vendredi, 01 novembre 2002 _Fidèle
à la tradition festivalière qui se veut un monde
de rencontre et de culture, Blues-sur-Seine s'offre cette année
une affiche très variée qui va de Liz Mc Comb à
Jean-Jacques Milteau, en passant par Benoit Blue Boy, Salif Keita,
Blues Cousins, Peter Nathanson … Une trentaine de bénévoles
se répartissent le travail. Onze mois et demi de travail
pour quinze jours de festival ! Telle est la montagne à
surmonter pour réussir à apporter le blues vers
un public pas spécialement habitué à cette
musique. Tous les centres de vie seront passés en revue,
que se soient les écoles, les foyers de jeunes travailleurs,
les hôpitaux, les maisons de retraite, les centres commerciaux,
les bars … Pas facile de passer entre les mailles du filet
! Blues-sur-Seine se veut incontournable et fait le maximum pour
arriver à ses fins. Retour sur les dix derniers jours de
concerts …
Bloosers / Benoit Blue Boy - La
Nacelle (Aubergenville) - 15 novembre
_C'est pour Zicazic
la véritable entrée en matière de ce festival.
Quelques 250 personnes sont disséminées dans les
gradins, feuilletant la presse locale mise à leur disposition
… L'ambiance est feutrée, presque trop pour être
réelle. Deux acteurs du Théâtre du Mantois
investissent la scène et entament la lecture de "
Sky ", la nouvelle qui a remporté le concours de l'année.
Nathalie Rose, son auteur, peut être satisfaite du résultat.
Un texte caustique qui fait référence à Bonvoisin
et à Nirvana mais aussi à Starsky et Hutch, Angus
Young ou Bruce Springsteen … Un humour qui emprunte à
Audiard, un ton juste, tous les ingrédients sont réunis
pour nous faire passer un bon moment. La salle écoute attentivement,
fait abstraction des quelques bafouillages et apprécie
!
_C'est aux Bloosers, les gagnants
du tremplin de l'année 2001, qu'échoira ensuite
la tâche de chauffer quelque peu le public. En 45 minutes,
ces amateurs qui affichent tout de même plus de dix ans
d'expérience, se chargeront de décoller les semelles
de l'assistance, de lui faire taper du pied et frapper des mains.
Entre blues et rock, d'influences autant sixties que seventies,
le sextet emmené par Rémi Parisse livrera un set
homogène et bon enfant. Le public adhère, c'est
indéniable. Les Bloosers rendent hommage à T-Bone
Walker sur leur rappel puis s'effacent et rejoignent tout le monde
dans les couloirs de La Nacelle pour une rencontre amicale et
quelques dédicaces.
_Je profite des quelques
minutes d'entracte pour m'entretenir avec Jean Guillermo, Président
bénévole du festival, qui me rappelle que Blues-sur-Seine
est un événement fait de bric et de broc, de bonnes
volontés, de 90% de partenaires et 10% de billetterie …
Pas facile de survivre dans de telles conditions, peu soutenu
par un Ministère de l'Inculture qui considère que
si le blues n'est pas dangereux pour la survie de la République,
ce n'est pas non plus une musique porteuse ! Pendant ce temps,
Blues Cousins et Red House font un tabac à la Salle Municipale
de Limay, Amar Sundy et Bluesy Train sont à Soisy-Sous-Montmorency
… On regrette l'absence des foules parisiennes qui rechignent
à venir en banlieue, peut-être par peur de voir leurs
voitures brûler … Pourtant, la surveillance est efficace
et prévient même dans la salle les personnes qui
ont oublié d'éteindre leurs phares. Comment 40 groupes,
plus de 80 manifestations sur deux semaines et une organisation
irréprochable peuvent ils laisser les foules de glace à
ce point ? La solution ne nous appartient pas …
_Retour dans la salle. Il est 22
heures 15 quand les sept Tortilleurs qui accompagnent Benoit Blue
Boy commencent leur spectacle. Les puristes reconnaissent les
cuivres des West Side Horns, qui officiaient sur le dernier album
du plus américain des Parisiens. Deux longs instrumentaux
et une bonne dose de surréalisme plus tard, le maître
de cérémonie apparaît enfin dans une chemise
rouge, vert et or, arborant une inénarrable marmarotte
dans le dos, sorte de vierge de Fatima rentrée in-extremis
par le dernier avion de Lisbonne … La magie opère,
le Blue Boy pose sa voix roots et son harmonica enchanteur sur
le son Fender, un tantinet vintage, de ses musiciens. Le show
s'égare entre ambiances cajuns, rythm'n'blues et jazz New
Orleans. Benoît plaisante, s'inquiète de l'état
d'esprit de son public, y puise son énergie et sort de
derrière les fagots une " Lucille " très
en verve ce soir. Une petite promenade dans les gradins, pour
rencontrer le public bien sur mais aussi pour le bousculer, le
mettre debout … On salue Zacharie Richard, on " laisse
le bon temps rouler ", et, une heure et demie de concert
après, Benoit Blue Boy regagne les loges. Retour de la
basse, suivie de l'harmonica … Les autres arrivent au coup
par coup et se greffent sur le boss pour un rappel mémorable.
