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PINETOP PERKINS FOUNDATION WORKSHOP à CLARKSDALE (USA)
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Ecrit par Fred Delforge |
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mardi, 18 juin 2019
pinetop perkins workshop
PINETOP
PERKINS FOUNDATION WORKSHOP
SHACK UP INN –
CLARKSDALE (MISSISSIPPI)
Du 10 au 18 juin 2019
https://pinetopperkinsfoundation.org/workshop
Accompagner un jeune musicien de 18 ans pour son premier voyage
transatlantique est une chose, lui proposer de participer à
un atelier musical de quatre jours dans le berceau du blues en est un
autre, alors autant dire que c’est un
événement important dans la vie du jeune Evan
Guenebault que nous allons partager durant cette seconde
décade de juin …
Lundi 10 juin 2019 :
Tout commence à Toulouse sur les coups de 4 heures du matin
quand nous nous retrouvons le 10 juin pour le départ. Trois
vols au programme et une certaine anxiété qui
nait lorsque l’on décolle … La
première étape sera Amsterdam avec une
sécurité accrue et un second vol qui prend une
heure de retard. L’escale d’Atlanta donnera elle
aussi son lot de frayeurs avec un passage en douane interminable et un
risque accru de louper le vol pour Memphis ! Par chance il est
retardé de vingt minutes et nous l’attrapons de
justesse pour enfin débarquer vers 16 heures dans la
Capitale du Blues, le Berceau du Rock’n’roll
…
Le décalage de sept heures pique un peu mais
après un rapide tour de ville pour faire le plein de
sensations et une douche salvatrice, direction Beale Street pour la
première découverte. Le blues est partout, sur
les murs, dans les clubs, dans les restaurants … Nous
retrouvons Jay Sieleman, l’ancien directeur de la Blues
Foundation, et les langues se délient, on passe en revue
l’histoire de cette musique qui nous rassemble, on
évoque la ville, les amis communs, les jours à
venir … Dans le Blues City Café, on entend un bon
gros boogie qui dépote ! Le temps d’arriver le
concert se termine mais il y aura de la musique ailleurs, au Blues
Hall, au B.B. King Blues Club … Ça joue grave et
tout le monde est déjà sur son petit nuage. Il
est déjà 22 heures, 5 heures du matin en France,
et nous partons remettre un peu de sommeil dans nos machines humaines
quelque peu mises à mal après tant
d’émotions et plus de huit milliers de
kilomètres parcourus …
Mardi 11 juin :
On charge la voiture et c’est du côté
d’Arcade Restaurant, le plus ancien établissement
de Memphis où Elvis Presley avait ses habitudes, que
l’on retrouve Jay Sieleman pour un breakfast qui
n’en finit plus d’arriver ! Une fois les
victuailles avalées, nous prenons congé de notre
hôte jusqu’à la fin de la semaine et
nous fonçons vers Stax Museum où nous retrouvons
Tim Sampson, le responsable de la communication. Sur la route, tout le
monde en a pris plein les yeux mais en arrivant dans cette Mecque de la
Soul, l’émotion est palpable … La
visite n’en sera pas moins prenante avec un jeune homme qui
savoure chaque image, chaque objet, et surtout qui semble
déjà en connaitre beaucoup sur cette culture
afro-américaine qu’on lui propose de
développer.
Un petit détour par la maison natale d’Aretha
Franklin puis par celle de Booker T. Jones et nous tenterons notre
chance à Royal Studio. Pas de chance, Boo Mitchell est en
session et nous ne pourrons pas le rencontrer ce midi, on remettra
ça à la fin de la semaine avec probablement plus
de chance … Bye Bye Tennessee, nous prenons la route en
direction du Mississippi avec comme première
étape le panneau sur la Highway 61 qui annonce
l’entrée dans cet Etat culte pour tout amateur de
blues. Là encore le choc est important, mais ce
n’est rien comparé à celui de la
découverte de la tombe de Memphis Minnie à Walls
!
