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PINETOP PERKINS FOUNDATION WORKSHOP à CLARKSDALE (USA) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
mardi, 18 juin 2019
 

pinetop perkins workshop PINETOP PERKINS FOUNDATION WORKSHOP
SHACK UP INN – CLARKSDALE (MISSISSIPPI)
Du 10 au 18 juin 2019

https://pinetopperkinsfoundation.org/workshop

Accompagner un jeune musicien de 18 ans pour son premier voyage transatlantique est une chose, lui proposer de participer à un atelier musical de quatre jours dans le berceau du blues en est un autre, alors autant dire que c’est un événement important dans la vie du jeune Evan Guenebault que nous allons partager durant cette seconde décade de juin …

Lundi 10 juin 2019 :

Tout commence à Toulouse sur les coups de 4 heures du matin quand nous nous retrouvons le 10 juin pour le départ. Trois vols au programme et une certaine anxiété qui nait lorsque l’on décolle … La première étape sera Amsterdam avec une sécurité accrue et un second vol qui prend une heure de retard. L’escale d’Atlanta donnera elle aussi son lot de frayeurs avec un passage en douane interminable et un risque accru de louper le vol pour Memphis ! Par chance il est retardé de vingt minutes et nous l’attrapons de justesse pour enfin débarquer vers 16 heures dans la Capitale du Blues, le Berceau du Rock’n’roll …

Le décalage de sept heures pique un peu mais après un rapide tour de ville pour faire le plein de sensations et une douche salvatrice, direction Beale Street pour la première découverte. Le blues est partout, sur les murs, dans les clubs, dans les restaurants … Nous retrouvons Jay Sieleman, l’ancien directeur de la Blues Foundation, et les langues se délient, on passe en revue l’histoire de cette musique qui nous rassemble, on évoque la ville, les amis communs, les jours à venir … Dans le Blues City Café, on entend un bon gros boogie qui dépote ! Le temps d’arriver le concert se termine mais il y aura de la musique ailleurs, au Blues Hall, au B.B. King Blues Club … Ça joue grave et tout le monde est déjà sur son petit nuage. Il est déjà 22 heures, 5 heures du matin en France, et nous partons remettre un peu de sommeil dans nos machines humaines quelque peu mises à mal après tant d’émotions et plus de huit milliers de kilomètres parcourus …

Mardi 11 juin :

On charge la voiture et c’est du côté d’Arcade Restaurant, le plus ancien établissement de Memphis où Elvis Presley avait ses habitudes, que l’on retrouve Jay Sieleman pour un breakfast qui n’en finit plus d’arriver ! Une fois les victuailles avalées, nous prenons congé de notre hôte jusqu’à la fin de la semaine et nous fonçons vers Stax Museum où nous retrouvons Tim Sampson, le responsable de la communication. Sur la route, tout le monde en a pris plein les yeux mais en arrivant dans cette Mecque de la Soul, l’émotion est palpable … La visite n’en sera pas moins prenante avec un jeune homme qui savoure chaque image, chaque objet, et surtout qui semble déjà en connaitre beaucoup sur cette culture afro-américaine qu’on lui propose de développer.

Un petit détour par la maison natale d’Aretha Franklin puis par celle de Booker T. Jones et nous tenterons notre chance à Royal Studio. Pas de chance, Boo Mitchell est en session et nous ne pourrons pas le rencontrer ce midi, on remettra ça à la fin de la semaine avec probablement plus de chance … Bye Bye Tennessee, nous prenons la route en direction du Mississippi avec comme première étape le panneau sur la Highway 61 qui annonce l’entrée dans cet Etat culte pour tout amateur de blues. Là encore le choc est important, mais ce n’est rien comparé à celui de la découverte de la tombe de Memphis Minnie à Walls !