Minuit n'est pas loin de sonner … A l'accueil, derrière
son comptoir, Aude semble bien fatiguée. Une semaine de
festival vient de s'écouler, on est à la moitié
de la manifestation et déjà l'épuisement
se fait sentir … La courtoisie reste pourtant de mise, l'apanage
des grands, une sorte de blues attitude en somme !
Sophie Kay & Little Victor
/ Nico Wayne Toussaint - Salle des Fêtes de Buchelay - 19
novembre
_Nouvelle étape sur le festival
Blues-sur-Seine, cette fois dans une salle des fêtes qui
affiche des allures de cour de récréation. Les enfants
de l'école primaire locale participent activement à
la soirée et les parents se sont déplacés
en nombre pour assister, entre autres, au spectacle de leur progéniture.
La petite salle sensée être intimiste est gorgée
ce soir des rires et autres éclats de voix de ces gosses
qui ont du mal à contenir leur impatience et c'est dans
une atmosphère de tohu-bohu que Sophie Kay et Little Victor
entrent en scène pour nous abreuver de leur blues teinté
du style Memphis des années 40.
_Sophie Kay nous fait l'honneur de
s'exprimer dans un français très clair et le set
démarre au son de l'harmonica de Little Victor. Très
cabot, le marin en chemise à fleurs prend la pose et nous
gratifie de quelques gimmicks très appréciés
du jeune public. Le spectacle reste malgré tout assez décousu,
en grande partie à cause des problèmes de retour
que rencontre Little Victor et de ses continuels déplacements
vers son ampli … Le brouhaha des enfants, qui se désintéressent
très rapidement de la prestation du trio, n'arrange pas
les choses. C'est pourtant très professionnellement que
Sophie Kay présente ses compositions et que le combo interprète
" Mais qu'est ce que j'ai donc fait " dans la langue
de Molière. Une heure de musique saine, franche et sincère
plus tard, on se quitte sur un furieux final de slide très
apprécié d'un public venu malgré tout en
dilettante …
_C'est au tour des
enfants de l'école primaire de se présenter à
nous, aux côtés de Greg Szlapczynski, génie
français de l'harmonica qui a partagé son savoir
avec eux pendant six heures consacrées à l'étude
de l'instrument. Deux titres sont présentés, dont
une composition créée spécialement pour l'occasion,
avant que les enfants ne quittent la scène sous les applaudissements
du public. Suit la classe de Gospel qui interprète trois
titres sous la direction d'Anouch Adjarian. Superbe prestation
sur " Il tient le monde entier dans ses mains " et "
Jazz Blues Be Bop Free " mais le clou de cette intervention
restera tout de même " Blues-sur-Seine ", morceau
poignant créé pour le festival il y a deux ou trois
ans. Nouvelle salve d'applaudissements … Les enfants sortent
de scène et les premiers déserteurs quittent la
salle … Il se fait tard, les parents ont choisi de préserver
le sommeil de leurs enfants malgré le jour de repos qui
s'annonce pour le lendemain. Ils ne savent pas ce qu'ils vont
rater !
_Tandis qu'on s'affaire sur scène,
je fais mon traditionnel tour dans la salle, saluant au passage
Greg Szlapczynski, la belle Lisa Otey et quelques autres musiciens
venus en amis à la rencontre de Nico Wayne Toussaint. Du
haut de ses 29 ans, le Palois fait figure de numéro un
potentiel du blues français … Tombé dans la
marmite à l'age de 15 ans, Nico se lance dans l'harmonica
trois ans plus tard. Apôtre de la tolérance et du
respect d'autrui, il nous livrera un show pour le moins altruiste,
quittant souvent la scène pour mettre ses amis en valeur.
