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BLUESFEST EUTIN (ALLEMAGNE)
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Ecrit par Fred Delforge |
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samedi, 18 mai 2019
Eutin 2019
BLUESFEST
EUTIN
MARKTPLATZ –
EUTIN (ALLEMAGNE)
Du 16 au 18 mai 2019
http://www.bluesfest-eutin.de
C’est avec toujours le même plaisir que
l’on prend la direction de cette ville paisible du
Schleswig-Holstein, chef-lieu de l’arrondissement du Kreis
Ostholstein, à seulement quelques dizaine de
kilomètres de la Baltique, non loin du Danemark …
Petit havre de paix, Eutin offre à ses dix-sept milliers
d’habitants quelques beaux événements
blues chaque année, et en particulier ce fameux Bluesfest
qui célèbre en 2019 sa trentième
édition ! Un nouveau record pour des organisateurs qui
mettent à chaque fois les petits plats dans les grands pour
accueillir nombre de formations européennes mais aussi
quelques belles pointures américaines. Ce n’est
pas un secret, ici on aime la musique depuis longtemps puisque Eutin
est la ville natale de Carl Maria Von Weber, musicien et cousin germain
de Constance Weber, la femme de Mozart.
Jeudi 16 mai 2019 :
C’est juste avant le dernier des trois concerts de la
journée que nous arrivons enfin sur la Marktplatz, la route
a été longue et les deux vols pour rejoindre
Amsterdam puis Hambourg ont connu chacun un gros retard, ce qui nous a
empêché d’assister aux prestations de
l’Américaine Lisa Mills et des Danois de The
Hoopleheads mais qui nous offre toutefois
l’opportunité de retrouver le Latvian Blues Band
que nous avions déjà pu apprécier
à Riga lors de l’European Blues Challenge en 2014
et à Frederikshavn lors du Blues Heaven Festival
où ils accompagnaient Duke Robillard la même
année. Les retrouvailles sont chaleureuses et ce groupe
phare de la scène blues et
rhythm’n’blues européenne va
s’en donner à cœur joie pour nous servir
un set de haute volée que le public, nombreux
malgré le froid et une pluie fine qui fait quelques
apparitions en alternance, va apprécier à sa
juste valeur. Emmené par un Janis Bukovskis des grands soirs
à la guitare et au chant, le Latvian Blues Band nous offrira
une prestation spontanée, réjouissante
très complète, ponctuée par de
superbes cuivres et agrémentée d’une
petite pointe de folie qui n’est pas pour nous
déplaire. Dire qu’on les apprécie
encore un peu plus chaque fois n’est pas surprenant !
Le temps de saluer tous les amis de la communauté blues
européenne réunis comme chaque année
pour ce grand moment de convivialité, qu’ils
soient locaux ou qu’ils viennent de Norvège, de
Pologne, de Lettonie, d’Espagne ou d’ailleurs, et
il faudra bientôt se résoudre à aller
prendre un peu de repos avant d’attaquer une seconde
journée de festival qui s’annonce prometteuse !
Vendredi 17 mai 2019 :
Oubliée la pluie d’hier soir, tout au moins pour
cet après-midi, c’est sous un beau soleil que
cette seconde journée de concerts démarre et
c’est une fois encore présentés par le
facétieux Ronnie que les groupes du jour vont se
succéder, à commencer par une formation que
l’on connait bien puisque les Polonais de Two Timer avaient
représenté leur pays à Memphis lors de
l’International Blues Challenge en 2015 avant de se produire
en France deux ans plus tard sur la scène du Buis Blues
Festival. Remontés à bloc, Piotr Gorzkowski et
consorts vont venir inonder la Marktplatz avec leur blues à
la fois sale et poussiéreux en mettant l’accent
sur le versant le plus électrique du genre et en lui
apportant des cachets venus des sixties et des seventies.
L’harmonica de Wojtek Rudzinski fait des
étincelles, la guitare d’Ernest Kalaczynski est
affûtée comme une tronçonneuse, la
rythmique s’en donne à cœur joie et
c’est sous les applaudissements nourris du public que le
groupe de Poznan nous servira une heure trente d’un blues
digne de la très haute couture ! La barre est
placée à une hauteur des plus impressionnantes et
les suivants auront à charge de la franchir à
leur tour …
C’est avec un peu de retard que l’on va pouvoir
assister à la prestation de l’excellent Richie
Arndt que nous avions croisé cet hiver à Memphis
mais aussi au début du printemps à Ponta Delgada,
lors qu’il se produisait pour la seconde fois à
l’European Blues Challenge sous les couleurs de
l’Allemagne, son premier passage remontant à 2011,
lors de la première édition à Berlin.