On arrive maintenant à Tunica où nous faisons une
halte à la Gateway To The Blues pour y rencontrer les
responsables régionaux du tourisme et pour y visiter le
superbe musée rempli d’informations passionnantes
et d’objets de toute beauté. Là encore
Evan engrange les souvenirs, les anecdotes, et on se plait à
voir ses grand yeux émerveillés. Il
repère les guitares à 20 mètres, se
régale des Fender, Guild, Gibson et autres Silvertone ayant
appartenues à Freddie King, Albert King, Eric Clapton,
Robert Johnson ou encore Johns Estes …
Le temps presse et après un déjeuner tardif au
fameux Hollywood Café, un juke joint historique, nous
fonçons vers Clarksdale où l’on nous
attend au Shack Up Inn pour le Pinetop Perkins Foundation Workshop. On
tombe nez à nez avec Bob Stroger à la
réception, on installe Evan dans la Rich House où
il cohabitera avec quelques jeunes parmi lesquels un guitariste anglais
lui aussi envoyé par l’European Blues Union et on
rejoint déjà le Hopson Commissary où
se déroulera la première soirée. Pat
Morgan présente le staff et les instructeurs parmi lesquels
on reconnait Bob Margolin, Bob Stroger, Anthony Geraci, Fiona Boyes,
Phil Wiggins, Heather Crosse, Lee Williams … Que du beau
monde !
Le temps de diner autour du BBQ proposé par la fondation et
ce sera la fameuse jam inaugurale qui nous tendra les bras, avec des
participants de différents niveaux mais aussi et surtout
avec un final d’anthologie durant lequel Evan
s’offrira quatre morceaux avec à ses
côtés quelques pointures ! Un grand moment pour
lui qui ne va pas tarder à rejoindre la Rich House en
attendant le grand début du stage annoncé pour le
lendemain à 10 heures. C’est la tête
pleine d’images que nous l’imiterons nous aussi
…
Mercredi 12 juin :
Le réveil au Shack Up Inn est toujours un moment empreint
d’émotion et c’est la tête un
peu comme dans un rêve que l’on
redécouvre toutes ces cabanes qui ont chacune une histoire
liée au blues … Le bois se mélange
avec le métal, l’herbe recouvre la terre,
habituellement boueuse dès qu’il y a une goutte de
pluie … La chaleur se fait vite étouffante en
cette fin de printemps et la température dépasse
sans forcer la trentaine de degrés ! On pense
forcément à tous ces esclaves qui ont
trimé dans les champs de coton voisins et leur souffrance
rend le paysage encore plus fort, encore plus prenant …
C’est une évidence, Clarksdale transpire le blues,
Clarksdale est Le Blues !
Evan va vivre aujourd’hui sa première master class
de guitare avec Bob Margolin et pour ne pas perturber les cours, nous
décidons de ne pas y assister, quand bien même
nous avons eu l’autorisation expresse d’aller
là où bon nous semble. Nous le laissons donc
vaquer à ses occupations, avec un petit pincement au
cœur, un peu comme les parents qui déposent leurs
enfants à la maternelle pour la première fois. De
son côté l’excitation est à
son comble et il est bien décidé à
emmagasiner tout ce qui lui passera à portée de
manche, de micro ou de bottleneck. Si ce n’est pas le
rôle de sa vie, il y a fort à parier que cette
expérience lui apportera le petit supplément
nécessaire au développement optimal de ses
projets professionnels !
Nous partons pour notre part faire un grand tour dans Clarksdale avec
le tour des classiques que sont Ground Zero, Blues Alley, Cat Head,
Delta Blues Museum, Riverside Motel, le Crossroads et tant
d’autres encore. La surprise est de taille pour Luc et
Yannick qui découvrent la ville et on sent dans leurs yeux
une sorte de coup de cœur qui fait comprendre
qu’ils viennent de tomber amoureux de cet endroit aussi
étrange qu’attachant. Nous approfondirons plus
tard notre découverte des lieux car pour le moment, il nous
faut revenir au Hopson Commissary où l’on nous
attend pour faire la photo de la promotion 2019 du Pinetop Perkins
Foundation Workshop. On retrouve Evan qui est sur un petit nuage
puisque Bob Margolin vient de le féliciter et de le
remercier de lui avoir donné une nouvelle source
d’inspiration … L’émotion est
palpable
!