Une intro en forme de tour d'horizon de la soirée et c'est
parti pour le récital Toussaint. Deux Strats, une basse
cinq cordes tenue par Proctor Jay CW, un colosse Maori qui joue
avec des gants, la batterie de Fabrice Bessouat, le piano d'Eric-Jan
Overbeek et bien entendu l'harmonica magique de Nico Wayne Toussaint
donnent un petit côté chaleureux à un son
très correct en façade. Devant la scène,
deux gamines dansent … On vous dira ensuite que le blues
est une musique moribonde ! Si on reproche souvent à Nico
de ne pas être original et de pomper allègrement
le Chicago blues des fifties, il n'en reste pas moins que l'interprétation
énergique, voir même énergétique est
magistrale et que le résultat fait des émules !
Les titres se suivent, bien marqués et surtout bien présentés
par un Nico qui cite chaque fois ses influences ou les auteurs
des chansons qu'il interprète. Les guitaristes rivalisent
de génie et Rax Lacour va même chahuter les gosses
en coin de scène … L'ambiance feutrée des débuts
est tranquillement passée un ton au-dessus. Près
d'une heure s'est écoulée quand Eric-Jan Overbeek
entame un énorme boogie-woogie au piano. Sa chemise à
jabot brille dans la lumière, ses yeux lancent des flammes
et ses doigts kidnappent les touches. Toussaint quitte la scène
et vient profiter de l'instant aux côtés du public
… Magique ! On se croirait chez Disney, dans " Les Aristochats
", tant le rendu est irréel. Les guitares relancent
le piano, Mister Boogie Woogie ne s'en offusque pas et les renvoie
aux oubliettes en plongeant dans les aigus, s'aidant même
des pieds pour asseoir sa prestation. La salle ne s'y trompe pas
et Eric reçoit une standing ovation amplement méritée.
On pouvait alors penser que l'intensité allait retomber
… C'était sans compter sur les invités qui
allaient se succéder sur scène à commencer
par Philippe Ménard, guitariste gaucher à la Stratocaster
customisée dans le plus pur style Hendrix. Philippe a le
gros son, celui qui fait rêver toute une génération
de guitaristes … Suit Greg Szlapczynski qui vient livrer
un amical duel d'harmonica à Nico avec BB King pour seul
témoin. Et puis encore Lisa Otey, un peu embrumée
par le voyage, qui apporte sa voix sensuelle à l'ensemble.
Dans un coin de la salle, Nico Wayne Toussaint, bouche bée
et les yeux embués, n'en rate pas une bouchée. Overbeek
renchérit, recommence son big boogie festival, mais à
quatre mains cette fois, debout aux côtés de Lisa.
Instant magique, indélébile ! Séquence émotion
aurait dit Nicolas Hulot … Impossible d'en finir comme ça
et les deux pianistes terminent à genoux devant l'instrument.
Enorme ! Rax Lacour fera encore une petite démonstration
de slide avant de donner congé au public … Mais on
ne nous la fait pas comme ça et tout le monde revient très
vite pour un ultime morceau, devant une salle debout. La veste
de Nico est trempée, il monte sur une chaise, imité
par Rax qui a gardé son bottleneck … Deux heures se
sont écoulées. Deux heures de magie, deux heures
qui resteront à jamais marquées dans la mémoire
de la petite centaine de spectateurs qui ont fait l'effort de
rester au concert …
_Un bref salut à un Jean Guillermo
épanoui, intérieurement satisfait d'avoir joué
un bon tour à un public pas forcément acquis à
la cause du blues. Une poignée de main à Philippe
Ménard, une dernière bise à Lisa Otey …
On se congratule et on se donne rendez-vous demain. La nuit sera
brève …
Chicago Blues Festival - Salle
des Fêtes de Mézières - 20 novembre
_Déjà
programmé l'an dernier, le Chicago Blues Festival avait
été contraint de déclarer forfait à
la dernière minute. Cette année, ils sont bien présents,
pour le bonheur des quelques 200 amateurs venus leur faire honneur.
La soirée aurait pu s'appeler " Hold-Up chez TF1 "
tant la concurrence du match France - Yougoslavie était
féroce. Point n'en faut, les amateurs de blues avaient
répondu présent au-delà des espoirs de l'organisateur
et c'est dans une superbe salle des fêtes que le spectacle
allait avoir lieu.
