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THRILL BLUES FESTIVAL (CROATIE)
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Ecrit par Fred Delforge |
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dimanche, 07 juillet 2019
THRILL BLUES FESTIVAL
THRILL
BLUES FESTIVAL
CITY PARK - TRILJ
(CROATIE)
Les 5 et 6 juillet 2019
https://www.facebook.com/thrillbluesfestival/
La route est longue pour se rendre à Trilj, charmante
bourgade dalmate de deux milliers d’habitants
posée aux bords de la Cetina … L’escale
à Zagreb a été longue et fastidieuse,
l’arrivée à Split pour le moins
épique avec son lot de touristes surchargés de
bagages en cabine et des bagages en soute qui n’en finissent
plus d’arriver … Mais une fois sorti de
l’aéroport, c’est la bonne humeur et la
joie de vivre qui priment, à commencer par les trois quarts
d’heure de route passés avec un chauffeur des plus
sympathique pour mieux continuer par une arrivée en fanfare
et un accueil chaleureux réservé par Andriana, la
responsable du tourisme local, et par nos amis Antonja et Boris, les
fameux Hrepa et Rola des non moins fameux Sunnysiders !
La nuit est tombée un peu avant l’atterrissage
à Split et la journée a été
longue pour nos hôtes, avec la préparation du site
pour les concerts du samedi bien entendu, mais aussi avec des
expositions photos, des dédicaces de livres, une projection
vidéo et un programme de Blues in the Schools, un projet
cher à nos amis des Croatian Blues Forces,
récompensés il faut s’en souvenir par
un Keeping The Blues Alive Award à Memphis en janvier
dernier. Il n’en reste pas moins que la dernière
partie de soirée fera honneur au blues sous toutes ses
formes avec une superbe jam dans le Théâtre de la
ville, un véritable moment de blues réunissant
nombre de musiciens du cru mais aussi quelques artistes internationaux
à l’affiche le lendemain puisque l’on
remarquera Lorenzo Piccone, Ismaila Mbaye ou encore James Perri sur
scène sur les coups de une heure du matin …
Des classiques de Chicago ou du Mississippi, du Texas aussi puisque
l’on entendra résonner une énorme
version de « La Grange », des blues lents et des
blues plus vifs, en Anglais ou en Croate, en accords ou en slide
… Il n’en faudra pas moins pour nous faire passer
une très bonne soirée avant d’aller
prendre un peu de repos en prévision d’une
journée de festival qui s’annonce intense puisque
onze groupes sont programmés demain à partir de
17 heures. La devise du festival est claire, « The Thrill
Isn’t Gone », et les organisateurs sont bien
décidés à nous le rappeler pendant ce
qui s’annonce déjà comme une
édition exceptionnelle. Les absents auront tort,
c’est certain !
Une bonne nuit de repos et nous voilà
déjà à pied
d’œuvre pour une longue journée
dédiée aux balances mais aussi aux rencontres et
aux promenades … Le village de Trilj est agréable
et plein de charme et se montre propice non seulement aux ballades en
bord de rivière mais aussi dessus avec des propositions de
rafting, de promenades en canoé ! Et pour les plus
téméraires, la campagne est accessible
à cheval ou en 4X4, et il y a bien évidement le
camp militaire de Tilurium et plein d’autres vestiges romains
à découvrir … Ajoutez-y une
gastronomie intéressante avec les poissons directement
sortis de la Cetina et même des cuisses de grenouilles frites
et vous avez là de quoi passer un bon moment. Autant dire
que l’on ne s’ennuie pas une seconde en attendant
le lancement des festivités, même avec une heure
de retard, canicule oblige.
Il est donc 18 heures quand on commence avec D’Bluz, une
formation de Sinj, un village situé à une
douzaine de kilomètres de Trilj, qui va devoir essuyer les
plâtres devant un très maigre public,
température encore à 33° oblige
… Quintet des plus sympathiques, le groupe
s’appuie sur un chanteur guitariste et harmoniciste mais
aussi sur un saxophoniste qui apporte un petit trait de folie
à des reprises de grands standards du blues comme les
sempiternels « Got My Mojo Working » et autres
« Mannish Boy ». Si
l’originalité de la setlist n’est pas
toujours la qualité première du groupe,
D’Bluz aura au moins le mérite d’avoir
assuré, techniquement et scéniquement parlant, et
en se fendant même de quelques compositions en langue croate.
Un phénomène récurrent dans ce pays
!