Les photos terminées, nous repartirons nous restaurer du
côté de chez Abe’s BBQ, un classique, et
nous déciderons de dédier
l’après-midi aux harmonicas puisque Luc est un
pratiquant assidu de l’instrument et que nous
apprécions tous les grands harmonicistes. Nous gagnerons
donc Tutwiller où repose Alec "Rice" Miller, plus connu
connu sous le nom de Sonny Boy Williamson II, puis Glendora
où il a vu le jour, non sans avoir fait quelques
arrêts au passage près des markers de la
Mississippi Blues Trail dédiés à W.C.
Handy ou à John Lee Hooker. Et comme l’harmonica
ne vaut vraiment que s’il est (bien) joué, nous
nous offrirons un long moment en compagnie de Deak Harp, musicien
émérite mais aussi luthier spécialiste
dans la customisation des Marine Band. Un incroyable moment durant
lequel le bluesman jouera pour nous et échangera sur son
travail et sur sa passion pour le blues …
On retrouvera enfin Evan qui finira de nous raconter sa
journée et de nous parler de toutes ses
découvertes, de ses rencontres et de ses amitiés
naissantes avant de rejoindre la jam du soir dans le Hopson Commissary,
jam où il apparaîtra une fois encore en fin de
soirée mais encore et toujours en band leader avec
à ses côtés un certain Phil Wiggins
venu tenir l’harmonica sur une reprise d’Otis Rush
! Encore un énorme moment qui lui vaudra de multiples
félicitations, d’autant plus que les organisateurs
ont eu la bonne idée de former des équipes de
niveau homogène pour les jams et que les deux morceaux
interprétés par celle du jeune
Français ont connu un franc succès ! Si Evan
n’est pas encore devenu la star du workshop, il suscite
déjà l’intérêt des
professeurs et des résidents qui lui réservent
nombre d’attentions particulières comme celle de
l’emmener manger avec eux … Un signe qui ne trompe
pas !
La journée ayant une fois encore été
intense, nous ne tarderons pas à aller rejoindre
Morphée dont les bras n’auront jamais
été aussi accueillants … Demain sera
un autre jour !
Jeudi 13 juin :
Nous décidons une nouvelle fois de laisser à Evan
l’intimité nécessaire au bon
déroulement de son stage et nous profitons de cette belle
journée pour partir à la découverte du
Delta avec quelques temps forts comme un premier arrêt
à Alligator où nous arrivons un peu avant
l’ouverture du Welcome Center / Epicerie, ou encore un
passage obligé par le Po’ Monkey’s dont
l’état de délabrement est de plus en
plus marquant depuis le décès de Willie Seaberry
le 14 juillet 2016. Juke joint mythique de Merigold, le Po’
Monkey’s fait peine à voir avec sa
façade éventrée et ses
décorations disparues et on attend toujours que les
âmes charitables qui avaient promis de faire revivre le lieu
s’exécutent avant que tout ce pan de
l’histoire du blues ne disparaisse à jamais !
On poursuit maintenant vers ce qui sera le moment fort de la
journée, la découverte du Highway 61 Museum
à Leland et la rencontre avec l’immuable et
inénarrable Pat Thomas que l’on trouve comme
à son habitude en train de jouer de la guitare dans le hall.