_Chicago Blues Festival
est un concept original qui regroupe divers musiciens se produisant
au gré de leur disponibilité. Une formation ouverte,
dans la plus pure tradition blues, qui se compose cette année
de la plantureuse Sandra Hall au chant, de James Armstrong et
Will Crosby à la guitare, du fabuleux Russel Jackson à
la basse et des non moins talentueux Kenny Wayne au piano et Stan
Hale à la batterie. Un splendide black band, une dream
team du blues …
_Le spectacle débute
autour de Hale, Crosby et Jackson. Au fond de la salle, la blues
family assiste, attentive, aux premiers ébats du trio.
On y croise sans aucune arrière pensée et en toute
discrétion le gotha du festival, à savoir entre
autres le Nico Wayne Toussaint Band au grand complet, Greg Szlapczynski,
Sophie Kay, Lisa Otey et tant d'autres … Ceux qui étaient
à Buchelay hier soir se prennent à rêver d'une
deuxième soirée de folie. Mais pour le moment, le
Chicago Blues Festival est en scène et distille un gros
blues rock sincère et efficace, dans le genre de celui
qui fait taper du pied. James Armstrong arrive bientôt,
chausse sa Stratocaster rouge vif et entre dans le bal. Les guitares
se complètent, la Gibson ES 335 de Crosby sonnant plus
chaud et donnant du relief à l'ensemble. C'est ensuite
au tour de Kenny Wayne de venir s'installer derrière son
clavier et apporter une touche jazzy à l'édifice.
Arrive enfin Sandra Hall, madone à la voix puissante et
à la stature incontournable. Elle capte le regard tout
autant que l'ouie dès son entrée en scène
et c'est sur fond de " Let the good time roll " que
se poursuit le concert. Will Crosby se fendra bien d'un solo de
guitare joué avec les dents pour reprendre le flambeau
mais c'est Sandra qui créera la surprise en invitant les
enfants présents à la rejoindre sur scène.
Une heure quinze plus tard, il est temps de satisfaire à
un moment de repos et de laisser place à ces mêmes
enfants, tous issus de l'école primaire de Mézières-sur-Seine
…
_Greg Szlapczynski et ses disciples
nous livreront un spectacle identique à celui de la veille
mais sensiblement plus abouti dans la façon de jouer. L'école
de gospel interprétera ensuite deux titres, le premier
en français, le second dans un anglais très phonétique.
La prestation est éminemment drôle et c'est sans
aucune moquerie que le public s'en amuse. Un très bon travail
de formation est à mettre au crédit des musiciens
qui ont initié ces enfants dont la moyenne d'âge
est de 8 ans.
_On retrouve bien vite le Chicago
Blues Festival pour la seconde partie de leur show. Le ton est
toujours tiré au plus juste. L'assistance reste concentrée,
presque religieusement. Nico Wayne Toussaint et ses musiciens
ont repris la route pour le Sud, nous faisant abandonner l'idée
qu'une jam monstrueuse pourrait avoir lieu ce soir … James
Armstrong fait son show, descend dans la salle et fait participer
quelques jeunes spectateurs à son jeu en les prenant sous
son aile pour les faire jouer avec lui. C'est ensuite Kenny Wayne
qui viendra se promener dans le public avec son mélodica,
plaçant au passage quelques gags sonores. Un bœuf
était attendu et il y en aura bien un ! Lisa Otey entre
en scène et entame un boogie-woogie effréné
aux côtés de Kenny Wayne, qui passe allègrement
de son clavier à son orgue selon l'air du temps. Cela restera
un des grands moments de la soirée. Sandra Hall invite
un spectateur à la rejoindre sur scène pour une
danse et profite de l'occasion pour lui placer un plan drague.
Ce dernier se prête au jeu pour le plus grand bonheur de
l'assistance. Quelques notes et un rappel plus tard, marqué
par des soli individuels et notamment par celui de Russel Jackson
qui slappe sa basse comme un dératé, et le Chicago
Blues Festival prendra congé de nous après un concert
d'une durée totale avoisinant les deux heures trente. De
l'avis des connaisseurs qui se retrouvent à la sortie,
la soirée a été bonne. Les néophytes
qui ont approfondi leur découverte du blues ce soir ont
le sentiment d'avoir bien fait de choisir Blues-sur-Seine pour
la soirée … Les irréductibles restés
chez eux devant leur téléviseur se satisferont d'une
victoire de la France par trois buts à rien contre la Yougoslavie.
Il en faut pour tout le monde mais ceux-là n'avaient pas
l'alternative magnétoscope pour la prestation du Chicago
Blues Festival … Tant pis pour eux car ce soir il faisait
chaud à la salle des fêtes de Mézières
!
