue que n’importe quel autre instrument et le public, déjà nombreux malgré l’heure, va apprécier à sa juste valeur. Vous ajoutez à cela une voix puissante et colorée, rocailleuse à souhait, et vous avec compris que l’instant a été particulièrement intense !

On continue avec une formation normande que l’on connait bien également, The Barnguys, un groupe qui a la particularité d’être emmené par un claviériste/chanteur qui ne manque pas de charisme. Formation multigénérationnelle, les Barnguys s’appuient sur la jeunesse de son frontman et sur l’expérience de ses complices puisque l’on y reconnait quelques valeurs sûres de la scène caennaise. Sur fond d’un bon blues de Chicago joliment rehaussé de rock à l’ancienne, ce second concurrent ne va pas manquer son passage sur la scène blues des RDV de l’Erdre en parvenant à se mettre le public dans la poche avec beaucoup d’ingéniosité. Il faut dire que le groupe a quelques arguments qui plaident en sa faveur et même quelques as dans les manches qu’il saura sortir au bon moment. Ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace !     

Troisième et dernier candidat du jour, Miss Bee & The Bullfrogs arrivent de Pau et vont venir nous proposer un set pour le moins original puisque la frontwoman est chanteuse bien entendu, mais également saxophoniste. La voix bien en place, elle emmène ses jeunes compagnons dans un répertoire qui se tient particulièrement bien et qui, même s’il pêche encore un peu parfois par manque d’expérience, laisse entrevoir un énorme potentiel qui n’attend plus qu’une toute petite étincelle pour exploser aux yeux du monde. Parvenus à trouver sa place sur une scène qui n’est pas évidente à appréhender tant il y a du monde devant elle, Miss Bee & The Bullfrogs vont faire la preuve de leur talent et de leur détermination et offrant à Nantes un show très moderne, plein de malice et de richesse, un de ces moments que les habitués des premiers rangs n’oublieront pas de sitôt !

Le temps d’aller dîner et c’est un des grands noms de la scène de Memphis qui va venir assurer la fin de cette belle journée puisque John Németh nous fait l’honneur de venir charmer la scène blues avec son harmonica bien entendu, mais aussi avec sa belle voix qui sent bon la soul et le rhythm’n’blues. Accompagné des quelques-uns des plus beaux fleurons de notre scène nationale, Anthony Stelmaszack à la guitare, Antoine Escalier à la basse, Damien Cornélis aux claviers et Fabrice Bessouat à la batterie, John Németh ne vas pas manquer de dérouler le tapis rouge devant le public nantais et quand bien même il traîne un peu la patte à cause de quelques petits soucis de santé passagers, il n’en reste pas moins un formidable showman qui va littéralement réussir à mettre le public dans un état second, comme il le fait à chacune de ses sorties en live.

C’est donc dans un registre qui rappelle le blues des fifties avec de très forts accents qui évoquent entre autres Little Walter mais aussi quelques beaux fleurons des labels Stax et Hi-Records que John Németh va distribuer avec une générosité folle les titres de son excellent dernier effort en date, « Feelin’ Freaky », mais aussi plein d’autres belles choses que l’assistance savourera jusqu’à la dernière note. Et c’est finalement ovationné par un public qui comprend qu’il a vécu quelque chose d’énorme ce soir qu’il regagnera sa loge avec le sentiment du travail bien fait … Et quand on voit les larges sourires affichés par ses complices du moment, on comprend que tout le monde a passé une bonne soirée, que ce soit sur scène ou en face. Bravo Messieurs, vous avez été formidables !

Le petit crachin nantais qui arrive sur les coups de minuit ne nous empêchera pas de profiter du verre de l’amitié avant que nous ne regagnions notre hôtel la tête pleine de musique et les yeux pleins d’images … 

Dimanche 1er septembre :