S’il peine un peu à se souvenir de notre
dernière visite, qui remonte il est vrai à un peu
plus de trois ans, Pat Thomas finira par se souvenir de notre passage
et ne manquera pas de le souligner en nous offrant ses
légendaires dominos et en nous abreuvant durant
près d’une heure de son jeu
dépouillé et de ses anecdotes croustillantes dans
lesquelles il évoque les bluesmen
célèbres, son père bien entendu, mais
aussi les femmes avec lesquelles les relations ont toujours
été délicates, la pauvreté
et la précarité des musiciens
n’étant pas à même de les
retenir.
Nous remonterons ensuite tranquillement vers Clarksdale, non sans
marquer un arrêt à Dockery Farms où les
travaux avancent bon train puisque le coton gin et la station-service
proposent désormais des vidéos expliquant
l’histoire des lieux. On regrette bien entendu que le
déblaiement autour des bâtiments
délabrés ait été quelque
peu expéditif et que la musique qui accompagnait la visite
ait disparu mais les quelques améliorations
apportées ces derniers mois viennent nous consoler un peu
des déceptions que nous avions eues lors de nos
dernières visites dans ce haut lieu du blues,
celui-là même où le genre aurait
peut-être vu le jour grâce à la
tolérance toute relative d’un
propriétaire un peu moins exigeant que ses condescendants
avec la main d’œuvre bon marché offerte
à l’époque par les populations noires
asservies.
La Highway 49 nous remontera bientôt jusqu’au Shack
Up Inn où nous profiterons un moment de
l’atmosphère si particulière des lieux
et où nous échangerons un peu avec Evan pour
mieux saisir son ressenti avant de profiter d’un superbe
jambalaya généreusement servi et
délicieusement accompagné de salades de black
eyed peas et de pommes de terre concoctées par Mike Black,
administrateur de la Pinetop Perkins Foundation ! La soul food
accompagne le blues dans un endroit unique en son genre …
Que demander de plus ?
Il est bientôt temps de rejoindre la jam durant laquelle nous
aurons droit à des prestations proposées par des
formations très jeunes, par les professeurs
eux-mêmes ou encore par un groupe presque
entièrement féminin emmené par Fiona
Boyes. Quelque peu à contre-emploi ce soir, Evan acceptera
de succéder à Bob Stroger, ce qui n’est
pas rien, de devenir band leader et de chanter un morceau sans sa
guitare, avec juste le texte affiché sur son
téléphone cellulaire. Un moment de bravoure qui
lui fera encore marquer quelques points et qui lui permettra
même d’être invité juste
après à faire le bœuf dans un club
mythique de la ville. Mais ça, c’est une autre
histoire …
Direction le repos du guerrier avant une ultime journée de
cours qui devrait se terminer en apothéose par un grand
concert … On en reparlera demain !
Vendredi 14 juin :
Les jeunes s’apprêtent à assister
à leur dernière journée de workshop et
toujours dans cette même démarche de les perturber
le moins possible, nous partons à la découverte
des hauts lieux du blues du Mississippi avec aujourd’hui un
grand tour du côté des Hills ! Le soleil est
omniprésent et nous accompagnera durant toute une
journée passée sur la route avec des
étapes majeures comme celle de Como, petite bourgade
sympathique avec ses trois markers de la Mississippi Blues Trail en
rang d’oignon sur Main Street, ses façades
à l’ancienne, son bureau de Poste vintage, son
antiques shop, ses restaurants qui vont du steak house au Thaï
food en passant par le Mexican restaurant, et même le
carillon de l’église qui se prend pour Big Ben
… L’endroit où il fait bon vivre, quand
bien même on regrettera que Sharon et David Dickerson ne
soient pas en ville aujourd’hui !
Les Hills, c’est aussi l’occasion d’aller
rendre hommage à de grands bluesmen disparus en allant se
recueillir sur leurs tombes … Nous irons ainsi saluer la
mémoire de Mississippi Fred McDowell puis celle de R.L.
Burnside qui repose dans un tout petit cimetière au milieu
des bois et aux côtés de sa famille. La
région est riche en sépultures mais afin de ne
pas sombrer dans la nécrophilie, nous décidons de
nous en tenir à ces deux bluesmen notoires et de poursuivre
notre route vers Oxford, la ville de William Faulkner !