On arrive maintenant à Tunica où nous faisons une halte à la Gateway To The Blues pour y rencontrer les responsables régionaux du tourisme et pour y visiter le superbe musée rempli d’informations passionnantes et d’objets de toute beauté. Là encore Evan engrange les souvenirs, les anecdotes, et on se plait à voir ses grand yeux émerveillés. Il repère les guitares à 20 mètres, se régale des Fender, Guild, Gibson et autres Silvertone ayant appartenues à Freddie King, Albert King, Eric Clapton, Robert Johnson ou encore Johns Estes …

Le temps presse et après un déjeuner tardif au fameux Hollywood Café, un juke joint historique, nous fonçons vers Clarksdale où l’on nous attend au Shack Up Inn pour le Pinetop Perkins Foundation Workshop. On tombe nez à nez avec Bob Stroger à la réception, on installe Evan dans la Rich House où il cohabitera avec quelques jeunes parmi lesquels un guitariste anglais lui aussi envoyé par l’European Blues Union et on rejoint déjà le Hopson Commissary où se déroulera la première soirée. Pat Morgan présente le staff et les instructeurs parmi lesquels on reconnait Bob Margolin, Bob Stroger, Anthony Geraci, Fiona Boyes, Phil Wiggins, Heather Crosse, Lee Williams … Que du beau monde !

Le temps de diner autour du BBQ proposé par la fondation et ce sera la fameuse jam inaugurale qui nous tendra les bras, avec des participants de différents niveaux mais aussi et surtout avec un final d’anthologie durant lequel Evan s’offrira quatre morceaux avec à ses côtés quelques pointures ! Un grand moment pour lui qui ne va pas tarder à rejoindre la Rich House en attendant le grand début du stage annoncé pour le lendemain à 10 heures. C’est la tête pleine d’images que nous l’imiterons nous aussi …        

Mercredi 12 juin :

Le réveil au Shack Up Inn est toujours un moment empreint d’émotion et c’est la tête un peu comme dans un rêve que l’on redécouvre toutes ces cabanes qui ont chacune une histoire liée au blues … Le bois se mélange avec le métal, l’herbe recouvre la terre, habituellement boueuse dès qu’il y a une goutte de pluie … La chaleur se fait vite étouffante en cette fin de printemps et la température dépasse sans forcer la trentaine de degrés ! On pense forcément à tous ces esclaves qui ont trimé dans les champs de coton voisins et leur souffrance rend le paysage encore plus fort, encore plus prenant … C’est une évidence, Clarksdale transpire le blues, Clarksdale est Le Blues !

Evan va vivre aujourd’hui sa première master class de guitare avec Bob Margolin et pour ne pas perturber les cours, nous décidons de ne pas y assister, quand bien même nous avons eu l’autorisation expresse d’aller là où bon nous semble. Nous le laissons donc vaquer à ses occupations, avec un petit pincement au cœur, un peu comme les parents qui déposent leurs enfants à la maternelle pour la première fois. De son côté l’excitation est à son comble et il est bien décidé à emmagasiner tout ce qui lui passera à portée de manche, de micro ou de bottleneck. Si ce n’est pas le rôle de sa vie, il y a fort à parier que cette expérience lui apportera le petit supplément nécessaire au développement optimal de ses projets professionnels !

Nous partons pour notre part faire un grand tour dans Clarksdale avec le tour des classiques que sont Ground Zero, Blues Alley, Cat Head, Delta Blues Museum, Riverside Motel, le Crossroads et tant d’autres encore. La surprise est de taille pour Luc et Yannick qui découvrent la ville et on sent dans leurs yeux une sorte de coup de cœur qui fait comprendre qu’ils viennent de tomber amoureux de cet endroit aussi étrange qu’attachant. Nous approfondirons plus tard notre découverte des lieux car pour le moment, il nous faut revenir au Hopson Commissary où l’on nous attend pour faire la photo de la promotion 2019 du Pinetop Perkins Foundation Workshop. On retrouve Evan qui est sur un petit nuage puisque Bob Margolin vient de le féliciter et de le remercier de lui avoir donné une nouvelle source d’inspiration … L’émotion est palpable !           

Les photos terminées, nous repartirons nous restaurer du côté de chez Abe’s BBQ, un classique, et nous déciderons de dédier l’après-midi aux harmonicas puisque Luc est un pratiquant assidu de l’instrument et que nous apprécions tous les grands harmonicistes. Nous gagnerons donc Tutwiller où repose Alec "Rice" Miller, plus connu connu sous le nom de Sonny Boy Williamson II, puis Glendora où il a vu le jour, non sans avoir fait quelques arrêts au passage près des markers de la Mississippi Blues Trail dédiés à W.C. Handy ou à John Lee Hooker. Et comme l’harmonica ne vaut vraiment que s’il est (bien) joué, nous nous offrirons un long moment en compagnie de Deak Harp, musicien émérite mais aussi luthier spécialiste dans la customisation des Marine Band. Un incroyable moment durant lequel le bluesman jouera pour nous et échangera sur son travail et sur sa passion pour le blues …