On continue avec Pojave, un power trio local là encore
puisqu’il nous arrive d’Otok, à
seulement une dizaine de kilomètres … On entre
plus directement dans une dimension blues rock voire stoner avec des
covers de ZZ Top mais aussi des titres d’influences plus
proches de Black Sabbath. Une fois encore ça joue grave et
le manque d’originalité des morceaux est
très largement compensé par un set
très précis et plein
d’énergie. Un petit coup de « All Night
Long » avant de se quitter et voilà une fois
encore un groupe qui aura tenu toutes ses promesses. Le public qui
arrive de plus en plus apprécie, ça se sent !
Le groupe suivant a du faire une soixantaine de kilomètres
pour venir, mais il a en plus du franchir une frontière
puisque 4 Hombres arrive de Livno, en Bosnie Herzégovine,
pour nous proposer un blues somme toute assez classique une fois
encore. Emmené par une chanteuse pleine de charme, le
quintet essaie de ne pas se perdre dans les méandres du
genre et quand bien même il nous sert la traditionnelle
relecture de « Sweet Home Chicago », il
s’essaie à des choses plus surprenantes comme
cette adaptation de « Black Magic Woman » qui
semble sortie de derrière les fourrés ou encore
une version dynamitée de « Crossroads Blues
». Au final, on aura passé un bon moment avec
cette formation, la troisième de la journée, et
c’est loin d’être fini car la
programmation va très rapidement
s’étoffer.
Venu de Šibenik, à une centaine de
kilomètres au Nord, Grupa Mi est un septet qui va venir nous
interpréter les plus grands succès de la Stax,
section de cuivres à l’appui, et il faut bien
reconnaitre que non seulement ça sonne, mais qu’en
plus les souvenirs rapportés de Memphis il y a une quinzaine
de jours remontent immédiatement à la surface
à l’écoute des « Knock On
Wood », « Hold On, I’m Coming »
et autres « Soul Finger » et « Green
Onions » que Grupa Mi envoie avec un soin tout particulier et
avec un son énorme. Assurément la
première grosse baffe de la soirée pour un public
qui avance en terrain connu et qui peut se régaler
d’interprétations soignées de morceaux
qui appartiennent au meilleur de la soul. Vous en rêviez ?
Grupa Mi l’a fait !
On monte maintenant tout au Nord de la Croatie, à Novigrad,
en Istrie, à plus de cinq centaines de kilomètres
de Trilj, d’où nous vient The Screaming Wheels, un
duo qui a la particularité d’être
emmené par un chanteur et guitariste en fauteuil roulant !
La voix solide, le jeu assuré, les deux complices nous
emmènent faire un grand tour du côté
des racines les plus profondes du Delta Blues, avec le lot de boue
collée aux semelles et de poussière
décollée au passage du convoi que cela entraine.
On se régale de cette version moderne et
énervée d’un style qui a
été popularisé grâce aux
Robert Johnson, Skip James et autres Charley Patton mais aussi aux
Muddy Waters ou Rolling Stones qui ont largement contribué
à faire monter la mayonnaise. Et pour ce qui est de la faire
monter encore un peu, les Screaming Wheels s’y prennent
carrément bien !
C’est un moment un peu spécial qui nous attend
maintenant avec The Memphis Expedition, le groupe qui est parti
enregistrer l’hiver dernier la chanson « Keep The
Blues Alive » aux Studios Ardent en l’honneur de
l’Award du même nom remis aux Croatian Blues
Forces. Ce fut alors l’occasion de partager des moments
intenses que nous revivons ce soir le temps d’un morceau au
milieu d’amis particulièrement chers qui vont
interpréter ce titre en compagnie d’une chorale
d’enfants, en l’honneur de tous les jeunes qui
avaient participé au voyage ! Un moment court mais intense
qui nous rappellera tant de belles choses …
Retour aux prestations plus complètes avec Ozon, un groupe
local qui sera la dernière formation croate à se
produire ce soir, ou presque puisque des musiciens du cru feront quand
même office de backing band un peu plus tard. On repart dans
le blues rock avec un band qui ne se pose pas de question et qui joue
pour le plaisir, avec ses très grosses qualités
et ses tout petits défauts qui le rendent encore plus
sympathique. Alors quand Ozon se permet le luxe d’oser une
reprise impeccable du « Ride One »
d’AC/DC, le dernier titre que Bon Scott ait chanté
avant de partir s’installer au milieu des grands rockers
disparus, c’est une nouvelle pointe
d’émotion qui gagne non seulement votre serviteur
mais aussi une assistance qui ne sait peut-être pas
forcément tout ça. Les plombs sautent, Trilj
plonge dans la nuit, signe que l’on nous entend
là-haut ? Vous avez dit « Back In Black
» ? Après quelques minutes de noir total, Ozon
pourra toutefois reprendre son show et le mener à bon port
sans plus d’encombres. Bravo !