C’est donc un habitué de la scène
européenne que l’on retrouve avec beaucoup de
plaisir, d’autant qu’accompagné de son
nouveau band, il nous propose en trio une série de belles
pépites blues comme on les apprécie. Un jeu
subtil et racé, une voix qui tient carrément bien
la route et une véritable blues attitude, l’homme
à la Stratocaster usée par les longues heures de
pratique ne se fait pas prier pour nous sortir des riffs dont lui seul
a le secret, des lignes mélodiques à la fois
riches et intenses qui ne réinventent pas le genre mais qui
lui redonnent un peu de brillant et de saveur. Formidablement
emmené par Sascha Oeing à la basse et Peter
Weissbarth à la batterie, Richie Arndt n’aura pas
de mal à nous faire comprendre que si le blues tel
qu’on le connait est né aux Etats Unis, une grande
partie de son avenir se trouve aujourd’hui en Europe.
D’Amérique il sera pourtant question pour le
dernier show de la soirée qui sera assuré par
Jonathan "Boogie" Long, un artiste partagé entre le rock
sudiste et le blues de Chicago qui va venir nous en mettre plein les
yeux et plein les oreilles avec un look à la Lynyrd Skynyrd
et un son qui n’est pas en reste. Parfaitement soutenu par
une rythmique de folie emmenée par l’excellent
bassiste black Shedrick Nellon et par le batteur monté sur
ressorts Ray Carnegie, Jonathan Long peut en outre s’appuyer
sur le talent de l’organiste Chris Alexander qui parvient
à entretenir la pression sans en faire des tonnes. En
apnée sur la moitié de ses morceaux, le chanteur
et guitariste n’aura pas à rougir de quelques
pièces un peu plus calmes qui tombent à chaque
fois à point pour lui permettre de reprendre ses esprits.
Puissant sans pour autant être surdimensionné,
parfaitement capable de proposer un juste équilibre entre
vélocité, virtuosité et
musicalité, Jonathan "Boogie" Long va
littéralement nous mettre sur le cul ce soir avec un show en
tous points irréprochable, s’offrant
même le luxe d’inviter le chanteur et guitariste
Jeff Jensen pour quelques titres devant une foule plus que compacte.
Quand on sait qu’en prime le garçon est adorable
et plein d’humour hors de la scène, on ne peut que
féliciter l’organisation de nous avoir
proposé un tel moment de bonheur !
On délaissera une fois encore la jam de la Brauhaus pour
aller profiter d’un peu de repos en attendant une
troisième journée de festival qui pour nous sera
la dernière, le devoir nous rappelant au plus vite vers la
France ! Une fois encore, Bluesfest Eutin tient toutes ses promesses en
termes d’accueil et de programmation et ce n’est
pas pour nous déplaire …
Samedi 18 mai
2019 :
On retrouve la Marktplatz de bonne heure et sous le soleil pour une
nouvelle journée qui commence sous le signe des musiques de
Louisiane en général et du Zydeco en particulier.
Originaires d’Allemagne et des Pays Bas, les Bayou Alligators
vont s’attacher à réveiller une
assistance encore un peu timide qui ne tardera pourtant pas
à répondre à des morceaux qui sentent
bon le jambalaya, le catfish, les crawfishs et toute la bonne
nourriture bien relevée venue des marais de cette ancienne
province française où il fait encore et toujours
bon vivre. Emmenés par le chanteur et multi-instrumentiste
Frank "Eggi" Gator qui passe de l’harmonica au washboard et
des claviers à l’accordéon, le quartet
va faire tout son possible pour laisser le bon temps rouler et pour
installer un véritable dialogue entre l’assistance
et la scène, une complicité qui se
révèlera de plus en plus palpable au fil
d’un concert qui ne connaitra aucun temps mort. Le soleil a
lui aussi décidé de s’inviter
à la fête et tout est réuni pour que
cette troisième journée de Bluesfest se place
sous les meilleurs auspices, quand bien même on nous
prédit une petite averse en cours de journée. Une
petite demande d’indulgence à Marie Laveau devrait
suffire à nous éviter le grain, ce sera fait au
travers d’un joli clin d’œil à
Fats Domino avec « Walking To New Orleans » et
voilà finalement une affaire rondement menée qui
donnera directement le ton d’un début
d’après-midi dédié aux
musiques du Sud ! La suite n’en sera que meilleure
…
On reste en bonne compagnie avec les Danois de Fried Okra qui
étaient arrivés à la seconde place de
l’European Blues Challenge à Hell, en
Norvège, en mars 2018. Porteur d’un blues
alternatif très empreint de celui des Hills, la partie la
plus au Nord-Est du Mississippi, quelque part entre Como et Oxford, le
trio va nous offrir des couleurs qui ne sont pas sans rappeler un blues
rural empreint de modernisme, un peu à la manière
de celui de R.L. Burnside et de ses descendants. On se
régale ainsi d’une guitare formidablement
amplifiée avec un grain à la fois très
roots et très chaud et d’un chant quelque peu
allumé qui lorgne parfois plus ou moins ouvertement vers une
sorte de prog blues des plus intéressants. Entre la
complexité des guitares et la sobriété
d’un diddley bow, Fried Okra va nous promener dans un univers
aux limites du psychédélique qui finira de
plonger la Marktplatz dans une espèce de semi
léthargie qui colle bien à la chaleur qui
règne puisqu’en plus du soleil encore et toujours
présent, la température a cette
sérieusement remonté pour devenir tout
à fait printanière. En fermant les yeux, on
pourrait se croire assis quelque part sous le front porch
d’une maison coloniale en train
d’écouter une version très roots de
« John The Revelator », les effluves de saucisses
en plus … Voilà encore un grand moment qui
confirmera que les organisateurs ont une fois encore fait les bons
choix pour cette troisième journée !