Le temps de céder au cérémonial de l’huitre et du Muscadet avec les amis du jury et nous voilà déjà devant la scène blues pour le lancement de cette ultime journée de tremplin à 14 heures. Exit le crachin de la nuit, le temps est désormais au beau fixe pour l’arrivée du Trio Iku, une jeune formation des Côtes d’Armor emmenée par une chanteuse à la voix de velours qui assure également les parties de piano ! Deux guitares pour l’accompagner et c’est parti pour une grosse cinquantaine de minutes d’un répertoire pour le moins surprenant puisque ces jeunes gens se lancent dans des reprises superbement interprétées, quand bien même elles sont parfois à la limite du hors-sujet. Le public en pleine digestion y trouve pourtant très largement son compte et se plait à retrouver des chansons qu’il connait, avec même un très beau passage du côté des Rolling Stones qui ne laissera personne de marbre. S’il est toujours compliqué d’essuyer les plâtres, le Trio Iku aura réussi à le faire avec beaucoup d’ingéniosité !  
Place maintenant à Maggy And The Buddies, les régionaux de l’étape qui vont venir nous servir un plat de résistance plutôt bien préparé et assez conséquent pour le plus grand plaisir d’une assistance qui n’en demandait pas tant. Les guitares prennent naturellement leur place et c’est délicatement baignées par la voix de la chanteuse qu’elles nous entrainent vers un blues qui se défend bien, quand bien même il n’est pas toujours le plus original du monde. Si la foule de plus en plus nombreuse manifeste son plaisir, le groupe semble lui aussi très heureux d’être là et va donner sans compter tout au long d’un set qui ne souffrira d’aucune baisse de régime grâce à une bonne dose d’énergie bien entendu, mais aussi à une très belle musicalité qui témoigne de tout le travail réalisé par des jeunes gens que l’on reverra très vite sur d’autres scènes, c’est certain. Déjà passée par le Tremplin des Rendez-Vous de l’Erdre avec sa précédente formation, Maggy Trottier a bien compris l’intérêt de participer à de tels événements et ne se prive pas de le faire !

Dernier candidat de cette édition 2019, One Rusty Band vient de Genève et n’en finit plus de se produire dans l’hexagone où le public apprécie le versant sauvage et rugueux de Greg aux guitares, percussions, harmonicas et voix et le côté attachant de Léa aux claquettes et au washboard. On retourne avec eux du côté d’un bon gros blues à l’ancienne, une musique rurale qui semble directement rapportée des rives du Big Muddy et qui n’en finit plus de gratter au niveau du col et de donner des fourmis dans les jambes. Aussi dingue au niveau de la puissance sonore qu’au niveau visuel, le show des One Rusty Band se mange sans faim, avec avidité, et convient autant aux fondus d’un blues roots qu’aux amateurs d’un blues un peu punk avec des morceaux particulièrement bien léchés et des arrangements qui vous mettent forcément sur le cul. Et le mieux, c’est que toutes générations confondues, Nantes en redemandait encore à la fin du set !

Le temps de délibérer et de préparer le plateau pour le dernier show de la soirée et nous découvrirons que la postérité retiendra cette fois la victoire de Miss Bee & The Bullfrogs talonnée par One Rusty Band et Ronan OneManBand & Marko Balland. Les différents prix spéciaux seront décernés comme suit : Maggy & The Buddies : prix Billy Bobs ; Ronan OneManBand & Marko Balland : prix Hurricane Music et prix Espace Caussimon de Tremblay ; One Rusty Band : prix Collectif des Radios Blues et prix festival Blues sur Suresnes ; Miss Bee & The Bullfrogs : prix des festivals Montfort Blues et SoBlues, prix du magazine Soul Bag et prix France Blues ; et enfin Trio Iku : prix festival Bain de Blues.

Et pour finir cette édition des Rendez-Vous de l’Erdre, ce sont les gagnants de l’édition 2018, Little Mouse & The Hungry Cats, qui viendront nous présenter un set qui a énormément gagné en consistance, en musicalité et en énergie, signe que le jury avait fait le bon choix en retenant les Clermontois l’an dernier. Toujours aussi brillante dans sa voix et dans sa prestance, Claire électrise littéralement une formation qui a un peu été remaniée avec l’arrivée d’une jeune minette à la place d’un vieux matou, ce qui apporte une nouvelle fraicheur et un nouvel équilibre. Et si l’on en croit les réactions d’un public nantais carrément survolté grâce entre autre à la petite virée de David, l’harmoniciste, du côté de la fosse, nous avons encore vécu ce soir un grand moment de blues comme on en vit chaque année du côté de l’Ile de Versailles. Difficile à croire mais c’est pourtant bien la scène blues qui recueille chaque année les faveurs du public de ce festival dont la dominante est à l’origine le jazz !

On ne se quittera pas sans remercier nos hôtes, l’Association Culturelle de l’Eté, l’équipe technique et les bénévoles, la sécurité et le jury, tous ces gens qui, au fil des ans, sont devenus plus que des amis … Et si on se sépare à chaque fois avec une petite pointe de mélancolie, on sait d’ores et déjà que l’on se retrouvera au plus tard l’année suivante ! C’est également ce qui fait que ces Rendez-Vous de l’Erdre sont un des moments incontournables de l’année auxquels on ne renoncerait pour rien au monde …

Fred Delforge – septembre 2019