On retrouvera enfin Evan qui finira de nous raconter sa journée et de nous parler de toutes ses découvertes, de ses rencontres et de ses amitiés naissantes avant de rejoindre la jam du soir dans le Hopson Commissary, jam où il apparaîtra une fois encore en fin de soirée mais encore et toujours en band leader avec à ses côtés un certain Phil Wiggins venu tenir l’harmonica sur une reprise d’Otis Rush ! Encore un énorme moment qui lui vaudra de multiples félicitations, d’autant plus que les organisateurs ont eu la bonne idée de former des équipes de niveau homogène pour les jams et que les deux morceaux interprétés par celle du jeune Français ont connu un franc succès ! Si Evan n’est pas encore devenu la star du workshop, il suscite déjà l’intérêt des professeurs et des résidents qui lui réservent nombre d’attentions particulières comme celle de l’emmener manger avec eux … Un signe qui ne trompe pas !
 
La journée ayant une fois encore été intense, nous ne tarderons pas à aller rejoindre Morphée dont les bras n’auront jamais été aussi accueillants … Demain sera un autre jour !     

Jeudi 13 juin :

Nous décidons une nouvelle fois de laisser à Evan l’intimité nécessaire au bon déroulement de son stage et nous profitons de cette belle journée pour partir à la découverte du Delta avec quelques temps forts comme un premier arrêt à Alligator où nous arrivons un peu avant l’ouverture du Welcome Center / Epicerie, ou encore un passage obligé par le Po’ Monkey’s dont l’état de délabrement est de plus en plus marquant depuis le décès de Willie Seaberry le 14 juillet 2016. Juke joint mythique de Merigold, le Po’ Monkey’s fait peine à voir avec sa façade éventrée et ses décorations disparues et on attend toujours que les âmes charitables qui avaient promis de faire revivre le lieu s’exécutent avant que tout ce pan de l’histoire du blues ne disparaisse à jamais !

On poursuit maintenant vers ce qui sera le moment fort de la journée, la découverte du Highway 61 Museum à Leland et la rencontre avec l’immuable et inénarrable Pat Thomas que l’on trouve comme à son habitude en train de jouer de la guitare dans le hall. S’il peine un peu à se souvenir de notre dernière visite, qui remonte il est vrai à un peu plus de trois ans, Pat Thomas finira par se souvenir de notre passage et ne manquera pas de le souligner en nous offrant ses légendaires dominos et en nous abreuvant durant près d’une heure de son jeu dépouillé et de ses anecdotes croustillantes dans lesquelles il évoque les bluesmen célèbres, son père bien entendu, mais aussi les femmes avec lesquelles les relations ont toujours été délicates, la pauvreté et la précarité des musiciens n’étant pas à même de les retenir.  

Nous remonterons ensuite tranquillement vers Clarksdale, non sans marquer un arrêt à Dockery Farms où les travaux avancent bon train puisque le coton gin et la station-service proposent désormais des vidéos expliquant l’histoire des lieux. On regrette bien entendu que le déblaiement autour des bâtiments délabrés ait été quelque peu expéditif et que la musique qui accompagnait la visite ait disparu mais les quelques améliorations apportées ces derniers mois viennent nous consoler un peu des déceptions que nous avions eues lors de nos dernières visites dans ce haut lieu du blues, celui-là même où le genre aurait peut-être vu le jour grâce à la tolérance toute relative d’un propriétaire un peu moins exigeant que ses condescendants avec la main d’œuvre bon marché offerte à l’époque par les populations noires asservies.     

La Highway 49 nous remontera bientôt jusqu’au Shack Up Inn où nous profiterons un moment de l’atmosphère si particulière des lieux et où nous échangerons un peu avec Evan pour mieux saisir son ressenti avant de profiter d’un superbe jambalaya généreusement servi et délicieusement accompagné de salades de black eyed peas et de pommes de terre concoctées par Mike Black, administrateur de la Pinetop Perkins Foundation ! La soul food accompagne le blues dans un endroit unique en son genre … Que demander de plus ?