Awek / BB & The Blue Shacks
- Salle des Fêtes de Rosny - 22 novembre
_Rosny-sur-Seine accueille ce soir
l'avant dernière soirée de Blues-sur-Seine et c'est
dans la superbe salle des fêtes de l'Espace Corot que nous
accueillent à cette occasion les bénévoles.
Dans l'entrée, on reconnaît une grande partie de
la communauté blues et notamment quelques directeurs de
festivals et la crème de la presse spécialisée
qui n'a pas voulu manquer un des rares passages en France de BB
& The Blue Shacks. Quelques 150 personnes prennent place dans
une salle qui présente malheureusement une très
grosse faute de goût. Derrière la scène, les
backdrops publicitaires des manufacturiers s'offrent au public
tandis que la grande bannière du festival se trouve malhabilement
installée sur le côté de la salle. Dommage
de ne pas avoir réussi à cohabiter, au moins pour
les photos sur lesquelles cette dernière n'apparaîtra
pas. Dommage surtout pour l'identité d'un festival qui
gagne à être connu …
_Après une brève présentation
de la soirée, Awek monte sur scène et envoie son
gros blues énergique à la face d'une assistance
qui a du mal à se réveiller. Bernard Sellam, guitariste
et chanteur, se lance dans d'énormes soli sur sa Telecaster.
Sa voix prend des intonations qui ne sont pas sans rappeler celles
du légendaire Bon Scott. Deux titres tirés du répertoire
d'Awek précèdent un " Ain't Gonna Do It "
qui aura le mérite de décoincer enfin un peu l'atmosphère.
Les Toulousains jouent fort, un peu trop pour un concert de blues,
et Bruno Guillet, le jeune directeur du festival, réduit
un peu le volume après avoir pris soin de prendre la température
de la sono. Sellam prend la pose pour les photographes, s'offre
quelques gimmicks et plaisante un peu. Un micro tombe ! "
Pas grave, on a l'habitude des catastrophes à Toulouse
maintenant … " place t'il au passage. Awek présente
ses albums, rappelle qu'on peut les aider à faire bouillir
la marmite en les achetant au fond de la salle et attaque "
Allons Bouger ", titre qui alterne Anglais et Français
et présente un agréable passage de slide guitar.
Encore quelques titres, dont " Brother Brother " issu
du dernier album en date, et Awek nous quitte après plus
d'une heure de concert et un bref rappel. Dans la salle, les connaisseurs
apprécient la maturité des compositions et la vitalité
des musiciens. La force d'un groupe qui s'est imposé à
grands coups de concerts et de travail !
_Ce sont les élèves
du CM2 de l'Ecole Justice de Rosny-sur-Seine que nous présentera
Greg Szlapczynski ce soir. Les habitués, amusés,
comparent les prestations des différents établissements
de la région … Rosny obtiendra certainement une place
de choix pour sa démonstration guillerette. On rappelle
à ce sujet que près de 600 enfants ont suivi les
cours et autres initiations et qu'ils sont à peu près
400 à restituer leurs leçons sur scène au
gré des diverses soirées. Greg, comme tous les musiciens
qui ont participé à Blues-sur-Seine, emmène
le blues vers le public. Une sorte d'alternative à Star
Academy que chacun propose à qui sait entend son message
…
_Place
à BB & The Blue Shacks, venus tout droit d'Allemagne
spécialement pour la soirée. Les frères Arlt
occupent le devant de la scène. Michael au chant et à
l'harmonica, Andreas à la guitare. Ce dernier affiche un
jeu très particulier et fait figure d'un Schumacher du
manche au volant de sa Ferrari ES335 … Le spectacle démarre
très fort. Les morceaux puisent leur inspiration tour à
tour dans les années 40 et 50, d'inspiration New Orleans
ou Chicago. Henning Hanerken maltraite sa contrebasse pour le
plus grand bonheur du son. Il en ressort un petit cachet vintage
qui agrémente à merveille les sonorités électriques
produites par le jeu incisif du guitariste qui attaque ses cordes
à grandes volées de médiator. Le résultat
ne se fait pas attendre, tous les enfants présents dans
la salle se rejoignent devant la scène et se mettent à
danser … Michael Arlt s'en réjouit, traverse le public
pour adresser un solo d'harmonica à la presse, massée
en fond de salle, puis va s'agenouiller au milieu d'un parterre
d'enfants médusés qui s'abreuvent tant de ses notes
que du moment qu'ils sont en train de vivre. Françoise
Descamps Crosnier, le premier magistrat de la ville s'en émeut.