Le temps pressant, on délaissera
l’Université du Mississippi et Rowan Oak, la
demeure de Faulkner, pour aller déjeuner à
l’excellent City Groceries, un des endroits les plus courus
de la ville où nous aurons l’honneur de croiser
une légende de la photographie, Dick Waterman, qui
déjeune en habitué des lieux puisque Oxford est
la ville où il réside. Un café et
l’achat de quelques livres plus tard au fameux Square Books
et nous repartirons déjà vers Clarksdale
où nous attendent Evan et ses professeurs pour une fin de
journée qui s’annonce plutôt intense !
C’est au très fameux Ground Zero Blues Club que
nous terminerons ces quatre jours de workshop avec un grand showcase
durant lequel une nouvelle fois les professeurs nous offrirons une
paire de blues à leur manière, le reste des cinq
heures de musique étant dévolu aux stagiaires
avec une nouvelle fois des niveaux hétéroclites.
La composition des groupes a été faite par tirage
au sort, ce qui permet à chaque fois à un band
leader de s’imposer et de porter la formation, une bonne
idée somme toute car cela forme les jeunes à
s’adapter à toutes les situations. Une fois encore
Evan s’attirera les félicitations de ses
professeurs, en particulier de Bob Margolin et Heather Crosse qui
l’invitera à la rejoindre sur scène le
lendemain, mais c’est surtout la réaction du
public à sa prestation qui sera intéressante car
cela prouve qu’il est fin prêt et bien
armé pour s’en aller séduire des
assistances, aussi habituées au blues soient elles. En cela
ce stage au Pinetop Perkins Foundation Workshop aura
été une nouvelle pour lui de
s’affirmer.
Il est minuit passé quand nous rejoignons nos shacks pour
une dernière fois, la journée de demain devrait
être marquante pour Evan qui aura l’occasion de
marcher dans les pas de ses idoles avant de rejouer au Ground Zero
entouré de véritables professionnels !
Samedi 15 juin :
Le temps de charger les valises et de saluer les amis au Shack Up Inn
et c’est le cœur un peu serré que nous
empruntons la Route 49 en direction d’Indianola où
un grand moment attend Evan qui nous rejoint puisque son stage est
terminé. L’arrivée au B.B. King Museum
est pleine d’intensité et
l’émotion nous gagne dès le parking
où les notes du King Of The Blues sont distillées
sans le moindre ménagement.
L’entrée dans le Gift Shop Lucille n’est
pas moins intense puisque nous y retrouvons Robert Terrell qui nous
accueille avec son amitié et avec sa légendaire
hospitalité. Le film de présentation, les
différents panneaux du musée et tous les
souvenirs de l’artiste seront autant de temps forts qui
finiront en apothéose devant la sépulture de ce
grand homme et de ce grand musicien qui a connu tous les honneurs de
son vivant.
Nous ne quitterons pas Indianola sans passer par le Club Ebony que B.B.
King avait acheté sur le tard pour qu’il ne tombe
pas dans un abandon qui lui aurait été fatal et
par le B.B. King Park où trône sa statue devant
laquelle Evan se prosternera avec certes une pointe d’humour
mais aussi et surtout avec beaucoup de respect. On sent
l’amour du Blues dans les mots et dans les attitudes de ce
jeune homme à peine majeur et si ce voyage en Terre de Blues
a été pour lui une opportunité
d’avenir, il a été également
pour tous ceux qui l’ont côtoyé une
véritable leçon de vie.
La suite de la journée se passera une fois encore du
côté des cimetières avec des visites
hommages à deux grands noms du blues, Charley Patton
à Holly Ridge et Robert Johnson à Greenwood, la
seconde tombe offrant à Evan et à Luc
l’opportunité de nous proposer une version de
« Crossroads Blues » en format unplugged et avec
l’émotion en plus. Quoi de mieux pour confirmer ce
bon feeling sur les bords de la Yazoo River qu’un bon repas
typique au Crystal Grill, le seul restaurant de la région
où l’on vous sert des huitres dans leur jus et des
cuisses de grenouilles ?