Il est bientôt temps de rejoindre la jam durant laquelle nous aurons droit à des prestations proposées par des formations très jeunes, par les professeurs eux-mêmes ou encore par un groupe presque entièrement féminin emmené par Fiona Boyes. Quelque peu à contre-emploi ce soir, Evan acceptera de succéder à Bob Stroger, ce qui n’est pas rien, de devenir band leader et de chanter un morceau sans sa guitare, avec juste le texte affiché sur son téléphone cellulaire. Un moment de bravoure qui lui fera encore marquer quelques points et qui lui permettra même d’être invité juste après à faire le bœuf dans un club mythique de la ville. Mais ça, c’est une autre histoire …

Direction le repos du guerrier avant une ultime journée de cours qui devrait se terminer en apothéose par un grand concert … On en reparlera demain !

Vendredi 14 juin :

Les jeunes s’apprêtent à assister à leur dernière journée de workshop et toujours dans cette même démarche de les perturber le moins possible, nous partons à la découverte des hauts lieux du blues du Mississippi avec aujourd’hui un grand tour du côté des Hills ! Le soleil est omniprésent et nous accompagnera durant toute une journée passée sur la route avec des étapes majeures comme celle de Como, petite bourgade sympathique avec ses trois markers de la Mississippi Blues Trail en rang d’oignon sur Main Street, ses façades à l’ancienne, son bureau de Poste vintage, son antiques shop, ses restaurants qui vont du steak house au Thaï food en passant par le Mexican restaurant, et même le carillon de l’église qui se prend pour Big Ben … L’endroit où il fait bon vivre, quand bien même on regrettera que Sharon et David Dickerson ne soient pas en ville aujourd’hui !

Les Hills, c’est aussi l’occasion d’aller rendre hommage à de grands bluesmen disparus en allant se recueillir sur leurs tombes … Nous irons ainsi saluer la mémoire de Mississippi Fred McDowell puis celle de R.L. Burnside qui repose dans un tout petit cimetière au milieu des bois et aux côtés de sa famille. La région est riche en sépultures mais afin de ne pas sombrer dans la nécrophilie, nous décidons de nous en tenir à ces deux bluesmen notoires et de poursuivre notre route vers Oxford, la ville de William Faulkner !

Le temps pressant, on délaissera l’Université du Mississippi et Rowan Oak, la demeure de Faulkner, pour aller déjeuner à l’excellent City Groceries, un des endroits les plus courus de la ville où nous aurons l’honneur de croiser une légende de la photographie, Dick Waterman, qui déjeune en habitué des lieux puisque Oxford est la ville où il réside. Un café et l’achat de quelques livres plus tard au fameux Square Books et nous repartirons déjà vers Clarksdale où nous attendent Evan et ses professeurs pour une fin de journée qui s’annonce plutôt intense !

C’est au très fameux Ground Zero Blues Club que nous terminerons ces quatre jours de workshop avec un grand showcase durant lequel une nouvelle fois les professeurs nous offrirons une paire de blues à leur manière, le reste des cinq heures de musique étant dévolu aux stagiaires avec une nouvelle fois des niveaux hétéroclites. La composition des groupes a été faite par tirage au sort, ce qui permet à chaque fois à un band leader de s’imposer et de porter la formation, une bonne idée somme toute car cela forme les jeunes à s’adapter à toutes les situations. Une fois encore Evan s’attirera les félicitations de ses professeurs, en particulier de Bob Margolin et Heather Crosse qui l’invitera à la rejoindre sur scène le lendemain, mais c’est surtout la réaction du public à sa prestation qui sera intéressante car cela prouve qu’il est fin prêt et bien armé pour s’en aller séduire des assistances, aussi habituées au blues soient elles. En cela ce stage au Pinetop Perkins Foundation Workshop aura été une nouvelle pour lui de s’affirmer.

Il est minuit passé quand nous rejoignons nos shacks pour une dernière fois, la journée de demain devrait être marquante pour Evan qui aura l’occasion de marcher dans les pas de ses idoles avant de rejouer au Ground Zero entouré de véritables professionnels !

Samedi 15 juin :

Le temps de charger les valises et de saluer les amis au Shack Up Inn et c’est le cœur un peu serré que nous empruntons la Route 49 en direction d’Indianola où un grand moment attend Evan qui nous rejoint puisque son stage est terminé. L’arrivée au B.B. King Museum est pleine d’intensité et l’émotion nous gagne dès le parking où les notes du King Of The Blues sont distillées sans le moindre ménagement.