Elle reçoit pour l'occasion les fruits de son implication
sans réserves dans l'organisation du festival … Contre
toute attente, le public se déride enfin. Pas de pogo général
bien évidemment, mais des gens qui applaudissent et qui
participent au spectacle. BB & The Blue Shacks interprète
" The T.Bone Boogie " et quitte la scène après
avoir remercié individuellement la quasi-totalité
de la communauté blues qui s'est déplacé,
présenté le groupe, Thomas Hornek, son pianiste
autrichien, le batteur Andreas Bock et Christian Ritzel, l'homme
de l'ombre qui se terre derrière sa console. Un rappel
nous livrera trois morceaux en pâture, dont une ballade
blues sur laquelle Michael Arlt fait des vocalises de crooner
dignes d'Elvis Presley et un titre dans un style fifties très
traditionnel. Le public quitte la salle, repu d'une heure quarante
d'un show millimétré mais néanmoins très
spontané et franchement efficace, dans la plus pure tradition
germanique …
_Impossible de quitter la salle sans
aller saluer les présidents de festivals présents
ce soir, dont Olivier Renault de Blues à gogo (Le Havre
en octobre), Laurent Macimba de Blues sur le Zinc (Beauvais en
mars) et Jean-Luc Mercier du Grésivaudan Blues Festival
(40 communes dans la vallée du Grésivaudan, entre
Grenoble et Chambéry, la quatrième semaine de juillet).
Un dernier salut aux confrères de la presse mainstream,
aux webmasters, aux bénévoles … Quelques photos
pour immortaliser les rencontres, les instants où toute
la " famille " se retrouve, et il est temps pour chacun
d'aller prendre quelque repos avant le final de demain soir …
Encore une belle soirée à inscrire sur les tablettes
du festival !
Lisa Otey (Master Class) - Bibliothèque
Georges Duhamel - Mantes la Jolie - 23 novembre
_Pour la deuxième
fois de la semaine, Lisa Otey se produit à la Bibliothèque
Georges Duhamel dans une conférence musicale. Le hall d'accueil,
dans lequel a lieu la manifestation, est garni d'un public très
varié. Toutes les confessions, toutes les origines, mais
aussi tous les ages sont représentées. C'est aussi
ça la diversité culturelle … Invitée
au hasard d'une, l'Attachée Culturelle de l'Ambassade des
Etats Unis a fait le déplacement depuis Paris pour passer
la journée sur le festival. Compte tenu de la proximité
de l'Hôtel de Ville, on était en droit d'espérer
une sortie des élus à sa rencontre … Pas le
moindre Secrétaire d'Etat, Député ou plus
simplement Maire n'aura pris le temps de venir ne serait-ce que
la saluer ! Françoise Descamps Crosnier, Maire de Rosny-sur-Seine,
qui a fait le déplacement en privé, est la seule
" officielle " de l'événement. Impliquée
directement dans les affaires culturelles de la CAMY et dans la
toute nouvelle association " Blues-sur-Seine ", c'est
tout naturellement qu'elle représentera la région
auprès de l'invitée de marque.
_Lisa Otey, que d'aucuns avaient
pu croiser incognito et en toute simplicité sur le marché
du matin, est installée sur une estrade avec pour seuls
apparats son clavier et un micro. A ses côtés, on
distingue Heather Hardy et son violon électrique, mais
aussi Hurricane Carla Brownlee. Majestueuse, Lisa Otey entame
la démonstration … L'auditoire réagit de suite
à son jeu limpide et à sa voix sensuelle, comme
captivé par les notes qui s'échappent des touches
noires et blanches de l'instrument. Chaque intermède est
ponctué d'une salve d'applaudissements. Tour à tour,
ce sont Carla, Heather ou Lisa qui donnent de la voix. Heather
Hardy, que l'on appelle généralement " Lil'
Mama ", connaît quelques problèmes de branchements
avec sa pédale whah-whah et c'est à grand renfort
de scotch qu'un technicien parvient à arranger le jack
récalcitrant.
_Lisa Otey marque une pause, pendant
laquelle on donne lecture de " Sky ", la nouvelle de
Nathalie Rose. La prestation est bien en deçà de
ce qu'il nous a été donné d'entendre jusqu'à
maintenant. L'intervenant s'assoit et lit son texte, le ponctue
de quelques effets gutturaux mais faillit sur le légendaire
" Boom Boom " et accroche régulièrement
sur les transitions … Dommage car le texte gagne à
être connu !