Le groupe qui se produit maintenant a gagné sa place au
Mississippi Blues Trail Challenge de Cahors en 2018 puisque
c’est la formation italo-sénégalaise
Lorenzo Piccone et Ismaila Mbaye qui investit la scène du
Thrill Blues Festival pour nous proposer un blues au sens large du
terme, un blues qui se teinte des sonorités du Weissenborn
mais aussi des percussions africaines pour donner naissance
à une musique hybride faite de blues et de world, une
musique qui nous rappelle toutefois que ce genre qui nous rassemble est
né sur le continent noir et qu’il s’est
exporté aux Amériques sous l’impulsion
des mouvements de populations nés de l’esclavage.
On trainera ainsi entre blues primitif et covers de Muddy Waters mais
aussi des Clash, et oui, pour le plus grand bonheur d’une
assistance littéralement sous le charme. Il suffit
d’écouter les deux jeunes gens et de les regarder
jouer pour comprendre pourquoi !
On intervertit la suite du programme pour laisser à Harrison
Kennedy le soin de venir faire son show en solo, a-capela ou avec un
dobro, un harmonica voire même un peigne pour se remettre en
beauté devant un public très nombreux qui se
régale. Véritable érudit du blues, le
Canadien va venir nous présenter les racines du genre
à sa manière, avec le cœur et avec
l’esprit, joignant l’exemple à la
chanson en ne se privant jamais de raconter une anecdote, de faire un
trait d’esprit. On est loin du blues explosif des premiers
groupes mais ça fait le plus grand bien de se poser un
moment en attendant un final qui risque fort de nous bousculer et de
nous faire sortie de notre zone de confort. Alors pour la bonne cause
et surtout pour le plaisir, on partage avec Harrison Kennedy un bon
moment plein d’intimité et de belles vibrations.
Sacré bonhomme !
Exception étasunienne de ce 3ème Thrill Blues
Festival, James Perri est le plus Croate des Américains
puisque le Chicagoan vit aujourd’hui à Zagreb
… Artiste de soul réputé, il
évolue ce soir dans un répertoire blues en
compagnie du Thrill All Stars, le house band dans lequel les amis du
cru sont tous réunis, avec Hrepa qui est cette fois
à l’harmonica. C’est donc quelque peu
à contre-emploi que l’artiste plein de charisme va
nous proposer ce soir un concentré des grands classiques du
blues, « The Thrill Is Gone » et « Sweet
Home Chicago » en tête. L’assistance se
régale forcément en dégustant ces gros
saucissons qu’on lui présente en tranches bien
calibrées et c’est en se délectant
d’une version bien pensée de « Everyday
I Have The Blues » que le public se préparera, une
fois les douze coups de minuit bien sonnés, à un
assaut final lancé par une grosse locomotive bien
huilée. La suite n’en sera que meilleure !
Le tapis rouge a été
déroulé devant Manu Lanvin et son Devil Blues et
le trublion du blues hexagonal est bien décidé
à marcher dessus sans prendre le temps de
s’essuyer les semelles ! Une intro un peu pesante sur
« Spoonful » va très vite
libérer les esprits et c’est en
entremêlant les classiques comme Hihgway To Hell »
ou « Red House » et ses propres morceaux mais aussi
en allant se promener dans le public au grand dam de la
sécurité que Manu va réussir
à mettre le feu à Trilj, et pourtant il est
déjà une heure et demi du matin quand
après un « Wild West » épique
le Devil Blues se lance dans une relecture survoltée
d’un « Summertime » qui n’en
attendait pas tant ! L’heure de musique qui suivra sera de la
pure folie avec des reprises de tous poils et surtout avec un
énormissime « Blues, Booze &
Rock’n’Roll » qui finira de mettre tout
le monde d’accord. De « When The Saints Go Marching
In » à « Something You Got »
en passant par des choses plus improbables les-unes que les autres,
Manu Lanvin & The Devil Blues prouveront que
succéder à Eric Sardinas en tête
d’affiche de Thrill Blues Festival
n’était pas un défi trop important pour
eux ! Dont acte …
Ainsi s’achève cette troisième
édition du Thrill Blues Festival, un rendez-vous qui
commence à prendre de l’importance sur la
scène européenne en se concentrant non seulement
sur les artistes de l’ex-Yougoslavie mais aussi et surtout en
s’ouvrant vers l’extérieur
grâce à des partenariats internationaux
bénéfiques pour tous. C’est
à ce prix que les échanges peuvent se faire sur
le Vieux Continent et on ne peut que se féliciter de la
démarche des organisateurs qui l’ont bien compris
puisque la Croatie est impliquée dans l’Europe du
Blues depuis les prémices qui ont conduit à la
naissance de l’European Blues Union. Encore un
très grand merci à nos hôtes que nous
reverrons très prochainement, c’est certain. Keep
The Blues Alive !
Fred Delforge
– juillet 2019
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