L’entrée dans le Gift Shop Lucille n’est pas moins intense puisque nous y retrouvons Robert Terrell qui nous accueille avec son amitié et avec sa légendaire hospitalité. Le film de présentation, les différents panneaux du musée et tous les souvenirs de l’artiste seront autant de temps forts qui finiront en apothéose devant la sépulture de ce grand homme et de ce grand musicien qui a connu tous les honneurs de son vivant.

Nous ne quitterons pas Indianola sans passer par le Club Ebony que B.B. King avait acheté sur le tard pour qu’il ne tombe pas dans un abandon qui lui aurait été fatal et par le B.B. King Park où trône sa statue devant laquelle Evan se prosternera avec certes une pointe d’humour mais aussi et surtout avec beaucoup de respect. On sent l’amour du Blues dans les mots et dans les attitudes de ce jeune homme à peine majeur et si ce voyage en Terre de Blues a été pour lui une opportunité d’avenir, il a été également pour tous ceux qui l’ont côtoyé une véritable leçon de vie.

La suite de la journée se passera une fois encore du côté des cimetières avec des visites hommages à deux grands noms du blues, Charley Patton à Holly Ridge et Robert Johnson à Greenwood, la seconde tombe offrant à Evan et à Luc l’opportunité de nous proposer une version de « Crossroads Blues » en format unplugged et avec l’émotion en plus. Quoi de mieux pour confirmer ce bon feeling sur les bords de la Yazoo River qu’un bon repas typique au Crystal Grill, le seul restaurant de la région où l’on vous sert des huitres dans leur jus et des cuisses de grenouilles ?

Difficile de redescendre sur terre après tant de belles choses et après un nouvel arrêt au Highway 61 Blues Museum, sans Pat Thomas parti cette fois se produire au Blue Front Café de son ami Jimmy "Duck" Holmes, et une halte à Shaw pour découvrir le Marker de Honeyboy Edwards, nous rejoindrons Clarksdale pour une ultime soirée de concerts avant le retour vers Memphis.

Difficile de résister à l’invitation d’Anthony Geraci qui nous attend chez Hambone où il donne un show intimiste en solo avant d’inviter quelques musiciens à le rejoindre sur la petite scène de ce qui, dans la journée, est une galerie d’art. Ce sont donc Fiona Boyes puis Stan Street et enfin Evan qui viendront prendre part non pas à une jam mais à un véritable échange de très belle qualité entre musiciens, le tout pour le plus grand plaisir d’une assistance qui savoure le moment comme il se doit. Les échanges de fin de soirée resteront personnels mais il en ressort de la part de ces grands bluesmen que notre jeune Toulousain est de taille à se produire avec les meilleurs, et ce n’est pas pour nous déplaire !

On gagne ensuite le Ground Zero où se produisent Big T. And The Family pour assister à un troisième set plein de surprises. Le guitariste et chanteur est bien entouré puisque outre le band où l’on reconnait Lee Williams et Heather Crosse, Big T. s’offre le featuring de Shirley King, la fille de B.B. King, et de Ike Turner Jr., le fils de la légende du même nom, et qu’il n’hésitera pas un seul instant à inviter Evan en plein milieu d’un morceau pour lui laisser le soin de faire le solo ! La réaction de l’assistance ne se fait pas attendre et c’est une véritable ovation qui saluera le jeune prodige avant que le club ne se prépare à fermer ses portes …

C’en est définitivement fini de notre passage à Clarksdale et après une dernière nuit dans un motel du bord de la Highway 61, il faudra se préparer à remonter demain à l’aube vers la grande ville …   

Dimanche 16 juin :

Nous quittons Clarksdale de bonne heure pour rejoindre Memphis où nous avons prévu de nous rendre à la messe de la Peace Baptist Church du Reverend Nathaniel Cooper et nous y sommes bien accueillis, comme toujours, d’autant que par correction nous avons prévenu il y a quelques jours de notre visite. On retrouve encore et toujours les mêmes personnes parmi les fidèles et comme à leur habitude, les pasteurs nous invitent à prendre la parole pour nous présenter et à prendre les instruments pour apporter une touche de blues à leur gospel. C’est donc Evan qui s’y collera avec un blues en La sur lequel il glissera quelques beaux phrasés à la manière de B.B. King. Les ouailles n’en reviennent pas et quand bien même on ne peut plus leur apprendre grand-chose en termes de blues, ils sauront reconnaitre le talent d’un jeune homme qu’ils féliciteront copieusement à la sortie de l’office.