Difficile de redescendre sur terre après tant de belles
choses et après un nouvel arrêt au Highway 61
Blues Museum, sans Pat Thomas parti cette fois se produire au Blue
Front Café de son ami Jimmy "Duck" Holmes, et une halte
à Shaw pour découvrir le Marker de Honeyboy
Edwards, nous rejoindrons Clarksdale pour une ultime soirée
de concerts avant le retour vers Memphis.
Difficile de résister à l’invitation
d’Anthony Geraci qui nous attend chez Hambone où
il donne un show intimiste en solo avant d’inviter quelques
musiciens à le rejoindre sur la petite scène de
ce qui, dans la journée, est une galerie d’art. Ce
sont donc Fiona Boyes puis Stan Street et enfin Evan qui viendront
prendre part non pas à une jam mais à un
véritable échange de très belle
qualité entre musiciens, le tout pour le plus grand plaisir
d’une assistance qui savoure le moment comme il se doit. Les
échanges de fin de soirée resteront personnels
mais il en ressort de la part de ces grands bluesmen que notre jeune
Toulousain est de taille à se produire avec les meilleurs,
et ce n’est pas pour nous déplaire !
On gagne ensuite le Ground Zero où se produisent Big T. And
The Family pour assister à un troisième set plein
de surprises. Le guitariste et chanteur est bien entouré
puisque outre le band où l’on reconnait Lee
Williams et Heather Crosse, Big T. s’offre le featuring de
Shirley King, la fille de B.B. King, et de Ike Turner Jr., le fils de
la légende du même nom, et qu’il
n’hésitera pas un seul instant à
inviter Evan en plein milieu d’un morceau pour lui laisser le
soin de faire le solo ! La réaction de
l’assistance ne se fait pas attendre et c’est une
véritable ovation qui saluera le jeune prodige avant que le
club ne se prépare à fermer ses portes
…
C’en est définitivement fini de notre passage
à Clarksdale et après une dernière
nuit dans un motel du bord de la Highway 61, il faudra se
préparer à remonter demain à
l’aube vers la grande ville
…
Dimanche 16 juin :
Nous quittons Clarksdale de bonne heure pour rejoindre Memphis
où nous avons prévu de nous rendre à
la messe de la Peace Baptist Church du Reverend Nathaniel Cooper et
nous y sommes bien accueillis, comme toujours, d’autant que
par correction nous avons prévenu il y a quelques jours de
notre visite. On retrouve encore et toujours les mêmes
personnes parmi les fidèles et comme à leur
habitude, les pasteurs nous invitent à prendre la parole
pour nous présenter et à prendre les instruments
pour apporter une touche de blues à leur gospel.
C’est donc Evan qui s’y collera avec un blues en La
sur lequel il glissera quelques beaux phrasés à
la manière de B.B. King. Les ouailles n’en
reviennent pas et quand bien même on ne peut plus leur
apprendre grand-chose en termes de blues, ils sauront reconnaitre le
talent d’un jeune homme qu’ils
féliciteront copieusement à la sortie de
l’office.
Après la nourriture de l’âme, il est
temps de penser à celle des corps et nous prendrons la
direction du Four Ways pour y prendre une bonne ration de soul food
… Malheureusement l’établissement est
fermé pour la semaine en raison du
décès de Jo Ellen Bates, la
propriétaire des lieux, et en désespoir de cause
nous nous rabattrons sur un des autres grands lieux de la gastronomie
local, Central BBQ, à deux pas du Motel Lorraine. Le temps
de déguster des ribs ou simplement une salade et nous serons
déjà attirés par la suite des
attractions de Memphis !