_Il est temps de retourner à
la musique et c'est avec plaisir que de nouveaux badauds viennent
rejoindre l'assemblée. Le temps avance trop vite et il
est bientôt temps de se quitter. Lisa multiplie les effets,
se montre généreuse et donne tout ce qu'elle a pour
convaincre le public. Kathleen vient rejoindre le trio pour placer
ses vocalises succulentes sur une musique non moins délicieuse.
Elle s'accompagne d'une fillette prise au hasard dans la salle.
La petite, pas vraiment inconnue de votre serviteur, est totalement
décontenancée et assiste médusée à
la fin du concert … Le Lisa Otey Band nous quitte, au grand
regret d'un public qui en aurait encore voulu, ne serait ce qu'un
peu. Il est temps d'aller se plier aux exigences de la balance
pour le concert de ce soir qui approche à grands pas …
Une chose est certaine, Lisa Otey a convaincu cet après-midi
et il ne serait pas surprenant de retrouver des gens ce soir à
la Salle Jacques Brel. Une affaire à suivre en quelque
sorte …
Lisa Otey / Jean-Jacques Milteau
- Salle Jacques Brel - Mantes la Ville - 23 novembre
[ Lire aussi l'interview de jean-jaques Milteau
]
_Pour la soirée
de clôture de cette quatrième édition de Blues-sur-Seine,
l'organisation se devait de mettre les petits plats dans les grands.
Une affiche monstrueuse, Lisa Otey, révélation du
Festival de Cognac, en ouverture et Jean-Jacques Milteau, parrain
de la première édition, en plat de résistance.
Pour l'occasion, le Maire intérimaire de Mantes-la-Jolie
s'est même déplacé. Arrivé de bonne
heure pour aller poser quelques questions à l'ami Milteau,
je me retrouve très rapidement aux cotés des confrères
bénévoles de Blues Magazine. Discussion débridée
entre personnes qui partagent la même passion de la musique,
la même volonté de donner le meilleur de soi même
… Le cocktail dressé par France Télécom
fait l'unanimité. On y entrevoit même la tête
d'affiche de la soirée en compagnie de Manu Galvin, son
fidèle ami et guitariste. Jean Guillermo pare aux dernières
anicroches qui sont légion en cette soirée de clôture
… La salle commence à se remplir calmement.
_C'est Greg Szlapczynski
qui ouvre la soirée en compagnie de ses élèves
de l'école des Brouets pour ses traditionnels morceaux
d'harmonica. Suivent les deux chants gospel des disciples d'Anouch
Adjarian … Le public apprécie le travail, comme chaque
soir.
_Il est prêt de 21 heures quand Lisa Otey se fige derrière
son clavier. Un salut amical au public et la chanteuse entame
son récital. Drapée d'un manteau mauve agrémenté
d'un col zébré, la diva entonne un gospel a capela.
Son visage angélique, sa voix de velours et sa prestance
scénique font le reste. Le public mantevillois succombe
instantanément à la dame de Tucson, Arizona. Heather
Hardy arrive bientôt, suivie un morceau plus tard par Hurricane
Carla Brownlee qui intronise un " Hard Working Woman "
tiré de l'album éponyme de Lisa Otey et dédié
amicalement à la gente féminine. Quelques interventions
individuelles prouvent que chacune des trois musiciennes à
un talent monstre. Il est temps de faire preuve d'énergie
et Lisa se lance dans un des big boogies dont elle a le secret.
Heather relance, l'ouragan Carla surenchérit … La
Salle Jacques Brel succombe ! Lil' Mama Hardy interprète
un de ses morceaux personnels, Mantes-la-Ville se réveille
… Plus qu'un concert, c'est une démonstration que
nous donnent les trois complices. Mais une démonstration
à l'échelle humaine, qui ne cherche pas à
écraser le public mais simplement à lui donner du
plaisir. Heather Hardy amuse la galerie en utilisant son violon
comme une guitare, Lisa envoie " Route 66 ", Kathleen
rejoint le groupe pour se livrer à quelques vocalises et
le Lisa Otey Band nous quitte après une heure vingt d'un
show qui ne devait initialement durer que cinquante minutes. La
salle, debout pour la fin du spectacle, est unanime : splendide
! Le résultat ne se fait pas attendre et le stand de merchandising
des trois américaines est littéralement pris d'assaut
par une foule en délire qui souhaite acquérir leurs
ouvrages. Le responsable de la sécurité, un peu
surpris de l'engouement subit pour les révélations
de la soirée, dépêche pour l'occasion trois
vigiles pour superviser la cérémonie des dédicaces
… Star system, quand tu nous tiens !