Après la nourriture de l’âme, il est temps de penser à celle des corps et nous prendrons la direction du Four Ways pour y prendre une bonne ration de soul food … Malheureusement l’établissement est fermé pour la semaine en raison du décès de Jo Ellen Bates, la propriétaire des lieux, et en désespoir de cause nous nous rabattrons sur un des autres grands lieux de la gastronomie local, Central BBQ, à deux pas du Motel Lorraine. Le temps de déguster des ribs ou simplement une salade et nous serons déjà attirés par la suite des attractions de Memphis !

Lieu incontournable des amateurs de blues et de rock, le Sun Studio est toujours aussi accueillant avec son café accueil et bien entendu avec l’exposition qui retrace l’histoire des Memphis Recording Studios qui ont vu tant et tant de grands noms immortaliser leur musique. Clou de l’attraction, le studio en lui-même avec la fameuse photo du Million Dollar Quartet et l’emplacement où Elvis Presley était installé qui est aujourd’hui matérialisé par une croix au sol …

Le temps de la photo souvenir et nous partirons bientôt faire un tour sur les bords du Mississippi où la chaleur insoutenable est quelque peu estompée par une légère brise fort bienvenue. Encore un tour dans la ville pour se rendre compte que l’usine Gibson est définitivement partie pour Nashville et il sera temps d’aller prendre un peu de repos en attendant une soirée que l’on espère une fois encore très blues.

 Après le diner au Blues City Café, on retrouve le club du même nom où se produit un groupe de reprises, Freeworld, qui va nous servir des relectures soignées et puissantes de standards comme « I Feel Good », « Green Onions » et quelques autres encore qui profiteront à merveille de plusieurs voix complémentaires et d’une section de cuivres qui ne s’en laisse pas conter. L’ambiance est énorme et la soirée trainera tranquillement vers les douze coups de minuit, quand bien même la fatigue de la journée et plus globalement de la semaine commence à se faire sentir …

Lundi 17 juin :
 
Après un phoner avec La Dépêche du Midi dès le lever, nous prenons un peu de temps pour nous détendre avant d’aller faire un tour dans un magasin d’instruments, Martin Music, sur Poplar Avenue, dans lequel Evan nous fera quelques démonstrations de blues et de ragtime, notamment avec un superbe résonateur qui semblait bien à son goût … Le patron, fort sympathique, nous donnera ensuite des renseignements sur des guitares de luthiers américains et c’est la tête pleine d’images que nous repartirons vers le centre de Memphis. 

Les activités continuent maintenant avec ce qui sera encore un grand moment puisque c’est à la Blues Foundation que nous allons pour rendre visite à Barbara Newman et pour profiter dans le détail du superbe Blues Hall Of Fame qui a vu le jour il y a quelques années. L’endroit est accueillant, toujours aussi bien documenté, et c’est en écoutant les commentaires avisés et émerveillés d’Evan, qui malgré son jeune âge en connait déjà des quantités incroyables sur le blues en général et sur les bluesmen en particulier, que nous finissons cette matinée par un moment de pur bonheur.

Difficile de se poser pour déjeuner, entre le Four Way et le Cozy Corner qui sont fermés, le Blue Monkey qui n’accepte pas les jeunes de moins de 21 ans et Gus Fried Chicken qui affiche une file d’attente des plus conséquentes, c’est vers Arcade Restaurant que nous finirons par trouver un siège accueillant en face de la table où Elvis Presley s’asseyait jadis … Encore un détour obligé par Shangri La Records sur Madison pour faire le plein de vinyles et par le Motel Lorraine pour y retrouver les souvenirs liés à Martin Luther King et il sera bientôt temps de partir vers l’hôtel pour préparer les bagages en vue du retour avant d’aller goûter à un ultime dîner sur Beale Street.

Ainsi se terminera cette première découverte de l’Amérique du Blues pour un jeune artiste qui force le respect, non seulement par son talent et par sa culture mais aussi par sa gentillesse, son attention et sa disponibilité … Sans préjuger de l’avenir, on peut déjà être certain que l’on reverra Evan à un bel échelon professionnel dans les années à venir et si avec Pinetop Perkins Blues Foundation, l’European Blues Union, France Blues et Toulouse Blues Society nous avons pu contribuer au développement de sa future carrière, ce sera sans doute notre plus belle récompense !

Fred Delforge – juin 2019