Lieu incontournable des amateurs de blues et de rock, le Sun Studio est
toujours aussi accueillant avec son café accueil et bien
entendu avec l’exposition qui retrace l’histoire
des Memphis Recording Studios qui ont vu tant et tant de grands noms
immortaliser leur musique. Clou de l’attraction, le studio en
lui-même avec la fameuse photo du Million Dollar Quartet et
l’emplacement où Elvis Presley était
installé qui est aujourd’hui
matérialisé par une croix au sol …
Le temps de la photo souvenir et nous partirons bientôt faire
un tour sur les bords du Mississippi où la chaleur
insoutenable est quelque peu estompée par une
légère brise fort bienvenue. Encore un tour dans
la ville pour se rendre compte que l’usine Gibson est
définitivement partie pour Nashville et il sera temps
d’aller prendre un peu de repos en attendant une
soirée que l’on espère une fois encore
très blues.
Après le diner au Blues City Café, on
retrouve le club du même nom où se produit un
groupe de reprises, Freeworld, qui va nous servir des relectures
soignées et puissantes de standards comme « I Feel
Good », « Green Onions » et quelques
autres encore qui profiteront à merveille de plusieurs voix
complémentaires et d’une section de cuivres qui ne
s’en laisse pas conter. L’ambiance est
énorme et la soirée trainera tranquillement vers
les douze coups de minuit, quand bien même la fatigue de la
journée et plus globalement de la semaine commence
à se faire sentir …
Lundi 17 juin :
Après un phoner avec La Dépêche du Midi
dès le lever, nous prenons un peu de temps pour nous
détendre avant d’aller faire un tour dans un
magasin d’instruments, Martin Music, sur Poplar Avenue, dans
lequel Evan nous fera quelques démonstrations de blues et de
ragtime, notamment avec un superbe résonateur qui semblait
bien à son goût … Le patron, fort
sympathique, nous donnera ensuite des renseignements sur des guitares
de luthiers américains et c’est la tête
pleine d’images que nous repartirons vers le centre de
Memphis.
Les activités continuent maintenant avec ce qui sera encore
un grand moment puisque c’est à la Blues
Foundation que nous allons pour rendre visite à Barbara
Newman et pour profiter dans le détail du superbe Blues Hall
Of Fame qui a vu le jour il y a quelques années.
L’endroit est accueillant, toujours aussi bien
documenté, et c’est en écoutant les
commentaires avisés et émerveillés
d’Evan, qui malgré son jeune âge en
connait déjà des quantités incroyables
sur le blues en général et sur les bluesmen en
particulier, que nous finissons cette matinée par un moment
de pur bonheur.
Difficile de se poser pour déjeuner, entre le Four Way et le
Cozy Corner qui sont fermés, le Blue Monkey qui
n’accepte pas les jeunes de moins de 21 ans et Gus Fried
Chicken qui affiche une file d’attente des plus
conséquentes, c’est vers Arcade Restaurant que
nous finirons par trouver un siège accueillant en face de la
table où Elvis Presley s’asseyait jadis
… Encore un détour obligé par Shangri
La Records sur Madison pour faire le plein de vinyles et par le Motel
Lorraine pour y retrouver les souvenirs liés à
Martin Luther King et il sera bientôt temps de partir vers
l’hôtel pour préparer les bagages en vue
du retour avant d’aller goûter à un
ultime dîner sur Beale Street.
Ainsi se terminera cette première découverte de
l’Amérique du Blues pour un jeune artiste qui
force le respect, non seulement par son talent et par sa culture mais
aussi par sa gentillesse, son attention et sa disponibilité
… Sans préjuger de l’avenir, on peut
déjà être certain que l’on
reverra Evan à un bel échelon professionnel dans
les années à venir et si avec Pinetop Perkins
Blues Foundation, l’European Blues Union, France Blues et
Toulouse Blues Society nous avons pu contribuer au
développement de sa future carrière, ce sera sans
doute notre plus belle récompense !
Fred Delforge
– juin 2019
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