_Milteau ne va pas avoir une soirée
facile ! Même avec son aura, il sera difficile de faire
oublier cette première partie de soirée. Une intro
chaleureuse, du style " Merci d'être venus ",
et le maître de l'harmonica entre dans une partie délicate.
Benoît Sourisse à l'orgue Hammond, André Charlier
à la batterie, Manu Galvin à la guitare ! L'équipe
est prête à relever le défi. De défi
il ne sera en fait pas question. Milteau, en habitué des
scènes nationales et internationales qu'il est, se cantonne
à une prestation habituelle qui fait la part belle à
la bonne humeur et à la technique. Habitués à
donner le maximum soir après soir, l'harmoniciste et ses
complices ne laissent même pas entrevoir les séquelles
d'un décalage horaire qui les lamine au retour d'un long
périple en Nouvelle Calédonie. Galvin se met au
chant pour " Number One ". L'orgue connaît quelques
problèmes techniques. Milteau le regrette mais retourne
l'incident en sa faveur en le prenant comme il vient, avec philosophie
… Un clin d'œil à Junior Parker précède
l'entrée en lice de Bobby Rangell au saxo pour " Follow
me on the road ". Milteau disserte de tout, prend position
au gré de ses inspirations et nous présente sa conception
du jazz celte au travers d'un morceau enjoué et rehaussé
de virevoltantes parties de flûte. Voyage encore pour un
morceau dédié à Nelson Mandela, sur fond
d'influences zoulou rapportées de tournées en Afrique
du Sud. Cette fois, c'est la flûte qui s'emballe et c'est
encore Manu Galvin qui rattrape le coup en improvisant un long
break pendant qu'on s'affaire à réparer le micro
défectueux … Quelques soli plus tard, le tandem Milteau
/ Galvin reste seul en scène pour remercier la foule de
son " Merci, Merci, Merci ". Encore quelques notes avant
que Hurricane Carla et Lil' Mama Hardy ne viennent prendre part
à la fête. On cherche Lisa Otey … En vain !
La pianiste au visage d'ange est déjà sur la route
! Milteau lui dédie en toute sincérité un
poignant " Caledonia " et s'essaie à faire bouger
la salle. Le moment est intense, la frêle Heather Hardy
rivalise avec la montagne Galvin, Hurricane Carla accompagne Bobby
Rangell … Sortie de scène sous les applaudissements
de la foule. Tout le monde revient très vite et après
que Milteau ait esquissé l'intro de " What a wonderfull
world " et les sept musiciens attaquent " Gloria ".
La salle reste stoïque malgré le feeling du groupe.
Rick L. Blues entre dans la jam et accompagne le morceau à
l'harmonica … Milteau propulse Jean Guillermo sur les planches,
le salue affectueusement et quitte la scène, lui laissant
le soin de parachever la soirée. Le public se lève
enfin ! Torturé par une émotion sincère,
le Président du Festival remercie les spectateurs mais
aussi les bénévoles qu'il invite à le rejoindre
sur scène … Les amis sont tous venus devant, pour
saluer mais aussi pour remercier une équipe qui aura réussi
à organiser 120 manifestations sur 18 jours. Les gorges
se nouent, la salle se vide … Dernière attention d'une
équipe dévouée : huit bénévoles
se postent à la sortie de la salle et saluent les spectateurs
des quelques " Merci et à l'année prochaine
… ". Blues-sur-Seine ferme ses portes … La communauté
blues, émue plus que jamais, se donne rendez-vous très
bientôt. Cette quatrième édition restera dans
les anales à de nombreux titres tant l'organisation a été
irréprochable …
_Il me semble inconcevable
de terminer ce trop long compte rendu sans remercier l'organisation,
Jean Guillermo, Bruno Guillet, Valérie Bouba, Aude Grandveau
et tous les bénévoles pour l'accueil chaleureux
qu'ils m'ont réservé. Merci aussi aux artistes qui
ont toujours fait preuve d'une extrême gentillesse lors
de mes visites : Rémi Parisse, Nico Wayne Toussaint, Rax
Lacour, Greg Szlapczynski, James Armstrong, Will Crosby, Russel
Jackson, Bernard Sellam, Lisa Otey, Carla Brownlee, Heather Hardy,
Andreas Arlt, Jean-Jacques Milteau, Manu Galvin … Et tous
les autres bien entendu !
Fred , t'es r'péré
garcon !!! (le géant au bout à gauche)
Fred
DELFORGE - Novembre 2002 |