L’European Blues Challenge 2018 était
décidément un bon cru puisque après
avoir accueilli les seconds, c’est au tour des vainqueurs de
se présenter sur la belle scène du Eutin
Bluesfest et quand bien même ils ne sont que quatre sur
scène, The Ragtime Rumours ne manquent pas
d’occuper la scène toute entière avec
non seulement une batterie imposante mais aussi avec un piano droit,
une contrebasse et même un saxophone. Véritables
bêtes de scène, Tom Janssen et consorts donnent
tous de la voix pour agrémenter les morceaux
qu’ils interprètent et c’est un
rag’n’roll des plus croustillants qu’ils
viennent servir à un public qui en redemande et qui
apprécie des versions modernes de morceaux anciens plus ou
moins connus. Tout le monde craquera forcément pour cette
version délurée et totalement
débridée de « I Wan'na Be Like You
» empruntée au « Livre de la Jungle
» et proposée dans une version bien plus
intéressante que celle trop proprette de Ben
l’Oncle Soul avec « Etre un homme comme vous
». Mélange à la fois trash et sexy pour
une musique qui flirte autant avec le luxe et la décadence,
le show débridé des Ragtime Rumours va nous
emmener du côté des vieux bastringues du Deep
South et nous accrocher solidement au comptoir pour nous faire
ingurgiter du rag jusqu’à plus soif. Et comme
à chaque fois quand la musique est bonne, quand bien
même elle est basique et quelque peu
dépouillée, le public est ravi et acclame ses
héros à l’unisson. Des groupes de ce
calibre, on en redemande !
Nous allons maintenant délaisser un peu les musiques du Sud
des USA pour nous embarquer dans un registre beaucoup plus rock avec
Sean Chambers, ancien sideman du grand Hubert Sumlin mais aussi
collaborateur de pointures comme Derek Trucks, Gregg Allman, Jeff
Healey, Bobby Bland, Walter Trout, Koko Taylor, Ike Turner, Robert
Cray, etc. et surtout disciple
invétéré des guitar heroes comme Jimi
Hendrix, Stevie Ray Vaughan et autres Luther Allison ou Rory Gallagher.
Dans une formation power trio avec à ses
côtés Simone Carbone à la basse et
Marco Fuliano à la batterie, le chanteur et guitariste ne va
pas retenir ses coups et nous envoyer sans la moindre
hésitation un concentré de rock, de blues et de
Texas blues, lui le natif de Floride qui n’hésite
pas une seconde à sortir de son terrain de jeu pour nous
emmener vers le meilleur d’un blues-rock que les puristes
taxeraient de sauvage s’il n’était
interprété avec un telle classe et avec un tel
talent. Guitariste émérite, même
s’il n’est pas le plus original de sa
génération, Sean Chambers ne manquera pas ce soir
de donner un plaisir malicieux à une assistance compacte et
attentive qui saura répondre avec tact et intelligence aux
invectives d’un artiste qui s’y connait quand il
est question de convaincre une foule ! Qui dans l'assistance
n’aura pas succombé à cet
énorme « Bullfrog Blues »,
à l'incroyable « Hey Joe » ou encore
à l'inénarrable mais dispensable «
Hideaway » servis l'un après l'autre vers la fin
du set ? Oubliés les Ragtime Rumours
qui ont pourtant donné un des meilleurs si ce
n’est le meilleur concert du week-end, l’heure est
au partage avec Sean Chambers et c’est très bien
ainsi, chacun se souviendra des bons moments dans quelques heures ou
dans quelques jours. Comme disait un gars un peu connu, «
It’s Only Rock’n’Roll …
» mais on aime ça !
C’est à regret que nous délaisserons la
fin de cette 30ème édition du Bluesfest Eutin
mais la raison nous recommande de rentrer au plus vite vers la France
où d’autres évènements nous
attendent dans les jours et les semaines à venir.
C’est sans oublier de remercier et de féliciter
nos hôtes pour leur hospitalité et pour la
qualité de leur programmation que nous les quitterons, non
sans se promettre de nous retrouver très vite, lors des
prochaines Hamburg Blues Nights fin octobre par exemple, ou encore
à Memphis en janvier 2020 ou même à
Zaandam pour le 10ème European Blues Challenge en avril
2020. Le blues a cela de fascinant que l’on finit toujours
par se retrouver autour de la même passion !
Fred Delforge
– mai 2020
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